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05/07/2024 | FRANCE | N°24/01297

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 05 juillet 2024, 24/01297


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 24/01297 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAAH


JUGEMENT DU 05 JUILLET 2024



DEMANDEURS :

Mme [P] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Claire JOUFFREY, avocat au barreau de LILLE

M. [B] [L]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Claire JOUFFREY, avocat au barreau de LILLE

Mme [Y] [X] [L],
INTERVENANT VOLONTAIRE
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Claire JOUFFREY, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :<

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S.A.S. PANKHURST S.F.G.
Inscrite au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 853 603 660
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 24/01297 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YAAH

JUGEMENT DU 05 JUILLET 2024

DEMANDEURS :

Mme [P] [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Claire JOUFFREY, avocat au barreau de LILLE

M. [B] [L]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Claire JOUFFREY, avocat au barreau de LILLE

Mme [Y] [X] [L],
INTERVENANT VOLONTAIRE
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Claire JOUFFREY, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A.S. PANKHURST S.F.G.
Inscrite au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 853 603 660
[Adresse 2]
[Localité 5]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’assignation à jour fixe en date du 30 janvier 2024.

A l’audience publique du 16 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 21 Juin 2024, puis prorogé pour être rendu le 05 Juillet 2024.

Marie TERRIER, Présidente de chambre, entendue en son rapport oral, et Juliette BEUSCHAERT, Vice-Présidente, qui ont entendu la plaidoirie, en ont rendu compte au Tribunal dans son délibéré.


JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 05 Juillet 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 24 juillet 2017 à effet au 1er octobre 2017 et pour une durée de 9 ans, Monsieur [B] [L] a donné à bail à Monsieur [H] [U] un local à usage de commerce et d’habitation sis [Adresse 4] à [Localité 5] moyennant le règlement d'un loyer annuel de 16.800 euros HT et HC payable mensuellement avec indexation.

Puis par acte de cession du 24 mai 2022, Monsieur [H] [U] a cédé le droit au bail à la SAS Pankhurst S.F.G représentée par Monsieur [O] [J] avec une prise de jouissance au 1er mai 2022.

Cette cession était accompagnée d’une modification de la clause de destination des lieux par laquelle n’étaient autorisées que les activités de salon de coiffure, téléphonie, restauration rapide sans alcool et service traiteur et interdites celles de café, bar et restaurant avec licence III et/ou IV et prévoyant la possibilité de sous-louer les locaux d’habitation à l’exclusion du local commercial du rez-de-chaussée.

Suivant arrêté préfectoral du 16 janvier 2023, les propriétaires de l’immeuble ont été mis en demeure de prendre sous 15 jours toute mesure de travaux destinée à assurer la sécurité et la mise en conformité des locaux pour la santé et la sécurité physique des occupants du 2ème étage.

Puis le 7 juin 2023, le Préfet du Nord a pris un arrêté de traitement de l’insalubrité avec interdiction temporaire et immédiate d’habiter le 2ème étage de l’immeuble avec injonction aux propriétaires de prendre toute mesure pour empêcher l’accès et l’usage du logement dans un délai de 30 jours.

Le 8 décembre 2023, le Préfet du Nord a pris un nouvel arrêté relatif au danger imminent pour la santé ou la sécurité physique des occupants cette fois visant le logement du 1er étage de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 5] mettant en demeure de prendre les mesures propres à écarter tout danger grave et imminent pour la santé publique.

Par courrier du 16 décembre 2023, les consorts [L] ont enjoint la société Pankhurst S.F.G à réaliser les travaux imposés par la préfecture et le relogement des occupants, en vain.
Par courrier du 21 décembre 2023, la commune de [Localité 5] indiquait à Monsieur et Madame [L] qu’elle avait procédé au relogement de Madame [D] et de ses enfants, occupants du 1er étage, à leurs frais en l’absence d’action de leur part.

Invoquant à la fois le non-respect systématique des mesures préfectorales et le non-paiement des loyers depuis le mois de janvier 2023, Monsieur [B] [L], Madame [X] [Y] épouse [L], en leur qualité d’usufruitiers indivis et Madame [P] [L], en sa qualité de nue-propriétaire ont fait délivrer en date du 2 janvier 2024, à la société Pankhurst S.F.G, représentée par Monsieur [O] [J] un commandement de payer pour un montant de 22.968 ,80 euros en principal correspondant aux échéances de loyers et charges depuis janvier 2023 à décembre 2023, outre la taxe foncière et l’assurance.

Par requête adressée le 22 janvier 2024 au président du Tribunal judiciaire de Lille, les consorts [L] ont sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe la société Pankhurst en résiliation du bail et condamnation au paiement.

