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31/05/2024 | FRANCE | N°21/03551

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 31 mai 2024, 21/03551


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01
N° RG 21/03551 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VLTE


JUGEMENT DU 31 MAI 2024



DEMANDEUR:

M. [B] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Amandine BODDAËRT, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES:

S.A.S. CESAM
[Adresse 2]
représentée par Me Antoine LE GENTIL, avocat au barreau D’ARRAS, postulant et Me Gilles MENGUY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.A.S. LEASECOM
enant aux droits de NBB LEASE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Locali

té 5]
représentée par Me Régis DEBAVELAERE, avocat au barreau de LILLE



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 21/03551 - N° Portalis DBZS-W-B7F-VLTE

JUGEMENT DU 31 MAI 2024

DEMANDEUR:

M. [B] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Amandine BODDAËRT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES:

S.A.S. CESAM
[Adresse 2]
représentée par Me Antoine LE GENTIL, avocat au barreau D’ARRAS, postulant et Me Gilles MENGUY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

S.A.S. LEASECOM
enant aux droits de NBB LEASE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Régis DEBAVELAERE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

Greffier: Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 03 Mai 2023.

A l’audience publique du 13 Février 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 24 Mai 2024 puis prorogé pour être rendu le 31 Mai 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Juliette BEUSCHAERT, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 31 Mai 2024 par Marie TERRIER, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

Monsieur [B] [I], infirmier libéral, a commandé le 6 mars 2019 auprès de la société CESAM les appareils nommés CONCEPT REWIND composé d'un JETPEEL ESTHETIC et d'une LED ESTHETIC, et TWIN SLIM, pour un montant total de 41.760 euros TTC financé au moyen d'un contrat de location conclu le 7 juin 2019 auprès de la société NBB LEASE, pour une durée de 60 mois et moyennant le règlement de mensualités de 836, 45 euros TTC.

Les appareils ont été livrés et réceptionnés le 3 août 2019 selon procès-verbal de livraison.

Par acte d'huissier en date du 23 novembre 2020, Monsieur [B] [I] a fait assigner la SAS CESAM et la SAS LEASECOM venant aux droits de la SAS NBB LEASE devant le Tribunal judiciaire de Lille aux fins d'obtenir la nullité du contrat souscrit avec la première et la caducité du contrat souscrit avec la seconde et par conséquent, d'obtenir le remboursement des sommes versées.

Sur cette assignation, la SAS CESAM et la SAS LEASECOM ont constitué avocat et les parties ont échangé leurs conclusions.

L'affaire a été radiée par le juge de la mise en état par ordonnance de radiation du 7 juin 2021 puis rétablie au rôle sous le numéro RG 21/03551.

La SAS CESAM par conclusions d'incident notifiées le 4 janvier 2022 a sollicité que le juge de la mise en état se déclare incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris et renvoie l'affaire à ce tribunal.

Par ordonnance d'incident du 7 juin 2022, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAS CESAM et a renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 1er juillet 2022.

Sur ordonnance du juge de la mise en état du 3 mai 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été ordonnée et a été fixée à l'audience de plaidoiries prise à juge rapporteur du 13 février 2024.

Le 8 février 2024, la société CESAM a signifié de nouvelles écritures par la voie électronique avec demande de révocation de la clôture de l'affaire à l'effet de pouvoir communiquer de nouvelles pièces. Les pièces ont été communiquées le même jour.

Le 8 février, par message RPVA, la société LEASECOM s'en est rapportée sur la demande.

Le 9 février 2024, M. [I] a communiqué de nouvelles écritures comportant également une demande de rabat de clôture. Il a communiqué une nouvelle pièce le même jour.

Le 13 février 2024, la société CESAM a signifié par la voie électronique de nouvelles écritures en réplique.

L'audience s'est tenue le 13 février 2024 et l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2024.

***

Aux termes des dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 3 janvier 2023, Monsieur [B] [I] sollicite du tribunal de :

Vu les articles 1131, 1133 et 1186 du Code Civil,

Vu les articles L5211-1, L5211-3 du Code de la Santé Publique

- Dire nul et de nul effet le contrat souscrit entre Monsieur [I] et la société
CESAM.

- Déclarer caduc le contrat de location financière souscrit par Monsieur [I]
auprès de NBB LEASE,

Par conséquent,

- Condamner NBB LEASE à rembourser à Monsieur [I] la somme de 11.368,10€ arrêtée au mois de mai 2021 ; majorée de 752,80€ jusqu'à la décision à intervenir.

- Condamner in solidum CESAM et NBB LEASE au paiement d'une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- Débouter LEASECOM et CESAM de toutes leurs demandes

- Les condamner in solidum aux entiers frais et dépens,

- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

Monsieur [B] [I] se prévaut des anciens articles 1131 et 1133 du Code civil,
"repris à l'article 1128 " et " à l'article 1162 du code civil ", et soutient que les matériels que lui a vendus la société CESAM sont des dispositifs médicaux en sorte que pour être mis sur le marché, ils auraient dû être certifiés ; que le défaut de certification a conduit la société CESAM à vendre illégalement les appareils litigieux, en sorte que la cause du contrat - soit l'utilisation professionnelle desdits dispositifs- est illicite et que partant le contrat est nul.

Il fait valoir, en s'appuyant sur plusieurs arrêts de cour d'appel, que les appareils concernés sont des dispositifs médicaux au sens de la législation applicable en ce qu'ils ont pour but de favoriser une modification de l'anatomie en agissant directement ou en contrariant le processus naturel de vieillissement. Il souligne que la visée esthétique de ceux-ci et la qualité de l'utilisateur de la machine, qu'il s'agisse d'un infirmier ou d'un non-professionnel, sont sans incidence.

