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22/03/2024 | FRANCE | N°20/00927

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 22 mars 2024, 20/00927


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01
N° RG 20/00927 - N° Portalis DBZS-W-B7E-UKIW


JUGEMENT DU 22 MARS 2024



DEMANDERESSE :

S.A.S.U. TAPE A L’OEIL,
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 389 632 639
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sandrine MINNE, avocat au barreau de LILLE



DÉFENDERESSE :

S.A.S.U. VERBAUDET
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 397 555 327
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représ

entée par Me Juliette DELCROIX, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Ignacio DIEZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant




COMPOSITION DU...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 20/00927 - N° Portalis DBZS-W-B7E-UKIW

JUGEMENT DU 22 MARS 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S.U. TAPE A L’OEIL,
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 389 632 639
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Sandrine MINNE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A.S.U. VERBAUDET
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° 397 555 327
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Juliette DELCROIX, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Ignacio DIEZ, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Marie TERRIER,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Nicolas VERMEULEN,

Greffier lors des débats : Sébatstien LESAGE
Greffier lors du délibéré : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Mai 2023.

A l’audience publique devant la formation collégiale du 18 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 22 Mars 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 22 Mars 2024 par Marie TERRIER, Présidente et signé par Nicolas VERMEULEN, Juge, pour la présidente empêchée, assisté de Benjamin LAPLUME, Greffier.

Exposé du litige
 
Suivant lettres recommandées en date des 9 mai 2019 et 6 janvier 2020 la SASU Tape à l’œil à mis en demeure la SASU Vertbaudet de cesser la fabrication et la commercialisation de plusieurs vêtements prêt-à-porter pour enfants en raison de l’atteinte à ses droits d’auteur et de lui communiquer notamment les quantités commandées des produits litigieux ainsi que le chiffre d’affaires hors taxe réalisé.
 
Par courrier des 27 mai 2019 et 27 janvier 2020, la société Vertbaudet a répondu que ses produits ne contrefaisaient pas ceux de la société Tape à l’œil.
 
Par acte d'huissier en date du 30 janvier 2020, la société Tape à l’œil a fait assigner la société Vertbaudet en paiement de dommages-intérêts pour contrefaçons et concurrence déloyale ainsi qu'en injonction sous astreinte de cesser d'exploiter leurs marques.
 
Sur ce, la société Vertbaudet a constitué avocat.
 
Suivant ordonnance du 23 septembre 2022, le juge de la mise en état a déclaré Tape à l’œil recevable en ses demandes additionnelles, lui a rappelé que les pièces communiquées au tribunal devront être identiques en leur format, couleur et qualité que celles communiquées à la société Vertbaudet et à condamner cette dernière au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
 
La clôture est intervenue le 05 mai 2023, suivant ordonnance du même jour, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 18 janvier 2024.

 
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 05 janvier 2023, la société Tape à l’œil demande de :
 
Sur les actes de contrefaçon

➢  A titre principal, dire que Vertbaudet a commis des actes de contrefaçon du fait de la commercialisation du produit ensemble bébé jacquard.

➢  Condamner Vertbaudet à payer à Tape à l’oeil la somme de :

▪   60 000 euros en réparation du préjudice matériel ;

▪  15 000 euros en réparation du préjudice moral.

➢   A titre subsidiaire,

▪   dire que Vertbaudet a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

▪  Condamner Verbaudet à lui payer la somme de 60.000 euros ;

Sur les actes de concurrence déloyale

➢  A titre principal, dire que Vert Baudet a  commis des actes de concurrence déloyale ;

➢  Condamner Vertbaudet à payer à Tape à l’Oeil la somme de 800 000 euros ;

➢  Interdire à Vertbaudet la commercialisation des articles suivants :

▪  Produit bébé Jacquard
▪  pull-garcon-motif-drapeau-gris-chine
▪  sweat-garcon-motif-graphique-marine-fonce-chine
▪  t-shirt-fille-motifs-coeur-en-sequins-noir
▪  t-shirt-fille-a-sequins-et-broderies-bleu-fonce
▪  robe-de-fete-fille-avec-etoiles-en-sequins-encre
▪  sweat-fille-motif-arc-en-ciel-en-bouclettes-jaune-clair
▪  doudoune-longue-a-capuche-fille-patchs-etoiles-noir
▪  Sweat - vert foncé
▪  T-shirt bébé garçon imprimé graphique ivoire
▪  Combinaison rayée bébé terre de sienne
▪  Brassière bébé rose rayé
▪  Pyjama ours
▪  Robe molleton rose
▪  gigoteuse-special-ete-joues-a-bisous-rayure-rose
▪  lot-de-2-pyjamas-bebe-motifs-ecureuils-coton-bio-lot-
▪  maillot-de-bain-1-piece-reversible-fille-bleu-imprime
▪  surpyjama-dinosaure-vert-fonce
▪  doudoune-a-capuche-garcon-a-bandes-bicolores-vert-grise
▪  doudoune-a-capuche-style-college-garcon-garnissage-en-polyester-
▪  recycle-encre
▪  utilitaire nuit
 
