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11/07/2024 | FRANCE | N°21/07962

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 11 juillet 2024, 21/07962


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 21/07962 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VZMZ


JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024



DEMANDEURS:

Mme [N] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Gilles MATON, avocat au barreau de LILLE

M. [D] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Gilles MATON, avocat au barreau de LILLE



DÉFENDERESSE:

S.A. FOSSE,
immatriculée au RCS de VALENCIENNES sosu le n°331086736, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité

audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Jonathan DA RE, avocat au barreau de VALENCIENNES



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 21/07962 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VZMZ

JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024

DEMANDEURS:

Mme [N] [F]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Gilles MATON, avocat au barreau de LILLE

M. [D] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Gilles MATON, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE:

S.A. FOSSE,
immatriculée au RCS de VALENCIENNES sosu le n°331086736, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Jonathan DA RE, avocat au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 04 Juillet 2023.

A l’audience publique du 16 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 11 Juillet 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Juliette BEUSCHAERT, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 11 Juillet 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

Dans le cadre de la construction de leur maison d‘habitation sise [Adresse 2] à [Localité 4], Madame [N] [F] et Monsieur [D] [W] ont confié à la SARL LES MAISONS VANNIER, maître d’oeuvre, la construction d’un immeuble d'habitation de 11 pièces habitables. La societé FOSSE a été chargée des lots charpente et menuiseries.

Selon procès-verbal du 28 mai 2015, les réserves suivantes ont été formulées à l’encontre de la société FOSSE :

“- rentrer EPDM aux joints Trespa,
- Parfaire vissage sous face carport,
- croiser vitrage ch 1 et ch 3,
- retirer traces blanches sur baguette pourtour châssis cuisine,
- repositionner joints des fenêtres,
- faire joints acrylique (...) Et trou dans les pièces d’appui
- les deux châssis de la chambre n’ont pas la même hauteur
- recouper cache VR chambre 3
- attendre réponse Pierret System, pour geste commercial suite mauvaise repose des pareclose par Pierret * Remplacement sur pareclose verticales BC angle. Changer les deux appuis alu des BC angle séjour.”

Dans un courrier du 4 juin 2015 adressé à leur maître d’oeuvre, ils ajoutaient les désordres suivants :

- les baies d‘angles du salon étaient abîmées du fait de la pose et de la repose des vitrages;
- les parecloses étaient ni droites, ni alignées et présentaient des traces et griffes ;
- il manquait 63 caches tempêtes ;
- le salon présentait toujours un trou réalisé pour la recherche de fuite ;
- tous les caches des coffres à volets n‘étaient pas conformes car soit trop courts, soit abîmés soit mal découpés ou fissurés.

Mme [F] et M. [W] et la société FOSSE ne sont pas parvenus à s’entendre, notamment s’agissant du solde de travaux à acquitter et des travaux restant à réaliser pour remédier aux désordres.

Par ordonnance du 19 juillet 2016, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a ordonné une expertise. L’expert a établi son rapport le 28 février 2019.

Par acte du 22 décembre 2021, Mme [F] et M. [W] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Lille la SA FOSSE en indemnisation des préjudices résultant des manquements à ses obligations contractuelles en sa qualité de titulaire du lot menuiserie.

La société défenderesse a constitué avocat et les parties ont échangé leurs écritures.

Par ordonnance du 30 novembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription et de déclarer Mme [F] et M. [W] recevables à agir.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction au 4 juillet 2023 et a fixé l’affaire à l’audience de plaidoires prise à juge rapporteur du 16 avril 2024.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Aux termes de leur assignation valant dernières écritures récapitulatives, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample de leurs motifs, Mme [F] et M. [W] demandent au tribunal,

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige,
Vu les articles 515, 695 et suivants et 700 du code de procédure civile

JUGER recevable et bien fondée en leurs demandes les consorts [W]-[F];
JUGER que la société FOSSE a manqué à ses obligations contractuelles en sa qualité de titulaire du lot MENUISERIES ;
CONDAMNER la société FOSSE à verser aux consorts [W]-[F] la somme de 22.788,88 € correspondent aux préjudices matériels qui lui sont imputables ;
CONDAMNER la société FOSSE à verser aux consorts [W]-[F] la somme de 7.000 € au titre des préjudices de jouissance subis ;
CONDAMNER la société FOSSE à verser aux consorts [W]-[F] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société FOSSE aux entiers frais et dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise.
Ils invoquent les dispositions de l’ancien article 1147 du Code civil soutenant que la société a une obligation de résultat en sorte qu’ils n’ont pas à faire la démonstration d’une faute.

