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27/05/2024 | FRANCE | N°23/00591

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 27 mai 2024, 23/00591


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 23/00591 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W26R


JUGEMENT DU 27 MAI 2024



DEMANDERESSE :

S.A.S COLMANT COATED FABRICS,
à l’enseigne “CCF”, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Philippe LEFEVRE, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES :

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS
représentée par Maître [I] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA COLMANT-CUVELIER
[Adresse 6]
[Localité 4]r>représentée par Me Jean-François FENAERT, avocat au barreau de LILLE, postulant,
et Me Philippe BERGERON, avocat au barreau de MULHOUSE, plaida...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 23/00591 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W26R

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S COLMANT COATED FABRICS,
à l’enseigne “CCF”, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Philippe LEFEVRE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES :

S.E.L.A.S. MJS PARTNERS
représentée par Maître [I] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA COLMANT-CUVELIER
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-François FENAERT, avocat au barreau de LILLE, postulant,
et Me Philippe BERGERON, avocat au barreau de MULHOUSE, plaidant

S.A. COLMANT-CUVELIER
prise en la personne de son mandataire, la SELAS MJS PARTNERS ayant son siège social [Adresse 6], prise en la personne de Maître [I] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA COLMANT-CUVELIER
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-François FENAERT, avocat au barreau de LILLE, postulant,
et Me Philippe BERGERON, avocat au barreau de MULHOUSE, plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Aurélie VERON, Vice-présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 Juin 2023 ;

A l’audience publique du 12 Février 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 15 avril 2024, prorogé au 6 mai 2024 puis prorogé pour être rendu le 27 Mai 2024 ;

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 27 Mai 2024, et signé par Aurélie VERON, Président, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 29 novembre 2010, la S.A. Colmant-Cuvelier a donné à bail à la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) des locaux d'une surface couverte de 1 233 m² et d'une surface découverte de 450 m² dans un ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 7] pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2011, moyennant un loyer annuel hors taxe de 65 000 euros.

Le bail prévoit en outre la fourniture par le bailleur au preneur, d'eau, de vapeur et d'électricité nécessaires à son activité.

Le 3 février 2012, les parties ont convenu en outre d'une convention d'exploitation partagée du site industriel « Colmant ».

Le 27 mai 2013, la S.A. Colmant-Cuvelier a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille-Métropole. Un plan de cession a été adopté le 16 décembre 2014. Puis le 17 mars 2015, la société Colmant-Cuvelier a été placée en liquidation judiciaire et la SELAS Bernard et [I] [U] a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Le 23 juin 2016, la société Colmant-Cuvelier a fait délivrer à la CCF un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Le 29 juin 2016, la CCF a assigné Me [U] ès qualité devant le juge des référés aux fins de séquestration des loyers. Par ordonnance du 19 juillet 2016, le juge des référés a autorisé le paiement des loyers entre les mains d'un séquestre judiciaire, Me [I] [U].

Par exploits d’huissier délivrés les 17 juillet et 1er août 2017, la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) a assigné la SELAS Bernard et [I] [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A. Colmant-Cuvelier et la S.A. Colmant-Cuvelier devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation pour manquement contractuel.

Me [C] [T] s'est constitué pour la SELAS Bernard et [I] [U] et la société Colmant Cuvelier le 10 octobre 2017.

Par ordonnance du 8 novembre 2017, le juge de la mise en état a ordonné une mesure de médiation et l'affaire a été retirée du rôle par ordonnance du 17 janvier 2018.

Me [T] est décédé le 20 septembre 2022 et son cabinet a été placé sous l'administration provisoire de Me [E] [J].