sous astreinte de 500 € par jour de retard, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;

➢  Ordonner la publication du jugement à intervenir sur le site https://www.vertbaudet.fr/ au-dessus de la ligne de flottaison à compter de la signification du jugement et pendant un délai de 30 jours, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;

➢  Ordonner la publication dans trois revues ou journaux au choix de la société Tape à L’Oeil aux frais avancés de Vertbaudet sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder 3 000 € HT ;

➢  Débouter Vertbaudet de ses demandes reconventionnelles ;

➢  Condamner Vertbaudet à payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive.

➢  Condamner Vertbaudet à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

➢  Condamner Vertbaudet aux entiers dépens ;

➢  Dire n’y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution, de la décision à intervenir ;

➢  Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Sandrine MINNE pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 02 mars 2023, la société Vertbaudet demande de :
 
En ce qui concerne le bonnet :

➢Débouter la société Tape à l’œil irrecevable dans son action en contrefaçon de droit d’auteur concernant son bonnet (réf. HUB/AH17) et son « snood » (réf. 87917) ;

➢  Débouter la société Tape à l’œil de son action en concurrence déloyale en ce qui concerne son bonnet (réf. HUB/AH17) et son « snood » (réf. 87917) ;

Pour les autres vêtements :

➢  Débouter la société Tape à l’œil de l’ensemble de ses demandes ;

Reconventionnellement :

➢  Condamner la société Tape à l’œil à verser à la société Vertbaudet au titre de la contrefaçon du modèle de Pyjama versé en pièce n°77 les sommes suivantes : 

▪  100 000 € au titre du préjudice patrimonial subi par la concluante.

▪  30 000 € au titre du préjudice moral.

➢  Condamner la société Tape à l’œil au titre des actes de parasitisme économique et de concurrence déloyale par confusion dans l’esprit du public au détriment de la société Vertbaudet par offre à la vente de 23 produits parasitant les investissements de la société Vertbaudet et créant un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle, dans l’attente des éléments comptables à intervenir, à payer à la société Vertbaudet la somme de 750 000 € de dommages et intérêts.

➢  Ordonner l’interdiction à la société Tape à l’œil, et ce sous astreinte de 1 500 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, de commercialiser les 24 produits visés aux présentes, soit : 

▪  Pyjama jaune à motif tête de Lyon (pièce 47,de TAO DB GHALIB)
▪  Body rayé bleu et blanc avec décoration avion (Maman tu me donnes des ailes)
▪  Doudoune rose en tissu liberty (DD PR HOOD)
▪  La salopette avec un motif de panda 
▪  Combi-pilote de couleur moka avec capuche en forme de tête d’ours 
▪  Pyjamas à motif « tête d’animal » avec des oreilles en volume en matière duvetée
▪  Pantalon avec poche Kangourou représenté par un panda avec des oreilles en volume
▪  Body avec motif de sapin et biches 
▪  Combi avec tête d’animal en matière duvetée
▪  Gigoteuse avec motif de nuage et pluie.
▪  Petite robe à manche courte et col rond.
▪  Body avec motif de mouettes
▪  Pyjama rosé avec tête de félin en volume.
▪  Blouse avec volants à l’emmanchure avec broderies contrastée et découpe haute froncée.
▪  Petit pull rose avec collerette.
▪  Petit pull rose assorti d’un volant en broderie anglaise transversale à hauteur de poitrine
▪  Jean bleu avec soufflet apposé sous les poches.
▪  Pantalon bordeaux avec broderie décorative dentelée le long de la poche.
▪  Jogging comportant sur le devant une pluie d’étoiles.
▪  Sweet rouge avec slogan « oui mais non »
▪  Polo rouge au double col chemise.
▪  Barette dorée pour les cheveux comportant une étoile décorative.
▪  Sweet rose avec fronce située à l’articulation 
▪  Petit gilet rose avec fronce située à l’articulation ;

➢  Ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq revues ou journaux au choix de la société Vertbaudet pour un montant n'excédant pas 5 000 €uros par publication ;

➢   Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de la société Tape à l’œil à l’adresse https://www.t-a-o.com au-dessus de la ligne de flottaison à compter de la signification du jugement à  intervenir pendant une durée de 3 mois, sous astreinte de 500 € par jour de retard, le Tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte. 

