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24/05/2024 | FRANCE | N°22/02554

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 24 mai 2024, 22/02554


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/02554 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WDQV


JUGEMENT DU 24 MAI 2024



DEMANDERESSE:

S.C.I. DU [Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 10]
représentée par Me Julien FRANCOIS, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEURS:

M. [B] [D]
[Adresse 13]
[Localité 10]
représenté par Me Pierre-etienne BODART, avocat au barreau de LILLE

Mme [H] [E] épouse [D]
[Adresse 13]
[Localité 10]
représentée par Me Pierre-etienne BODART, avocat au barreau de LI

LLE

M. [W] [C]
[Adresse 11]
[Localité 10]
défaillant

Mme [V] [J]
[Adresse 11]
[Localité 10]
défaillant


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Mari...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/02554 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WDQV

JUGEMENT DU 24 MAI 2024

DEMANDERESSE:

S.C.I. DU [Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 10]
représentée par Me Julien FRANCOIS, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS:

M. [B] [D]
[Adresse 13]
[Localité 10]
représenté par Me Pierre-etienne BODART, avocat au barreau de LILLE

Mme [H] [E] épouse [D]
[Adresse 13]
[Localité 10]
représentée par Me Pierre-etienne BODART, avocat au barreau de LILLE

M. [W] [C]
[Adresse 11]
[Localité 10]
défaillant

Mme [V] [J]
[Adresse 11]
[Localité 10]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

Greffier: Benjamin LAPLUME,

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture rendue en date du 07 Juin 2023 avec effet au 06 Juin 2023.

A l’audience publique du 12 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 24 Mai 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Nicolas VERMEULEN, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 24 Mai 2024 par Marie TERRIER, Président, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige

La SCI du [Adresse 14] est propriétaire de l’immeuble à usage de garage situé [Adresse 28] cadastré [Cadastre 19] suivant acte authentique de vente en date du 17 septembre 1997.

Mme [H] [E] épouse [D] et M. [B] [D] (ci-après les époux [D]), ont acquis suivant acte notarié en date du 31 janvier 1997 une maison d’habitation située au [Adresse 13], cadastrée [Cadastre 16], [Cadastre 4], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] ainsi que de la moitié indivise d’une parcelle de terrain constituant la voie privée prenant naissance sur la [Adresse 28] et cadastrée [Cadastre 23].

M. [W] [C] et Mme [V] [J] (ci-après les consorts [C]-[J]) sont propriétaires d’une maison d’habitation située [Adresse 28], cadastrée [Cadastre 21], [Cadastre 24] et [Cadastre 1] ainsi que de la moitié indivise d’une parcelle de terrain constituant la voie privée prenant naissance sur la [Adresse 28] et cadastrée [Cadastre 23].

Suivant courrier en date du 4 mai 2020, le conseil de la SCI du [Adresse 14] a sollicité des époux [D] l’accord pour l’usage du passage, cadastré [Cadastre 23].

Par actes d’huissier en date du 29 septembre 2020, la SCI du [Adresse 14] a fait assigner les époux [D] et les consorts [C]-[J] devant le tribunal judiciaire de Lille.

Sur ce, les époux [D] ont constitué avocats.

Par décision du 02 avril 2021, l’affaire a été retirée du rôle sur demande conjointe des parties.

L’affaire a été réinscrite au rôle à l’initiative du demandeur.

La clôture est intervenue le 06 juin 2023, suivant ordonnance du même jour, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 12 mars 2024.

Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 28 décembre 2022 et signifiées aux non-comparants le 30 décembre 2022, la SCI [Adresse 14] demande de :

- Constater que le chemin prenant emprise sur les parcelles situées sur la commune de [Localité 10], cadastrées section [Cadastre 23], [Cadastre 1] et [Cadastre 7] est un chemin d’exploitation permettant la desserte et la communication entre les diverses propriétés riveraines ;

- Dire que la SCI DU [Adresse 14], propriétaire d’un fonds riverain constitué des parcelles référencées au cadastre section [Cadastre 24] et [Cadastre 8], jouit d’un droit d’usage et de passage sur la surface de ce chemin ;

- condamner Monsieur et Madame [D] à ne pas dresser d’obstacles sur le chemin d’exploitation identifié ci-dessus en réduisant l’usage que peut en faire Monsieur [X] [L], gérant de la SCI DU [Adresse 14], ou tout occupant de son fait, et ce sous astreinte de 1000 € pour toute nouvelle infraction constatée ;

