TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01
N° RG 22/03612 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WGHF
JUGEMENT DU 07 MAI 2024
DEMANDEUR:
M. [A] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE:
S.A.R.L. LADY ART CAR,
inscrite au RCS de MELUN sous le n° 794 601 369
représentée par son gérant, domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Aymeric DRUESNE, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Guillaume DOLIDON, avocat au barrea ude PARIS, plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,
Greffier: Benjamin LAPLUME,
DÉBATS
Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 Juin 2023.
A l’audience publique du 05 Février 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 07 Mai 2024.
Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Marie TERRIER, Présidente de chambre, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 07 Mai 2024 par Marie TERRIER, Président, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
Exposé du litige
Monsieur [A] [Z] a confié aux fins de restauration son véhicule de collection, une Peugeot 404 berline de 1965 affichant au compteur 48.161 kilomètres à la SARL Lady Art Car (ci après la société LAC) suivant devis d’un montant TTC de 36.939,62 € accepté le 24 juin 2020 par Monsieur [Z].
En trois versements intervenus le 3 juillet 2020, le 15 septembre 2020 puis le 6 janvier 2021, Monsieur [Z] a réglé au garage la somme globale de 37.000€.
Entre le 25 juillet 2020 et le 31 août 2021, la société LAC a adressé six situations mensuelles du projet à Monsieur [Z].
Suivant facture du 29 décembre 2021, la société LAC a sollicité de Monsieur [A] [Z] le règlement du solde de sa facture pour la somme 11.759,98€ TTC.
S’opposant au paiement du solde, Monsieur [A] [Z] a mis en demeure la société LAC le 16 novembre 2021 d’organiser la restitution du véhicule.
Aucune issue amiable n’ayant été trouvée, par acte d’huissier du 23 mai 2022, Monsieur [A] [Z] a fait assigner la SARL Lady Art Car devant le Tribunal judiciaire de Lille en condamnation à restituer, sous astreinte le véhicule déposé et indemnisation de la perte de jouissance.
Sur cette assignation, la société LAC ayant constitué, les parties ont échangé leurs conclusions. Suivant ordonnance du 14 juin 2023, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire et a fixé le dossier à l’audience de plaidoiries prise à juge rapporteur du 5 février 2024.
Suivant les termes des conclusions récapitulatives transmises par la voie électronique le 15 décembre 2022 , Monsieur [A] [Z] sollicite du tribunal au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, de :
- juger indue la facture de travaux supplémentaires de la SARL LADY ART CAR d'un montant de 11 759, 98 €,
- et en conséquence, la débouter de sa demande en paiement de ladite facture,
- condamner la SARL LADY ART CAR à mettre à disposition du requérant son véhicule sous astreinte de 50 € par jour à compter du jugement,
- et pour le passé, condamner la SARL LADY ART CAR à indemniser la privation de jouissance subie par le requérant au moyen d'une indemnité journalière de 30 € à compter du 1er juillet 2021 jusqu'à parfaite exécution du jugement à intervenir,
- débouter la société LADY ART CAR de ses prétentions et de ses demandes,
- la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens,
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir..
Au soutien de ses prétentions, il indique qu’il a uniquement accepté le devis présenté le 2 juillet 2020 puis que s’il a reçu des situations mensuelles du projet, il ne les a prises qu’à titre d’information sur l’avancement du projet et les demandes d’acompte que comme des modalités de paiement du solde global, sans modification du montant de celui-ci. Il précise que tous les travaux supplémentaires doivent au préalable recevoir l’accord préalable du client. Or, il relève que le devis était particulièrement détaillé, qu’il comprenait 6 pages et avait été réalisé sur 250 points avec démontage partiel. Il en déduit qu’une variation finale de plus de 30% de la somme acceptée n’était pas admissible. Compte tenu du fait que le conseil a indiqué que le jour de la reprise du véhicule une facture définitive de travaux serait éditée, il en a déduit que le garagiste entendait exercer son droit de rétention sur le véhicule. Il conclut de l’admission de sa demande principale, le rejet nécessaire de la demande incidente de la défenderesse portant sur des frais de gardiennage.