Il invoque que la société CESAM, distributeur des appareils, ne peut se retrancher derrière l'absence d'obtention par le fabricant, du marquage CE médical des produits qu'elle commercialise puisqu'elle devait s'assurer que les produits mis sur le marché respectaient la législation du pays dans lequel elle les importe.

Il fait valoir que la société CESAM est dans l'incapacité de produire des certificats valables puisqu'aucune classification n'apparaît sur ceux produits et qu'au surplus, ils ne sont pas traduits et ne permettent pas d'attester qu'ils correspondent aux appareils commandés. Il fait remarquer que les premiers certificats produits en pièces 5 et 8 ne font références qu'aux directives relatives au voltage et à la compatibilité électromagnétique des matériels et non à celle portant sur la certification des matériels médicaux ; que le certificat fourni en pièce 29 n'a été édité qu'en février 2020 et n'indique pas la classification du matériel ; que le certificat fourni en pièce 30 ne fait pas non plus référence à la classification du matériel JET PEEL imposé par la directive.

Il soutient que la nullité absolue d'un contrat pour cause illicite ne peut être couverte par la confirmation et qu'en tout état de cause, il a cessé d'utiliser les appareils dès qu'il a découvert leur non-conformité.

Il ajoute qu'il n'a jamais reproché à la société défenderesse de ne pouvoir utiliser en sa qualité d'infirmier le matériel.

Il soutient que son consentement a été vicié puisqu'il a fait part au commercial de la société CESAM de deux éléments déterminants de son consentement, à savoir la possibilité de transférer les contrats signés à une société commerciale qui était en cours de création pour l'exploitation des appareils et la possibilité de racheter le matériel en fin de contrat de location ; que ces deux possibilités lui ont été confirmées par la société CESAM qui était son unique interlocuteur alors qu'en réalité, le contrat signé ne le permet pas et que s'il avait eu connaissance de cette impossibilité, il ne se serait pas engagé avec la société.

Au soutien de sa demande de restitution des loyers versés, il allègue que le contrat de financement auprès de la société NBB LEASE n'a été souscrit qu'en application du contrat de vente et que dès lors, la nullité de ce dernier entraîne la caducité du contrat de financement. Il ne s'oppose pas à la restitution du matériel.

Sur la résiliation du contrat de location, Monsieur [I] soutient ne pas avoir réceptionné de courrier faisant état d'une telle résiliation, que la seule production de l'accusé-réception dont la signature est " [M] " sans le contenu du courrier ne permet pas de caractériser que cette résiliation lui a été effectivement notifiée. Il explique que la société NBB LEASE lui a répondu à sa demande de report des échéances pour cause de Covid le 14 octobre 2020 sans faire état d'une quelconque résiliation, qu'elle proposait un avenant par courriel du 21 août 2021 et percevait chaque mois le loyer sans émettre aucune remarque et qu'au surplus aucune démarche n'a été entreprise pour la restitution des matériels en application d'une résiliation du contrat. Il expose que si des échéances n'ont pas été payées, cela ne résulte que d'une carence de la société CESAM dans la transmission de son nouveau RIB à la société LEASECOM avec laquelle il n'avait aucun contact.

Sur la demande reconventionnelle de la société LEASECOM, le requérant soulève que si le contrat de vente est anéanti, cela ne résulterait que de la carence de la société CESAM par sa mise sur le marché de matériels médicaux sans certification et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir été convaincu que les certifications étaient en règle.

Par ailleurs, il explique ne pas s'opposer à la restitution du matériel en cas de caducité du contrat mais soulève que le préjudice revendiqué par la société LEASECOM en cas de restitution du matériel en mauvais état n'est qu'un préjudice hypothétique ne pouvant être indemnisé et qu'au surplus, son préjudice ne peut pas être fixé à la valeur marchande des matériels puisque cela ne résulte d'aucune stipulation contractuelle et qu'il ne peut, en sa qualité de bailleur, exiger récupérer du matériel neuf au terme d'une location, qu'elle aille ou non à son terme.

Par conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 31 mars 2023, la SAS CESAM sollicite du tribunal :

Vu les dispositions de l'article L 5211-1 et L.5211-3 du Code de la santé publique,
Vu les articles 1103, 1104, 1131, 1133, 1182, 1240 et s.,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

DÉBOUTER Monsieur [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER Monsieur [I] à verser à la société CESAM la somme de 20.000 euros pour procédure abusive.
En tout état de cause :

CONDAMNER Monsieur [I] à verser à la société CESAM la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
CONDAMNER Monsieur [I] aux entiers dépens de l'instance.

Sur la demande de nullité du contrat, elle explique que l'appareil JETPEEL ESTHETIC était conforme aux exigences essentielles concernant la sécurité des patients, utilisateurs et tiers puisque s'agissant d'un appareil qui entre dans la catégorie de dispositif médical, il est doté conformément à la directive 93/42/CEE, d'un marquage CE médical délivré par l'organisme notifié MED/CERT en date du 7 juin 2017 sous le nom de " JETPEEL SYSTEMS for skin rejuvenation " et d'un certificat CE électrique.

Par ailleurs, elle soutient avoir rempli l'obligation qui incombe au distributeur, de notifier la mise sur le marché de ce dispositif médical auprès de l'Agence Nationale de Sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), par un formulaire en date du 7 février 2018 et fait valoir que la date de communication du formulaire ne constitue pas une cause de nullité absolue du contrat de vente.