L'affaire a été réinscrite au rôle du 20 janvier 2023 à la demande de la requérante formulée par conclusions de reprise d'instance signifiées par actes de commissaire de justice des 18 janvier 2023 à la SELAS MJS Partners internant en lieu et place de la SELAS Bernard et [I] [U], ès qualité et à la S.A. Colmant-Cuvelier.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 janvier 2023, la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) demande à la juridiction de :

Juger qu'en raison de la défaillance de la société Colmant-Cuvelier dans ses obligations contractuelles, elle a une créance indemnitaire ;
Juger que la créance indemnitaire à la charge de la société Colmant-Cuvelier pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 s'élève à ce jour à la somme de 234 284 euros ;

Juger que pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2022, elle s'élève à ce jour à la somme de 459 856,10 euros ;
En conséquence,

Condamner la SELAS Bernard et [I] [U] en qualité de liquidateur judiciaire à lui verser la somme de 694 140,10 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et ce avec capitalisation des intérêts en vertu des dispositions de l'article 1154 ancien et 1343-2 nouveau du code civil, pour le cas où ceux-ci seraient dus pour plus d'une année entière et consécutive ;
Juger que la société Colmant-Cuvelier doit annuellement au titre de la contrepartie financière accordée pour la prestation financière la somme de 63 866,08 euros ramenée après pondération à la somme de 57 744,72 euros ;
Juger que la société CCF doit annuellement au titre du loyer la somme de 82 366,08 euros ;
Juger que les créances respectives s'éteignent à concurrence de la plus faible ;
Constater que la CCF a, depuis le 2ème trimestre 2015, versé le loyer afférent au bail commercial soit la somme de 638 337,12 euros hors taxe entre les mains de la SELAS Bernard et [I] [U], en sa qualité de séquestre ;
Juger que cette somme doit être diminuée de la contrepartie financière due à la société CCF soit la somme de 188 324,52 euros ;
En conséquence,

Compenser les deux sommes ;
Juger qu'après compensation, la société CCF doit au titre du loyer la somme de 24 621,36 euros ;
Juger que la société CCF versera la somme de 24 621,36 euros entre les mains de la SELALS Bernard et [I] [U], en sa qualité de séquestre ;
Juger que la compensation s'opèrera tant qu'il ne sera pas mis fin au bail commercial ;
Ordonner à la SELAS Bernard et [I] [U], en sa qualité de séquestre, de restituer à la CCF la somme de 188 324,52 euros ;
En tout état de cause,

Ordonner l'exécution provisoire ;
Condamner la SELAS Bernard et [I] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Colmant-Cuvelier à la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Il est renvoyé aux conclusions de la société CCF pour un plus ample exposé des motifs conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats est intervenue par ordonnance du 14 juin 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 12 février 2024.

Le 14 décembre 2023, Me [G] s'est constitué pour la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la SELAS MJS Partners et la S.A. Colmant-Cuvelier.

À l'audience du 12 février 2024, Me [G] a déposé une requête en en rabat de l'ordonnance de clôture, non notifiée à l'autre partie.

À l'issue de l'audience, la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 15 avril 2024 prorogé au 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Par application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statue sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondee.

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal "constater" ou "dire et juger" ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles ci.

I- Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

L'article 803 du même code dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

L'article 763 du code de procédure civile (ancien article 755) dans sa version applicable à l'espèce, dispose que lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l'assignation.

En l'espèce, initialement un avocat s'était constitué pour les défenderesses, sans prendre de conclusions, l'affaire ayant été envoyée en médiation.

Un administrateur provisoire a été désigné pour le cabinet suite au décès de Me [T].

La requérante a sollicité la réinscription de l'affaire postérieurement au décès de Me [T] et a fait signifier ses dernières conclusions directement aux défenderesses.

La clôture de la procédure est intervenue près de cinq mois après la reprise de l'instance et la signification des conclusions, sans que les défenderesses n'aient constitué avocat.

Me [G] ne s'est constitué pour les défenderesses qu'en décembre 2023 soit six mois après l'ordonnance de clôture. De plus, il n'a formalisé une demande de révocation de l'ordonnance de clôture que le jour même de l'audience de plaidoiries, et sans la signifier antérieurement à son contradicteur.