L’ordonnance a été rendue le 23 janvier 2024 et l’affaire fixée à l’audience collégiale de plaidoiries du 11 avril 2024.

Par exploit de Commissaire de Justice délivré le 30 janvier 2024, Monsieur [B] [L], et Madame [P] [L] ont fait assigner la société Pankhurst S.F.G devant le tribunal judiciaire de Lille en résiliation judiciaire du bail et condamnation au paiement.

Puis l’affaire a été renvoyée à plaider à l’audience collégiale du 16 mai 2024 pour l’intervention de l’usufruitière.

Aux termes des dernières conclusions notifiées par procès-verbal de recherches infructueuses du 7 mai 2024, Monsieur [B] [L] et Madme [P] [L] sollicitent du tribunal de :

Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1231 et suivants, 1240, 1224, 1227 et 1728 du code civil,
Vu les articles 63 et suivants, 328 et 329 du code de procédure civile,
Vu les articles L.145-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles L.412-1, L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Vu la clause résolutoire insérée dans le bail,
Vu les pièces versées aux débats,

RECEVOIR la demande d’intervention volontaire à titre principal de Madame [Y] [X] [L] en qualité d’usufruitier ;
PRONONCER le cas échéant la jonction de l’instance introduite par Madame [Y] [X] [L] avec la présente instance ;
DECLARER recevable et bien fondée Monsieur [B] [L], Madame [P] [L] et Madame [Y] [X] [L] en leurs demandes ;
A titre principal,

CONSTATER la résiliation du bail liant Monsieur et Mesdames [L] à la société Pankhurst S.F.G à effet au 2 février 2024 par le jeu de la clause contractuelle résolutoire ;
A titre subsidiaire,

PRONONCER la résiliation judiciaire du bail au jour du jugement à intervenir aux torts de la société Pankhurst S.F.G ;
En tout état de cause,

ORDONNER, à défaut de départ volontaire et de remise des clés, l’expulsion de la société Pankhurst S.F.G et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;
SUPPRIMER le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
DIRE que le sort du mobilier garnissant les lieux loués sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au double du loyer global de la dernière année de location et augmenté des charges et taxes en sus jusqu’au jour où les lieux auront été restitués au bailleur ;

CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G au paiement de la somme de 29.562,98 € (29.368,80€ + 194,18 €) à parfaire à la date du jugement à intervenir, au titre des loyers et charges impayés, majorée aux taux de base de la banque de France majoré de deux points conformément à l’article 10 du bail, ou à défaut de l’intérêt légal ;
ASSORTIR cette condamnation d’une astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la date de la signification de la décision à intervenir ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G à verser à Monsieur et Mesdames [L] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts :
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G à verser à Monsieur et Mesdames [L] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G aux entiers dépens de l’instance.

Sur l’intervention volontaire de Madame [Y] [X] [L], ils expliquent qu’étant usufruitière, elle a le droit d’agir à l’encontre de la société Pankhurst S.F.G et notamment de solliciter la résiliation du bail et l’expulsion de cette dernière.

Les demandeurs sollicitent la constatation de la résolution du bail en application de la clause résolutoire et font valoir que les loyers et charges sont impayés depuis le mois de janvier 2023 et qu’un commandement de payer a été délivré sans effet.

A titre subsidiaire, ils invoquent que la résolution judiciaire du contrat peut être ordonnée puisqu’il existe divers manquements au contrat de bail. Ils soulèvent un manquement à l’obligation d’entretien des locaux, la réalisation de travaux proscrits, l’organisation d’une sous-location dans des conditions insalubres ou encore une sous-location du local commercial pourtant interdite par ledit contrat.

Ils exposent que le preneur étant inactif face aux décisions de la préfecture et de leurs diverses relances, ils ont dû l’engager des frais en lieu et place de celui-ci pour le relogement des occupants et la réalisation de travaux en urgence.

Enfin, ils rappellent que le locataire a cessé d’honorer ses loyers et charges à compter du mois de janvier 2023 entraînant un arriéré d’un montant de 29.368,80 euros.

Ils soutiennent que les fautes du preneur leur causent un préjudice puisqu’ils ont dû investir un temps important pour le relancer et suivre les procédures lancées par l’ARS, la commune de [Localité 5] et la préfecture.

