TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
2ème Chambre
ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
Rendue le 30 Juillet 2024
N° RG 21/01495 - N° Portalis DB3R-W-B7F-WNI4
N° Minute :
AFFAIRE
[M] [H]
C/
[A] [X], S.E.L.A.F.A. MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIÉS “MJA”, prise en sa qualité de Mandataire liquidateur de la SCCV LA BELLE IMAGE,, [O] [S], Société LA BELLE IMAGE
, S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [J] [L] es qualité de liquidateur judiciaire de la société BELLE IMAGE, [U] [T] épouse [F], S.A.S. ARCHICREA DP , S.E.L.A.R.L. [K] [D] ET LAURENCE HERVOUET, NOTAIRES ASSOCIES, [B] [I], S.C.P. [Y] HERON [Y] ET FORTIN IRE FORTIN NOTAIRES ASSOCIES, [E] [Y]
Copies délivrées le :
A l’audience du 25 Juin 2024,
Nous, Laure CHASSAGNE, Juge de la mise en état assistée de Fabienne MOTTAIS, Greffier ;
DEMANDEUR
Monsieur [M] [H]
[Adresse 20]
[Localité 12]
représenté par Maître Alexandre CHEVALLIER de la SELEURL EQUITEO AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E1473
DEFENDEURS
Société CBL INSURANCE EUROPE DESIGNATED COMPANY, [Adresse 5]
[Localité 24] IRLANDE
prise en la personne de M. [O] [S] et de
Monsieur [A] [X] de la société KPMG Irlande, ès-qualités de co-liquidateurs de la société CBL INSURANCE EUROPE DAC
[Adresse 1]
[Localité 24] - IRLAND
représentée par Maître Pierre FATON, avocat postulant au barreau de Paris et Maître Clément RAIMBAULT, avocat plaidant au barreau de Bordeaux
Monsieur [O] [S]
[Adresse 5]
[Localité 24] IRLANDE
représenté par Maître Arnaud LELLINGER de l’AARPI LLF AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire :
SCCV LA BELLE IMAGE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 11]
[Localité 13]
représentée par Maître Mélanie BRAUGE-BOYER de la SELEURL SELARL LEBOUCHER BRAUGE-BOYER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C351
S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [J] [L] es qualité de liquidateur judiciaire de la société BELLE IMAGE
[Adresse 2]
[Localité 14]
représentée par Me Eric ASSOULINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :
Madame [U] [T] épouse [F]
[Adresse 25]
[Adresse 25]
[Localité 17]
représentée par Maître Mélanie BRAUGE-BOYER de la SELEURL SELARL LEBOUCHER BRAUGE-BOYER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C351
S.A.S. ARCHICREA DP
[Adresse 19]
[Localité 15]
représentée par Maître Guillaume CADIX de l’AARPI GALLICA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B0667
S.E.L.A.R.L. [K] [D] ET LAURENCE HERVOUET, NOTAIRES ASSOC IES
[Adresse 10]
[Localité 21]
représentée par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
Maître [B] [I]
domicilié : chez
[Adresse 7]
[Localité 22]
représenté par Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
S.C.P. [Y] [E] - HERON Guillaume - [Y] [G] ET FORTIN GREGOIRE - NOTAIRES ASSOCIES
[Adresse 3]
[Localité 6]
Maître [E] [Y]
[Adresse 10]
[Localité 21]
représentés par Maître Richard LABALLETTE de la SCP GLP ASSOCIES, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 744 et Maître Christophe VALERY membre du cabinet VALERY-BOURREL, avocat plaidant au barreau de Caen
ORDONNANCE
Par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.
Avons rendu la décision suivante :
EXPOSE DU LITIGE
M. [H] était propriétaire de la parcelle R [Cadastre 4] sise à [Localité 23], [Adresse 16], d'une surface de 801 m² sur laquelle était édifiée une maison d'habitation. M. [C] [N] était propriétaire de la parcelle R [Cadastre 8] jouxtant la R [Cadastre 4], situé [Adresse 18] d'une surface de 284 m².