Elle invoque que le marquage CE médical ne limite pas l'utilisation de l'appareil aux seuls médecins et que le requérant, infirmier diplômé d'Etat pouvait l'utiliser en toute légalité pour son activité professionnelle, d'autant plus qu'il a bénéficié d'une formation préalable à son utilisation dispensée par la société et disposait de la documentation et du mode d'emploi nécessaires et suffisants pour une utilisation en toute sécurité. En outre, elle invoque qu'il lui appartenait de veiller à n'effectuer que les actes qui relèvent de sa compétence, ce qui exclut tout acte de diagnostic médical ou prescription de traitements.

S'agissant des appareils LED ESTHETIC et TWIN SLIM, elle soutient que le choix de la certification " CE médical " appartient au seul fabricant au regard des caractéristiques de l'appareil fabriqué et du secteur du marché visé ; que son attribution est de sa seule responsabilité. A l'appui de cette allégation, elle explique que c'est le fabricant qui choisit l'organisme notifié pour délivrer ce marquage, que c'est ce dernier qui transmet la documentation technique sur la qualité et la sécurité du dispositif et qu'enfin, c'est à lui de s'assurer après la mise sur le marché, des performances et de la sécurité de son dispositif afin de prendre éventuellement toutes mesures préventives et correctives nécessaires.

Elle expose que le fabricant a mis sur le marché ces deux dispositifs avec une destination esthétique et non médicale et qu'en conséquence, la directive du 14 juin 1993 qui prévoyait la délivrance d'un marquage CE médical aux dispositifs médicaux ne leur était pas applicable ; que ces appareils de soins esthétiques pouvaient être importés et commercialisés en France sans formalités autre que celle du marquage " CE électrique ", qu'ils ont obtenu.

Pour soutenir qu'il ne s'agit pas de dispositifs médicaux, elle fait valoir qu'aucun texte n'interdit aux infirmiers d'utiliser ces deux appareils, que les techniques utilisées ne sont pas invasives et qu'aucun élément des plaquettes commerciales ni des books de formation n'indique qu'il s'agirait d'outils de médecine esthétique. Par ailleurs, elle expose que le règlement du Parlement Européen et du Conseil en date du 5 avril 2017 ne s'applique pas aux appareils vendus puisqu'il ne s'applique pas aux appareils déjà en circulation lors de son entrée en vigueur le 21 mai 2021 et dès lors, il importe peu que la nouvelle définition des dispositifs médicaux englobe les appareils et technologies esthétiques n'ayant pas de destination médicale.

Elle se prévaut également de la réponse apportée par l'ANSM le 10 mai 2019, conforme à sa propre interprétation.

S'agissant de la demande de nullité pour vice du consentement, elle allègue que le requérant ne rapporte aucun élément de preuve permettant d'attester que la possibilité d'exercer une option d'achat à l'issue du contrat de location constituait pour lui une condition substantielle dont il aurait informé la société et que cet élément ne peut se déduire du courrier qu'il produit puisqu'il est daté de plus d'un an après la signature des contrats.

Elle soutient que le dol ne se présume pas et qu'aucun des documents produits ne révèle l'existence de manœuvres frauduleuses, de mensonges ou d'une dissimulation d'information déterminante du consentement constitutives d'un dol.

Au soutien de sa demande reconventionnelle de condamnation du requérant pour procédure abusive, elle soulève qu'il n'a engagé aucun préalable ni tentative de conciliation avant cette procédure, qu'il s'est toujours déclaré satisfait sans jamais soulever une question de conformité ou de risque de sécurité des appareils et que ces derniers ne lui ont fait subir aucun danger ou préjudice au regard de sa clientèle et n'affecte en rien son activité.

Par conclusions récapitulatives signifiées par la voie électronique le 30 juin 2022, la SAS LEASECOM sollicite du tribunal :

Vu les articles 1103, 1104, 1131, 1133, 1137, 1182, 1227, 1224, 1240 et suivants, et 1345-5 du Code civil ;

Vu les articles L. 5211-1 et L.5211-3 du Code de la santé publique ;
Vu les articles 9 et 202 du Code de procédure civile ;
Vu le Contrat de location ;

DIRE ET JUGER la Société LEASECOM recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses demandes ;
À titre principal, sur l'absence de caducité du contrat de location,

CONSTATER la carence de Monsieur [I] dans l'administration de la preuve;
CONSTATER l'absence d'illicéité de la cause ;
CONSTATER qu'aucun vice du consentement ne peut être caractérisé ;
DEBOUTER Monsieur [I] de toute demande tendant à voir prononcer la nullité et la caducité des conventions conclues ;
DEBOUTER Monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes ;
En conséquence,

CONSTATER la résiliation du Contrat de location, aux torts exclusifs de Monsieur [I] (défaut de paiement des loyers), par le jeu de la clause de résiliation portant sur, notamment : 1 CONCEPT REWIND ;
1 TWIN SLIM

CONDAMNER Monsieur [I] au paiement de la somme de 41.026,96 €, arrêtée au 13 octobre 2020, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la résiliation, décomposée comme suit :
- la somme de 7.248,40 € TTC, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la résiliation, au titre des sommes impayées au jour de la résiliation ;

- la somme de 36.036,96 € augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter de la résiliation, au titre de l'indemnité de résiliation, à savoir les loyers à échoir HT (32.760,88 €) et la pénalité (3.276,08 €)