Puis, ils soulignent que l’expert a relevé le défaut d’alignement des châssis, les désaflleurs sur les menuiseries, des fuites à la jonction des menuiseries, outre des défauts de conformité concernant les châssis de fenêtres, volet roulant, caches et poignée de fenêtre.

Puis, ils détaillent leurs préjudices.

Par conclusions notifiées le 31 mai 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus ample de ses moyens, la société FOSSE demande au tribunal de:

Vu l’ancien article 1147 du Code civil,

Débouter purement et simplement Madame [N] [F] et Monsieur [D] [W] de l’ensemble de leurs demandes,
Dire et Juger que l’action principale concerne les éléments d’équipements dissociables dont l’action ne peut être fondée que sur l’article 1792-3 du Code civil,
Dire et Juger irrecevables les demandes formées sur ce fondement en raison de la prescription de l’action principale et de demandes annexes formées au titre du préjudice de jouissance,
Condamner Madame [N] [F] et Monsieur [D] [W] au paiement de la somme de 1 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
Les Condamner en tous les frais et dépens de l’instance.

La société défenderesse rappelle qu’il convient de vérifier que les conditions d'application du droit spécial ne sont pas remplies avant de pouvoir engager une action sur le fondement du droit commun de la responsabilité ; soutient qu’il appartient aux requérants de démontrer la faute ; que les menuiseries ont fait l’objet d’une réception qui ne comportaient pas de réserve sur les défauts d’alignement et d’affleurement alors qu’il s’agit de vices apparents ; que la fuite implique également la société SOBANET, le tout sous le contrôle du maître d’oeuvre qu’en sorte qu’il est manifeste que ce désordre résulte d’un défaut du maître d’oeuvre ; qu’enfin les demandeurs ne peuvent invoquer les dispositions de droit commun relatifs au défaut de conformité pour infirmer une réception qu’ils ont eux-mêmes validée alors qu’ils étaient assistés de la SARL MAISON VANNIER.

Sur les préjudices matériels, elle souligne que les requérants ont vendu leur bien le 29 décembre 2021 et ne produisent que des devis en sorte qe le préjudice matériel n’est pas démontré ; qu’ils se prévalent de troubles de jouissance alors qu’ils ont vendu leur bien sans dénoncer l’existence d’un quelconque désordre, l’acte ne faisant même pas état du présent litige, et déclarent même dans l’acte de vente qu’une déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux a été déposée en mairie le 21 juillet 2015.

Sur ce

Sur l’irrecevabilité soulevée

Le juge de la mise en état, au demeurant seul compétent pour statuer sur les fins de non recevoir en application des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile, a déjà rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société FOSSE invoquant les dispositions de l’article 1792-3 du Code civil, en sorte qu’il ne sera pas statué à nouveau de ce chef, étant observé que cette prescription figurant au dispositif des écritures de la défenderesse ne fait pas l’objet d’une démonstration dans les motifs.

Sur le fond

Les consorts [F]-[W] se prévalent, au fond, des dispositions de l’ancien article 1147 du Code civil, applicable au présent litige, lequel disposait que “ le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l‘obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part”.

Les demandes seront donc examinées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui nécessite la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.

En l’espèce, les requérants invoquent les désordres tels que repris par l’expert, soit :

- des châssis de fenêtre mal positionnés, pas à la même hauteur, présentant des traces blanches ;

- des poignées de fenêtres anormalement situées à deux mètres de hauteur ;

- des menuiseries étaient non conformes, endommagées, non conformes voire manquantes pour certaines : parcloses présentant des désaffleurs, caches de volets roulants trop courts, volants roulants manquants dans la cuisine,

- des fuites survenant à la jonction de menuiseries extérieures avec la maçonnerie, résultant principalement d’un défaut d’étanchéité de la menuiserie et très accessoirement de la défaillance d’un joint souple entre la menuiserie et la pierre d’appui.