La société La belle image a souhaité réaliser sur le terrain cadastré R [Cadastre 4] appartenant à M. [H] un immeuble de 12 logements collectifs, en R + 5, avec 17 places de parking.
M. [H] a négocié avec la société La belle image la vente de son terrain avec sa maison à condition que celle-ci s'engage à lui construire une maison individuelle sur la parcelle R [Cadastre 4] et la parcelle R [Cadastre 8] appartenant à M. [N].
Une demande de permis de construire a été déposée à la mairie de [Localité 23] et un permis a été délivré le 29 mars 2016 autorisant la société La belle image à construire :
- 12 logements collectifs et 17 parkings situés principalement sur la parcelle R [Cadastre 4],
- un logement individuel principalement situé sur la parcelle R [Cadastre 8] destiné à être livré à M. [H].
Par acte du 3 mai 2017 reçu par Maître [I], avec la participation de Maître [Y] assistant l'acquéreur la société La belle image, M. [H] a vendu à la société La belle image son terrain avec une maison cadastrée R [Cadastre 4] au prix de 975 000 euros.
Le prix a été payé de la manière suivante :
- 361 200 euros dans un délai de sept jours suivant la vente,
- 613 800 euros correspondant au solde qui devait être payé à l'acquéreur au plus tard le jour de la remise par l'acquéreur des locaux qu'il s'est engagé à construire, et à remettre à M. [H] sous forme de dation en paiement, à savoir la maison individuelle prévue par le permis de construire.
Le même jour, le 3 mai 2017, la société La belle image a acquis auprès de M. [N] la parcelle cadastrée R [Cadastre 9] au prix de 165 000 euros.
Par acte du 3 mai 2017 de Maître [Y], la société La belle image a établi un état descriptif de division portant sur les parcelles R [Cadastre 4] et R [Cadastre 8] aux termes duquel il a été créé deux volumes:
- un volume 1 correspondant au futur immeuble collectif à diviser en lots,
- un volume 2 correspondant à la future habitation individuelle et au garage destinés à être vendus à M. [H]
La société La belle image a ensuite procédé à la division en lots par un autre état descriptif de division du volume 1 accueillant l'immeuble collectif.
Par acte du 3 mai 2017, reçu par Maître [Y] avec la participation de Maître [D], notaire assistant M. [H], la société La belle image a vendu en l'état futur d'achèvement le lot volumétrique numéro 2 comportant le volume 2-1 et le volume 2-b, sur lesquels devaient être construits une maison d'habitation et un garage avec local appentis en ossature bois. Le prix de cette vente s'élevait à 613 800 euros correspondant au solde dû par la société La belle image sur le prix de vente du terrain payable par compensation avec le prix de vente du terrain.
En garantie de la réalisation des travaux, la société La belle image a souscrit auprès de la société CBL insurance French Branch, une garantie d'achèvement sous forme de caution bancaire, conformément à l'article R 261-21 b du code de la construction.
La société La belle image a interrompu le chantier indiquant avoir découvert à l'occasion des travaux l'existence sous le terrain vendu, d'une galerie de front constituant un facteur de risque aggravant et nécessitant des travaux de consolidation de la carrière souterraine avant la construction de la maison, évaluant ces derniers au montant de 187 560 euros.
Par actes du 22 janvier 2021, M [H] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Nanterre la SCCV La belle image, Mme [T] épouse [F], gérante de la SCCV La belle image, la SELARL [K] [D] et Laurence Hervouet, notaires associés, Mme [B] [I], notaire de la Selarl [K] [D] et Laurence Hervouet, la SCP [E] [Y], Guillaume Heron, [G] [Y] et Grégoire Fortin, notaires associés, Maître [E] [Y], aux fins principalement de voir prononcer la nullité de la vente en l'état futur d'achèvement du 3 mai 2017 pour dol.