- Condamner Monsieur et Madame [D] au paiement de 10 000 € au titre des troubles de voisinage d’ores et déjà infligés au demandeur ;

- Reconnaître que la SCI DU [Adresse 14] bénéficie d’une servitude tréfoncière pour cause d’enclave sur la parcelle référencée au cadastre section [Cadastre 23] sise au [Adresse 12] et appartenant de manière indivise et pour moitié à :

Monsieur et Madame [D], par suite de l’acquisition qu’ils en ont faite de Monsieur [I] [O] et Madame [Y] [G], aux termes d’un acte reçu par Me [P] [T], Notaire à [Localité 25], le 31 janvier 1997, publié au deuxième bureau des hypothèques de [Localité 26] le 10 mars 1997 volume 1997P n°3583 ;

Monsieur et Madame [C], par site de l’acquisition qu’ils en ont faite de Madame [F], aux termes d’un acte de vente reçu par Me [A] [R], notaire à [Localité 27], le 31 juillet 2019 et d’un acte rectificatif de Me [K] [M] du 05 mai 2020, publié au deuxième bureau des hypothèques de [Localité 26] les 12 août 2019 référence 5914P02 2019P10504 et 05 juin 2020 référence 2020P05752 ;

A titre subsidiaire,

- reconnaître que la SCI DU [Adresse 14] bénéficie d’une servitude de passage pour cause d’enclave, portant sur la surface du fonds et s’étendant jusqu’au tréfonds, sur la parcelle référencée au cadastre section [Cadastre 23] sise au [Adresse 12].

- Fixer à l’euro symbolique le montant de l’indemnité à verser au Consorts [D].

En toutes hypothèses,

- Condamner Monsieur et Madame [D] au paiement de 5000 € au titre de l’article 700 CPC.

La SCI soutient, sur le fondement de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, que la parcelle de terre litigieuse est un chemin d'exploitation qui constitue une voie de communication entre les fonds voisins qui ouvre un droit de passage à tous les riverains et à ceux auquel le chemin abouti. Elle estime que le chemin permet d’accéder, de desservir et de faire communiquer trois maisons individuelles ainsi que son garage. Elle en conclut qu’elle dispose d’un droit d’usage de ce chemin même si elle ne dispose pas de droit réel sur la parcelle cadastrée [Cadastre 15].

Elle indique que les restrictions sur le chemin d’exploitation imposées par les consorts [D] sont illicites et constitutives d’un trouble anormal de voisinage.

La SCI expose qu’elle ne dispose d’aucun droit réel sur la parcelle cadastrée [Cadastre 23]. Elle estime, sur le fondement de l'article 682 et 685 du code civil, que sa parcelle cadastrée [Cadastre 24] et [Cadastre 8], est enclavée. A ce titre, elle entend revendiquer une servitude dans le tréfonds pour lui permettre de raccorder des canalisations. Elle entend également, à titre subsidiaire, revendiquer un droit de passage sur la parcelle litigieuse. Elle réfute la faute qui lui est alléguée et précise qu’elle n’est pas à l’origine de son enclavement puisqu’elle n’a jamais été propriétaire des parcelles qui constituent le chemin.

Elle s’oppose également au paiement d’une indemnité forfaitaire en soulignant que le préjudice doit prendre en considération exclusivement le dommage occasionné. Elle prétend que la parcelle [Cadastre 15] constitue un chemin privé, de sorte que la servitude de passage et de tréfonds ne cause pas de dommage aux consorts [D].

Au terme de leurs conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 06 mars 2023 et signifiées aux non-comparants le 14 mars 2023, les époux [D] demandent de :

Débouter la S.C.I. DU [Adresse 14] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :

Rejeter les demandes de la S.C.I. DU [Adresse 14] en reconnaissance d’un chemin d’exploitation ;
Condamner la S.C.I. DU [Adresse 14] à payer aux époux [D] une indemnité compensatrice de servitude d’un montant de 20 000 € ;
En tout état de cause :

Condamner la S.C.I. DU [Adresse 14] aux entiers frais et dépens de l’instance ;
Condamner la S.C.I. DU [Adresse 14] à verser aux époux [D] la somme de 3600 € sur le fondement de l’article 700 de code de procédure civile.

