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28/06/2024 | FRANCE | N°22/01906

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 28 juin 2024, 22/01906


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01
N° RG 22/01906 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V52C


JUGEMENT DU 28 JUIN 2024



DEMANDEUR:

M. [Y] [O]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Catherine LEMAIRE, avocat au barreau de LILLE



DÉFENDERESSE:

Mme [D] [C]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Julie BABELAERE, avocat au barreau de LILLE



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

G

reffier: Benjamin LAPLUME,


DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Octobre 2023.

A l’audience publique du 08 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a é...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/01906 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V52C

JUGEMENT DU 28 JUIN 2024

DEMANDEUR:

M. [Y] [O]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Catherine LEMAIRE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE:

Mme [D] [C]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Julie BABELAERE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

Greffier: Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Octobre 2023.

A l’audience publique du 08 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 21 Juin 2024 puis prorogé pour être rendu le 28 Juin 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Marie TERRIER, Président de chambre, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 28 Juin 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

Monsieur [Y] [O] et Madame [D] [C] ont vécu en concubinage et ont acquis un véhicule Peugeot 308 GTI.

Le couple s’est séparé en 2019 et Madame [D] [C] a conservé le véhicule.

Ce dernier a été déclaré volé le 1er avril 2019 et Madame [D] [C] a perçu l’indemnité de remboursement de l’assurance d’un montant de 29 521 euros.

Par acte d’huissier en date du 11 mars 2022, Monsieur [Y] [O] a fait assigner Madame [D] [C] devant le Tribunal judiciaire de Lille en remboursement de son apport pour l’acquisition du véhicule.

Sur cette assignation, Madame [D] [C] a constitué avocat et les parties ont échangé leurs conclusions.

Sur ordonnance du juge de la mise en état du 5 octobre 2023, la clôture de l’instruction de l’affaire a été ordonnée et a été fixée à l’audience de plaidoiries prise à juge rapporteur du 8 avril 2024.

Aux termes des dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 25 juillet 2023, Monsieur [Y] [O] sollicite du tribunal de :

Recevoir Monsieur [Y] [O] en ses demandes et les dire bien fondées.
Débouter Madame [D] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En conséquence,

Condamner Madame [D] [C] à lui verser la somme de 22 368,20 euros avec intérêts judiciaires à compter du 3 mai 2021, date de la mise en demeure.
Condamner Madame [D] [C] à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Madame [D] [C] aux entiers frais et dépens de la procédure,
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Monsieur [Y] [O] soutient que le véhicule est un bien indivis et que la propriété de celui-ci est établie par son titre sans qu’il y ait lieu d’appliquer la présomption de propriété à l’égard du possesseur de l’article 2276 du code civil.

Il fait valoir que la facture et la carte grise du véhicule ont été établies à leurs deux noms et qu’il était déclaré conducteur secondaire auprès de l’assurance du [5].

Il invoque que les créances et indemnités qui remplacent le bien indivis sont par application de l’article 815-10 du code civil de plein droit indivises et que dès lors, l’indemnité d’assurance suite au vol du véhicule est indivise.

Il soutient qu’en vertu de l’article 815 du même code, nul ne peut être contraint de demeurer en indivision et sollicite dès lors la restitution de son apport.

Il explique que son apport ne peut être assimilé à une participation aux frais de la vie commune puisqu’il y participait en dehors de celui-ci et qu’au surplus cette allégation n’est justifiée par aucun élément.

Il ajoute n’avoir jamais consenti à ce que la prime d’assurance soit intégralement versée à Madame [D] [C] et soutient qu’elle a signé à sa place et sans son accord le contrat de cession du véhicule à l’assurance.