➢  Condamner la société Tape à l’œil par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, à payer 20 000 € à la société Vertbaudet.

➢  Condamner la société Tape à l’œil au frais et dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Juliette DELCROIX conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
 
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
 
L'affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2024.

Motifs de la décision
 
A titre préliminaire, Tape à l’œil ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions la demande provisionnelle en paiement d’un montant de 50.000 euros concernant le produit « Bande de copines » ainsi que la demande d’injonction de communiquer plusieurs pièces financières pourtant présentées dans les motifs, de sorte que le tribunal n’est pas saisi de ces prétentions en application de l’article 768 du code de procédure civile.
 
-    A titre préliminaire sur la demande tendant à ne pas retenir à charge la pièce n°6 de Tape à l’œil
 
La société Vertbaudet prétend que le constat d’huissier, rédigé en langue anglaise, n’a pas été légalisé conformément aux dispositions réglementaires prévues par le décret du 10 novembre 2020. Elle estime que la pièce n°6 semble émaner d’une autorité américaine mais ne comporte aucune signature.
 
En réponse, la société Tape à l’œil soutient que sa pièce n°6 est un constat d’huissier qui a été valablement communiqué aux parties.
 
En l’espèce, Vertbaudet ne sollicite dans ses conclusions ni la nullité ni l’irrecevabilité de la pièce, de sorte qu’il appartiendra au tribunal d’apprécier la force probante de la pièce.
 
Le tribunal observe par ailleurs que la pièce n°6 de Vertbaudet est un constat d’huissier dressé le 9 janvier 2020 par Me [T], huissier de justice à [Localité 3].
 
Ainsi, contrairement aux allégations de Vertbaudet, il n’émane pas d’une autorité américaine et n’a pas à faire l’objet d’une légalisation.
 
Il est donc rappelé qu’il appartient au tribunal d’apprécier la force probante de la pièce querellée, précision faite que l’absence de légalisation, s’agissant d’un procès-verbal d’huissier dressé par un officier ministère établi sur le territoire national, n’est pas de nature à réduire sa force probante.

 
-    Sur la demande de la société Tape à l’œil au titre de la contrefaçon de droits d’auteurs sur le produit ensemble bébé Jacquard.
 
La société Tape à l’œil soutient, sur le fondement de l’article L. 112-2 14° du code de la propriété intellectuelle, que son bonnet « Hood » est une œuvre originale et qu’elle est titulaire de droit d’auteurs sur celle-ci. Plus précisément elle énonce que l’œuvre est originale en raison du motif nordique jacquard bleu et écru, ce motif est composé de la superposition d’une ligne épaisse surmontée de carrés, d’une ligne épaisse surmontée de rectangles, d’une ligne de petits cœurs, d’un motif zig zag épais comportant en partie supérieure un motif zig zag écru, une ligne fine blanche surmontée de motifs ainsi que d’un revers et d’un pompon de couleur.
 
Elle expose, sur le fondement de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, que son bonnet Hood fait l’objet de vente de sa part, comme le démontre sa pièce n°6, et que le bonnet et le tour de cou proposés par Vertbaudet sont des contrefaçons ; que l’ensemble des motifs de son bonnet « Hood » sont repris par le bonnet proposé par Vertbaudet et que l’ajout d’une ligne petite maison est insuffisant à écarter le grief de la contrefaçon.
 
En réponse, la société Vertbaudet prétend que la création du bonnet et sa commercialisation n’ont pas de date certaine et qu’aucun produit n’est versé aux débats. Elle sollicite l’irrecevabilité de la demande aux motifs que la requérante n’identifie pas l’originalité de l’œuvre ; que la requérante se borne à décrire son bonnet sans démontrer l’originalité de celui-ci ; qu’il n’est pas indiqué les choix créatifs opérés ou les partis pris esthétiques.
 
