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10/06/2024 | FRANCE | N°22/00118

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 10 juin 2024, 22/00118


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/00118 - N° Portalis DBZS-W-B7G-VYCH


JUGEMENT DU 10 JUIN 2024



DEMANDERESSE :

SOCIETE IMMOBILIERE DU GRAND HAINAUT,
immatriculée au RCS de VALENCIENNES sous le n°548800382, pris en la personne de son Président du Directoire en exercice, Monsieur [O] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Cindy MALOLEPSY, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEURS :

S.A.S. ALIMENTATION GRAND PALAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Mar

ie CARREL, avocat au barreau de LILLE

M. [B] [P]
né le 05 juin 1969
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Marie CARREL, avocat a...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/00118 - N° Portalis DBZS-W-B7G-VYCH

JUGEMENT DU 10 JUIN 2024

DEMANDERESSE :

SOCIETE IMMOBILIERE DU GRAND HAINAUT,
immatriculée au RCS de VALENCIENNES sous le n°548800382, pris en la personne de son Président du Directoire en exercice, Monsieur [O] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Cindy MALOLEPSY, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS :

S.A.S. ALIMENTATION GRAND PALAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Marie CARREL, avocat au barreau de LILLE

M. [B] [P]
né le 05 juin 1969
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Marie CARREL, avocat au barreau de LILLE

M. [B] [P]
né le 05 juillet 1950
[Adresse 7]
[Localité 5]
représenté par Me Marie CARREL, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Aurélie VERON, Vice-présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture rendue en date du 05 juillet 2023, avec effet au 30 Juin 2023;

A l’audience publique du 18 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 13 Mai 2024 puis prorogé pour être rendu le 10 Juin 2024

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 10 Juin 2024, et signé par Aurélie VERON, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 25 juillet 2019, la S.A. Société Immobilière Grand Hainaut (société SIGH) a conclu un bail avec la S.A.S. Alimentation Grand Palais d'une durée de neuf ans portant sur un local commercial à usage d'épicerie-snack situé au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [Adresse 2], moyennant un loyer annuel de 5 400 euros soit 1 350 euros par trimestre, avec indexation. Par le même acte, M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juillet 1950 et M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juin 1969, se sont portés caution solidaire du locataire.

Le 5 juin 2020, la société SIGH a fait dresser un procès-verbal de constat des travaux en cours de réalisation dans les lieux loués.

Par acte d'huissier du 10 novembre 2021, la société SIGH a fait délivrer à la société Alimentation Grand Palais un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 13 109,22 euros.

Par exploits d’huissier délivrés les 22 et 29 décembre 2021, la S.A. Société Immobilière Grand Hainaut (société SIGH) a assigné la S.A.S. Alimentation Grand Palais, M. [B] [P] et M. [B] [P] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de paiement des loyers et de travaux.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 avril 2023, la S.A. Société Immobilière Grand Hainaut (société SIGH) sollicite :

La condamnation solidairement et indivisiblement de la S.A.S. Alimentation Grand Palais, de M. [B] [P] et M. [B] [P], en leur qualité de caution à lui payer :
- 13 292, 68 euros à parfaire au jour du jugement avec intérêts au taux légal majoré de cinq points avec anatocisme ;
- 134 692,13 euros au titre des travaux ;
- Le rejet des demandes, fins et conclusions des défendeurs ;
- La condamnation solidairement et indivisiblement de la S.A.S. Alimentation Grand Palais, de M. [B] [P] et M. [B] [P], en leur qualité de caution à lui payer la somme de 2 000 euros sur le de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Me Valéry Gollain.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 1er juin 2023, la S.A.S. Alimentation Grand Palais, M. [B] [P] et M. [B] [P] s’opposent aux demandes formées à leur encontre. Ils sollicitent de la juridiction de :

A titre principal,

Rejeter purement et simplement l'ensemble des demandes formées par la société SIGH ;
Dire et Juger que la société SIGH a manqué à son obligation de délivrance et de respect de la jouissance paisible du locataire ;
Dire et Juger que le paiement du loyer et des charges est suspendu pendant toute la durée des travaux ;
Dire et juger nul le commandement de payer délivré le 10 novembre 2020 comme ayant été délivré de mauvaise foi ;

A titre subsidiaire,

Réduire à de plus justes proportions la demande en paiement au titre des travaux de reprise du mur ;
Dire et Juger que seul le loyer du mois de septembre 2021 est dû par le locataire et lui Accorder les plus larges délais de paiement pour le régler;
Dire et Juger que les engagements de caution de MM. [P] sont limités à la somme de 5 400 euros ;
Dire et Juger que MM. [P] ne peuvent être tenus au paiement des pénalités et intérêts de retard ;
En tout état de cause,

Condamner la société SIGH à leur verser chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des motifs conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats est intervenue le 30 juin 2023 par ordonnance du 5 juillet 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 18 mars 2024 à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 13 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal "constater" ou "dire et juger" ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles ci.