Par conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 1er juillet 2022, Madame [D] [C] sollicite du tribunal :

Débouter Monsieur [Y] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Monsieur [Y] [O] à payer à Madame [D] [C] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Madame [D] [C] soutient être en possession du véhicule, possession régulière, non équivoque et de bonne foi et qu’en application de l’article 2276 du code civil, cette possession vaut titre. Elle fait valoir que Monsieur [Y] [O] n’apporte pas la preuve que le titre de Madame [C] est précaire ou que sa possession est affectée d’un vice mais qu’il se borne à faire état de sa participation au financement dudit véhicule alors que selon la jurisprudence, un financement même total du véhicule ne permet pas d’apporter cette preuve.

Elle allègue que Monsieur [Y] [O] a participé au financement du véhicule au titre de sa participation aux dépenses de la vie commune, en contrepartie de l’hébergement gratuit dont il bénéficiait ainsi que du règlement de certaines factures par Madame [C] (taxes d’habitation, assurance habitation, courses alimentaires, charges courantes).

Elle précise que le contrat d’assurance du véhicule a été souscrit à son nom et qu’elle a acquitté l’ensemble des mensualités et que pour cette raison, la compagnie d’assurance lui a versé en intégralité l’indemnité au titre de sa garantie.

La décision a été mise en délibéré au 21 juin 2024.

Sur ce,

Le tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il n'est pas tenu de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

Il sera utilement rappelé qu’en matière mobilière, il y a lieu de rapporter la preuve d’une acquisition en commun et qu’après leur rupture, celui des concubins en possession de la chose bénéficie de la présomption de propriété édictée à l’article 2276 du code civil, à condition de se prévaloir d’une possession non viciée.

Il appartient au demandeur de rapporter la preuve que les conditions de la possession ne sont pas réunies ou que cette possession est atteinte d’un vice, étant précisé que la preuve du paiement du prix n’est pas suffisante à établir celui-ci.

En l’espèce, Monsieur [Y] [O] produit son relevé de compte bancaire (pièce 2 de son dossier) permettant d’établir que Madame [D] [C] lui a versé la somme de 9 250 euros en date du 2 mars 2018 et qu’il a ensuite émis un chèque d’un montant de 31 618,20 euros encaissé le 2 août 2018, correspondant approximativement au montant du prix de vente du véhicule figurant sur la facture (pièce 1 de son dossier). Il a versé 200 euros de plus que la facture.

Les parties ne contestent pas et reconnaissent que Madame [D] [C] a financé le véhicule à hauteur de 9 250 euros et que Monsieur [Y] [O] a financé le surplus.

Il produit la facture d’achat du véhicule en date du 1er août 2018 (pièce 1 de son dossier) ayant été établie au nom des deux ex-concubins et la carte grise (pièce 6 de son dossier), sur laquelle figure, au champ C4.1, le nom de Monsieur [Y] [O] en qualité de premier cotitulaire.

S’agissant de l’assurance du véhicule, Madame [D] [C] soutient avoir souscrit seule le contrat et en régler les mensualités. Elle produit les conditions particulières du contrat d’assurance du véhicule litigieux (pièce 1 de son dossier) faisant apparaître en page 5 que Monsieur [Y] [O] est un conducteur assuré : « LES CONDUCTEURS DESIGNES : Le souscripteur déclare que les conducteurs principaux du véhicule assuré sont : conducteur n°1 : [C] [D] (…) conducteur n°2 : [O] [Y] ».

Ainsi, il résulte de ces différents éléments, que non seulement Monsieur [O] a participé au financement du véhicule mais surtout qu’il en avait l’usage concurrent avec sa concubine, ce qui induit la précarité de la possession de Madame [D] [C], de sorte qu’il y a lieu de considérer que le véhicule a été acquis conjointement par Monsieur [Y] [O] et Madame [D] [C] qui ont tous deux contribué sur leurs deniers personnels au paiement du prix pour s’en partager la propriété indivise.

Madame [C] ne saurait bénéficier à son profit exclusif de la présomption de propriété du bien.