Dès lors, tant la constitution de Me [G] que sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture sont tardives.

Surtout, il n'est justifié d'aucune cause grave, le décès du précédent conseil des parties étant antérieur à la reprise de l'instance et un administrateur provisoire du cabinet étant désigné, et le délai entre la réinscription au rôle et la clôture de la procédure étant suffisant pour permettre aux défenderesses, régulièrement avisées, de faire le choix d'un nouvel avocat.

Le fait que l'acte de signification de l'acte de reprise de l'instance ne comporte pas communication intégrale des pièces n'est pas un obstacle à la constitution d'avocat, ce problème de respect du contradictoire pouvant être aisément régularisé.

En conséquence, en l'absence de cause grave, il convient de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

II- Sur les demandes indemnitaires

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;obtenir une réduction du prix ;provoquer la résolution du contrat ;demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées : des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

A moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable (article 1231).

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après (article 1231-2).

En l'espèce, il est stipulé à l'article 32 relatif à la « Provision sur charges » du contrat de bail du 29 novembre 2010 que « En règlement des charges, le bailleur appellera auprès du preneur une provision pour l'exercice qui sera fixée dans les trois mois de l'entrée en jouissance en fonction des frais et consommations relevés pendant cette période. Cette provision sera modifiée chaque année suivant le budget prévisionnel. Les charges seront appelées trimestriellement et d'avance en même temps que le loyer.

Le Bailleur assure au Preneur la fourniture d'eau, de vapeur et d'électricité nécessaire à son activité, dont la consommation sera refacturée au preneur.
Le Bailleur et le Preneur s'accordent pour prendre en charge à hauteur de 50 % chacun les frais de mesure et de comptage des fluides consommables (eau, vapeur, électricité) qui seront mis en place dans les meilleurs délais à compter de la signature des présentes. »

La requérante expose que suite au placement en liquidation judiciaire de la société Colmant-Cuvelier à compter du 17 mars 2015, l'exploitation du site industriel a cessé et le liquidateur a vendu l'ensemble des éléments d'actifs dont certains, comme la chaudière, indispensables à l'accès aux sources d'énergie destinées à son activité. Elle considère ainsi que la bailleresse ne peut plus assumer une partie de ses obligations contractuelles.

La CCF a fait réaliser une expertise de son préjudice par M. [N], lequel a rendu un rapport réalisé de manière non contradictoire le 8 novembre 2016.

Suite à l'introduction de l'instance, les parties se sont accordées sur la réalisation d'une expertise amiable confiée à M. [Y]. Celui a réalisé une évaluation contradictoire du préjudice subi et a rendu son rapport le 17 avril 2019.

Si la CCF se prévaut des conclusions de M. [N] pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, elle ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles il conviendrait de privilégier cette évaluation, réalisée unilatéralement, alors que M. [Y] propose une estimation du préjudice pour cette même période et jusqu'au 31 décembre 2018 et qu'il a réalisé ses opérations d'expertise de manière contradictoire, les conseils de chaque partie ayant pu formuler des dires auxquels il a répondu.

La méthode proposée par le preneur, reposant sur l'avis d'un troisième expert, de retenir la moyenne des estimations des préjudices des deux premiers experts désignés n'est pas pertinente, notamment en ce que M. [N] et M. [Y] n'évaluent pas le préjudice sur la même période, de sorte que le calcul est faussé.

Il convient de privilégier l'expertise réalisée de manière contradictoire et donc de se fonder sur la seule expertise de M. [Y] du 17 avril 2019.

A- Sur la contrepartie financière de la prestation de service

Il n'a pas été contesté lors des opérations d'expertise de M. [Y], auxquelles ont participé le liquidateur judiciaire et son conseil, que la société Colmant-Cuvelier, placée en liquidation judiciaire le 17 mars 2015, n'était plus en mesure de fournir certaines prestations dues au titre de l'article 32 du contrat.

