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31/05/2024 | FRANCE | N°22/04257

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 31 mai 2024, 22/04257


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/04257 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WJSU


JUGEMENT DU 31 MAI 2024



DEMANDEUR :

M. [E] [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Laurence GUEY-BALGAIRIES, avocat au barreau de DOUAI


DÉFENDERESSE :

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS,
prise en la personne de son Directeur général
Pôle juridictionnel judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 3]



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Prés

ident: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

Greffier: Benjamin LAPLUME,


DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/04257 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WJSU

JUGEMENT DU 31 MAI 2024

DEMANDEUR :

M. [E] [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Laurence GUEY-BALGAIRIES, avocat au barreau de DOUAI

DÉFENDERESSE :

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS,
prise en la personne de son Directeur général
Pôle juridictionnel judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 3]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

Greffier: Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 30 Juin 2023.

A l’audience publique devant la formation collégiale du 14 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 31 Mai 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 31 Mai 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

LITIGE

Par une proposition de rectifications du 07 décembre 2016, l’administration a rectifié les déclarations au titre de l’impôt sur la fortune pour les années 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, s’agissant de :

➢ L’omission de déclaration de certains contrats d’assurance vie,
➢ La remise en cause de la nature d’un bien professionnel pour l’année 2013,
➢ La remise en cause de la valeur déclarée de la résidence principale.

Les redressements notifiés au titre des contrats d’assurance-vie et de la résidence principale ont été assortis de pénalités pour manquement délibéré de 40%.

Suite aux observations présentées par Monsieur [E] [M] en date du 04 février 2017, les redressements ont été partiellement maintenus par réponse du 27 avril 2017, l’administration fiscale ayant abandonné la remise en cause de l’exonération des biens professionnels pour 2013, corrigé les redressements relatifs aux contrats d’assurance-vie comptabilisés deux fois et n’ayant maintenu la majoration de 40 % pour manquement délibéré que pour les contrats d’assurance-vie omis.

Par lettre du 24 mai 2017, Monsieur [M] a saisi la Commission Départementale de Conciliation au titre de la rectification de la valeur de la résidence principale.

Par courrier du 27 août 2018, l’administration fiscale informait le contribuable de son intention de mettre en recouvrement l’imposition telle qu’arrêtée dans la réponse du 27 avril 2017, exception faite du redressement relatif à l’évaluation de la résidence principale compte tenu de la saisine de la commission.

Le 13 septembre 2018, le service a ainsi mis en recouvrement les impositions visées dans le courrier du 27 août 2018.

Suivant réclamation du 10 octobre 2018, Monsieur [E] [M] a sollicité le dégrèvement des avis de mise en recouvrement du 13 septembre 2018 au titre des pénalités pour manquement délibéré. Suivant décision du 24 juin 2020, la réclamation de Monsieur [M] a été rejetée.

Par acte en date du 24 août 2020, M. [M] a fait assigner M. le Directeur général des finances publiques d’Ile de France et de Paris devant le tribunal judiciaire de Lille à l’effet de contester les avis de mise en recouvrement s’agissant des pénalités.

Postérieurement à l’assignation, l’administration fiscale a adressé à M. et Mme [M] un second avis de recouvrement daté du 31 août 2018, réceptionné le 7 décembre 2020, et ainsi nommé :

« avis de mise en recouvrement qui annule et remplace celui du 31 août 2018 » portant sur la somme de 125.092 euros.

Le 20 juin 2022, Monsieur [M] présentait à l’encontre de ce nouvel avis de mise en recouvrement une réclamation. Le 8 août 2022, l’administration a rejeté la réclamation.

M. [M] a fait assigner l’administration fiscale par acte du 1er juillet 2022 en contestation de ce second avis de mise en recouvrement. L’affaire était enregistrée sous le numéro RG 22/04257.

Suivant ordonnance du 03 mars 2023, la jonction des deux affaires était ordonnée sous le numéro RG 22/04257.

Après échange d’écritures entre les parties, la clôture de l’affaire a été ordonnée le 30 juin 2023 te l’affaire fixée à plaider à l’audience de plaidoirie du 14 mars 2024.

PRETENTIONS

Par dernières conclusions récapitulatives, signifiées par la voie électronique le 3 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample de ses moyens, M. [M] demande au tribunal de :

Vu les dispositions des articles 885 A, 885 D, 885 E, 885 F, 885 S et 761 du CGI

Vu les dispositions des articles L17, L 55, L 80 D, L 180, L 256, R 256-1 et R 256-8 du LPF