Par conclusions aux fins d’intervention volontaire principale notifiées par procès-verbal de recherches infructueuses du 7 mai 2024, Madame [Y] [X] [L] entend en qualité d’usufruitière intervenir volontairement à titre principal dans cette instance et sollicite que :

Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1231 et suivants, 1240, 1224, 1227 et 1728 du code civil,
Vu les articles 63 et suivants, 328 et 329 du code de procédure civile,
Vu les articles L.145-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles L.412-1, L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Vu les pièces versées aux débats,

RECEVOIR la demande d’intervention volontaire à titre principal de Madame [Y] [X] [L] en qualité d’usufruitier ;
DECLARER recevable et bien fondée Madame [Y] [X] [L] en ses demandes ;

A titre principal,

CONSTATER la résiliation du bail liant Monsieur et Mesdames [L] à la société Pankhurst S.F.G à effet au 2 février 2024 par le jeu de la clause contractuelle résolutoire ;
A titre subsidiaire,

PRONONCER la résiliation judiciaire du bail au jour du jugement à intervenir aux torts de la société Pankhurst S.F.G ;
En tout état de cause,

ORDONNER, à défaut de départ volontaire et de remise des clés, l’expulsion de la société Pankhurst S.F.G et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;
SUPPRIMER le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, prévu par l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
DIRE que le sort du mobilier garnissant les lieux loués sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au double du loyer global de la dernière année de location et augmenté des charges et taxes en sus jusqu’au jour où les lieux auront été restitués au bailleur ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G au paiement de la somme de 29.562,98 € (29.368,80 € + 194,18 €) à parfaire à la date du jugement à intervenir, au titre des loyers et charges impayés, majorée aux taux de base de la banque de France majoré de deux points conformément à l’article 10 du bail, ou à défaut de l’intérêt légal ;
ASSORTIR cette condamnation d’une astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant la date de la signification de la décision à intervenir ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G à verser à Monsieur et Mesdames [L] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts :
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G à verser à Monsieur et Mesdames [L] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société Pankhurst S.F.G aux entiers dépens de l’instance.

Madame [Y] [X] [L] reprend les moyens et prétentions de Monsieur [B] [L] et Madame [P] [L].

Bien que régulièrement assignée suivant les conditions de l’article 659 du code de procédure civile, la société Pankhurst S.F.G n’a pas constitué avocat. Il convient donc de statuer par jugement réputé contradictoire, la décision étant susceptible d'appel.

La décision a été mise en délibéré au 21 juin 2024 puis prorogée au 5 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statue sur le fond. Le juge ne fait droit a la demande que dans la mesure ou il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

I- Sur l’intervention volontaire de Madame [Y] [L]

En application des dispositions des articles 325 et suivants du code de procédure civile, dont les conditions sont remplies, il convient de déclarer recevable l’intervention volontaire à titre principal de Madame [Y] [X] [L].

II- Sur la résiliation du contrat de bail

1- Sur la clause résolutoire

Sur l'acquisition de la clause résolutoire
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Selon l'article 1225 du même code, la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

En vertu de l'article L.145-41 du code de commerce, qui est d'ordre public, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1345 du code civil du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1728 dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

*

En l'espèce, le contrat de bail à usage commercial contracté le 24 juillet 2017 (pièce n°1) prévoit en son article 10 une clause résolutoire ainsi rédigée :

« Il est expressément stipulé qu’à défaut de paiement d’un seul terme ou fraction de terme de loyer ou accessoires à son échéance ou en cas d’inexécution d’une seule des conditions du bail, le bail sera résilié un mois après un commandement d’huissier resté infructueux en conformité des dispositions légales même dans le cas de paiement ou exécution postérieurs à l’expiration du délai ci-dessous (…) »

Ce contrat de bail a été cédé le 24 mai 2022 à la société Pankhurst S.F.G, défenderesse (pièce n°2) et la clause résolutoire n’a fait l’objet d’aucune modification.

Ainsi, le commandement de payer visant la clause résolutoire (pièce n°15) a été délivré par acte de commissaire de justice du 2 janvier 2024 pour un montant en principal de 22.968,80 euros correspondant aux loyers et charges de janvier 2023 à décembre 2023 d’un montant de 1.600 euros mensuel, à la taxe foncière d’un montant de 2.626 euros et à l’assurance pour 1.142,80 euros.

La société Pankhurst S.F.G, non constituée, ne justifie pas s’être acquittée des causes du commandement dans le délai d’un mois à compter de sa délivrance, soit avant le 2 février 2024.

Il convient en conséquence de constater l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 février 2024.

Sur les effets de la résiliation du bail
L'expulsion du locataire et de tout occupant de son chef sera ordonnée, si besoin avec le concours de la force publique, à défaut de départ volontaire des locaux.