Le bail prévoyant la fourniture par le bailleur de l'eau, la vapeur et l'électricité, il résulte du contrat que le loyer est la contrepartie de la location de surfaces d'exploitation et de la mise à disposition de matériels et machines permettant d'apporter au preneur la fourniture de ces éléments.

En l'absence de fourniture de ces prestations, la bailleresse a manqué à ses obligations contractuelles. Le preneur est ainsi fondé à réclamer une diminution du loyer de la part correspondant à la fourniture d'énergie.

M. [Y] retient, selon la méthode comparative et sur la base de quatre valeurs de référence de locaux équivalents, une valeur locative de 20 €HTHC/m²/an, soit un loyer annuel de 28 360 euros. Il rappelle qu'en vertu du bail et en l'absence d'état des lieux, les locaux doivent être considérés avoir été donnés en parfait état et n'applique aucun correctif. L'expert en déduit une contrepartie financière de la mise à disposition des installations productrices de vapeur, d'eau et d'électricité de 36 640 euros hors taxe dans le loyer initial (loyer initial de 65 000 € – part estimée de la location immobilière = 28 360€).

Cette méthode et cette estimation qui ont été soumises à la discussion contradictoire des parties durant les opérations d'expertise, n'ont pas fait l'objet de critiques de la bailleresse ou du preneur dans leurs dires.

Il convient ainsi de retenir la méthodologie de l'expert amiable désigné d'un commun accord des parties et de fixer le montant de l'indemnisation au titre des parts de loyers indûment perçues par le bailleur au titre des prestations de fourniture de vapeur, d'eau et d'électricité pour la période courant de la liquidation judiciaire (17 mars 2015) au 31 décembre 2018, sur la base d'une contrepartie de 36 640 euros pour le loyer initial de la manière suivante, après indexation :

pour l'année 2015 : trop-perçu de 30 804,40 euros hors taxe (part de loyer indexé : 39 151,90€x1614/1624 = 38 910,82 € x 9,5 mois sur 12 mois)
pour l'année 2016 : trop-perçu de 39 103,68 € hors taxe (38 910,82€x1622/1614)
pour l'année 2017 : trop-perçu de 40 116,23 euros hors taxe (39103,68x1664/1622)
pour l'année 2018 : trop-perçu de 40 960,02 euros hors taxe (40 116,23€x1699/1664)= 150 985,91 euros hors taxe.

Pour les années postérieures, le preneur se borne à réclamer le montant chiffré par M. [N] hors indexation multiplié par le nombre d'années.

En l'absence de communication des indices, le tribunal n'est pas mis en mesure de procéder au calcul de l'indexation réalisé par M. [Y] pour les années 2019 à 2022.

Il convient dès lors de prendre la valeur initiale de 36 640 euros par année pour la période de 2019 à 2022.

En conséquence, il convient de condamner la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la MJS Partners, ès qualité, au paiement de la somme totale de 297 545,91 euros hors taxe (150 985,91€ +36640 x 4 années) avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision. Rien ne justifie de faire rétroagir les intérêts à compter de l'assignation, s'agissant d'une créance indemnitaire non certaine avant la décision et la requérante ne distinguant pas les sommes dues avant et après l'assignation.

B- Sur les frais engagés par le preneur pour pallier la carence du bailleur dans la fourniture d'eau, de vapeur et d'électricité

Suite à la vente aux enchères de la chaudière, le preneur a dû acquérir une nouvelle chaudière.

