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11/07/2024 | FRANCE | N°22/00353

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 11 juillet 2024, 22/00353


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/00353 - N° Portalis DBZS-W-B7G-VZ5P


JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024



DEMANDERESSE:

Mme [R] [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE:

S.A.S. CENTRE EUROPEEN DE FORMATION
Inscrite au RCS DE LILLE METROPOLE SOUS LE N° 435086285,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Benjami

n BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant et Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, postulant



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/00353 - N° Portalis DBZS-W-B7G-VZ5P

JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024

DEMANDERESSE:

Mme [R] [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE:

S.A.S. CENTRE EUROPEEN DE FORMATION
Inscrite au RCS DE LILLE METROPOLE SOUS LE N° 435086285,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Benjamin BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant et Me Florent MEREAU, avocat au barreau de LILLE, postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 04 Juillet 2023.

A l’audience publique du 16 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 11 Juillet 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Juliette BEUSCHAERT, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige
Mme [R] [F] s’est inscrite dans le courant de l’année 2017, auprès du centre européen de formation en 2017 dans la perspective d'obtenir un diplôme de CAP dans le domaine de la petite enfance.

Elle s’est vue refuser l’inscription à l’épreuve EP1 du diplôme convoité par l’académie de [Localité 4] le 21 mai 2019, au motif qu’elle ne produisait pas d’attestation de stage avec des enfants de moins de trois ans.

Reprochant plusieurs manquements au centre européen de formation, Mme [F] lui a réclamé en vain le remboursement des sommes déjà versées.

Par acte en date du 10 janvier 2022, valant dernières conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé de ses moyens, Mme [R] [F] a fait assigner la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION devant le tribunal judiciaire de Lille afin de voir :

à titre principal,

Vu les articles 1224 et suivants du code civil,

Constater la résolution du contrat,
Condamner la SAS CEF à rembourser à Madame [F] la somme de 1855,85€ au titre des sommes qui lui ont été versées ;
Condamner le SAS CEF à payer à Madame [F] la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;
Condamner la SAS CEF à payer à Madame [F] la somme de 24.000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de formation subi ;
A titre subsidiaire

vu les articles 1231-1 et suivont du code civil ;

Condamner la SAS CEF à rembourser à Madame [F] la somme de 1865,85€ à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice financier ;
Condamner la SAS CEF à payer à Madame [F] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;
Condamner la SAS CEF à payer à Madame [F] la somme de 24.000 € à titre de dommages et intérèts pour le préjudice de formation subi,
En tout état de cause,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la SAS CEF à verser à Madame [F] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La défenderesse a constitué avocat.

Aux termes de ses dernière conclusions récapitulatives, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé de ses moyens, la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION demande au tribunal de :

Vu les articles 1229 et s. du code civil,

Constater que Madame [F] ne justifie pas les manquements allégués et notamment une communication trompeuse du CEF au titre des « alternatives de stage selon les tranches d’âge» ;

Constater que Madame [F] ne justifie pas plus son préjudice moral allégué et n’a pas pris l’initiative de son seul chef de se réinscrire à une session de passage au CAP, préférant, deux ans après les faits, se réorienter vers un tout autre projet professionnel ;
Constater qu’en tout état de cause ce préjudice moral était évalué à 800 € par son conseil en juin 2021 certes à titre provisionnel mais sans qu’aucun fait « aggravant » ne soit intervenu ultérieurement justifiant un quantum à date de 24.000 € ;
En conséquence,

Débouter Madame [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, qu’elles soient soulevées à titre principal ou subsidiaire ;
A titre reconventionnel :

Résilier le contrat de formation ;
Dire que cette résiliation intervient sans indemnisation de part et d’autre ;
Prendre acte de ce que le CEF ne sollicite pas le paiement du solde de la formation impayé par Madame [F] ;
En tout état de cause,

Condamner Mademoiselle [F] à payer au CEF la somme de 800 € au titre de l’article 700 du CPC.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été ordonnée le 4 juillet 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries prise à juge rapporteur du 16 avril 2024.

La décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

Sur ce,

Sur la résolution du contrat

Selon l’article 1103 du Code civil, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”

Selon l’article 1217 du même code, “la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.”

Selon l’article 1224 du Code civil, “la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.”

En vertu de l’article 1229 du Cod civil, “la résolution met fin au contrat. La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.”

En vertu de l’article 9 du Code de procédure civile, “il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.”

*

En l’espèce, il est constant que Madame [F] s’est inscrite auprès du centre européen de formation en 2017 dans la perspective d'obtenir un diplôme de CAP dans le domaine de la petite enfance.

Mme [F] dénonce les manquements contractuels suivants :

- l’absence de correction des copies envoyées en 2019;
- l’impossibilité d’avoir accès à un coach ni à un certificat de scolarité malgré ses demandes répétées sur ce point en 2019 ;
- manquement à son devoir d’information sur les modalités d’accès à l’examen, et particulièrement l’obligation d’effectuer un stage auprès des enfants de 0-3 ans, outre le stage effectivement réalisé.

S’agissant de la correction des copies, la requérante ne démontre pas avoir expédié ses copies, ni ne détaille les différentes copies, leur date d’envoi, alors que la défenderesse justifie avoir corrigé un nombre conséquence de copies et soutient n’en avoir pas reçu d’autres, en sorte que le grief n’apparaît pas suffisamment démontré. Il en est de même de l’impossiblité de joindre un coach en ligne, cette allégation ne reposant que sur une attestation de la mère de Mme [F], elle-même ne l’ayant pas constaté personnellement.