- Déduction de la somme de 6.022,40 €, arrêtée à mai 2021 et à parfaire, versée par Monsieur [I] à LEASECOM postérieurement à la résiliation, et s'imputant sur le total des sommes dues au titre de la résiliation

ORDONNER à Monsieur [I] de RESTITUER à ses frais le Matériel objet du Contrat de location en bon état d'entretien et de fonctionnement, sous astreinte de 100 € par jour à compter de la signification du jugement à intervenir, exclusivement à la Société LEASECOM au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par la Société LEASECOM ;
CONDAMNER Monsieur [I] à indemniser le préjudice que subirait la Société LEASECOM si le matériel n'était pas restitué en bon état d'entretien et de fonctionnement ;
DIRE ET JUGER que le préjudice subi par la Société LEASECOM serait égal à la valeur marchande du matériel au jour du jugement à intervenir ;

Dans l'hypothèse où Monsieur [I] ne restituerait pas le Matériel objet du Contrat de location :

AUTORISER la Société LEASECOM ou toute personne que la Société LEASECOM se réserve le droit de désigner, À APPRÉHENDER le Matériel objet du Contrat de location en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieux et place, les frais d'enlèvement et de transport incombant exclusivement à Monsieur [I] ;
CONDAMNER Monsieur [I] à indemniser le préjudice que subirait la Société LEASECOM si le matériel n'était pas restitué en bon état d'entretien et de fonctionnement ;
DIRE ET JUGER que le préjudice subi par la Société LEASECOM serait égal à la valeur marchande du matériel au jour du jugement à intervenir ;

À titre subsidiaire, si, par extraordinaire, le Tribunal prononçait la nullité et caducité des conventions conclues,

CONSTATER la carence de Monsieur [I] dans l'administration de la preuve;
CONSTATER la livraison effective du matériel loué, et le respect par LEASECOM de ses obligations ;
CONSTATER que l'anéantissement des contrats résulterait des manquements de la société CESAM et de Monsieur [I] ;
CONDAMNER la Société CESAM à relever indemne la société LEASECOM de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
CONDAMNER solidairement la Société CESAM et Monsieur [I] à indemniser la Société LEASECOM des préjudices subis, à hauteur de 41.026,96 € ;
DEBOUTER Monsieur [I] de toute demande de restitution des loyers ;
ORDONNER à Monsieur [I] de RESTITUER à ses frais le Matériel objet du Contrat de location en bon état d'entretien et de fonctionnement, sous astreinte de 100 € par jour à compter de la signification du jugement à intervenir, exclusivement à la Société LEASECOM au lieu choisi par cette dernière, ou à toute personne désignée par la Société LEASECOM ;

CONDAMNER Monsieur [I] à indemniser le préjudice que subirait la Société LEASECOM si le matériel n'était pas restitué en bon état d'entretien et de fonctionnement ;
DIRE ET JUGER que le préjudice subi par la Société LEASECOM serait égal à la valeur marchande du matériel au jour du jugement à intervenir ;
Dans l'hypothèse où Monsieur [I] ne restituerait pas le Matériel objet du Contrat de location :

AUTORISER la Société LEASECOM ou toute personne que la Société LEASECOM se réserve le droit de désigner, À APPRÉHENDER le Matériel objet du Contrat de location en quelque lieu qu'il se trouve pour en prendre possession en ses lieux et place, les frais d'enlèvement et de transport incombant exclusivement à Monsieur [I] ;
CONDAMNER Monsieur [I] à indemniser le préjudice que subirait la Société LEASECOM si le matériel n'était pas restitué en bon état d'entretien et de fonctionnement ;
DIRE ET JUGER que le préjudice subi par la Société LEASECOM serait égal à la valeur marchande du matériel au jour du jugement à intervenir ;
Si le Tribunal ordonnait une restitution des loyers,

CONDAMNER Monsieur [I] au paiement d'une somme équivalente aux loyers restitués (somme à parfaire), au titre de l'indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition ;
CONDAMNER la Société CESAM à relever indemne la société LEASECOM de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNER toute partie succombant à payer la somme de 2 000 € à la Société LEASECOM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER toute partie succombant aux entiers dépens.

La société LEASECOM s'oppose à l'illicéité de la cause, en s'en remettant aux écritures de la société CESAM, fournisseur.

Puis, elle fait valoir que le requérant ne démontre pas l'existence d'un dol, soulignant que l'attestation produite est de complaisance. A défaut, elle se prévaut de la confirmation de la nullité par l'exécution volontaire du contrat.

Ainsi, au soutien de sa demande de condamnation du requérant au paiement des sommes dues et à la restitution du matériel, elle se prévaut de loyers impayés, d'une mise en demeure puis de la résiliation à ses torts exclusifs. Elle soutient que le requérant n'est pas crédible lorsqu'il prétend ne pas avoir été informé de la résiliation, les échanges entre les parties le démontrant. Elle ajoute qu'il ne peut soutenir que les impayés s'expliquent par le fait que le RIB a été transmis à la société CESAM, seule interlocutrice qui n'a pas fait le relais, alors qu'il produit lui-même des échanges qu'il a eus avec la société LEASECOM lors de la période d'impayés.

