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10/06/2024 | FRANCE | N°23/06199

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 10 juin 2024, 23/06199


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 23/06199 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XKFC


JUGEMENT DU 10 JUIN 2024



DEMANDEURS :

M. [K] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE

Mme [E] [S] épouse [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE



DÉFENDEURS :

M. [M] [O] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

M. [Y] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
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COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Aurélie VERON, Vice-présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judic...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 23/06199 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XKFC

JUGEMENT DU 10 JUIN 2024

DEMANDEURS :

M. [K] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE

Mme [E] [S] épouse [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

M. [M] [O] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

M. [Y] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Aurélie VERON, Vice-présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture rendue en date du 10 Octobre 2023, avec effet au 13 Septembre 2023 ;

A l’audience publique du 18 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 13 Mai 2024 puis prorogé pour être rendu le 10 Juin 2024 ;

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Juin 2024, et signé par Aurélie VERON, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er avril 2009, M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I] ont donné à bail à la S.A.R.L. Le Relais de Moulins un local à usage commercial sis [Adresse 2] à [Localité 4] moyennant le règlement d'un loyer annuel de 9 600 euros, payable mensuellement, outre une provision pour charge de 50 euros par mois. Le bail a été conclu pour une durée de neuf années, à compter du 1er avril 2009.

Se plaignant d'impayés de loyers, par acte d'huissier du 25 janvier 2019, M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I] ont fait délivrer à la société Le Relais de Moulins un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 9 832,38 euros.

Par ordonnance du 12 novembre 2019, le juge des référés a notamment :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire ;condamné la société Le Relais de Moulins à payer aux bailleurs la somme provisionnelle de 12 329,51 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 1er octobre 2019 ;suspendu les poursuites et les effets de la clause résolutoire à condition que le preneur se libère de la provision dans le délai de vingt-quatre mois en sus des loyers courants ;condamné le preneur à une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens en ce compris le coût du commandement de payer.
Par ordonnance du 2 mai 2023, le juge des référés a notamment :

renvoyé les parties à se pourvoir au principal ;dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes tendant au constat de l'occupation illicite de MM. [M] [O] [W] et M. [Y] [W] et à leur expulsion du local commercial ;dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision.

Par exploits de commissaire de justice délivrés le 7 juillet 2023, M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I] ont assigné M. [M] [W] et M. [Y] [W] devant le tribunal judiciaire de Lille en constat de leur occupation sans droit ni titre, en expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation.

Les demandeurs sollicitent le bénéfice de leur acte introductif et demandent à la juridiction de :

Constater l'occupation sans droit ni titre par les consorts [W] du local commercial leur appartenant situé [Adresse 2] à [Localité 4] ;
En conséquence, ordonner leur expulsion ainsi que celle de tout occupant de leur chef, des lieux loués situés [Adresse 2] à [Localité 4], au besoin avec le concours de la force publique ;
Condamner in solidum M. [M] [O] [W] et M. [Y] [W] à leur payer la somme de 1 000 euros par mois au titre des indemnités d'occupation dues depuis le 15 octobre 2019, déduction faire des sommes versées à ce titre, soit la somme de 18 500 euros (à parfaire au jour de l'audience), avec intérêts judiciaires et leur capitalisation, à compter du 8 décembre 2020, date de la mise en demeure;
les condamner in solidum à leur payer la somme complémentaire de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
les condamner in solidum à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé à l'assignation pour un plus ample exposé des motifs, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement assignés à étude, M. [M] [W] et M. [Y] [W] n'ont pas constitué avocat. Il convient donc de statuer par jugement réputé contradictoire, la décision étant susceptible d'appel.

La clôture des débats est intervenue le 13 septembre 2023 par ordonnance du 10 octobre 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 18 mars 2023 à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statue sur le fond. Le juge ne fait droit a la demande que dans la mesure ou il l'estime régulière, recevable et bien fondee.

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal "constater" ou "dire et juger" ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles ci.

I- Sur l'occupation sans droit ni titre

Les consorts [I], propriétaires du local commercial donné à bail à la société Le Relais de Moulins se plaignent de ce que M. [M] [O] [W], son gérant, a conservé les clés du local, alors que l'échéancier accordé n'a pas été respecté et que le bail est donc résilié, la SARL Le Relais de Moulins étant radiée du Registre du commerce et des sociétés à compter du 19 décembre 2019. Ils ajoutent que M. [M] [W] a permis à son fils, M. [Y] [W], d'exercer une activité de restauration rapide sous la dénomination sociale « [5] » dans les lieux sans leur autorisation préalable.

Ils expliquent ne pas être parvenus à un accord sur la conclusion d'un nouveau bail, compte tenu d'une opposition sur le montant du loyer et les conditions du contrat, notamment la régularisation d'un bail avec un dénommé [C] [U] [G], dont la solvabilité n'était pas établie.

Il ressort du bail et du commandement de payer que le gérant de la société Le Relais de Moulins est M. [M] [O] [W].

Le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à l'égard de la société Le Relais de Moulins, les effets étant suspendus par l'octroi de délais de paiement. Il n'est pas justifié de la radiation de la dite société du Registre du commerce et des sociétés ni de l'absence de paiement des loyers.

Cependant, il résulte d'un extrait Kbis que M. [Y] [W] a déclaré exercer une activité commerciale sous le nom « [5] » au [Adresse 2] à [Localité 4] avec un début d'activité le 15 octobre 2019, soit avant même que soit rendue l'ordonnance de référé constatant la résiliation du bail de la société Le Relais de Moulins portant sur le même local.

