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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00172

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés expertises, 07 mai 2024, 24/00172


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Référés expertises
N° RG 24/00172 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X6HM
LB/CG


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 07 MAI 2024



DEMANDERESSE :

Mme [P] [X]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Loïc RUOL, avocat au barreau de VALENCIENNES




DÉFENDEUR :

M. [F] [D]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Muriel RUEF, avocat au barreau de LILLE






JUGE DES RÉFÉRÉS : Carine GILLET, Première vice-présidente, suppléan

t le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Martine FLAMENT

DÉBATS à l’audience publique du 09 Avril 2024

ORDONNANC...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référés expertises
N° RG 24/00172 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X6HM
LB/CG

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 07 MAI 2024

DEMANDERESSE :

Mme [P] [X]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Loïc RUOL, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉFENDEUR :

M. [F] [D]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Muriel RUEF, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Carine GILLET, Première vice-présidente, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Martine FLAMENT

DÉBATS à l’audience publique du 09 Avril 2024

ORDONNANCE mise en délibéré au 07 Mai 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :
Madame [P] [X] est propriétaire de l’immeuble à usage d’habitation sis [Adresse 4] à [Localité 6] (59) parcelle cadastrée section D n° AX [Cadastre 1] et Monsieur [F] [D] est propriétaire du fonds contingu voisin situé [Adresse 3].

Madame [P] [X] indique Monsieur [F] [D] possède sur sa propriété divers espèces d’arbres de types bouleaux et sapins en limite séparative, qui s’élèvent à une hauteur d’une douzaine de mètres et qu’il entrepose de nombreux objets et matériaux à même le mur séparatif.

Soutenant avoir constaté que les arbres seraient dangereux pour la toiture de son immeuble à usage d’habitation, que les feuilles desdits arbres obstruent ses gouttières et engendrent une pollution par les semences, et qu’en outre les racines des arbres mettraient en péril les fondations de sa maison, occasionnant des fissures et exposant n’avoir pu trouver d’issue amiable à leur différend, Madame [P] [X] a, par acte de commissaire de justice du 29 janvier 2024, fait assigner Monsieur [F] [D] devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant en référé, pour obtenir la désignation d’un expert, au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

L’affaire a été appelée à l’audience du 20 février 2024 et renvoyée à la demande des parties au 09 avril 2024 pour y être plaidée.

A cette date, Madame [P] [X], représentée par son avocat, sollicite le bénéfice de ses dernières conclusions et demande au président du tribunal judiciaire, statuant en référé, de:
Vu l’article 145 du code de procédure civile
- Dire et juger recevable et bien fondée Madame [P] [X] en ses demandes ;
En conséquence,
-Désigner tel Expert qu’il Plaira à Madame, Monsieur le Président avec mission suggérée au dispositif de ses écritures
- Donner acte à Madame [P] [X] de ce qu’elle offre de consigner telle somme qu’il Plaira à Madame, Monsieur le président fixer, sur la rémunération de l’Expert ;
- Débouter Monsieur [D] de l’intégralité de ses demandes ;
- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, Monsieur [F] [D], représenté par son avocat, demande au président du tribunal judiciaire, statuant référé, de :
À titre principal :
- Débouter Madame [X] de l’intégralité de ses demandes
- Condamner Madame [X] à payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire :
- Préciser que la mission de l’expert portera sur les seuls désordres éventuels affectant le garage de Madame [X], cette dernière ne rapportant aucun élément concernant sa maison d’habitation.
- Préciser que l’expert se prononcera également sur l’existence d’une servitude de vue au profit de Madame [X] sur la propriété de Monsieur [D] et notamment sur le statut de la fenêtre donnant sur la cour de sa propriété.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du Code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement

La présente décision, susceptible d’appel, est contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’expertise

Pour s’opposer à la demande de Madame [P] [X] aux fins de constater les désordres affectant son immeuble à usage d’habitation , Monsieur [F] [D] fait valoir que Madame [P] [X] est défaillante dans l’administration de la preuve, au sens de l’article 146 du code de procédure civile. Il soutient en outre que la demanderesse ne produit aucun élément concernant la consistance des préjudices qu’elle invoque et ne justifie pas de la dangerosité des arbres pour la toiture de son immeuble à usage d’habitation, de l’obstruction de ses gouttières par les feuilles et de l’engendrement de pollution par les semences, ainsi que de la mise en péril des fondations de sa maison par les racines des arbres, occasionnant des fissures. Subsidiairement, Monsieur [F] [D] sollicite que soit précisée la misison de l’expert, et notamment que celle-ci portera sur les seuls désordres éventuels affectant le garage de Madame [X], cette dernière ne rapportant aucun élément concernant sa maison d’habitation, et qu’en outre, l’expert se prononcera également sur l’existence d’une servitude de vue au profit de Madame [X] sur la propriété de Monsieur [D] et notamment sur le statut de la fenêtre donnant sur la cour de sa propriété.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il suffit qu’un procès futur soit possible, qu’il ait un objet et un fondement suffisamment déterminé, que le demandeur produise des éléments rendant crédibles ses suppositions, sans qu’il n’y ait lieu à exiger un commencement de preuve des faits invoqués, que l’expertise est justement destinée à établir; que sa solution puisse dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, que celle-ci ne soit pas vouée à l’échec en raison d’un obstacle de fait ou de droit et ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

L’existence de contestations même sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, l’application de ce texte n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

Les dispositions de l’article 146 du code de procédure civile selon lequel le juge doit s’assurer que la mesure d’instruction sollicitée n’est pas destinée à suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve, sont inapplicables lorsque le juge est saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile (cass 2ème civile - 11 avril 2013 n° 11-19.419), le défendeur ne peut donc alléguer l ’absence de preuve, pour s’opposer à la demande qui a justement pour but l’établissement de cette preuve.