Subsidiairement, si le contrat de location devenait caduc par la nullité du bon de commande, elle formule une condamnation solidaire des requérant et défenderesse au paiement d'une indemnité, en faisant valoir que la disparition des contrats est consécutif aux agissements fautifs de la société CESAM et du requérant lui causant un préjudice, soulignant, s'agissant de M. [I], qu'il a librement choisi le matériel, sous sa seule responsabilité ainsi que le mentionnent les conditions générales du contrat de location, et qu'il est de mauvaise foi dès lors qu'il jouit du matériel depuis août 2019, a interrompu les paiements en février 2020, prétend avoir découvert l'illicéité de la cause en juillet 2020, et n'a assigné qu'en novembre 2020 en instrumentalisant des argumentaires juridiques pour s'affranchir d'une relation contractuelle.

Elle demande la garantie de la société CESAM.

Sur la demande de restitution des loyers, elle énonce que le requérant a bénéficié du matériel depuis le 3 août 2019 et qu'une telle restitution aboutirait à un enrichissement sans cause.

Si elle était condamnée au remboursement des loyers versés, elle demande la condamnation du requérant à lui verser une somme équivalente aux loyers restitués, au titre d'une indemnité de jouissance du matériel mis à sa disposition, et à défaut, la condamnation de la société CESAM à la relever indemne.

La décision a été mise en délibéré au 24 mai 2024.

Sur ce,

Le tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il n'est pas tenu de statuer sur les demandes de "constatations " ou de " dire et juger " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

*

Sur les demandes de révocation de la clôture

L'article 803 du code de procédure civile énonce que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. L'ordonnance de clôture peut être révoquée d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit après l'ouverture des débats, par une décision du tribunal.

En l'espèce, la clôture de l'affaire a été ordonnée le 3 mai 2023.

Par nouvelles conclusions aux fins de révocation et au fond, signifiées par la voie électronique le 8 février 2024, la société CESAM a sollicité la réouverture des débats et la révocation de la clôture à l'effet de pouvoir communiquer en pièces 46 et 47 deux nouveaux jugements rendus dans des affaires similaires par les tribunaux de Nice et Aix en Provence en décembre 2023 et janvier 2024.

Par courrier du 8 février 2024, la société LEASECOM s'en est rapportée sur la demande.
Le 9 février 2024, M. [I] a indiqué ne pas s'opposer à la demande de révocation de la clôture et signifié de nouvelles écritures en réplique, communiquant par ailleurs une nouvelle pièce - jugement de la cour d'appel de Versailles rendu le 26 octobre 2023. Le 13 février 2024, la société LEASECOM signifiait encore de nouvelles conclusions aux fins de révocation et de fond, se prévalant encore des nouvelles pièces communiquées le 8 février 2024 et de la nécessité de répliquer aux nouvelles écritures signifiées par le demandeur.

Mais la seule communication d'une décision de justice rendue postérieurement à la clôture ne constitue pas une cause grave au sens des dispositions précitées, dès lors qu'il est toujours loisible à une partie de la communiquer sans révocation de l'ordonnance de clôture. Pour le reste, il n'est allégué ni a fortiori justifié d'aucune cause grave au soutien de la communication de nouvelles écritures au fond en sorte que la demande de révocation sera rejetée et les dernières écritures signifiées postérieurement à la clôture par M. [I] et la société CESAM seront déclarées irrecevables.

Sur la demande de nullité du contrat souscrit entre Monsieur [I] et la société CESAM

Seul est valide un contrat dont le contenu est licite, au sens de l'article 1128 du code civil, l'article 1162 du même code précisant que le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

Par ailleurs, au titre des dispositions propres à la vente, l'article 1598 du même code énonce que tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n'en ont pas prohibé l'aliénation.

S'agissant des dispositifs médicaux plus spécifiquement, l'article L. 5211-3 du code de la santé publique, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : " Les dispositifs médicaux ne peuvent être importés, mis sur le marché, mis en service ou utilisés, s'ils n'ont reçu, au préalable, un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.
La certification de conformité est établie, selon la classe dont relève le dispositif, soit par le fabricant lui-même, soit par un organisme désigné à cet effet par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou par l'autorité compétente d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ".

En outre, l'article R. 5211-12 du même code précise que " tout dispositif médical mis sur le marché ou mis en service en France est revêtu du marquage CE attestant qu'il remplit les conditions énoncées par l'article R. 5211-17 ".

L'article R. 5211-17 prévoit ainsi qu'"Aucun dispositif médical ne peut être mis sur le marché ou mis en service en France s'il n'est pas conforme aux exigences essentielles de sécurité et de santé mentionnées à la section 5 du présent chapitre qui lui sont applicables. Il doit être également dûment fourni, correctement installé, entretenu et utilisé conformément à sa destination.

Cette conformité est évaluée et certifiée soit en France, selon les procédures prévues par le présent chapitre, soit dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen par les dispositions transposant dans le droit interne de l'Etat où elles ont été accomplies les dispositions des directives relatives à ces dispositifs."

En application de ces dispositions, il est admis qu'un contrat portant sur un dispositif médical qui n'a pas obtenu la certification CE susvisée n'est pas licite et doit être annulé.

S'agissant de la qualification de dispositif médical, l'article L.5211-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige, énonce :

" On entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens.

Constitue également un dispositif médical le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques.