De plus, le conseil des consorts [I] a envoyé le 8 décembre 2020 un courrier à la société [5] -M. [W], à l'adresse du local commercial et l'accusé de réception a été signé le 18 décembre 2020. Il est justifié d'un autre courrier de leur conseil du 27 avril 2022, adressé cette fois à un avocat dans lequel il est écrit « Je reviens vers vous de façon officielle dans le cadre de l'occupation par votre client Monsieur [W] du local commercial appartenant à Monsieur et Madame [I] et pour lequel le loyer n'est plus versé depuis plusieurs mois. Nous avions évoqué la possibilité d'une cession du bail au profit de Monsieur [W] fils et Monsieur [G] [C] [U]. Vous trouverez en pièce jointe le projet de bail qui avait été établi. Convenons que si ce dernier n'est pas régularisé d'ici le 09 Mai prochain, j'assignerai votre client en expulsion sans autre avis. A défaut, je vous remercie de bien vouloir m'adresser les justificatifs de la solvabilité de Monsieur [C] [U] [G] candidat à la reprise du bail. La présente qui constitue une lettre de mise en demeure est officielle. » (pièce 9)

Il est en outre justifié de quittances de loyer de 850 euros par mois au nom de M. [W] ou M. [W] [O] pour la période d'octobre 2019 à février 2022.

Encore, il est justifié de deux fiches de paie à l'intitulé de la société [5] [Adresse 2] à [Localité 4] correspondant aux mois d'avril et mai 2021.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, particulièrement de l'extrait Kbis de la société [5], des courriers envoyés à cette société à l'adresse du local commercial et des fiches de paie, il est établi que M. [Y] [W] et M. [M] [O] [W] occupent le local commercial propriété des époux [I].

En ne se faisant pas représenter en la procédure, les consorts [W] ne se sont mis en mesure de justifier d'un titre d'occupation des locaux.

En conséquence, il convient de constater qu'ils sont occupants sans droit ni titre des locaux, de sorte que leur expulsion sera accordée avec le concours de la force publique si nécessaire et sans délai.

II- Sur l'indemnité d'occupation

En l'espèce, l'occupation sans droit ni titre du local commercial occasionne aux propriétaires un préjudice qu'il convient de réparer par l'allocation d'une indemnité d'occupation mensuelle.

Cette indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative, laquelle est estimée d'après le courriel d'un agent immobilier à 12 000 euros par an.

En conséquence, il convient de condamner MM. [M] [O] [W] et [Y] [W] au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1 000 euros qui sera due à compter de l'immatriculation au Registre du commerce et des sociétés de la société [5] soit à compter du 15 octobre 2019 et jusqu'à la libération effective des locaux.

Il est ainsi dû à ce titre pour la période du 15 octobre 2019 au 30 juin 2023 la somme de 44 500 euros (44,5 mois x 1000 €), dont il convient de déduire les sommes versées par M. [O] [W] correspondant aux quittances de loyer, soit 26 000 euros.

Les consorts [W] seront ainsi condamnés à payer aux consorts [I] la somme de 18500 euros (44 500 €- 26 000 €).

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision, sans rétroactivité, faute de détail dans la lettre de mise en demeure du 8 décembre 2020 des sommes dues au titre des loyers et celles dues au titre d'une indemnité d'occupation.

La capitalisation sera ordonnée.

En revanche, rien ne justifie une solidarité à la dette sous la forme d'une condamnation in solidum.

III- Sur la demande de dommages-intérêts

Les requérants ne justifient pas d'une faute autre que l'occupation sans droit ni titre, laquelle est réparée par l'allocation d'une indemnité d'occupation avec un intérêt de retard.

Il n'est ainsi pas caractérisé d'abus de la période de pourparlers, les propriétaires n'ayant agi en expulsion que lorsque le « loyer » ou indemnité d'occupation n'a plus été réglé. Les consorts [I] ne peuvent pas davantage se plaindre d'un préjudice tenant à avoir dû supporter la taxe foncière et les charges locatives, alors que ces frais incombent au propriétaire et ne peuvent être transférés au preneur qu'en vertu d'un contrat de bail dûment négocié.

Dans ces conditions, en l'absence de démonstration d'une faute et d'un préjudice, il convient de débouter les requérants de leur demande de dommages-intérêts.

IV- Sur les demandes accessoires

1. Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a dès lors pas lieu de prévoir expressément l'exécution provisoire de la décision.

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [M] [W] et M. [Y] [W] succombant au principal, ils supporteront in solidum les dépens de la présente instance et seront redevable selon la même solidarité d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui sera justement fixée à la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE l'occupation sans droit ni titre du local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 4] appartenant à M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I], par M. [M] [O] [W] et M. [Y] [W] ;

ORDONNE l'expulsion de M. [M] [O] [W] et M. [Y] [W] et de tout occupant de leur chef du local commercial sis [Adresse 2] à [Localité 4] à compter de la signification de la présente décision et avec le concours de la force publique si nécessaire ;

CONDAMNE M. [M] [O] [W] et M. [Y] [W] à une indemnité d'occupation de 1 000 euros par mois à compter du 15 octobre 2019 et jusqu'à la libération complète des locaux, soit la somme de 18 500 euros arrêtée au 30 juin 2023, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ayant couru chaque année sur les sommes de euros et de euros ;

DÉBOUTE M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I] de leur demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE in solidum M. [M] [W] et M. [Y] [W] à payer à M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

DÉBOUTE M. [K] [I] et Mme [E] [S] épouse [I] de ses autres demandes ;

CONDAMNE in solidum M. [M] [W] et M. [Y] [W] aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEAurélie VERON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 23/06199
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;23.06199 ?
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