TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de LILLE
NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA
Audience publique
DATE D’AUDIENCE : 03 Septembre 2024
DOSSIER : N° RG 24/01906 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YWR3 - M. LE PREFET DU NORD / M. [O] [R]
MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE
GREFFIER : Salomé WAINSTEIN
PARTIES :
M. [O] [R]
Assisté de Maître Marie CUILLIEZ, avocat commis d’office
En présence de Mme [B] [M], interprète en langue arabe
M. LE PREFET DU NORD
Représenté par M. [P] [N]
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DEROULEMENT DES DEBATS
L’intéressé a décliné son identité
PREMIÈRE PARTIE : SUR LA DEMANDE D’ANNULATION DE LA DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION
L’avocat soulève les moyens suivants : - Violation de la possibilité de former des observations préalables en l’absence d’interprète
- Défaut d’interprète lors de la notification de la décision de placement au CRA et de celle de la notification des droits
Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;
DEUXIÈME PARTIE : SUR LA REQUÊTE DE LA PRÉFECTURE A FIN DE PROLONGATION DE LA RÉTENTION
Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;
L’avocat soulève les moyens suivants : - Violation de la possibilité de former des observations préalables à son placement au CRA
- Absence d’interprète lors de la notification de ses droits en rétention
- Violation du droit à communiquer sur le fondement de la charte des droits fondamentaux de l’union européenne du 7 décembre 2000.
Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;
L’intéressé entendu en dernier déclare : “ Je savais pas où acheter la carte SIM parce que je ne sais pas communiquer”.
DECISION
Sur la demande d’annulation de la décision de placement en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE o REJET o ANNULATION
Sur la demande de prolongation de la rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o MAINTIEN o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE
Le greffier Le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de LILLE
Salomé WAINSTEIN Aurore JEAN BAPTISTE
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de LILLE
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Dossier n° N° RG 24/01906 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YWR3
ORDONNANCE STATUANT SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION
ET SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA
Nous, Aurore JEAN BAPTISTE,, magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Salomé WAINSTEIN, greffier ;
Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
- L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
- L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
- L. 743-14, L.743-15, L.743-17
- L. 743-19, L. 743-25
- R. 741-3
- R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21
Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 31/08/2024 par M. LE PREFET DU NORD ;
Vu la requête de M. [O] [R] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 03/09/2024 réceptionnée par le greffe du magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de LILLE, le 03/09/2024 à 09h27 (cf. Timbre du greffe) ;
Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 02/09/2024 reçue et enregistrée le 02/09/2024 à 11h22 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [O] [R] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;
Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;
PARTIES
AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION
M. LE PREFET DU NORD
préalablement avisé, représenté par Monsieur [P] [N] , représentant de l’administration
PERSONNE RETENUE
M. [O] [R]
né le 09 Septembre 1998 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
Assisté de Maître Marie CUILLIEZ, avocat commis d’office
En présence de Mme [B] [M], interprète en langue arabe
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.
DÉROULEMENT DES DÉBATS
A l’audience publique, Le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de LILLE a procédé au rappel de l’identité des parties ;
Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;
L’intéressé a été entendu en ses explications ;
Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;
L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;
Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;
L’étranger ayant eu la parole en dernier ;
EXPOSE DU LITIGE
Par décision en date du 31 août 2024 notifiée le même jour à 09 heures 00, l’autorité administrative a ordonné le placement de [O] [R] né le 09 septembre 1998 à [Localité 3] (Algérie) de nationalité algérienne en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
I - La contestation de la décision de placement en rétention (art L741-10 du ceseda)
Par requête en date du 3 septembre 2024, reçue le même jour à 09h27, le conseil d’ [O] [R] a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de contester la régularité de la décision de placement en rétention administrative. A l’audience le conseil de [O] [R] soutient les moyens suivants :
- vice de procédure quant à l’impossiblité de formuler des observations préalables conformément à l’article L122-1 du code des relations entre le public et l’administration en ce que [O] [R] se serait vu offert la possiblité de formuler ses observations sans interprète le 31 août 2024 à 8h40 soit 20 minutes avant que l’arrêté de placement au CRA ne lui soit notifié. Cela ne pourrait être considéré comme une possibilité de présenter contradictoirement des observations. S’il avait pu formuler ses observations, il aurait pu faire valoir un hébergement chez sa tante et son passeport pour bénéficier d’une assignation à résidence.
- illégalité interne quant à la violation des artiles L141-3 et L744-4 du CESEDA en ce que [O] [R] a déclaré dans son audition du 4 février 2023 avoir besoin d’un interprète et avoir été assisté lors de la notification de l’OQTF du 5 février 2023 ; que pourtant dans le cadre de l’arrêté de placement en rétention du 31 août 2024, [O] [R] n’a pas été assisté par un interprète. Il est à noter qu’[O] [R] ne semble pas parler et comprendre le français et est assisté à l’audience par un interprète.
Le représentant de l’administration demande le rejet du recours. [O] [R] ne dispose qu’une copie de passeport. Il ne peut donc être placé sous assignation à résidence. L’attestation d‘hébergement n’est pas datée. En 2023, il a été effectivé assisté d’un interprète. Lors de la sortie de détention, la fiche pénale indiquait que la langue utilisée est le français ce qui a permis d’en déduire que [O] [R] parlait et comprenait le français. Il n’a pas fait aucune demande d’interprétariat.