Dès lors, la société CCF est fondée à réclamer le remboursement des factures suivantes:

Fournitures pour le fonctionnement de la chaudière : 5979 eurosnouvelle chaudière Viessmann : 57 590 eurosraccordement EDF Vasseur : 1267 eurostuyautage Regiprocess : 17 500 eurosLBBC : raccordements, installation, barrière, fuite, Apave, mise en service de la chaudière :3 697 euroslocation conducteur chaufferie : 1 130 eurosformation conducteur chaufferie : 3 300 euros= 90 463 euros

S'agissant des factures de GDF Vapeur, elles ont été émises postérieurement à la liquidation du bailleur, après que le preneur ait passé un contrat en direct pour la fourniture de gaz en mai 2015. Dans la mesure où à cette époque, seul le preneur exploitait les locaux, il lui appartenait de supporter seul sa consommation de gaz. En conséquence, à l'instar de l'expert, il convient d'écarter ces factures.

Il en va de même pour les factures EDF réclamées pour un montant de 27 123 euros au titre de la répartition de la consommation entre le bailleur et le preneur, dont la demande de remboursement sera rejetée.

En revanche, s'agissant des factures d'EDF de 2015, à l'instar de l'expert, il convient de considérer que le preneur a droit au remboursement des factures d'EDF de mai, juin et juillet 2015, dont il a dû s'acquitter en lieu et place du bailleur afin d'éviter une coupure de l'alimentation en électricité.

La CCF est ainsi fondée à réclamer le remboursement de la somme totale hors taxe de 22 127,82 euros (12455,30+4428,04+5244,48) au titre de ces factures.

En conséquence, le liquidateur de la société Colmant-Cuvelier sera condamné à payer à la société CCF la somme totale de 112590,82(90 463€+22127,82 €) au titre des frais supportés pour pallier son manquement à l'obligation de fournir l'eau, la vapeur et l'électricité.

C- Sur le manquement du bailleur à ses obligations de réparations et de garantir la jouissance paisible

En vertu de l'article 8 du bail, le preneur est tenu des réparations locatives, afin de maintenir les locaux en bon état d'entretien, à l'exception des grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil.

1° Sur les frais de gardiennage et d'alarme

S'agissant des frais de gardiennage et de surveillance des locaux, il est stipulé à l'article 7 du bail « […] Le preneur devra faire son affaire personnelle du gardiennage et de la surveillances des lieux qui lui sont loués ».

La CCF ne s''explique pas sur les raisons de fait et de droit qui justifieraient qu'elle puisse obtenir du bailleur le remboursement des sommes par elle acquittées au titre des frais de télésurveillance, sécurisation, gardiennage, alarme etc.

En conséquence, aucune somme ne sera accordée au titre de ces frais.

2° Sur les frais de remise en état

Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

En vertu de l'article 1720 du même code, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

L'état dégradé des locaux est établi par le constat d'huissier du 18 septembre 2015 et les constatations de l'expert, M. [Y].

Il convient de retenir les sommes suivantes au titre de l'entretien des locaux et sur la base des justificatifs produits :

Année 2015 : 9 787 euros se décomposant en :Entretien des bâtiments : 3 835 euros
Réparation porte et condamnation d'accès : 2 100 euros
Maintenance curative : 1 897 euros
Réparation éclairage de la cour : 811 euros
Entretien et ménage des locaux : 1 144 euros

Année 2016 : 12 177,57 euros se décomposant en :Régiprocess : 5 950 euros
CMMI Cabine électrique : 1 270 euros
Rénov Service, fuite toiture et volet roulant : 696,60 euros
Entretien des locaux 4 260,97 euros

Année 2017 : 9 708,79 euros se décomposant en :Rénov service remise en état des couloirs : 6 093 euros
Azur Propreté : 2 272,49 euros
CCMMI : 1 343 euros

Année 2018 : 10 207,75 euros se décomposant enCMMI Maintenance transfos : 1 300 euros
Axialys remise en état portail principal : 3 909 euros
Azur Propreté : 4 998,75 euros

Année 2019 : 4 246,50 euros se décomposant en :Vasseur : remise en état du câblage de volet roulant : 149,50 euros
Prop'Nord : 4 097 euros.