En réponse et par conclusions signifiées le 19 octobre 2022, la société Lady Art Car au visa des articles 1103, 1104, 1231-6 et 1928 du code civil sollicite du tribunal de :
- Débouter monsieur [A] [Z] de l’intégralité de ses demandes ;
- Condamner monsieur [A] [Z] à payer à la société LADY ART CAR, au titre des travaux de restauration, la somme de EUR 11.759,98 T.T.C. avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2022 ;
- Condamner monsieur [A] [Z] à payer à la société LADY ART CAR, au titre des frais de gardiennage, la somme de EUR 30,00 T.T.C. par jour à compter du 22 mars 2022, soit la somme, à parfaire, de EUR 6.360,00 T.T.C. ;
- Condamner monsieur [A] [Z] à payer à la société LADY ART CAR la somme de EUR 3.000,00 en application de l’article 700 du code de procédure civile;
- Condamner monsieur [A] [Z] aux entiers dépens ;
- Autoriser maître Aymeric Druesne, avocat au barreau de Lille, à recouvrer directement contre monsieur [A] [Z] ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.
Au soutien de ses écritures, le garagiste souligne que dès l’édition du devis, il était précisé que certaines lignes n’étaient pas comprises, qu’un acompte de 30% puis des acomptes intermédiaires seraient sollicités sur fourniture de situations mensuelles et que la facture devrait être payée à réception des travaux dans les ateliers. Elle souligne qu’à plusieurs reprises, il était mis en évidence le caractère estimatif du devis et qu’à chaque situation mensuelle, elle a pris soin de préciser le cumul des heures réellement effectuées et les éventuels dépassement par rapport aux prévisions du devis.
Le délibéré de la décision a été fixé au 7 mai 2024.
Sur ce
Sur la demande reconventionnelle au titre du paiement du solde de la facture
Selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
L’article 1165 précise que dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord entre les parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation.
En l’espèce, Monsieur [Z] revendique son engagement contractuel sur la seule base du devis daté du 24 juin 2020 qu’il accepté, au prétexte que celui-ci s’étendant sur 6 pages apparaissait particulièrement détaillé.
Toutefois, une lecture attentive de ce document permet d’apprendre en page de garde qu’il s’agissait «d’un devis estimatif selon diagnostic à revoir après démontage, décapage et ouverture des zones contaminées» puis pour certains postes:
«-carrosserie: démontage estimatif pour réparation du toit ouvrant
-fournitures: cuir rectifié estimatif
et enfin Attention reste à deviser ligne d’échappement, coupelle d’amortisseur et filtre à air.»
Par ailleurs et d’une manière générale, le client était alerté que le «démontage/ remontage peuvent être soumis à des variations d’heures selon l’état général dû au vieillissement».
Aussi, il résulte suffisamment de cette pièce contractuelle que le solde du marché était susceptible d’une variation, selon le coût de certaines matières premières, mais aussi du temps de main d’oeuvre nécessaire.
Il convient de vérifier si les travaux supplémentaires, dont il doit d’ores et déjà être souligné qu’ils ont fait l’objet d’une information périodique au client correspondent à des postes devisés.
Sur la situation du 25 juillet 2020, le garage précise qu’il n’y a eu aucun dépassement.
Sur celle du 2 octobre 2020, il y a un dépassement horaire en relation avec le décapage du compartiment moteur qui avait été commandé et un dépassement pour le coût de fournitures dont une somme de 188€ pour un achat non devisé, qui ne peut être facturé au client.
Sur celle du 30 novembre 2020, il y a un dépassement pour la carrosserie du même ordre que la précédente et un dépassement peinture et sellerie notamment pour les accoudoirs des sièges avant et la banquette qui n’avaient pas été devisés pour un total de 31,59 heures et une somme de 1.901 €HT et désormais les achats non devisés s’élèvent à une somme de 558€.