L’expulsion portant pour partie sur un lieu habité, l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit qu’elle ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement sauf réduction ou suppression par le juge.

En l’espèce, les bailleurs sollicitent la suppression de ce délai de deux mois.

Suite à l’arrêté du 8 décembre 2023, relatif au danger imminent pour la santé et la sécurité, les occupants (Madame [D] et ses enfants) du premier étage ont été relogés par la mairie, de sorte que le logement est vide (pièce n°13) et les accès condamnés (pièce n°17).

S’agissant du second étage, un arrêté préfectoral a été rendu le 16 janvier 2023 (pièce n°4) et un arrêté de traitement de l’insalubrité le 7 juin 2023. Il résulte du courrier de la préfecture (pièce n°6) que les occupants ont été relogés et que les accès devaient être condamnés.

Ainsi, il y a lieu de réduire le délai de deux mois et de le porter à 15 jours à compter de la signification de la présente décision pour l’ensemble de l’immeuble : local commercial et habitations.

Le bailleur sera autorisé à procéder à l'enlèvement des meubles et à les placer dans un garde-meuble selon les modalités reprises dans le dispositif de la présente décision.

A compter du 2 février 2024 et jusqu'à la libération effective des lieux, le locataire, qui s'est maintenu indûment dans les locaux, est redevable d'une indemnité d'occupation de nature à compenser le préjudice subi pour l'occupation sans droit ni titre des lieux.

Le contrat de location prévoit en son article 10 que « l’indemnité d’occupation à la charge du preneur en cas de non délaissement des locaux après résiliation de plein droit ou judiciaire ou expiration du bail sera établie forfaitairement sur la base du double du loyer global de la dernière année de location ».

En conséquence, il y a lieu d’en déduire que la société Pankhurst SFG sera condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation dans les termes prévue au contrat à compter du mois de mai 2024.

2- Sur le paiement des loyers et des charges

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du code civil dispose qu'il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l'espèce, les requérants produisent un décompte faisant état d'un arriéré locatif de 29 368,80 euros au 7 mai 2024 se décomposant en :

Loyer et charges de janvier 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de février 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de mars 2023 : 1.600 euros ;
Loyer et charges d’avril 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de mai 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de juin 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de juillet 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges d’août 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de septembre 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges d’octobre 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de novembre 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de décembre 2023: 1.600 euros ;
Loyer et charges de janvier 2024: 1.600 euros ;
Loyer et charges de février 2024: 1.600 euros ;
Loyer et charges de mars 2024: 1.600 euros ;
Loyer et charges d’avril 2024: 1.600 euros ;
Taxes foncières 2 626 euros
Assurances 1 142,80 euros.

En ne se faisant pas représenter en la procédure, le défendeur ne s'est pas mis en mesure de s'opposer à la demande en justifiant de l'acquittement des sommes dues par application de l'article 1353 du code civil.

La résolution du contrat de bail étant intervenue le 2 février 2024, il convient de condamner la société Pankhurst S.F.G à payer au bailleur la somme de 26.628 euros arrêtée au 7 mai 2024 au titre des loyers et charges et indemnité d’occupation impayés à la date du 7 mai 2024.

S’agissant du remboursement de taxes foncières et d’assurance, le contrat de bail prévoit en son article 6 que : « le preneur s’engage à satisfaire à toutes les charges de ville, d’hygiène, de police ou de voirie dont les locataires sont ordinairement tenus, le tout de manière que le bailleur ne puisse être inquiet à ce sujet ;
S’acquitter des contributions personnelles et mobilières, taxes locatives et tous autres impôts dont le preneur est responsable à un titre quelconque et justifier de leur acquit à toute réquisition et huit jours au moins avant le dépôt en fin de bail ;
Régler par provisions au bailleur avec les charges : l’impôt foncier afférent aux lieux loués ainsi que les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts taxes et redevances liés à l’usage de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ».

L’article 7 précise que « pour satisfaire aux dispositions de l’article L.145-40-2 du code de commerce, il est précisé que les charges dont il sera demandé le remboursement au bailleur sont à la date de signature du bail : la taxe foncière afférente à l’immeuble et la prime d’assurance du bailleur relative à l’immeuble loué. »

Il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes, d’établir sa créance en démontrant l’existence et le montant de ces charges (Civ 3ème 17 septembre 2020 n°10-14168).

Les bailleurs ne produisent aucune facture, appel de cotisation ou avis d'imposition relatifs aux charges dont ils réclament le remboursement. Dès lors, ils ne justifient pas des charges dues et seront déboutés de leur demande de remboursement des taxes foncières et de l’assurance.