Déclarer non fondée les décisions de rejet des 24/06/20 et 08/08/2022
DIRE que les 1ers avis de mise en recouvrement du 13/09/18 et le 2ème avis de mise en recouvrement du 31/08/18 notifié le 07/12/20 sont irréguliers et à titre subsidiaire que le 2ème avis de mise en recouvrement du 31/08/18 n’est pas intervenu dans le délai de reprise pour les années 2013 à 2015,
DIRE qu’il n’y a pas lieu à application des pénalités pour manquements délibérés,
Ordonner la décharge des avis de mise en recouvrement des 13/09/18, et 31/08/18 notifié le 07/12/20 à concurrence des pénalités pour manquements délibérés,
Condamner le Directeur régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris à payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner le Directeur régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de Paris aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Laurence GUEY pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Au soutien de ses demandes, il soutient que contrairement à ce que prétend l’administration, ses demandes de dégrèvement ne concernent que les pénalités pour manquements délibérés, l’irrégularité des avis de mise en recouvrement ne constituant que des moyens nouveaux à l’appui de cette réclamation, admis au titre de l’article L. 199 C du LPF. Il fait ensuite valoir que l’administration fiscale ne conteste pas l’irrégularité du premier avis de mise en recouvrement soutenant qu’il peut être remplacé par le second ; mais qu’il a initialement maintenu ses demandes au titre des premiers avis de mise en recouvrement du 13 septembre 2018 au motif que si l’administration soulignait qu’il n’y avait plus de litige concernant le premier avis, elle maintenait ses demandes de rejet de la demande de décharge du 1er avis et de confirmation de la décision du 24 juin 2020. Il consent désormais, compte tenu de la seconde instance et de la jonction, qu’il n’y a plus d’intérêt à se prévaloir de l’absence de substitution du premier avis par le second avis.

Puis, s’agissant du 2e avis de mise en recouvrement, il souligne que l’avis est anti-daté au 31 août 2018, ce qui est contraire au principe de sécurité juridique, et alors même qu’il est censé remplacer un premier avis daté du 13 septembre 2018. Il ajoute qu’il ne s’agit pas d’une simple erreur de plume, l’administration ayant d’ailleurs soutenu initialement, avant l’engagement de la deuxième procédure et la jonction, que le tribunal pouvait se prononcer sur ce second avis dans le cadre de la première instance engagée relativement au premier avis de redressement. Il souligne que l'avis de mise en recouvrement ayant pour effet :

• d'authentifier la créance de l’État ;

• d'ouvrir le délai de recours contentieux à l'encontre des impositions figurant sur l'avis de mise en recouvrement (31/12 de la 2 ème année suivant son émission – R 196-1 du LPF);

• d'ouvrir le délai de prescription de l'action en recouvrement (4 ans à compter de son émission),

l’administration ne peut émettre un titre anti-daté et que compte tenu de cette irrégularité, la décharge de pénalités doit être prononcée.

Subsidiairement, il invoque une prescription.

Sur le fond, il conteste l’application de pénalités en faisant valoir qu’il n’y a pas identité de motifs entre ceux de la proposition de rectifications et ceux de la décision de rejet ; et qu’il a commis une erreur sans éluder l’impôt.

Par dernières conclusions signifiées le 12 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus ample de ses moyens, l'administration fiscale demande au tribunal de:

fixer le quantum du litige au montant des pénalités pour manquements délibérés ;
débouter M. [M] de ses demandes,
confirmer les décisions de rejet prononcées par l'administration fiscale le 24 juin 2020 et le 8 août 2022 ;
débouter M. [M] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Cpc;
le condamner à verser à la directrice régionale des finances publiques d'Ile de France et de Paris la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Cpc et aux dépens de l'instance.
Elle fait valoir que M. [M] qui conteste la régularité des avis de mise en recouvrement dans leur globalité, motif pris que les montants mis en recouvrement ne correspondent pas aux montants figurant dans les actes visés, n’invoque ainsi pas seulement un nouveau moyen mais étend le litige au-delà du montant qui a fait l’objet d’un recours contentieux, ce qui n’est pas possible sans recours préalable auprès de l’administration, en sorte que la demande de dégrèvement des avis du 13 septembre 2018 pour cause d’irrégularité n’est pas recevable puisqu’elle n’était pas visée dans la réclamation du 10 octobre 2018. A titre subsidiaire, elle souligne que le tribunal ne peut prononcer l’annulation d’un avis de mise en recouvrement mais seulement de la décision de rejet.

Puis, elle fait valoir que dans la mesure où elle a émis un second avis de mise en recouvrement pour le mettre en conformité avec les dispositions de l’article R. 256-1 du LPF, le moyen tiré de l’irrégularité du premier avis de mise en recouvrement n’est plus opérant puisqu’il a été remplacé.

Sur le second avis de mise en recouvrement, elle fait valoir qu’il s’agit d’une simple erreur de plume, la date du 31 août 2018 correspondant à la date du prélèvement informatique. Elle souligne que l’intéressé a d’ailleurs pu déposer un second recours contentieux qui n’a pas été considéré comme hors délais.

Subsidiairement, elle s’oppose à toute prescription.

Sur le fond, elle fait valoir que la décision d’appliquer des majorations pour pénalités est effectivement motivée et se prévaut de l’absence de bonne foi du contribuable.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera observé que si l’administration invoque une irrecevabilité de la demande au titre premier avis de recouvrement, elle ne la reprend pas dans son dispositif, le limitant à solliciter le débouté des demandes du requérant, de sorte qu’il ne sera pas statué sur une éventuelle irrecevabilité, en application des dispositions de l’article 768 du Code de procédure civile.