Sur celle du 30 avril 2021, il est évoqué des fournitures pour une somme de 1.675,05€ HT non devisée.
Sur celle du 31 mai 2021, le montant non devisé des achats hors taxe passe à 2.418,40€.
Sur celle du 31 août 2021, le montant non devisé des achats hors taxe passe à 3.576,25€ HT.
Les points de situation permettent de retracer au fur et à mesure les dépassements au regard du devis initial, il convient de déduire les sommes non devisées de la facture finale soit 5.477,27€.
En conséquence, la facture du solde des travaux à laquelle Monsieur [A] [Z] doit être condamné au paiement s’élève à la somme de 5.187,25€ TTC qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2022, date de la mise en demeure.
Sur la demande de restitution du véhicule
Selon l’article 1948 du Code Civil, le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû en raison du dépôt.
En l’espèce, il résulte de ce qui précède que Monsieur [Z] reste débiteur au moins de la moitié de la facture envers la société Lady Art Car sans qu’il ait proposé aucune solution aux fins d’un règlement amiable de la facture.
La société LAC peut lui opposer, sans faute, son droit de rétention sur le bien déposé.
En conséquence, il sera débouté de sa demande de restitution sous astreinte du véhicule qui ne devra intervenir qu’après paiement du solde du contrat.
Sur l’indemnisation de la perte de jouissance du véhicule.
Dès lors que l’exercice de la rétention du véhicule a été approuvé, Monsieur [Z] n’est pas fondé à demander l’indemnisation de la perte de jouissance de ce chef.
Il sera débouté de sa demande sur ce fondement.
Sur l’indemnisation du gardiennage
Il est admis que le créancier qui exerce son droit de rétention sur un véhicule peut obtenir, sauf en cas de rétention abusive, le paiement des frais de gardiennage nés à l'occasion de la rétention , même si ces frais n'ont pas été contractuellement prévus.
En l’espèce, il est encore établi que par courrier du 21 février 2022, la société LAC a mis en demeure Monsieur [Z] d’assurer la réception des travaux, ce qu’il ne justifie pas avoir entrepris de sorte, qu’il y a lieu d’en déduire qu’il sera condamné à payer des frais de gardiennage pour une somme de 30€ TTC par jour à compter du 22 mars 2022, soit 30 jours après l’envoi de la lettre.
Au total, Monsieur [Z] sera condamné à payer à la société LAC la somme de 6.360€ TTC, conformément à la demande de la défenderesse.
Sur les demandes accessoires
Succombant en l’intégralité de ses demandes, Monsieur [A] [Z] sera condamné aux dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Aymeric Druesne.
Supportant les dépens, il sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile et condamné à payer à la société LAC la somme de 2.000€ de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe:
CONDAMNE Monsieur [A] [Z] à payer à la SARL Lady Art Car la somme de 5.187,25 euros TTC (cinq mille cinq cent quatre vingt sept euros et vingt cinq centimes) au titre du solde de la facture éditée le 29 décembre 2021;
DÉBOUTE la SARL Lady Art Car du surplus de sa demande de ce chef ;
DÉBOUTE Monsieur [A] [Z] de sa demande de condamnation sous astreinte à restitution du véhicule ;
DÉBOUTE Monsieur [A] [Z] de sa demande indemnitaire de privation de jouissance ;
CONDAMNE Monsieur [A] [Z] à payer à la SARL Lady Art Car la somme de 6.360 euros TTC (six mille trois cent soixante euros ) au titre des frais de gardiennage depuis le 22 mars 2022 jusqu’au 19 octobre 2022 ;
DÉBOUTE Monsieur [A] [Z] de sa demande faite au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [A] [Z] à payer à la SARL Lady Art Car la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [A] [Z] aux dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Aymeric Druesne ;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE
Benjamin LAPLUMEMarie TERRIER