Ils soutiennent que la parcelle de terre cadastrée [Cadastre 15] n'est pas un chemin d’exploitation, celui-ci n’ayant pas le même tracé au fil des années. Ils estiment qu’une servitude au bénéfice du fonds cadastré [Cadastre 20], [Cadastre 9], [Cadastre 3] et [Cadastre 5] a été institué courant 2007 et qu’il n’y a pas lieu à de nouvelles servitudes. Ils arguent également que le chemin litigieux ne peut pas être qualifié de chemin d’exploitation dès lors qu’il ne permet que d’assurer une desserte sur la voie publique aux différentes propriétés le jouxtant. Il s’oppose enfin à la qualification de chemin d’exploitation en précisant que la parcelle cadastrée [Cadastre 23] ainsi que celles cadastrées [Cadastre 17] et [Cadastre 18] sont régies par des titres, ce qui excluent la qualification de chemin d’exploitation.

Ils exposent que le chemin, cadastrée [Cadastre 15], étant une propriété privée, le refus de passage opposé à la SCI ne peut pas être constitutif d’un trouble anormal de voisinage.

Pour s’opposer à la demande de servitude de passage et de tréfonds, ils soutiennent que la SCI est à l’origine de son enclavement. Ils précisent que la SCI a acquis l’ensemble des terrains puis les a divisés sans se réserver de servitudes utiles.

Ils estiment également que la demande en servitude de tréfonds est indéterminée et qu’elle n’est pas indispensable à un bâtiment à usage de garage.

A titre subsidiaire, il énonce que l’indemnité compensatrice de servitude ne pourra pas être inférieure à 20.000 euros.

Bien que cités à étude, M. [W] [C] et Mme [V] [J] n’ont pas comparu et ne se sont pas faits représenter.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

L'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2024.

Motifs de la décision

Il est observé que les consorts [D] élèvent dans les motifs de leurs conclusions une demande subsidiaire aux fins expertise qui n’est pas reprise dans le dispositif, de sorte que le tribunal n’est pas saisi de cette demande en application de l’article 768 du code de procédure civile.

Sur la demande tendant à libérer l'accès à la parcelle de la SCI [Adresse 14] au titre d'un chemin d'exploitation
L'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que « les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitations. »

Il résulte de l'article précité que les chemins d'exploitation sont des chemins privés à l'usage commun des propriétaires riverains et servent à la communication entre leurs fonds ou à leurs exploitations. Il appartient aux juges de rechercher si le chemin, objet du litige, sert exclusivement à la communication entre les fonds ou à leur exploitation.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats ainsi que des différents plans cadastraux que, au niveau du [Adresse 12], un chemin a été établi en 1978 dans le cadre d’un projet immobilier ayant abouti à la construction de deux biens d’habitations respectivement cadastrés [Cadastre 16], [Cadastre 4], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] (propriété actuelle des consorts [D]) et [Cadastre 21], [Cadastre 24] et 116 (propriété actuelle des consorts [C]-[J]), qui n’avaient pas accès à la voie publique.

Le chemin litigieux est divisé en trois parcelles cadastrées [Cadastre 23], appartenant en indivision aux consorts [D] et aux consorts [C]-[J], BE 116, appartenant aux consorts [C]-[J] et BE 125, appartenant aux consorts [D]. La parcelle [Cadastre 23] constitue ainsi une partie de la voie privée qui prend naissance sur la [Adresse 28] afin de désenclaver les deux propriétés construites en 1978 et de leur assurer une desserte sur la voie publique. Il y a lieu d’en conclure que la division initiale a fait supporter par moitié la charge du chemin privé aux deux propriétés riveraines.

Par la suite, la SCI [Adresse 14] a acquis deux fonds riverains et a fait construire sur les parcelles riveraines du chemin litigieux une troisième propriété, cadastrée [Cadastre 20], [Cadastre 9] et [Cadastre 3], ainsi qu’un bâtiment à usage de garage, cadastré [Cadastre 19].

Suivant convention notariée en date du 28 février 2007, une servitude tréfoncière sur les parcelles cadastrées [Cadastre 17], [Cadastre 1] et [Cadastre 2], constituant le chemin privé, a été instituée au bénéfice du fonds cadastré [Cadastre 20], [Cadastre 9] et [Cadastre 3]. Par ailleurs, il n’est contesté par aucune des parties que le fonds cadastré [Cadastre 20], [Cadastre 9] et [Cadastre 3] bénéficie d’un droit de passage sur les parcelles constituant le chemin privé. Il est également constant que la parcelle cadastrée [Cadastre 19], sur laquelle a été édifié le bâtiment à usage de garage, ne bénéficie d’aucune servitude conventionnelle.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les parcelles constituant le chemin privé sont à l’usage de trois des quatre fonds riverains et a pour finalité exclusive leur desserte à la voie publique. Le chemin n’a donc pas vocation à servir à la communication entre les fonds ou à leur exploitation.