Madame [D] [C] s’oppose à la restitution en alléguant que Monsieur [Y] [O] a vécu à son domicile de septembre 2016 à mars 2019 et n’a participé à aucune dépense de logement et de nourriture (assurance, gaz, électricité), qu’il a seulement réglé les factures d’eau de juin 2017 à mars 2019, si bien que c’est en contrepartie de cet hébergement qu’il a financé une partie du véhicule. Elle explique également dans le procès-verbal du 30 décembre 2021 (pièce 8 du dossier du requérant) qu’il s’agissait d’un cadeau en contrepartie des loyers non payés.

En matière d’union libre, aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune, de sorte que chacun doit supporter, en l’absence de volonté exprimée, les dépenses de la vie courante qu’il a exposées, sans qu’il y ait lieu à l’établissement d’un compte entre eux sur ce point. Il n’existe en effet, aucune obligation légale pour les concubins de contribuer aux charges du ménage. L’article 220 du code civil qui institue une solidarité de plein droit des époux en matière de dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, n’est pas applicable au concubinage.

En l’espèce, Madame [D] [C] ne rapporte pas la preuve d’un accord entre les parties tendant à dire que Monsieur [Y] [O] devait payer une partie du prix du véhicule en contrepartie du paiement par elle-même des charges courantes. Elle ne rapporte pas non plus la preuve d’une intention libérale, celle-ci ne pouvant se déduire de la seule vie de couple et de l’absence de règlement des loyers.

En conséquence, elle ne peut s’opposer valablement à la restitution de la quote-part de Monsieur [Y] [O].

La propriété étant tranchée en faveur de l’indivision, les règles de celle-ci reçoivent application. Ainsi, en application de l’article 815 du code civil, nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision et Monsieur [Y] [O] est fondé en sa demande en ce titre.

L’article 815-10 du même code dispose que « Sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l'ensemble des indivisaires, en emploi ou remploi des biens indivis ».

Il résulte du courrier de l’assurance [5] daté du 27 mai 2019 (pièce 7 du dossier de Monsieur) que suite au sinistre du premier avril 2019, à savoir le vol du véhicule, elle a versé une indemnité d’assurance d’un montant total de 29.521 euros. Madame [D] [C] reconnaît aux termes du procès-verbal du 30 décembre 2021 avoir reçu l’intégralité de cette somme.

En application de l’article 815-10, l’indemnité d’assurance qui remplace le bien indivis est également indivise. Il y a lieu de la répartir selon les quotes-parts des indivisaires.

Madame [D] [C] ayant financé 9 250 euros du véhicule, soit 29,44 % du prix, sa quote-part dans l’indemnité est de 8 690,98 euros (29 521 x 29,44 %).

Monsieur [Y] [O] ayant financé le surplus
(31 468,20 euros (prix mentionné sur la facture) – 9 250 = 22 168,20 euros),
soit 70,56 %, sa quote-part dans l’indemnité est de 20 830,02 euros (29 521 x 70,56 %).

Madame [D] [C] ayant perçu l’intégralité de l’indemnité d’assurance, il y a lieu de la condamner à payer à Monsieur [Y] [O], la somme de 20 830,02 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2022, la mise en demeure alléguée du 3 mai 2021 n’étant pas établie, à proportion de ses droits dans l’indemnité remplaçant le bien indivis et non pas en raison de l’apport initialement fait.

Monsieur [O] sera débouté du surplus de sa demande en paiement.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l'espèce, Madame [D] [C] succombant à l’instance, est condamnée aux dépens.
Supportant les dépens, elle sera condamnée à Monsieur [O] une somme en application de l’article 700 du Code de Procédure civile qu’il est équitable de fixer à 1.500€.

Il y a lieu de rappeler que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

CONDAMNE Madame [D] [C] à verser à Monsieur [Y] [O] la somme de 20 830,02€ (vingt mille huit cent trente euros et deux centimes) correspondant à sa quote-part indivise de l’indemnité d’assurance ;

DEBOUTE Madame [D] [C] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [D] [C] à payer à Monsieur [Y] [O] la somme de 1.500€ (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [D] [C] aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEMarie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/01906
Date de la décision : 28/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-28;22.01906 ?
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