La société Vertbaudet soutient également que les deux bonnets, mêmes s’ils procèdent du même genre, ne sont pas identiques dans leurs formes et leurs dispositions. Ainsi à la base du bonnet, celui de Vertbaudet présente une ligne foncée, puis des motifs triangulaires, à l’intérieur desquels figurent des pointes, puis une série de triangles blanc inversés alors que celui de la requérante présente une alternance d’une ligne noire et de rectangles noirs sur fond blanc, puis de nouveau une ligne noire, avec des carrés noirs sur fond blanc et des petits motifs noirs. Il est également soutenu que les principales lignes sont différentes.

SUR CE,
 
Saisi d’une demande au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, le tribunal est tenu de rechercher préalablement si l’œuvre en cause répond à l’exigence d’originalité.
 
L’alinéa 1 de l’article L. 111-1 du code de la propriété littéraire et artistique dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
 
L’article L. 112-2 14 ° du code de la propriété littéraire et artistique dispose que « sont considérés notamment comme œuvre de l’esprit les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure ».
 
L’œuvre est originale lorsqu’elle est une création intellectuelle propre à son auteur.
 
En l’espèce, Tape à l’œil prétend être titulaire de droits d’auteur sur un modèle de bonnet et de tour de cou (traduit par « snood » dans les conclusions de la requérante). Elle décrit, s’agissant du bonnet, l’originalité ainsi :
 
« - motif nordique jacquard bleu et écru, ce motif est composé de la superposition des dessins suivants
- ligne épaisse surmontée de carrés disposés régulièrement ;
- ligne épaisse surmontée de rectangles disposés régulièrement ;
- ligne de petits cœurs ;
- motif zig zag épais comportant en partie supérieure un motif zig zag écru ;
- ligne fine blanche surmontée de motifs
- revers
- un pompon de couleur ».
 
Il est observé que Tape à l’œil se borne à alléguer que les modèles de bonnets motif jacquard bleu présentés aux débats par Vertbaudet sont postérieurs à son produit.
 
Or, la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.  Toutefois, l’originalité peut s’apprécier au regard d’œuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’œuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.
 
Tape à l’œil, qui estime dans ses conclusions que tous les bonnets à pompon et revers style scandinave sont postérieurs, revendique implicitement l’originalité d’avoir appliqué des motifs nordiques jacquards sur un bonnet à pompon et avec un revers. 
 
Il convient cependant de constater que la société Vertbaudet verse aux débats en pièce n°7, ainsi que dans le corps de ses conclusions, de nombreuses photographies de bonnet à pompon et revers avec un motif jacquard bleu. Il est notamment présenté des bonnets avec pompon et revers dont les motifs jacquards scandinaves sont composés de plusieurs lignes comprenant des motifs régulièrement disposés sur celle-ci et distincts entre elles. Certaines photographies, datées de 2015, sont antérieures à la date à laquelle Tape à l’œil revendique la création du bonnet « Hood ».
 
Ainsi, elle n’est pas fondée à solliciter l’originalité de l’application de motifs nordiques jacquards sur un bonnet à pompon et à revers.
 
Par ailleurs, dans sa démonstration de l’originalité du bonnet « Hood », Tape à l’œil précise « qu’en tout état de cause, les motifs apparaissant sur ces produits diffèrent des motifs créés pour le bonnet Hood » (page 15 conclusions requérante), ce qui laisse à penser qu’elle revendique dans le même temps l’originalité des motifs qu’elle a adoptés pour composer selon elle un style jacquard nordique.
 
Or, les différences dans les lignes composant le motif jacquard nordique avec un bonnet de style similaire ne peuvent pas, en soi, caractériser l’originalité si celles-ci ne résultent pas d’un effort de création intellectuelle propre à son auteur.
 
Il appartient ainsi à Tape à l’œil de préciser en quoi la superposition de plusieurs lignes composées de motifs distincts reflète la personnalité de l’auteur de l’œuvre, ce qu’elle ne fait pas.
 
Dans ces conditions, force est de constater que Tape à l’œil se borne à décrire l’esthétique du bonnet Hood sans présenter ni la démarche créative, ni le parti pris esthétique ou encore la physionomie propre reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
 
Le tribunal juge donc que les différents motifs composant le jacquard nordique appliqué à un bonnet avec pompon et revers ne résultent pas de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur et n’est ainsi pas éligible à la protection au titre du droit d’auteur.
 
Dès lors, à défaut d’originalité sur le bonnet Hood, Tape à l’œil n’est pas fondé à agir en contrefaçon à l’encontre de Vertbaudet.
 
Elle sera déboutée de ses demandes à ce titre.
 