Le chemin ne saurait ainsi être qualifié de chemin d’exploitation au sens de l’article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime.

En conséquence, la SCI [Adresse 14] sera déboutée de sa demande tendant à constater un droit d’usage et de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 23] sur le fondement du chemin d’exploitation et de sa demande tendant à enjoindre sous astreinte aux consorts [D] de cesser d’obstruer le chemin privé litigieux.

Par ailleurs, en l’absence de chemin d’exploitation, la SCI [Adresse 14] est mal fondé à alléguer que les restrictions d’accès du chemin litigieux opposées par les consorts [D] sont constitutives d’un trouble anormal du voisinage. Ainsi, sa demande indemnitaire d’un montant de 10.000 euros sera rejetée.

Sur la demande subsidiaire tendant au bénéfice d’une servitude légale de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 23] constituant le chemin privé litigieux
L'article 682 du code civil dispose que « le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ».

En l'espèce, les consorts [D] reconnaissent que la propriété située à Hem cadastrée [Cadastre 23] de la SCI [Adresse 14] est enclavée mais impute cette enclave à un fait volontaire de M. [L], gérant de la SCI.

Il est de jurisprudence constante que nul propriétaire ne saurait invoquer un état d’enclave qui résulterait de son seul fait volontaire. Il appartient aux consorts [D] d’apporter la preuve d’un fait volontaire ayant conduit à fermer une issue suffisante du fonds sur la voie publique.

Il a été rappelé ci-dessus que les divisions cadastrales ont été opérées à l’initiative du promoteur immobilier à l’issue de la vente, courant l’année 1978, de deux biens immobiliers en l’état futur d’achèvement, respectivement cadastrés [Cadastre 16], [Cadastre 4], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] (propriété actuelle des consorts [D]) et [Cadastre 21], [Cadastre 24] et 116 (propriété actuelle des consorts [C]-[J]). Or, au moment de la division de la parcelle constituant le chemin privé, il n’y avait aucune autre propriété riveraine que les biens immobiliers ci-avant désignés. L’indivision sur la parcelle [Cadastre 23] constituant le chemin privé litigieux n’est donc pas de l’initiative ou du fait du gérant de la SCI [Adresse 14].

De plus, la parcelle litigieuse, cadastrée [Cadastre 19], est née de la division de la propriété située au [Adresse 12], cadastrée [Cadastre 22]. Or, cette parcelle appartenait au moment de sa division à Mme [S] [U]. Ainsi, la parcelle litigieuse était enclavée préalablement à son acquisition par la SCI [Adresse 14] suivant acte notarié du 17 septembre 1997. Il ne peut donc pas être imputé un acte matériel d’enclavement volontaire à la SCI [Adresse 14].

Par ailleurs, les consorts [D] allèguent que l’enclave volontaire procède de l’absence de servitude conventionnelle au bénéfice de la parcelle cadastrée [Cadastre 19] alors que celle-ci a été prévue au bénéfice du fonds cadastré [Cadastre 20], [Cadastre 9] et [Cadastre 3] par acte notarié du 28 février 2007 dont la SCI [Adresse 14] en était alors le propriétaire. Toutefois, il ne peut être reproché un enclavement volontaire au simple motif que la SCI [Adresse 14] s’est abstenue de solliciter de la part des propriétaires des parcelles d’emprise de chemin une servitude de passage conventionnelle.

Ainsi, il ne peut pas être reproché une enclave volontaire de la part de la SCI [Adresse 14]. Celle-ci est bien-fondé à solliciter le bénéfice d’une servitude de passage pour enclave sur la parcelle située [Adresse 12] à Hem cadastrée [Cadastre 23].

Sur la demande tendant au bénéfice d’une servitude tréfoncière sur la parcelle cadastrée [Cadastre 23] constituant le chemin privé litigieux
Il est admis en jurisprudence, sur le fondement de l’article 682 du code civil, que l’enclave d’un fonds, ouvrant le droit pour le propriétaire de réclamer le passage suffisant pour assurer la desserte complète de l’héritage, s’entend également du tréfonds afin d’assurer les communications nécessaires à l’utilisation normale du fonds enclavé.