Année 2020 : 7 623,60 euros se décomposant en :CMMI Maintenance transfos : 1 414 euros
Vasseur : remise en état électrique des bureaux : 123 euros
Prop'Nord 6 086,60 euros

Année 2021 : 12 266 euros se décomposant en :CMMI Maintenance transfos et dépannage cabine électrique : 2 979 euros
Prop'Nord 9 287 euros

Année 2022 : 27 394,36 euros se décomposant en :CMMI maintenance transfos et dépannage cabine électrique : 1 230 euros
Prop'Nord : 7 760,77 euros (manque de justificatifs)
Ceratec réparation électricité, bureaux : 8 051,17 euros
Honore SARL (réparation fuites toiture atelier et nettoyage chéneaux) : 4 670,50 euros (manque de justificatifs)
Thermeau dépannage (réparations sanitaires diverses) : 1 040,40 euros
Thermelec (réparation des éclairages bureau et remplacement des points lumineux) : 4 641,52 euros.

Le liquidateur de la société Colmant-Cuvelier sera ainsi condamné à payer à la société CCF la somme totale de : 93 411,57 euros hors taxe (9787€+12 177,57+9 708,79 +10 207,75€+4246,50€+7623,60€+12266€+27 394,36€) avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision. Rien ne justifie de faire rétroagir les intérêts, s'agissant d'une demande indemnitaire, incertaine avant la décision.

III- Sur la demande de compensation

En l'espèce, le preneur demande la compensation entre les sommes dues de part et d'autre et demande ainsi la restitution d'une partie du loyer versé entre les mains de Me [U] en qualité de séquestre.

Cependant, force est de constater que la société CCF ne justifie pas des versements qu'elle prétend avoir effectué entre les mains de Me [U].

Dès lors, la somme due après compensation ne peut être fixée et la demande de restitution ne peut qu'être rejetée.

En revanche, il convient de faire droit à la demande tenant à ce que le loyer soit diminué de la contrepartie correspondant à la fourniture de service. Il convient ainsi de dire que la société CCF devra à compter de la signification de la présente décision au titre du loyer annuel la somme de 28 360 euros correspondant au loyer initial lors de la conclusion du bail, cette somme devant être indexée selon les dispositions contractuelles.

IV- Sur les demandes accessoires

1. Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens

La SELAS MJS Partners, ès qualité, succombant au principal, supportera les dépens de la présente instance et sera redevable d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui sera justement fixée à la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la SELAS MJS Partners et la S.A. Colmant-Cuvelier de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

CONDAMNE la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la SELAS MJS Partners en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A. COlmant-Cuvelier à payer à la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) la somme de 297 545,91 euros hors taxe à titre de dommages-intérêts correspondant à la contrepartie de la prestation de service, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la SELAS MJS Partners, ès qualité, à payer à la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) la somme de 112 590,82 euros hors taxe au titre des frais supportés du fait du manquement à l'obligation de fournir l'eau, la vapeur et l'électricité avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la SELAS MJS Partners, ès qualité, à payer à la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) la somme de 93 411,57 euros hors taxe au titre du manquement à l'obligation de réaliser les travaux, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour plus d’une année entière ;

DÉBOUTE la société CCF de sa demande de compensation ;

La DÉBOUTE de sa demande de restitution de la somme de 188 324,52 euros trop versée au séquestre ;

DIT qu'à compter de la signification de la présente décision, la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) devra au titre du loyer contractuel la somme annuelle de 28 360 euros (correspondant au loyer initial au 29 novembre 2010) qui sera indexée selon les règles contractuelles ;

CONDAMNE la SELAS Bernard et [I] [U] devenue la SELAS MJS Partners ès qualité à payer à la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

DÉBOUTE la S.A.S. Colmant Coated Fabrics (la CCF) de ses autres demandes ;

CONDAMNE la SELAS MJS Partners ès qualité aux dépens de la présente instance.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEAurélie VERON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 23/00591
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.00591 ?
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