Les dispositifs médicaux qui sont conçus pour être implantés en totalité ou en partie dans le corps humain ou placés dans un orifice naturel, et qui dépendent pour leur bon fonctionnement d'une source d'énergie électrique ou de toute source d'énergie autre que celle qui est générée directement par le corps humain ou la pesanteur, sont dénommés dispositifs médicaux implantables actifs. "

Sont ainsi soumis au régime des dispositifs médicaux, notamment, les dispositifs visés par l'article R.5211-1 du même code :

" destinés à être utilisés à des fins :

1° De diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d'atténuation d'une maladie;
2° De diagnostic, de contrôle, de traitement, d'atténuation ou de compensation d'une blessure ou d'un handicap ;
3° D'étude, de remplacement ou de modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique;
4° De maîtrise de la conception. "

Enfin, il résulte des articles L. 5211-3-1 et R. 5211-65-1 du même code que les personnes morales qui se livrent à la distribution de dispositifs médicaux doivent se déclarer auprès de l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en indiquant les dispositifs objets de leur activité, par envoi recommandé avec demande d'avis de réception ou par voie électronique avec demande d'avis de réception, et que cette déclaration indique outre l'adresse du siège social du déclarant et le type d'activité exercé, les classes de dispositifs médicaux sur lesquelles porte cette activité.

*

En l'espèce, Monsieur [B] [I], infirmier libéral, a commandé auprès de la société CESAM, les dispositifs suivants selon stipulations contractuelles du bon de commande ;

" - Dispositif CONCEPT REWIND 24.900 euros
- Dispositif TWIN SLIM 9.900 euros "

Selon les éléments soumis aux débats par les parties, le dispositif CONCEPT REWIND fourni combine l'action d'un JET PEEL ESTHETIC et d'un LED ESTHETIC, associés à un appareil de diagnostic de la peau. La société CESAM présente son dispositif comme agissant sur les cellules ayant un rôle majeur dans le vieillissement de la peau, les trois technologies permettant de "relancer et réguler le fonctionnement cellulaire sur deux niveaux "- : " extracellulaire " par le biais du JET PEEL, et " intra-cellulaire " par le biais du LED ESTHETIC. La société présentant ces dispositifs comme agissant sur : l'augmentation de la densité cellulaire, l'élasticité de la peau, l'unification et l'illumination du teint, l'atténuation des vergetures et cicatrices ; la régulation séborrhée et les inflammations cutanées.

S'agissant du JET PEEL, il résulte de la plaquette communiquée par la société CESAM, qu'il s'agit d'un appareil utilisant un processus de " BAROPHORESE " non-invasif et qui garantit l'accès aux couches profondes de la peau sans aiguille. Il est présenté comme un dispositif de " revitalisation naturelle du visage, cuir chevelu, décolleté qui permet de traiter la peau en surface et en profondeur " et consiste à " propulser à vitesse supersonique un mélange d'air et de solution saline active sous la forme d'un jet de gouttelettes microscopiques et ce sans aucun contact avec la peau ".

Cet appareil a donc pour effet d'obtenir une modification de l'anatomie en agissant directement et en contrariant le processus naturel de vieillissement, de sorte que cet appareil est un dispositif médical au sens de l'article L.5211-1 du code de la santé publique, ce qui n'est au demeurant pas contesté par la société CESAM.

En revanche, la société CESAM s'oppose à ce que soit qualifié dispositif médical l'appareil LED ESTHETIC. Le tribunal observe que selon la plaquette commerciale et le book de formation relatifs à cet appareil, il s'agit d'un appareil destiné à provoquer un renouvellement des cellules dermiques et épidermiques créant ainsi une stimulation des synthèses de collagène et d'élastine, par le biais d'un processus de "PHOTOBIOMODULATION ", présenté comme idéal pour traiter les imperfections cutanées (rides, cicatrices, vergetures ou encore séquelles d'acné), l'ensemble consistant en une méthode naturelle et non ablative pour le rajeunissement de la peau.

L'appareil est ainsi destiné à être utilisé à des fins de modification de l'anatomie en agissant directement ou en contrariant le processus naturel de vieillissement en sorte qu'il répond à la définition du dispositif médical soumis en tant que tel à une procédure de certification.

En ce qui concerne le dispositif TWIN SLIM, il s'agit également selon les plaquettes commerciales et le book de formation d'un dispositif ayant pour objet la modification de l'anatomie puisqu'il permet d'agir sur le visage, sur les rides profondes et sur le corps, d'avoir un effet immédiat de diminution du volume graisseux et d'agir sur le relâchement cutané et la cellulite, le principe étant que l'énergie concentrée de la radiofréquence et des ultrasons de cavitation va permettre le raffermissement cutané, la diminution du volume graisseux et le traitement de tout type de cellulite.

Il peut en être conclu que le dispositif TWIN SLIM est un dispositif médical au sens du code de la santé publique.

Ainsi les deux dispositifs mentionnés dans le contrat comportent trois appareils qui doivent s'analyser en des dispositifs médicaux soumis à la procédure de certification susvisée.

Il importe peu pour la résolution du présent litige, que, s'agissant des LED ESTHETIC et TWIN SLIM, les fabricants n'aient pas " revendiqué " le caractère de dispositif médical, la " destination esthétique " n'excluant pas la qualification de dispositif médical dès lors que le dispositif litigieux tel que décrit par ceux qui le fabriquent et l'importent répond à la définition légalement prévue de dispositif médical.

Ensuite, l'ANSM, dans sa réponse du 10 mai 2019, se contente, après avoir rappelé la législation applicable, d'indiquer, pour chaque dispositif au sujet duquel elle est interrogée, quelle est la portée des attestations de conformité qui lui sont soumises, et de dire qu'aucun élément en la possession de l'ANSM ou transmis ne permet de confirmer le statut de dispositif médical des produits Medical Cryo et Medical Cellu System ", ce qui ne saurait s'analyser en une confirmation de la position de la société CESAM pour les dispositifs litigieux.