II - La requête en prolongation de la rétention (art L742-1 du ceseda)
Par requête en date du 2 septembre 2024, reçue au greffe le même jour à 11 heures 22, l’autorité administrative a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.
Le conseil de [O] [R] sollicite le rejet de la prolongation de la rétention sur les moyens suivants :
- vice de procédure quant à l’impossiblité de formuler des observations préalables conformément à l’article L122-1 du code des relations entre le public et l’administration en ce que [O] [R] se serait vu offert la possiblité de formuler ses observations sans interprète le 31 août 2024 à 8h40 soit 20 minutes avant que l’arrêté de placement au CRA ne lui soit notifié. Cela ne pourrait être considéré comme une possibilité de présenter contradictoirement des observations. S’il avait pu formuler ses observations, il aurait pu faire valoir un hébergement chez sa tante et son passeport pour bénéficier d’une assignation à résidence.
- illégalité interne quant à la violation des artiles L141-3 et L744-4 du CESEDA en ce que [O] [R] a déclaré dans son audition du 4 février 2023 avoir besoin d’un interprète et avoir été assisté lors de la notification de l’OQTF du 5 février 2023 ; que pourtant dans le cadre de l’arrêté de placement en rétention du 31 août 2024, [O] [R] n’a pas été assisté par un interprète. Il est à noter qu’[O] [R] ne semble pas parler et comprendre le français et est assisté à l’audience par un interprète.
- sur la violation du droit de communiquer sur le fondement de la Charte des droits fondamentaux de l’UE du 7 décembre 2000 : il n’y a pas de PV de fouille sur des moyens financiers que pouvai avoir Monsieur. Il n’a pas pu acheter une carte sim et donc communiquer avec l’extérieur.
Le représentant de l’administration demande la prolongation de la mesure. Les étrangers placés en rétention peuvent recevoir des visites et donc recevoir de l’argent. [O] [R] était porteur d’une somme de 52 euros environ. L’OFII est là pour aider dans les démarches.
[O] [R] dit qu’il ne savait où acheter la carte sim parce qu’il ne sait pas communiquer.
***
Il convient de statuer en une seule et même décision sur ces deux demandes dont la jonction sera ordonnée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur la décision de placement en rétention
Sur l’assistance à interprète dans la procédure :
L’article L141-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : “Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger”.
Le conseil de [O] [R] fait valoir que lors de l’audition en rétention de l’intéressé en février 2023 et lors de la notification de l’obligation de quitter le territoire national réalisée également en février 2023, [O] [R] ne parlait pas et ne comprenait pas le français. Il avait, en conséquent été assisté, aussi bien lors de l’audition en rétention que de la notification de l’obligation de quitter le territoire, d’un inteprète en langue arabe.
En l’espèce, [O] [R] a été placé en rétention à sa libération de détention. Il ressort que [O] [R] a refusé de signer son arrêté de placement en rétention et la notification des droits s’y afférents. Il est aussi indiqué sur les documents précités la mention suivante : “Lecture et traduction faite”, laissant supposer de la difficulté de compréhension du français de l’étranger. Si il est indiqué sur la fiche pénale d’[O] [R] que la langue principale parlée serait le français, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à l’administration de s’assurer des capacités de compréhension et de lecture du français par [O] [R], l’assistance d’un interprète en février 2023 et le refus de signer en août 2024 pouvant en être des indices. De même, il est ànoter qu’[O] [R] est assisté d’un interprète en langue arabe à l’audience.
Par conséquent, il ressort que les dispositions de l’article L141-3 du CESEDA n’ont pas été respectées, de même que les droits d’[O] [R]. La notification de l’arrêté de placement en rétention du 4 août 2024 est irrégulière et doit de facto entrainer la mainlevée dela mesure dont [O] [R] fait l’objet.
II - Sur la prolongation de la mesure de rétention
Etant donné qu’il a été fait droit au recours exercé par le conseil d’[O] [R], il n’y a pas lieu de statuer sur la requête en prolongation présentée par l’administration.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,
ORDONNONS la jonction du dossier 24/1908 au dossier n° N° RG 24/01906 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YWR3 ;
DÉCLARONS recevable la demande d’annulation du placement en rétention ;
DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;
DÉCLARONS irrégulier le placement en rétention de M. [O] [R] ;
DISONS N’Y AVOIR LIEU A LA PROLONGATION du maintien en rétention de M. [O] [R] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;
RAPPELONS qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.
Fait à LILLE, le 03 Septembre 2024
Notifié ce jour à h mn
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE PAR LE PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
La présente ordonnance mettant fin à la rétention ou assignant l’étranger à résidence, a été notifiée par mail au procureur de la République, ce jour à h mn
LE GREFFIER
NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES
DOSSIER : N° RG 24/01906 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YWR3 -
M. LE PREFET DU NORD / M. [O] [R]
DATE DE L’ORDONNANCE : 03 Septembre 2024
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2]) ; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.
Information est donnée à M. [O] [R] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s'il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s'alimenter.
Traduction orale faite par l’interprète.
LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
Par mail Par visioconférence puis envoi au CRA
L’INTERPRETE LE GREFFIER
L’AVOCAT
Par mail
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RÉCÉPISSÉ
M. [O] [R]
retenu au Centre de Rétention de [Localité 1]
reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 03 Septembre 2024
date de remise de l’ordonnance :
le :
signature de l’intéressé