I- Sur la demande en paiement au titre des travaux

A- Sur la faute contractuelle

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du code civil dispose qu'il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

L'article 1731 du code civil dispose que s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

L'article 1732 du code civil prévoit en outre que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

En outre, il est stipulé à la page 10 du bail que :

« Le locataire prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouveront au moment de l'entrée en jouissance, et sans pouvoir exiger aucune réfection, remise en état, adjonction d'équipements supplémentaires, ou travaux quelconques, rendus nécessaires par l'état de vétusté ou par l'existence de vices cachés. Le locataire déclare bien connaître l'état des lieux loués pour les avoir visités. 
[…] Les parties conviennent que la charge de tous les travaux qui pourraient être nécessaires pour adapter les locaux loués ou les mettre en conformité avec la règlementation existante (notamment les « travaux de sécurité et d'hygiène ») sera exclusivement supportée par le locataire. Il en sera de même si cette réglementation vient à se modifier et que, de ce fait, l'immeuble n'est plus conforme aux normes réglementaires.»

Il est précisé en page 11, s'agissant de l'entretien et des réparations que :

« LE LOCATAIRE devra assurer, sans aucun recours contre le BAILLEUR, l'entretien complet des biens loués de manière à ce qu'ils soient constamment maintenus en état de propreté. LE LOCATAIRE ne pourra rien faire ni laisser faire qui puisse détériorer les biens loués. Il devra prévenir le BAILLEUR, sans aucun retard et par lettre recommandée avec avis de réception, sous peine d'être personnellement responsable de toute atteinte qui serait portée à la propriété, en cas de travaux, de dégradations ou de détériorations qui viendraient à se produire dans les biens loués et qui rendraient nécessaire l'intervention du BAILLEUR. »

Il est encore mentionné, page 12, au titre des « Transformations » que « [Le preneur] aura à sa charge exclusive les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité. Ces transformations ne pourront être faites qu'après l'accord préalable et écrit du BAILLEUR, sous la surveillance et le contrôle de l'architecte de ce dernier dont les honoraires et vacations seront à la charge du LOCATAIRE et, le cas échéant, après accord de l'assemblée générale des copropriétaires. ».

A l'article 5°) « Changement de distribution », il est indiqué que « Il ne pourra faire dans les locaux loués, sans le consentement exprès et écrit du BAILLEUR, aucune démolition, aucun percement de murs, de cloisons ou plancher, ni aucun changement de distribution. En cas d'autorisation, ces travaux seront exécutés sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du BAILLEUR […] ».

Il résulte de ces dispositions que le locataire est responsable des dégradations occasionnées aux lieux loués, qu'il devait obtenir l'accord préalable et écrit du bailleur pour réaliser les travaux nécessaires à l'exercice de son activité et que les travaux de transformations et de démolition et percement de murs devaient être exécutés sous la surveillance et le contrôle de l'architecte du bailleur.

Il est acquis aux débats que le preneur a engagé des travaux d'aménagement des locaux avant l'ouverture du commerce, avec notamment la démolition d'un mur porteur et la pose d'un linteau.

Dans un avis technique du 10 août 2020, la société SOCOTEC a estimé que « la vérification de la flèche admissible (L/500) du linteau [constitué de deux poutrelles métalliques type IPE 200 accolés non solidaire] avec l'estimation de la descente de charges transmise n'est pas satisfaisante » et a émis un avis défavorable aux travaux qui ont été réalisés pour l'ouverture du refend du rez-de-chaussée. Elle a précisé que « la solidité à froid de la structure du bâtiment est remise en cause. Une action de mise en sécurité par la mise en place d'un étaiement complet du rez-de-chaussée jusqu'au sous-sol ne peut être que conseillée dans l'attente de travaux de reprises définies par un cahier des charges rédigé par un bureau d'étude structure. Ces travaux de reprises devront être validés puis suivis par un organisme agréé qui conclura à la stabilité à froid de la structure par le biais du rapport final (mission L+LE). »

Ainsi, les travaux réalisés par les consorts [P] eux-mêmes dans les locaux loués présentaient une dangerosité pour la structure de l'immeuble et nécessitaient une reprise qui a été prise en charge par le bailleur après récupération des clés.