Par acte du 18 mai 2022, la SCP [E] [Y], Guillaume Heron, [G] [Y] et Grégoire Fortin (ci-après la SCP [Y]), notaires associés et Maître [E] [Y] ont fait assigner en intervention forcée la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company (ci-après la société CBL Insurance Europe DAC) aux fins de voir activer sa garantie à l'égard de la société La belle image.
Messieurs [O] [S] et [A] [X], mandataires judiciaires sont intervenus volontairement à la procédure.
Par ordonnance du 13 décembre 2022, le juge de la mise en état a annulé l’assignation délivrée le 18 mai 2022 à l’encontre de la société CBL Insurance Europe DAC.
Par acte du 15 février 2023, la SCP [Y] et Me [Y] ont de nouveau fait assigner en intervention forcée la société CBL Insurance Europe DAC représentée par Monsieur [S] et Monsieur [X] ses mandataires devant le tribunal judiciaire de Nanterre.
Cette procédure n° 23/01956 a été jointe avec le dossier principal sous le numéro RG 21/01495.
Dans leurs dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 24 juin 2024, la société CBL Insurance Europe DAC, prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de co-liquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC, demandent au juge de la mise en état au visa des articles 4, 5, 31, 32, 32-1, 145, 117, 119 et 122, et 145, 488, 789 et 794 du code de procédure civile, des articles L622-17, L622-21, L622-24, L622-26, et L641-19 du code de commerce, des articles 1240 et suivants, et 1355 du code civil, de :
Ordonner la disjonction avec la procédure principale, de l’appel en cause irrégulier diligenté par Me [Y] et la SCP [Y], pour la deuxième fois, à son encontre, Déclarer irrecevable l’action dirigée à son encontre, celle-ci se heurtant à une exception de chose jugée ; Déclarer au surplus irrecevable l’action dirigée à son encontre pour forclusion en l’absence de déclaration de créances recevable, et défaut d’intérêt à agir ; Déclarer au surplus irrecevable l’ensemble des demandes pécuniaires dirigées à son encontre, et par conséquent, déclarer irrecevable, faute de prétention, l’action dirigée à son encontre prise en la personne de ses mandataires liquidateurs ; Rejeter en conséquence l’ensemble des prétentions formulées par Me [Y] et la SCP [Y] ; Déclarer également irrecevables les demandes de M. [H] dirigées à son encontre prise en la personne de ses mandataires liquidateurs pour défaut d’intérêt à agir ; Condamner in solidum Me [Y] et la SCP [Y] à lui payer, prise en la personne de ses mandataires liquidateurs, la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Condamner in solidum Me [Y] et la SCP [Y], M. [H] à lui payer, prise en la personne de ses mandataires liquidateurs, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépensDans leurs dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, la SCP [Y] [E]-Héron Guillaume – [Y] [G] et Fortin Grégoire et Me [E] [Y], demandent au juge de la mise en état, de :
Rejeter la demande de disjonction. Déclarer recevables leurs demandes à l’encontre de la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, et ses deux mandataires liquidateurs, M. [O] [S] et M. [A] [X]. Rejeter les fins de non-recevoir invoquées par la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, et ses deux mandataires liquidateurs, M. [O] [S] et M. [A] [X]. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il serait jugé que les demandes de condamnation à paiement sont irrecevables, Dire que la demande de fixation au passif de la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, et ses deux mandataires liquidateurs, M. [O] [S] et M. [A] [X] de leur créance, correspondant aux condamnations qui pourraient être prononcées contre eux au profit de M. [H], est parfaitement recevable, Débouter la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, et ses deux mandataires liquidateurs, Monsieur [O] [S] et Monsieur [A] [X] de l’intégralité de ses demandes Condamner la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, et ses deux mandataires liquidateurs, M. [O] [S] et M. [A] [X], à leur payer une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 18 avril 2024, M. [H] demande au juge de la mise en état de :
Débouter la société CBL Insurance Europe DAC, prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de coliquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC, [Adresse 1], [Localité 24], Irland, suivant jugement de la Haute Cour d’Irlande du 12 juin 2020, de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions ; Fixer et admettre sa créance de 3 000 euros au passif de la liquidation prononcée contre la société CBL Insurance Europe designated Activity company compte tenu du jugement de liquidation judiciaire de la Haute Cour d’Irlande du 12 juin 2020, à titre privilégié avec le bénéfice du privilège des créances d'assurance prévu à l'article 275 de la Directive 2009/13 8/CE du 25 novembre 2009, et ce au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la créance relative aux dépens ; Rappeler l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant opposition ou appel et sans caution.L’audience d’incident s’est tenue le 25 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la disjonction
Selon les dispositions de l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la société la Belle image a souscrit le 31 mars 2017, une garantie financière d’achèvement auprès de la société CBL Insurance Europe DAC et que le 26 décembre 2019, M. [H] a demandé à faire jouer la garantie souscrite auprès de cette assurance.