Il ressort du procès-verbal de réception et du rapport d’expertise qu’ont fait l’objet de réserves sans proposition de travaux ou de compensation les désordres suivants, le désordre portant sur les châssis mal positionnés / n’ayant pas la même hauteur, présentant des traces blanches et les désordres relatifs aux parecloses. Ensuite, l’expert relève l’existence de fuites survenant à la jonction de menuiseries extérieures avec la maçonnerie et souligne que ce désordre, constaté en fin de chantier, a été mal analysé et les travaux proposés par les constructeurs pour y remédier - remplacement des pierres d’appui supposées être à l’origine des infiltrations qui a été inscrit en procès-verbal de réception - n’ont apporté aucune amélioration.

Ces désordres, par leur nature et au regard de l’analyse de leur origine qui a été faite par l’expert, caractérisent des manquements fautifs de la part de la société FOSSE dans l’exécution des travaux commandés, le seul fait que la fuite des baies vitrées concerne également la société SARL SOBANET au titre de la pierre d’appui, le tout sous le contrôle de la SARL LES MAISONS VANNIER n’étant pas de nature à l’exonérer de sa propre responsabilité.

Il convient de dire ainsi que sa responsabilité est engagée du chef de ces désordres.

En revanche, elle ne pourra pas être retenue s’agissant du volet roulant et des caches fenêtres manquants qui n’ont pas fait l’objet de réserve à la réception et qui constituent pour autant un vice apparent. Il en est de même concernant la poignée de fenêtre mal positionnée qui n’apparaît pas sur le procès-verbal de réception au titre des réserves.

Au titre de leurs préjudices, les requérants se prévalent de :

- du coût que représentera le remplacement des châssis et vitrage : 2500 euros
- du préjudice esthétique consécutif aux dégradations sur les menuiseries faites lors de leur installation : 2000 euros
- le coût du remplacement du volet roulant et du cache volet : 330 euros et 674, 77 euros
- le coût pour le remplacement des menuiseries, travaux de plâtrerie et d’embellissement : 17.614,11 euros,
- des préjudices de jouissance : 4000 euros pour la chambre et 3000 euros pour le volet de la cuisine.

Les préjudices au titre des travaux correspondent au coût des travaux préconisés qui n’ont pas été réalisés, sur le fondement de devis ou des estimations réalisées par l’expert.

Or, la société FOSSE justifie dans le cadre de la présente procédure que les requérants ont vendu leur maison le 29 décembre 2021, soit quelques jours après l’assignation. Les requérants n’ont pas conclu après l’assignation en sorte qu’ils n’ont pas répondu sur ce point ni apporté aucune précision. La défenderesse verse aux débats l’acte authentique de vente dont il ressort que les désordres allégués ne sont pas mentionnés dans l’acte de vente, ni l’existence de l’action en justice en cours. Il ne résulte d’aucun élément et il n’est pas même allégué que l’existence de désordres ou d’une action en justice ait influencé le prix de vente.

N’étant plus propriétaires du bien, les requérants ne sauraient se prévaloir des préjudices matériels au titre des travaux préconisés, dès lors qu’ils n’auront pas à assumer financièrement les travaux de réparation des désordres et qu’ils ne soutiennent pas même en avoir assumé le coût d’une manière ou d’une autre dans le cadre de la vente de leur bien.

Quant au préjudice de jouissance allégué, il porte sur des désordres qui n’ont pas été retenus en sorte qu’il y a lieu de rejeter également cette demande.

Finalement, ils ne peuvent que se prévaloir du préjudice esthétique concernant les dégradations des menuiseries dont l’indemnisation sera limitée à la somme de 500 euros, selon l’estimation faite par l’expert.

Ils seront déboutés de leurs demandes indemnitaires pour le surplus.

III- sur les autres demandes

Succombant, la défenderesse sera condamnée aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire. Supportant les dépens, elle sera déboutée de sa demande faite au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile. L’équité commande de ne pas faire droit à la demande des requérants au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe:

CONDAMNE la SA FOSSE à indemniser M. [D] [W] et Mme [N] [F] à hauteur de 500 euros au titre du préjudice esthétique,

DEBOUTE M. [D] [W] et Mme [N] [F] du surplus de leurs demandes indemnitaires,

DEBOUTE M. [D] [W] et Mme [N] [F] de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

DEBOUTE la SA FOSSE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA FOSSE aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 21/07962
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.07962 ?
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