Il est justifié d'échanges de courriels entre M. [B] [P] et MM. [U] [D] et [G] de Sigh-habitat, aux termes desquels M. [P] a présenté une demande de travaux le 4 octobre 2019, avec l'envoi des plans d'un architecte.

S'il résulte des plans adressés par courriel que l'espace intérieur est ouvert, dans son message M. [P] ne mentionne aucunement le projet d'abattre un mur porteur, mais uniquement la suppression de cloisons, alors même que M. [D] lui avait demandé de communiquer « par pièce la nature des travaux par corps d'état et les modifications s'il y a lieu au niveau de la structure intérieur ». (pièce 2/1).

L'attention du bailleur n'a ainsi pas été attirée sur ces travaux particuliers que sont la suppression d'un mur porteur et la pose d'un linteau, alors qu'il ne s'agit pas de simples aménagements intérieurs mais de modifications touchant à la structure de l'immeuble.

En toute hypothèse, les clauses contractuelles sont explicites sur le fait qu'il fallait un consentement exprès et écrit du bailleur pour toute démolition et percement de mur, ce qui est le cas de la suppression d'un mur porteur.

Or, il n'est justifié d'aucun accord exprès et écrit du bailleur autorisant la réalisation des travaux. Il n'est pas davantage justifié du respect du formalisme de l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception pour l'aviser des travaux.

Faute d'obtention de l'autorisation expresse exigée dans les clauses contractuelles et du respect du formalisme, le preneur ne pouvait réaliser les travaux.

Dès lors, le preneur a manqué à ses obligations contractuelles en réalisant les travaux sans respect du formalisme contractuel et en dégradant le bien, les travaux réalisés mettant en péril la structure de l'immeuble.

En conséquence, la société Alimentation Grand Palais doit réparer le préjudice subi et donc supporter le coût des travaux de reprise des désordres.

B- Sur le préjudice

Sur le coût du procès-verbal de constat du 5 juin 2020
La requérante est fondée à réclamer le remboursement de la somme de 240 euros exposée pour justifier de son préjudice.

Sur la facture Gaz Service
Cette facture du 1er février 2021 de 487,09 euros correspond à des travaux de réparation de la plomberie dans le local commercial.

Cette seule facture est insuffisante à établir un lien de causalité directe entre la démolition du mur porteur et ces travaux de plomberie, de sorte qu'aucune somme ne sera accordée au titre de ce poste.

Sur les factures Nord-Echafaudage EURL
Elles correspondent à la pose et dépose de tours d'étaiement pour un total de 27 120,86 euros. Cette somme n'est pas contestée et est en lien direct avec la nécessité de sécuriser le bâtiment suite à la suppression du mur porteur.

Il y sera fait droit.

Sur les factures de la SARL Sertec
Il s'agit de travaux de sécurisation de l'installation électrique.

Or, il n'est pas établi que la démolition du mur porteur avec l'installation d'un linteau insuffisant a nécessité la modification et la sécurisation de l'installation électrique.

Ainsi, en l'absence de lien direct entre la faute du preneur et lesdits travaux, aucune somme ne sera accordée à ce titre.

Sur les factures D'une porte à l'autre
Les factures datées de mars 2021 pour un total de 22 317,08 euros correspondent à la fourniture et à la pose de volets, de vitres, de portes, au doublage de murs et à la mise en peinture, et à la réparation de fissures et de peintures dans l'appartement C13, non concerné par le bail.

Il n'est pas justifié d'un lien de causalité direct entre ces travaux et la démolition non autorisée et non sécurisée d'un mur porteur.

Aucune somme ne sera donc accordée au titre de ce poste.

Sur les factures S.D.E.
Elles correspondent aux travaux de reprise du mur porteur et travaux corrélatifs de curage, plâtrerie, carrelage.

Ce poste réclamé pour un montant de 61 464,03 euros n'est pas contesté.

Ces travaux sont directement liés aux manquements du preneur et il sera donc fait droit à la demande au titre de ce poste.

Sur le total des sommes dues
La société Alimentation Grand Palais sera condamnée à payer à la société SIGH la somme totale de 88824,89 euros TTC (240€+ 27 120,86€+ 61 464,03€).