Dès lors, l’instance introduite par M. [H] à l’encontre de la société la Belle image et celle introduite par la SCP [Y] et Mme [Y], notaire de la société la Belle image ont un lien tel qu’il est dans l’intérêt de la justice de les faire juger ensemble.
La demande de disjonction de la société CBL Insurance Europe DAC sera rejetée.
Sur l’irrecevabilité de l’action du fait de l’autorité de la chose jugée
Moyens des parties
La société CBL Insurance Europe DAC expose que suivant ordonnance du 13 décembre 2022, la procédure à son encontre a été annulée en raison de la nullité de l’assignation, que cette décision n’a pas fait l’objet de recours et est devenue définitive, qu’elle a autorité de la chose jugée sur l’exception de procédure définitivement tranchée. Elle estime que la présente procédure, initiée par acte d’huissier du 8 février 2023, qui présente les mêmes prétentions que précédemment se heurte à une exception de fin de non-recevoir du fait de l’autorité de la première décision ayant annulée l’assignation. Elle ajoute que le juge de la mise en état a dans son ordonnance du 13 décembre 2022, statué sur la recevabilité de la demande de garantie formée par la SCP [Y] et Me [Y] en retenant une fin de non-recevoir de sorte que l’ordonnance a également autorité de la chose jugée à ce titre.
La SCP [Y] et Me [Y] exposent que la décision du juge de la mise en état qui a prononcé la nullité de la première assignation s’est prononcée sur la validité d’un acte de procédure et n’a pas tranché la question du bien fondé et de la recevabilité de leurs prétentions.
Appréciation du juge de la mise en état
Selon les dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (Civ. 2e, 6 mai 2010).
L'article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
L’article 794 du code de procédure civile dispose que les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6º de l'article 789.
L'article 73 du même code dispose que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
En l’espèce, dans la mesure où suite à l’annulation de l’assignation pour vice de procédure, la SCP [Y] et Me [Y] ont fait assigner régulièrement la société CBL Insurance Europe DAC, en liquidation judiciaire, représentée par ses mandataires liquidateurs devant le tribunal de céans, il n’y a pas, au regard de la modification de la personne attraite à la procédure, autorité de la chose jugée.
La société CBLInsurance Europe DAC sera donc déboutée de sa demande.