Sur les intérêts, l’article 10 du contrat de location « clause résolutoire et sanctions » prévoit que « toutes sommes dues porteront intérêts, prorata temporis et jour par jour, à compter de leur date d’exigibilité aux taux de base de la banque de France majoré de deux points ».

Cette clause s'analyse en une clause pénale soumise au contrôle du juge en son caractère excessif ou dérisoire en application de l'article 1231-5 du code civil.

Les requérants ne fournissent aucune pièce ni explication pour justifier d'un préjudice distinct du simple retard de paiement.

Dans ce contexte, le taux et la majoration des intérêts de retard, apparaissent manifestement excessifs au regard du préjudice effectivement subi par les bailleurs.

Dans ces circonstances, la clause pénale contractuelle est manifestement excessive et il convient de la réduire. Ainsi, cette somme portera intérêts au taux légal, à compter du 7 mai 2024

Sur la demande d’astreinte, le titre exécutoire que constitue la présente décision est suffisant par lui-même pour permettre l’exécution forcée, de sorte qu’il n’y a pas lieu à astreinte.

3- Sur la demande de dommages-intérêts

Aux termes de l’article 1217 du code civil, celui des contractants envers lequel l’engagement n’est pas exécuté ou l’a été imparfaitement de demander des dommages-intérêts.

En l’espèce, si pour invoquer son préjudice le bailleur fait valoir que les manquements du preneur envers les sous-locataires sont à l’origine des arrêtés d’insalubrité, l’état de l’immeuble ne résulte toutefois pas à lui seul des manquements du preneur. En revanche, il est acquis qu’à plusieurs reprises les consorts [L] ont dû intervenir pour proposer un relogement des occupants en l’absence avérée de celui du chef duquel ils étaient entrés en possession des lieux.

Ainsi, il résulte de ce qui précède que l’inertie du preneur a engendré pour les bailleurs un préjudice dont la matérialité ne serait ce que moral n’est pas sérieusement contestable, y compris en l’absence de tout autre justificatif de frais exposés.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SAS Pankhurst SFG à payer aux consorts [L] pris ensemble la somme de 500€ de ce chef.

III- sur les autres demandes

La société Pankhurst S.F.G succombant au principal, elle supportera les dépens de la présente instance en ce compris le coût du commandement de payer du 2 janvier 2024 et sera redevable d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui sera justement fixée à la somme de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

DECLARE recevable et bien fondée l’intervention volontaire à titre principal de Madame [Y] [X] [L] ;

CONSTATE la résiliation du bail commercial liant M. [B] [L], Mme [Y] [X] [L], ès qualité d’usufruitiers du bien et Mme [P] [L], ès qualité de nu-propriétaire à la SAS Pankhurst S.F.G portant sur l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 5] par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 2 février 2024 ;

ORDONNE l'expulsion de la société Pankhurst S.F.G du local commercial sis [Adresse 4] à [Localité 5] à défaut de libération volontaire effective dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et avec le concours de la force publique si nécessaire ;

ORDONNE l’enlèvement de tous mobiliers, matériels et marchandises pouvant garnir les lieux dans tel garde-meuble au choix des requérants et aux frais de la société Pankhurst S.F.G, en application des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;

CONDAMNE la société Pankhurst S.F.G au paiement d’une indemnité d'occupation sur la base du double du loyer global de la dernière année de location s’élevant à la somme de 1.400€ HT HC dans le dernier état, à compter du 7 mai 2024 ;

CONDAMNE la société Pankhurst S.F.G à payer Monsieur [B] [L], Madame [Y] [X] [L] et Madame [P] [L], la somme de 26.628 € (vingt six mille six cent vingt huit euros) au titre des loyers et charges arrêtés au7 mai 2024 assortis des intérêts au taux légal, à compter de ce jour ;

DÉBOUTE Monsieur [B] [L], Madame [Y] [X] [L] et Madame [P] [L] de leur demande au titre du remboursement des taxes foncières et de l’assurance ;

DIT n’y avoir lieu à astreinte ;

CONDAMNE la SAS Pankhurst S.F.G à payer à Monsieur [B] [L], Madame [Y] [X] [L] et Madame [P] [L] la somme de 500 € (cinq cents euros) au titre des dommages-intérêts ;

CONDAMNE la société Pankhurst S.F.G à payer à Monsieur [B] [L], Madame [Y] [X] [L] et Madame [P] [L], pris ensemble la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société Pankhurst S.F.G aux dépens de la présente instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 2 janvier 2024 ;

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

Benjamin LAPLUME Marie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 24/01297
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;24.01297 ?
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