S'agissant de la certification, la société CESAM, appelée à justifier de la réunion des conditions requises pour la mise sur le marché et la vente de tels dispositifs médicaux, verse aux débats un certificat de conformité d'un appareil dénommé " JetPeel systems for skin rejuvenation" délivré par la société MEDCERT le 7 juin 2017 et valable jusqu'au 28 juin 2021 en anglais assorti d'une traduction libre qu'elle présente comme le " marquage CE médical " du produit JET PEEL. En pièce 29, elle produit également le certificat pour la période du 13 février 2020 au 27 mai 2024.

De plus, elle verse aux débats le formulaire adressé à l'ANSM relatif aux déclarations et à la communication de dispositifs médicaux daté du 7 février 2018, qui précise la classification du dispositif, conformément aux dispositions des articles L. 5211-3-1 et R. 5211-65-1. Ainsi, la société CESAM y indique la société TAVTECH de droit israélien comme fabricant et se présente comme importateur et distributeur de dispositifs médicaux de classe I, dont la dénomination commerciale est la suivante :

-Jetpeel esthetic ;
-Medical Jet system

Il est précisé au paragraphe 7 intitulé " autres informations " que " sur le certificat de conformité MEDCERT (joint à l'envoi) au niveau de la ligne intitulée " Jetpeel systems for skin rejuvenation " il faut comprendre " jet peel esthetic " et " medical jet system " ".

Ainsi, il résulte de ce qui précède que lors de la signature du bon de commande du 6 mars 2019 liant les parties, le JETPEEL ESTHETIC, appareil faisant partie du dispositif REWIND CONCEPT, disposait d'un certificat CE médical numéro 2343GB414170607 délivré le 7 juin 2017 avec une durée de validité jusqu'au 28 juin 2021 et que ce dispositif a fait l'objet d'une déclaration formelle à l'ANSM le 7 février 2018 via le formulaire déclaratif sur le marché précisant qu'il s'agit d'un dispositif de classe I et auquel était joint le certificat CE Médical précité.

Pour autant, la société CESAM ne justifie pas du certificat de conformité visé à l'article L.5211-3 du code de la santé publique, ni pour le dispositif TWIN SLIM, ni pour l'appareil LED ESTHETIC également vendu au titre du dispositif REWIND CONCEPT.

Pour ces deux appareils, la seule justification de certificats CE électricité n'apparait pas suffisante dès lors que cette certification n'est pas celle spécifiquement imposée pour les dispositifs médicaux. En outre, est hors débat la question de l'utilisation de ces dispositifs par un infirmier, le requérant ne faisant pas valoir que sa profession ne lui permet pas de les utiliser. Dès lors qu'il n'est pas justifié de certificats de conformité pour tous les appareils des deux dispositifs médicaux fournis, il apparaît que le contrat n'est pas licite et partant est entaché de nullité.

Sur la confirmation de la nullité

L'article 1179 du Code civil dispose que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé.

L'article 1182 du même code précise que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce et qu'il doit contenir l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. Il prévoit aussi que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

En l'espèce, la nullité est encourue en raison de l'illicéité du contrat, la règle violée ayant pour objet la sauvegarde de l'intérêt général. Il s'agit ainsi d'une nullité absolue ne pouvant être couverte par la confirmation du contrat, de sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si le contrat a été exécuté en connaissance de la cause de la nullité.

*
Ainsi, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat conclu entre la société CESAM et M. [I], sans donc qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence ou non d'un vice du consentement.

Sur le contrat de location financière souscrit par Monsieur [I] auprès de NBB LEASE et la demande de remboursement

En vertu de l'article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

En l'espèce, le contrat de location conclu le 7 juin 2019 entre M. [I] et la société NBB LEASE, est relatif aux matériels CONCEPT REWIND ET TWIN SLIM, fournis par la société CESAM dans le cadre du contrat conclu le 6 mars 2019. Il s'agissait de prévoir contractuellement les modalités de financement du bien fourni par la société CESAM.

Il s'agit ainsi de deux contrats interdépendants même s'ils sont contractés avec des personnes différentes, dès lors qu'ils s'incrivent dans la réalisation d'une même opération.

La nullité du bon de commande conclu entre le requérant et la société CESAM a ainsi pour conséquence de faire disparaître la cause des engagements souscrits au titre du contrat de location financière lequel porte sur le matériel fourni par la société CESAM précisément en exécution dudit bon de commande annulé. Dès lors, en application des dispositions précitées, eu égard à l'interdépendance de ces contrats, la disparition du bon de commande entraîne la caducité du contrat de location.

Il y a lieu de constater la caducité du contrat conclu entre Monsieur [B] [I] et la société NBB LEASE aux droits de laquelle intervient la société LEASECOM.

Sur les conséquences de l'anéantissement des contrats

Sur les restitutions

Selon l'article 1187 du code civil, la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil.

Selon l'article 1352, la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

L'article 1352-3 dispose que la restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée. La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

En l'espèce, M. [I] ne s'oppose pas à la restitution du matériel formée par la société NBB LEASE tant à titre principal que subsidiaire si la caducité était prononcée. En revanche, il ne sera pas fait droit à la demande tendant à voir prononcer une astreinte ni toute autre mesure coercitive, au regard des circonstances du litige, en l'absence de démonstration d'une quelconque réticence du requérant sur ce point. La restitution se fera aux frais de la société LEASECOM.