Mais quant au grief relatif à l’information sur les stages à accomplir, il convient tout d’abord de constater que l’exemplaire du contrat de formation produit par le centre de formation, qu’au demeurant la requérante indique n’avoir jamais reçu et qui n’est pas signé par elle, comporte, dans ses conditions générales de vente, à l’article 1 “les services du centre européen de formation” un paragraphe 1.4 “les stages pratiques” stipulant que “la préparation au CAP petite enfance comprend douze semaines de stage préalable à la présentation à l’examen”, à “effectuer dans des structures d’accueil d’enfants de 0 à 6 ans, dans une ou plusieurs structures et en une seule ou plusieurs fois”. “Il vous appartient de trouver l’employeur qui accepte de vous accueillir. Dès lors nous établissons une convention de stage avec l’employeur sur la base des informations que vous nous transmettez.”

Il est donc surprenant de lire dans les écritures du centre de formation qu’il ne lui appartient pas de délivrer à ses étudiants des informations relatives aux stages à accomplir en vue de passer l’examen, alors que cette information figure au titre des conditions générales du contrat de formation qu’il propose à la signature, dans un paragraphe relatif aux services qu’il assure, et que de surcroît il demeure un interlocuteur de l’étudiant dans le contexte du stage puisqu’il établit la convention de stage.

En sa qualité de professionnel s’engageant à délivrer des formations rémunérées dans le domaine choisi par l’étudiant, il lui appartient de fournir les informations idoines non seulement sur la formation qu’il dispense, ses modalités, mais également les informations essentielles sur les conditions requises pour préparer l’examen concerné.

Le centre de formation produit en pièce n°2 un document intitulé “votre guide pratique Préparation au CAP Petite Enfance (session 2018) et au CAP Accompagnement éducatif petite enfance (à partir de la session 2019)” détaillant notamment les modalités des stages qui doivent être accomplis durant la formation pratique. Y figurent les modalités de stages de douze semaines pour le CAP Petite Enfance - selon l’ancienne législation - et celles des stages de seize semaines pour le CAP Accompagnement éducatif petite enfance - applicables à partie de 2019-, soit huit semaines de stages auprès des enfants de moins de trois ans, et huit semaines de stage auprès d’enfants de moins de six ans. Mais il n’est pas justifié que ce document ait été fourni à l’intéressée. Or, quand ce document précise bien les différents stages à effectuer à compter de 2019, le contrat de formation dont la défenderesse se prévaut ne mentionne que les douze semaines de stage imposé pour le CAP Petite Enfance.

Il est ainsi justifié par la requérante que le centre de formation ne l’a pas utilement informée sur les stages qu’elle devait accomplir pour passer l’examen envisagé. Il s’agit d’un manquement à une information essentielle qui justifie de faire droit à la demande principale de la requérante et de prononcer - et non seulement constater - la résolution du contrat aux torts de la défenderesse.

En application des dispositions susvisées, il apparaît justifié de faire droit à la restitution des sommes qu’elle a versées pour sa formation, quand bien même elle a pu bénéficier d’une partie de l’enseignement, compte tenu de ce que le manquement à son obligation d’information par le centre de formation a rendu inutile ladite formation dispensée, puisqu’elle ne lui a pas permis de passer l’examen qui était précisément l’objectif de la requérante. Ainsi, le centre de formation sera condamné à lui payer la somme de 1855,85€.

Puis, elle sollicite l’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 1500 euros et de son préjudice de formation à hauteur de 24.000 euros.

Elle expose avoir été particulièrement affectée par la situation, ayant eu le sentiment d’avoir perdu deux années, et sa mère témoigne en ce sens. Il est ainsi suffisamment justifié du préjudice moral allégué qui se conçoit aisément au vu de l’enjeu. Il sera indemnisé à hauteur de 3000 euros.

Il convient de relever que quelle que soit l’orientation scolaire et professionnelle choisie ensuite par Mme [F] qui s’est orientée dans un autre domaine, ce qui relève de son choix personnel, il n’en demeure pas moins que le manquement du centre de formation à son obligation d’information relative aux stages nécessaires pour passer l’examen, a fait perdre à la requérante la possiblité de passer l’examen après deux années de formation, en sorte que le préjudice de formation est ainsi démontré et peut être évalué à hauteur de 5000 euros.

Mme [F] sera déboutée du surplus de ses demandes.

Mme [F] étant accueillie en ses demandes principales, il n’est pas nécessaire d’étudier ses demandes indemnitaires formées à titre subsidiaire.

Puis, dans la mesure où la résolution est prononcée aux torts de l’organisme de formation, la demande de résiliation formée par lui apparaît sans objet.

Sur les demandes accessoires

Selon l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'article 700 du même code dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le centre de formation succombant est condamné aux dépens et condamné à payer à la requérante la somme de 1500 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire et par mise à disposition au greffe :

PRONONCE la résolution du contrat de formation conclu entre la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION et [R] [F], aux torts de la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION ;

CONDAMNE la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION à payer à [R] [F] la somme de 1855,85 euros au titre du remboursement des sommes versées ;

CONDAMNE la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION à payer à [R] [F] la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION à payer à [R] [F] la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice de formation ;

DEBOUTE [R] [F] du surplus de ses demandes indemnitaires ;

CONDAMNE la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION à payer la somme de 1500 euros à [R] [F] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS CENTRE EUROPEEN DE FORMATION aux dépens ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/00353
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;22.00353 ?
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