Sur le défaut d’intérêt à agir
Moyens des parties
La société CBL Insurance Europe DAC expose que :
Les règles du droit français sont applicables à la présente procédure,En l’absence de déclaration de créances des parties à l’instance, les demandes de la SCP [Y] et de Me [Y] à son encontre doivent être déclarées irrecevables, que la déclaration de créances du 16 janvier 2023, non motivée, et donc irrégulière, l’a été hors délai, même à prendre en considération la publication au Bodacc français du 2 juillet 2022, les parties étant forcloses depuis le 2 septembre 2022,Il en est de même de la déclaration de créance que M. [H] a indiqué avoir effectuée par lettre recommandée de son conseil le 14 avril 2023,La SCP [Y] et Me [Y] ne peuvent se prévaloir des dispositions de l’article L. 326-4 du code des assurances, par ailleurs ces derniers ne justifient d’aucune indemnité payée à M. [H] et ne peuvent par conséquent, se prévaloir du mécanisme de la subrogation pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’article L. 326-4 du code des assurances.La déclaration de créance de la SCP [Y] et Me [Y], imprécise et n’ayant donné lieu à aucun chiffrage, n’est pas conforme aux dispositions de l’article L. 622-24 du code de commerce,Le jugement de liquidation judiciaire du 20 mars 2020 a été publié au journal officiel de l’Union européenne dès le 2 avril 2020, la modification du K bis est intervenue le 21 juin 2021 et selon publication au Bodacc du 2 juillet 2022, il a été fait mention de la nomination des coliquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC,La SCP [Y] et Me [Y] qui contestent l’application du droit français ne démontrent pas pour autant que leur déclaration de créances serait conforme au droit irlandais,Leur éventuelle créance est née antérieurement au jugement d’ouverture puisque le litige trouve son origine dans la vente en l’état futur d’achèvement intervenue entre M. [H] et la société la Belle image selon acte notarié du 3 mai 2017,M. [H] ne démontre pas avoir la qualité d’assuré de la société CBL Insurance Europe DAC au sens de l’article L. 326-4 du code des assurances, la garantie financière d’achèvement ayant été souscrite par la société la Belle image en qualité de vendeur,M. [H] ne justifie d’aucun intérêt à agir à son encontre faute d’établir sa qualité de créancier : la garantie financière d’achèvement sur laquelle M. [H] se fonde pour justifier de sa qualité de créancer et de son droit à bénéficier d’une prétendue dispense de déclaration de créance n’a pas vocation à s’appliquer, les faits allégués par M. [H] et les griefs qu’il formule à l’encontre de la SCCV la Belle image relevant des exclusions de garantie.La SCP [Y] et Me [Y] font valoir que :
Une déclaration de créance a été adressée aux deux mandataires le 16 janvier 2023 et elle est motivée, La société CBL Insurance DAC est une société d’assurances de sorte qu’ils sont fondés à se prévaloir des dispositions de l’article L. 326-4 du code des assurances, en effet dans l’hypothèse où ils seraient amenés à indemniser M. [H], ils seraient alors subrogés dans les droits de celui-ci en application de l’article 1346 du code civil puisqu’ils auraient payé à M. [H] une somme libérant la société d’assurance à son égard puisque in fine, c’était à la société d’assurances de garantir la réalisation des travaux, même dans l’hypothèse où le notaire aurait commis une faute,A la date du 19 avril 2022, les mandataires n’avaient toujours pas indiqué au RCS de Paris leur désignation ce qui rendait impossible toute déclaration de créance,Les règles françaises sur la faillite sont inapplicables, le droit irlandais est applicable à la procédure de faillite qui prévoit que les liquidateurs peuvent fixer un délai limite pour déclarer la créance, que ce délai n’a pas encore été fixé à ce jour de sorte qu’aucune forclusion ne peut leur être opposée,A titre subsidiaire, le délai de forclusion de l’article L. 622-24 du code de commerce s’applique aux créances nées antérieurement et non postérieurementM. [H] expose que :
- En sa qualité d’acquéreur en l’état futur d’achèvement, il est assuré et bénéficiaire du contrat d’assurance au titre de la Garantie Financière d’Achèvement (ci-après dénommée la « GFA »), laquelle a été souscrite auprès de la société CBL de sorte que les dispositions de l’article L. 326-4 du code des assurances lui sont applicables,
- ainsi, aucune déclaration de créances n’était nécessaire pour faire valoir ses droits auprès du passif de la liquidation judiciaire de la société CBL Insurance Europe DAC,
- À titre purement conservatoire et bien que cela soit ici superfétatoire, il a procédé à une déclaration de créances auprès des liquidateurs judiciaires qui a été réceptionnée le 11 avril 2023,
- Si par impossible il devait être considéré qu’une déclaration de créances était nécessaire, alors il sera dans le même temps constaté que ladite déclaration ne pouvait être enfermée dans le délai de forclusions de 2 mois tiré des dispositions de droit français des articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce,
- Le droit applicable à la société de droit irlandais CBL insurance Europe DAC, en terme de forme et de délais d’une déclaration de créance est précisément le droit irlandais et non le droit français et en matière de droit irlandais, il découle de l’article 674 du « Companies Act 2014 » ainsi applicable à l’espèce, que c’est au liquidateur de fixer les délais dans lesquels les créanciers doivent prouver leurs dettes ou créances, lesquels délais doivent être de surcroît notifiés par écrit aux créanciers,
- Étant donné qu’aucune date limite n’a encore été fixée pour l’envoi des déclarations de sinistre/créance par les coliquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC, sa déclaration de créance est parfaitement recevable.