Sur les demandes principales

Il convient d’observer que si les parties s’entendent sur le fait que la saisine au titre de la 1ère instance est devenue sans objet compte tenu de l’émission d’un 2ème avis de mise en recouvrement, l’administration maintient sa demande de confirmation de la décision de rejet du 24 juin 2020 et le requérant maintient sa demande de décharge de l’avis de recouvrement du 13 septembre 2018.

Le requérant n’a pas exposé, dans ses dernières écritures, les motifs d’irrégularité du premier avis de redressement. Pour autant, les parties s’accordent sur ce point, ce qui a conduit l’administration à émettre un second avis à l’effet de le remplacer. A cet égard, dans sa décision de rejet du 8 août 2022, l’administration souligne que désormais l’avis de mise en recouvrement « distingue bien » les montants des intérêts de retard du montant des pénalités pour manquements délibérés, alors qu’à l’analyse du premier avis de mise en recouvrement, il apparaît que les montants des intérêts et des majorations étaient confondus.

En tout état de cause, il est constant que désormais l’administration ne fonde plus sa réclamation sur ce premier avis de recouvrement qu’elle considère comme annulé, de sorte que le recouvrement des pénalités ne saurait être fondé sur l’avis de mise en recouvrement du 13 septembre 2018.

Puis, il est constant que l’administration a émis un second avis de recouvrement au titre de l’ISF et de la CEF pour les années 2011 à 2015, daté du 31 août 2018 et ainsi intitulé :

«avis de mise en recouvrement qui annule et remplace celui du 31 août 2018»

Le tribunal ne peut manquer de relever les incohérences de ce second avis, puisque :

aucun avis précédent daté du 31 août 2018, soit du jour même, n’a été émis ;et que s’agissant de l’imposition contentieuse, ce second avis de mise en recouvrement ne peut, à cette date, annuler et remplacer les premiers avis qui avaient été émis à une date postérieure, le 13 septembre 2018.
L’administration invoque une erreur de plume, soutenant que la date correspond à celle de l’avis initial qui avait été émis le 31 août 2018 « (par un prélèvement informatique à date fixe) », mais que l’avis avait été signé le 13 septembre 2018 car « entre la date de l’émission par les services informatiques et l’arrivée par le courrier dans le service en charge de l’homologation, environ 15 jours s’écoulent ». Il n’est pas inutile de remarquer que dans la décision de rejet du 8 août 2022, l’administration soutient plutôt que cette date correspond à celle d’arrêt des intérêts de retard.

Et en tout état de cause, l’étude des documents soumis ne permet pas de retenir une simple erreur de plume. En effet, la seule pièce précisant la date à laquelle sont arrêtés les intérêts de retard est le premier avis de mise en redressement qui retient le 31 juillet 2018. Ce même avis daté du 13 septembre 2018 évoque une « situation arrêtée au 12/09/2018 » et non pas au 31 août 2018. In fine, aucun autre document que l’avis de redressement litigieux ne comporte la date du 31 août 2018.

L’administration qui n’a pas manqué de se prévaloir de ce second avis, dès son émission, dans le cadre de la première instance engagée contre le premier avis de recouvrement, ne peut donc être suivie sur ce point.

S’agissant d’un titre exécutoire, ayant pour effet d’authentifier la créance de l’Etat, cette irrégularité affectant la date du titre suffit à considérer que le titre lui-même est irrégulier et ne peut fonder le recouvrement des sommes au titre des majorations litigieuses, quand bien même le requérant a pu exercer son recours administratif préalable.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu d’ordonner la décharge des avis de mise en recouvrement des 13 septembre 2018, et 31 août 2018 notifié le 07 décembre 2020 à concurrence des pénalités pour manquements délibérés. Le requérant étant admis au bénéfice de sa demande principale, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens qu'il développe et qui concourent à la même fin.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de l’issue du litige, il convient de mettre les dépens à la charge de M. le Directeur général des finances publiques d’Ile de France et de Paris et de le condamner à payer au requérant la somme de 3000 euros pour ses frais non compris dans les dépens. Faculté de recouvrement direct des dépens est accordée à Maître Laurence GUEY.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Ordonne la décharge des avis de mise en recouvrement des 13 septembre 2018, et 31 août 2018 notifié le 07/12/20 à concurrence des pénalités pour manquements délibérés,

Condamne M. le Directeur général des finances publiques d’Ile de France et de Paris aux dépens de l’instance,

Condamne M. le Directeur général des finances publiques d’Ile de France et de Paris à payer à M. [E] [M] la somme de 3000 euros pour ses frais non compris dans les dépens,

Accorde faculté de recouvrement des dépens à Maître Laurence GUEY,

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEMarie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/04257
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;22.04257 ?
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