S'agissant de la demande de restitution des loyers et de l’indemnité pour la jouissance du matériel, il ressort des débats que M. [I] s’est manifesté à compter du mois de mars 2020 pour solliciter de la société NBB LEASE un report d’échéances en raison de l’impossibilité dans laquelle il se trouve désormais d’exercer son activité de soins esthétiques, étant relevé qu’à ce moment se déroulait la crise sanitaire, ce qui permet de conclure qu’il pouvait utiliser le matériel jusque là. Il ressort des échanges de mails que ce n’est qu’à partir du mois d’août 2020 qu’il s’est interrogé sur l’absence de certification CE adéquate.

Or, il ne justifie que du paiement des échéances jusqu’au mois de février 2020 par la production de relevés bancaires, le document intitulé " liste des mouvements du compte " suivi d'un tableau évoquant trois paiements de 752, 80 euros, n’étant pas un relevé bancaire mais semblant extrait d'un bilan comptable partiellement produit, en sorte qu'il ne saurait faire la preuve des paiements après février 2020. Après échec des négociations, une mise en demeure de payer les loyers lui a été adressée le 14 octobre 2020 par la société NBB LEASE.

Il ressort de ces éléments que M. [I] a pu exploiter le matériel jusqu’au mois de février 2020, date à partir de laquelle il ne justifie plus du paiement des échéances.

Dans ce contexte, il apparaît justifié de dire que :

- la société LEASECOM devra restituer les loyers versés jusqu’au mois de février 2020 soit à hauteur de la somme de 6.342, 35 euros (906, 05 euros X 7) au vu de l’échéancier produit;

- M. [I] est redevable à son égard d’une somme de 6.342, 35 euros pour la jouissance du matériel ;

- et d’ordonner la compensation entre les deux sommes.

Compte tenu de l’issue de ces demandes, il n’y a pas lieu de condamner la société CESAM à une quelconque garantie.

Sur les demandes indemnitaires formées par la société LEASECOM

La société LEASECOM sollicite la condamnation de la société CESAM et M. [I] à lui payer la somme de 41.026,96 € équivalent au montant des loyers échus impayés, des loyers restant à échoir postérieurement à la résiliation et de l'indemnité de résiliation, tel qu'arrêtés au paragraphe 2.1.3.

Il convient tout d'abord d'observer qu'elle ne justifie d'aucun agissement fautif de la part de M. [I] à l'origine de l'anéantissement des deux contrats, consécutif à la non-conformité des dispositifs médicaux vendus, quand bien même il ressort des débats qu'il a initialement rencontré des difficultés pour payer ses mensualités indépendamment de la licéité du contrat initial. De surcroît, la demande est fondée sur des stipulations contractuelles applicables en cas de résiliation du contrat de location financière aux torts du locataire, que la société LEASECOM n'est donc pas légitime à invoquer en cas de caducité du contrat pour un tout autre motif. Au demeurant, le tribunal fait observer que la société LEASECOM ne formule aucune demande de caducité de son propre contrat avec la société CESAM pour obtenir la restitution de la somme de 41.760 euros qu'elle a versée à la société CESAM.

La demande sera donc rejetée.

Enfin, il convient de débouter la société LEASECOM de ses demandes indemnitaires indéterminées formées au titre d'un préjudice hypothétique de non restitution du matériel.

S'agissant de la résiliation du contrat aux torts exclusifs du requérant

Dans la mesure où il est fait droit à la demande de nullité et la demande consécutive, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les demandes résultant de la résiliation dont se prévaut la société LEASECOM.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

En application de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

En l’espèce, M. [I] étant accueilli en ses demandes principales, aucune faute n'est démontrée en sorte que la société CESAM sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, même en l'absence de démarche amiable préalable.

Sur les demandes accessoires

La société CESAM succombant principalement, sera condamnée à payer à Monsieur [B] [I] la somme de 3000 euros, au titre de ses frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile. L’équité commande de débouter la société LEASECOM de sa demande fondée sur les frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE la société CESAM et M. [I] de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

DECLARE irrecevables les écritures de la société CESAM signifiées les 8 et 13 février 2024 ;

DECLARE irrecevables les écritures de M. [B] [I] signifiées le 9 février 2024 ;

DIT que le contrat conclu le 6 mars 2019 entre Monsieur [B] [I] et la SAS CESAM est nul comme ayant un objet illicite,

Par conséquent,

DECLARE caduc le contrat de location financière conclu le 17 juin 2019 entre Monsieur [B] [I] et la société NBB LEASE ;

ORDONNE à Monsieur [B] [I] de restituer le matériel à la société LEASECOM aux frais de celle-ci ;

REJETTE la demande d’astreinte ;

DIT que la société LEASECOM doit restituer les loyers versés par M. [I] jusqu’au mois de février 2020 à hauteur de la somme de 6 342, 35 euros ;

DIT que M. [B] [I] est redevable à l’égard de la société LEASECOM d’une indemnité de 6 342, 35 euros pour la jouissance du matériel ;

ORDONNE la compensation entre les deux sommes ;

DEBOUTE la société LEASECOM de ses demandes indemnitaires indéterminées formées au titre d'un préjudice éventuel de non restitution du matériel ;

DEBOUTE la société LEASECOM de sa demande indemnitaire à hauteur de 41.026,96 €;

DEBOUTE la SAS CESAM de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive;

CONDAMNE la SAS CESAM aux dépens ;

CONDAMNE la SAS CESAM à régler à Monsieur [B] [I] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société LEASECOM de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE la société CESAM de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire ;

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEMarie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 21/03551
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;21.03551 ?
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