Appréciation du tribunal
Selon les dispositions de l’article L. 326-20 du code des assurances, sous réserve des dispositions des articles L. 326-21 à L. 326-29, les mesures d'assainissement définies à l'article L. 323-8 et les décisions concernant l'ouverture d'une procédure de liquidation prises par les autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France à l'égard d'une entreprise d'assurance ayant son siège sur le territoire de cet Etat produisent tous leurs effets sur le territoire de la République française sans aucune autre formalité, y compris à l'égard des tiers, dès qu'elles produisent leurs effets dans cet Etat. Ces dispositions s'appliquent également lorsque les mesures d'assainissement ou les décisions ouvrant une procédure de liquidation sont prises à l'égard d'une succursale d'une entreprise d'assurance dont le siège est situé en dehors de l'Union européenne.
Suivant les dispositions de l’article L. 326-28 du même code, les effets de la mesure d'assainissement ou de l'ouverture de la procédure de liquidation sur une instance en cours en France concernant un bien ou un droit dont l'entreprise d'assurance est dessaisie sont régis exclusivement par les dispositions du code de procédure civile.
Il résulte de l’article L. 622-21, I, du code de commerce que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieure (not. 3e Civ., 12 janvier 2005, n° 03-18.256 ; Com., 6 décembre 2005, n° 04-10.287).
Aux termes de l’article 125, alinéa 1er, du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
La règle de l'arrêt des poursuites individuelles, consécutive à l'ouverture d'une procédure collective, constitue une fin de non-recevoir dont le caractère d'ordre public impose au juge de la relever d'office (not. Com., 8 mars 2023, n° 21-20.738).
Par son arrêt du 13 janvier 2022 (C-724/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 292 de la directive Solvabilité II doit être interprété en ce sens que « la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel l'instance est en cours, au sens de cet article, a pour objet de régir tous les effets de la procédure de liquidation sur cette instance » et en particulier, qu'« il convient d'appliquer les dispositions du droit de cet Etat membre qui, premièrement, prévoient que l'ouverture d'une telle procédure entraîne l'interruption de l'instance en cours, deuxièmement, soumettent la reprise de l'instance à la déclaration au passif de l'entreprise d'assurance, par le créancier, de sa créance d'indemnité d'assurance et à l'appel en cause des organes chargés de mettre en oeuvre la procédure de liquidation et, troisièmement, interdisent toute condamnation au paiement de l'indemnité, celle-ci ne pouvant plus faire l'objet que d'une constatation de son existence et d'une fixation de son montant, dès lors que, en principe, de telles dispositions n'empiètent pas sur la compétence réservée au droit de l'Etat membre d'origine, en application de l'article 274, paragraphe 2, de ladite directive. »
En l’espèce, il ressort de la procédure que la société CBL Insurance Europe DAC a été placée sous le régime de la liquidation judiciaire au vu d’un jugement rendu le 12 mars 2020 par la Haute Cour d’Irlande, publié au journal officiel de l’Union européenne le 2 avril 2020, juridiction qui a désigné deux liquidateurs pour cette société en les personnes de messieurs [O] [S] et [A] [X].
La SCP [Y] et Me [Y] ont fait assigner en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Nanterre la société CBL Insurance Europe DAC le 18 mai 2022, soit postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.