II- Sur la demande en paiement au titre des loyers et charges

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du code civil dispose qu'il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

Pour s'opposer à la demande en paiement des loyers, les défendeurs soutiennent que la bailleresse a manqué à ses obligations de délivrance et de garantir la jouissance du bien, de sorte que les loyers seraient suspendus durant le temps des travaux. Ils se prévalent également de la nullité du commandement de payer.

A- Sur la nullité du commandement de payer

En l'espèce, la mauvaise foi dans la délivrance du commandement de payer ne peut être déduite du seul fait que le local donné à bail ne pouvait être exploité par le preneur avant le mois de septembre 2021 et du désaccord des parties sur l'exigibilité des loyers durant les travaux.

En conséquence, la demande de nullité du commandement de payer du 10 novembre 2021 sera rejetée.

B- Sur les manquements du bailleur à ses obligations de délivrance et de jouissance

Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'en juin 2020, la bailleresse a fait intervenir en urgence un huissier de justice pour constater les travaux réalisés dans l'immeuble par le locataire (cf. pièce 3 page 1) et a demandé un avis technique structurel à la société SOCOTEC (visite des lieux le 17 juin 2020, pièce 4).

Il n'est pas contesté que la bailleresse a récupéré les clés du locataire et que ce dernier n'a pu ouvrir son commerce avant la fin des travaux.

Il résulte des SMS échangés (pièce 5/1 et 5/2 défendeurs) que les parties ont convenu d'un état des lieux après travaux avec remise des clés le 12 juillet 2021. Il convient donc de considérer qu'à compter de cette date, le preneur était de nouveau en possession des clés et en mesure d'exploiter son commerce.

Il sera relevé que le bail a été conclu le 25 juillet 2019, que l'état des lieux d'entrée correspondant au début du bail avec remise des clés est intervenu le 6 septembre 2019 et qu'au 5 juin 2020, eu égard au procès-verbal de constat, les travaux n'étaient pas achevés et le preneur n'était pas en mesure d'ouvrir son commerce. Si les défendeurs affirment que les travaux étaient presque achevés, cela ne résulte pas des photographies du constat et de celles produites par les défendeurs (pièces 3), lesquelles attestent de travaux encore en cours.

Ainsi, neuf mois après l'entrée en possession des lieux, les travaux d'aménagement initiés par le preneur n'étaient pas achevés.

Le locataire n'a ensuite pas eu la libre jouissance de son local de juin 2020 à juillet 2021. Durant cette période, la bailleresse a dû faire établir un diagnostic de l'état de l'immeuble et des travaux de reprise à réaliser pour sécuriser l'immeuble, et ensuite faire réaliser ces travaux.

Cette durée de réalisation des travaux, au cours des années 2020 et 2021, n'apparaît pas manifestement excessive, étant rappelé que la bailleresse a dû intervenir en urgence pour sécuriser l'immeuble à la suite de la dégradation de celui-ci avec mise en péril de la solidité de la structure par le preneur, et réaliser l'ensemble des travaux initiés.

Si les défendeurs se plaignent d'avoir été privés sur une trop longue période de la jouissance du local et d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, ils n'apportent cependant aucun élément de nature à établir que les travaux nécessités par leurs manquements contractuels auraient pu être réalisés plus rapidement.

Dans ces conditions, la société Alimentation Grand Palais et les consorts [P] échouent à établir que la bailleresse a manqué à ses obligations de délivrance et de garantir la jouissance paisible du bien.

Dès lors, rien ne justifie que le preneur soit exonéré de loyers durant la période de travaux.

C- Sur les sommes dues

Il résulte du décompte joint au commandement de payer du 10 novembre 2021 une somme totale due au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 30 septembre 2021, de 13 109,22 euros.

Si le preneur argue d'une franchise de loyers de deux mois accordée par la bailleresse par l'intermédiaire de M. [G], il n'est apporté aucune preuve de cette franchise, qui, si elle est classique en matière de bail commercial, est généralement stipulée dans le contrat de bail.

En conséquence, il convient de condamner la société Alimentation Grand Palais à payer à la société SIGH la somme de 13 109,22 euros.

III- Sur les intérêts de retard

Aux termes de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

En l'espèce, il est prévu à l'article relatif au loyer du contrat de bail (page 7) qu'en cas de non-paiement à l'échéance du loyer, le bailleur percevra un intérêt de retard au taux légal majoré de cinq points.

Cette clause s'analyse en une clause pénale soumis au contrôle du juge en son caractère excessif ou dérisoire.