De plus, les pièces produites aux débats, et notamment les procès-verbaux de constat établis par commissaire de justice du 14 février 2022 et du 15 mars 2024 rendent vraisemblable l’existence des désordres invoqués par Madame [P] [X]. En effet, Maître [C] [Z], commissaire de justice, relève que, est implanté sur la parcelle du défendeur “à coté du garage de [P] [X], un laurier envahissant, dont la hauteur réglementaire n’est pas respectée”. Il apparaît également, que suivant constat d’accord entre les parties du 20 février 2020, avec le conciliateur de justice, le défendeur s’est engagé à couper annuellement à hauteur de deux mètres maximum, le laurier. Le commissaire de justice constate dans le second procès-verbal une aggravation des désordres : “en date du 12 février 2022, des fissures avaient été constatées au niveau de la dalle. Je constate que ces fissures se sont manifestement aggravées. Ces fissures prennent leur source au niveau du mur mitoyen coté gauche délimitant la propriété de Madame [X] et de Monsieur [D]”, et que “depuis la servitude entre les différentes habitations, je constate qu’un laurier pousse sur la propriété de Monsieur [D]. Ce laurier, d’une taille imposante, est directement collé sur le mur délimitant les deux propriétés”.

Il apparaît nécessaire, au vu de ces pièces, que soient vérifiés, par le biais d'une expertise contradictoire et avant tout procès, les griefs allégués par la demanderesse, et de disposer d'un avis technique sur l'origine, la cause et les conséquences de ces désordres.

Madame [P] [X] justifie donc d’un motif légitime au sens des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande d’expertise. La mission de l’expert, qu’il appartient au juge de fixer conformément aux dispositions de l’article 265 du code de procédure civile, sera définie au dispositif de la présente ordonnance.

Sur la demande subsidiaire de [F] [D]

Le défendeur sollicite l’extension de la mission de l’expert à une servitude de vue au profit de la demanderesse, au détriment de son fonds, et notamment sur le statut d’une fenêtre donnant sur la cour de sa propriété.
Aucune pièce n’est cependant communiquée à ce titre, de sorte que la demande ne peut qu’être rejetée.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens

A ce stade de la procédure, aucune considération d’équité ne commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Monsieur [F] [D].

Madame [P] [X] dans l’intérêt et à la demande de laquelle la mesure d’instruction est ordonnée en avancera les frais et supportera les dépens de la présente instance.

La présente décision est exécutoire par provision, en application des dispositions des articles 484, 514 et 514-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Renvoyons les parties à se pourvoir sur le fond du litige,
Par provision, tous moyens des parties étant réservés,

Ordonnons une expertise et Désignons en qualité d'expert :
M. [K] [S]
[Adresse 5]
[Localité 7]

expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de DOUAI, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,
Avec mission de :
-se rendre sur les lieux dans l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 8], après y avoir convoqué les parties,
-se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission;
-décrire les désordres affectant l’immeuble à usage d’habitation de [P] [X] et plus généralement sur la propriété de Madame [P] [X] allégués dans l’assignation et les pièces qui y sont annexées E ;
-en indiquer l’origine, l’étendue, la nature, l’importance, la date d’apparition, selon toute modalité technique que l’expert estimera nécessaire ; en rechercher la ou les causes et déterminer à quels intervenants, ces désordres sont imputables et dans quelles proportions,
-décrire les travaux de reprise et procéder à un chiffrage desdits travaux,
-fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels ;
- fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
-donner son avis sur les comptes entre les parties ;

Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :
-convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils,
-recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,
-se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés,
-se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
-définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties; l’actualiser
ensuite dans le meilleur délai :
→en faisant définir un enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,
→en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l'article 280 du code de procédure civile, et dont l'affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l'article 269 du même code ;
→en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées ;
→en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
-adresser aux parties au terme de ses opérations, un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport) et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable :
→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.

Fixons à la somme de 2.000 euros (deux mille euros), le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse, à la Régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de LILLE avant le 25 juin 2024

Disons que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile ;

Disons que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport et en copie sous forme d’un fichier PDF, enregistré sur une clef USB, au Greffe du Tribunal Judiciaire de LILLE, Service du Contrôle des expertises, [Adresse 2], dans le délai de six mois, à compter de la consignation sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du Contrôle ;

Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code

Déboutons Monsieur [F] [D] de sa demande de complément de mission à donner à l’expert

Déboutons Monsieur [F] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laissons à Madame [P] [X] la charge des dépens de la présente instance

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIERLA JUGE DES RÉFÉRÉS

Martine FLAMENT Carine GILLET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés expertises
Numéro d'arrêt : 24/00172
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Désigne un expert ou un autre technicien

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;24.00172 ?
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