Il est rappelé que, en l’espèce, le fonds cadastré [Cadastre 19] appartenant à la SCI [Adresse 14] est enclavé et qu’il n’a pas accès à la voie publique ; les consorts [D] s’opposent en revanche à la servitude de tréfonds aux motifs que les canalisations de raccordement ne sont pas nécessaires à un fonds qui ne comportement pas de maison d’habitation.

Il est en effet observé que la SCI [Adresse 14] ne précise pas sa demande de servitude tréfoncière se bornant dans les motifs de ses conclusions à réclamer une servitude « lui permettant d’enfouir les réseaux et canalisations d’eau, d’électricité et/ou de téléphone indispensables à l’utilisation d’un immeuble ».

Toutefois, il appartient au tribunal de déterminer précisément l’ampleur de la servitude compte tenu de l’utilisation normale du fonds enclavé.

S’agissant d’un bâtiment d’entrepôt et de garage, la SCI [Adresse 14] est bien fondée à réclamer une servitude tréfoncière pour les canalisations d’écoulement des eaux pluviales et usées et pour le raccordement d’électricité.

Il n’y a en revanche pas lieu d’accorder une servitude de tréfonds pour le raccordement aux réseaux téléphoniques, celui-ci n’étant pas expressément réclamé par la SCI [Adresse 14] d’une part, et le raccordement téléphonique n’est pas strictement nécessaire à l’utilisation d’un entrepôt d’autre part.

Sur la demande reconventionnelle en fixation d’une indemnité.
Il est de jurisprudence constante que l’indemnité à la charge du propriétaire du fonds dominant est proportionnée au dommage que le passage peut occasionner.

En l’espèce, afin d’évaluer l’indemnité due aux consorts [D] le tribunal observe que le dommage susceptible d’être occasionné par la servitude dépend de son usage par la SCI [Adresse 14]. Il est constant que la servitude permettra le passage de véhicule motorisé afin d’accéder à l’entrepôt privé de la SCI [Adresse 14]. Par ailleurs, les consorts [D] devront également supporter des travaux de raccordement en raison de la servitude tréfoncière.

Ainsi, l’indemnité sera justement fixée à la somme de 2.500 euros.

La SCI [Adresse 14] sera donc condamnée au paiement de cette somme.

Sur les autres demandes.
Les consorts [D], partie perdante au procès, seront condamnées aux dépens. Il convient par ailleurs de les condamner au paiement d'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 2.000 euros.

Le sens de la décision conduit à les débouter de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la SCI [Adresse 14] de sa demande tendant à constater un droit d’usage et de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 23] sur le fondement du chemin d’exploitation et de sa demande tendant à enjoindre aux consorts [D] sous astreinte de cesser d’obstruer le chemin privé litigieux ;

DEBOUTE la SCI [Adresse 14] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour trouble anormal du voisinage ;

ORDONNE le désenclavement de la parcelle cadastrée [Cadastre 19] située [Adresse 28] appartenant à la SCI [Adresse 14] ;

DIT que le désenclavement sera réalisé sur la parcelle [Cadastre 23], constituant le chemin privé donnant accès à voie publique, située [Adresse 28], propriété indivise de Mme [H] [E] épouse [D] et M. [B] [D] suivant acte notarié du 31 janvier 1997 d’une part et de M. [W] [C] et Mme [V] [J] suivant acte notarié du 31 juillet 2019 d’autre part ;

DIT que le chemin privé supportera une servitude de passage véhiculée et de tréfonds pour le raccordement électrique et pour les canalisations d’écoulement des eaux pluviales et usées ;

ORDONNE la publication de la présente décision à l’initiative de la partie la plus diligente et dit que les frais d’acte et de publication seront à la charge de la SCI [Adresse 14] ;

CONDAMNE la SCI [Adresse 14] à payer à Mme [H] [E] épouse [D] et M. [B] [D] une somme de 2.500 euros à titre d’indemnité ;

CONDAMNE Mme [H] [E] épouse [D] et M. [B] [D] à payer à la SCI [Adresse 14] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [H] [E] épouse [D] et M. [B] [D] aux dépens.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUMEMarie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/02554
Date de la décision : 24/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-24;22.02554 ?
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