Cette clause apparaît manifestement excessive en l'absence de justificatif d'un préjudice autre que le retard de paiement.

En conséquence, il convient de réduire l'intérêt au taux légal.

En conséquence, la somme de 13 109,22 euros portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation sera ordonnée pour les intérêts dus depuis plus d'une année entière.


IV- Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.

Compte tenu de la situation financière justifiée de la société débitrice, le créancier ne faisant pas état de difficultés particulières, il convient de lui accorder un échelonnement de sa dette selon les modalités reprises au dispositif de la présente décision.

V- Sur l'engagement des cautions

Aux termes du bail, les consorts [P] se sont portés l'un et l'autre caution solidaire du preneur pour le paiement « du loyer et de toutes sommes qui pourraient être dues au BAILLEUR par le LOCATAIRE, en exécution des clauses du présent bail, sans aucune exception ni réserve, dans le cas où le LOCATAIRE ne remplirait pas lui-même ses obligations ».

Il est cependant prévu une limitation du cautionnement :

« Conformément aux dispositions de l'article L 341-5 du Code de la Consommation et en raison de l'engagement solidaire qui est demandé à la Caution ci-dessus, l'engagement de la caution sera limité pour un maximum d'une année de loyers et charges dont le montant sera apprécié compte tenu du loyer en vigueur à la date de la mise en jeu de la caution. »

Les parties s'accordent à reconnaître que l'engagement de caution des consorts [P] est limité à une année de loyers et charges soit 5 400 euros.

Il résulte de ces dispositions que les consorts [P] se sont portés caution solidaire de l'ensemble des sommes dues par le preneur, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'écarter les pénalités.

Il conviendra donc de condamner les consorts [P] solidairement avec la société Alimentation Grand Palais au paiement des sommes dues, dans la limite de 5 400 euros chacun.

VI- Sur les demandes accessoires

1. Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a dès lors pas lieu de prévoir expressément l'exécution provisoire de la décision.

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens

La S.A.S. Alimentation Grand Palais et les consorts [P] succombant au principal, ils supporteront in solidum les dépens de la présente instance et seront redevables selon la même solidarité d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui sera justement fixée à la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande de nullité du commandement de payer délivré le 10 novembre 2021 ;

DÉBOUTE la S.A.S. Alimentation Grand Palais et les consorts [P] de sa demande de suspension du paiement des loyers ;

CONDAMNE solidairement la S.A.S. Alimentation Grand Palais et M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juillet 1950 dans la limite de 5 400 euros et M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juin 1969 dans la limite de 5 400 euros à payer à la S.A. Société Immobilière Grand Hainaut les sommes de :

88 824,89 euros TTC au titre des travaux ;13 109,22 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 30 septembre 2021 avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour plus d’une année entière en application des dispositions de l’article 1154 du code civil ;

SURSOIT à l’exécution des poursuite et AUTORISE la S.A.S. Alimentation Grand Palais et les consorts [P] à s’acquitter de leur dette envers la S.A. Société immobilière Grand Hainaut selon les modalités suivantes :

Paiement de la somme de 101 934,11 euros en 24 mensualités successives de 4 200 euros chacune, la dernière étant augmentée du solde du principal, des frais et intérêts restant dus cette date ;
Paiement de la première mensualité au plus tard le 31 juillet 2024, et des mensualités suivantes au plus tard le dernier jour de chaque mois ;

DIT qu’à défaut d’un seul versement à l’échéance, l’intégralité de la dette sera immédiatement exigible sans mise en demeure préalable;

RAPPELLE que conformément aux dispositions de l’article 1244-2 (1343-5) du Code Civil, la présente décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par la présente décision ;

CONDAMNE in solidum la S.A.S. Alimentation Grand Palais, M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juillet 1950 et M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juin 1969 à payer à S.A. Société Immobilière Grand Hainaut la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la S.A.S. Alimentation Grand Palais et les consorts [P] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

DÉBOUTE S.A. Société Immobilière Grand Hainaut de ses autres demandes ;

DÉBOUTE la S.A.S. Alimentation Grand Palais et les consorts [P] de leurs autres demandes ;

CONDAMNE in solidum la S.A.S. Alimentation Grand Palais, M. [B] [P] né à [Localité 8] le 5 juillet 1950 et M. [B] [P] né à [Localité 8] le 05 juin 1969 aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEAurélie VERON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/00118
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;22.00118 ?
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