En conséquence, les demandes de condamnation en paiement de diverses sommes formulées par la SCP [Y] et Me [Y] et M. [H] à l’encontre de cette société constituent une fin de non-recevoir au regard du défaut de qualité à défendre de cette dernière.
Il s’ensuit que les demandes formées contre la société CBL Insurance Europe DAC, en ce qu’elles tendent au paiement d’une somme d’argent, se heurtent à l’interdiction des poursuites édictée à l’article L. 622-21 du code de commerce.
En conséquence, il y a lieu de les déclarer irrecevables.
Il n’y a pas lieu de statuer sur les autres demandes.
Sur la demande la SCP [Y] et de Me [Y] de voir déclarer recevable la fixation de leur créance au passif de la société CBL Insurance Europe
Aux termes de l'article 4 § 2 h du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi de l'Etat d'ouverture détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité et notamment les règles concernant la production, la vérification et l'admission des créances (Com. 22 juin 2010, no 09-65.481).
Le droit applicable à la faillite de la société CBL Insurance DAC est le droit irlandais et selon les éléments de droit applicables tels que versés aux débats par les défendeurs à l’incident, l’article 674 du Companies Act 2014 prévoit que c’est au liquidateur de fixer les délais dans lesquels les créanciers doivent prouver leurs dettes ou créances, lesquels délais doivent être de surcroît notifiés par écrit aux créanciers.
En l’espèce, il n’appartient pas au juge de la mise en état de statuer sur la régularité de la déclaration de créance de la SCP [Y] et de Me [Y] mais aux organes de la procédure collective qui ont été désignés selon le droit irlandais.
Au demeurant, aucun élément versé aux débats ne permet d’apprécier si la déclaration de créance de la SCP [Y] et de Me [Y] est régulière et a été formée dans les délais.
La SCP [Y] et Me [Y] seront déboutés de leur demande.
Sur la demande indemnitaire au titre de la procédure abusive
Il résulte de l’article 1240 du code civil que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à des dommages-intérêts.
En l’espèce, si la société CBL Insurance Europe DAC sollicite une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la procédure abusive de la SCP [Y] et de Me [Y], elle ne produit aucune pièce probante de nature à établir la réalité du préjudice dont elle se prévaut.
Partant, la demande indemnitaire doit être rejetée.
Sur les autres demandes
La SCP [E] [Y], Guillaume Heron, [G] [Y] et Grégoire Fortin dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, succombant, seront condamnés à payer la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de co-liquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC le montant de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
La demande formulée par la société CBL Insurance Europe DAC à l’encontre de M. [H] et la demande de M. [H], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de disjonction ;
Déclare irrecevables toutes les demandes formulées à l’encontre de la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de co-liquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC ;
Rejette la demande indemnitaire formée par la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company,prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de co-liquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC ;
Rejette la demande de la SCP [E] [Y], Guillaume Heron, [G] [Y] et Grégoire Fortin de voir déclarer recevable la fixation de leur créance au passif de la société CBL Insurance Europe ;
Condamne la SCP [E] [Y], Guillaume Heron, [G] [Y] et Grégoire Fortin à payer à la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company, prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de co-liquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC, le montant de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la société CBL Insurance Europe Designated Activity Company,prise en la personne de M. [O] [S] et de M. [A] [X], de la société KPMG Irlande, es-qualité de co-liquidateurs de la société CBL Insurance Europe DAC à l’encontre de M. [M] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [M] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
Condamne La SCP [E] [Y], Guillaume Heron, [G] [Y] et Grégoire Fortinaux aux dépens ;
Renvoi à l’audience de mise en état du 28 janvier 2025 avec :
Conclusions de tous les défendeurs avant le 15 novembre 2024 ;Conclusions en demande avant le 15 janvier 2025
signée par Laure CHASSAGNE, Juge, chargée de la mise en état, et par Fabienne MOTTAIS, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER
Fabienne MOTTAIS
LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
Laure CHASSAGNE