Il convient d’analyser le bonnet Hood dans le cadre de sa demande au titre de la concurrence déloyale, au même titre que les vingt-deux autres produits dont Tape à l’œil entend protéger.
 

-         Sur la demande de la société Tape à l’œil au titre de la concurrence déloyale
 
Sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la société Tape à l’œil soutient que Vertbaudet a commis des actes de concurrence déloyale en ayant eu une politique systématique d’imitation des produits qu’elle a développés. Elle énonce que, pour chacun des produits, elle justifie de leur date d’achat et de leur date de livraison en versant aux débats la fiche de création, le bon de commande et le bordereau d’expédition.
 
Tape à l’œil présente 23 produits dont elle estime que la reprise individuelle des caractéristiques de ces vêtements, non justifiée par des contraintes professionnelles, a permis de créer la confusion dans l’esprit du public. Elle souligne que le risque de confusion est d’autant plus grand que la clientèle, s’agissant de vêtements pour enfant, est identique, ce qui peut causer un détournement de clientèle. Sur chaque produit, Tape à l’œil considère que les modifications apportées par la société Vertbaudet sont minimes et ne sont pas justifiées par la volonté de travailler un thème de la mode vestimentaire.
 
Indépendamment du risque de confusion, elle estime que le parasitisme est caractérisé par le placement systématique dans son sillage par l’imitation d’un nombre conséquent de produits commercialisés.
 
Sur la demande indemnitaire, Tape à l’œil verse aux débats son chiffre d’affaires ainsi que ses marges sur plusieurs produits et rappelle les chiffres d’affaires des deux sociétés. Elle s’estime fondée à solliciter la somme provisionnelle de 800.000 euros.
 
En réponse, la société Vertbaudet estime que la concurrence déloyale ne relève plus du droit commun de la responsabilité délictuelle mais de l’article L. 121-2 du code de la consommation qui doit être interprété à la lumière de la directive européenne du 11 mai 2005.
 
Elle rappelle également qu’il ne peut y avoir de confusion dans l’esprit du public en ce que ses produits sont exclusivement commercialisés par l’enseigne Vertbaudet ou son site internet. Elle s’oppose à la qualification de parasitisme puisque ses produits sont créés par des stylistes employés ou externes.
 
La société Vertbaudet expose que la reprise d’un thème commun sur des références isolées ne peut constituer une faute. Ainsi, elle estime que la reprise de la thématique US ou de l’ours en tant que symbole de la Californie est un standard décliné massivement dans la mode vestimentaire sans qu’on puisse en conclure à une reprise parasitaire. Elle prétend par ailleurs que les vêtements d’une même thématique sont différents comme le démontre le tee-shirt « bande de potes » avec un écusson par celui qu’elle propose « bande de champion » avec un drapeau.
 
Elle soutient également que d’autres modèles, comme le tee-shirt cool girl avec des cœurs à la place des O, le motif arc-en-ciel, motifs symétriques floraux, ou encore le logo génération dont chaque lettre est reliée par un point l’ensemble constituant la stylisation d’une projection, sont récurrents et de pratiques courantes.
 
A titre subsidiaire, la société Vertbaudet estime que les projections chiffrées de Tape à l’œil sont infondées et que la vente d’un produit lors d’une collection à une année N ne peut affecter un produit similaire par un concurrent pour l’année N + 1.
 
SUR CE,
 
Vertbaudet estime dans ses conclusions en réponse que la société Tape à l’œil se place sur le terrain de la concurrence déloyale par confusion et que celle-ci « ne relève pas de l’article 1240 du code civil mais (…) de l’article L. 121-2 du code de la consommation » (conclusions défenderesse p. 57).
 
Le tribunal observe cependant que Tape à l’œil ne distingue pas les deux actions délictuelles visant dans ses conclusions, sans les dissocier, à la fois les éléments constitutifs de la concurrence déloyale par confusion et ceux du parasitisme.
 
Par ailleurs, Vertbaudet ne peut pas de bonne foi alléguer l’absence de fondement délictuel en défense d’une action en concurrence déloyale par confusion alors qu’elle agit à titre reconventionnel, dans la même instance, sur le fondement délictuel au titre d’actes de concurrence déloyale par confusion (conclusions défenderesse p. 63)
 
En tout état de cause, la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil, selon lequel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance qu’à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
 
En l’espèce, Tape à l’œil sollicite l’interdiction de 21 modèles dans le dispositif de ses conclusions dont elle estime qu’ils imitent abusivement ses produits. Il est observé toutefois que la dénomination des modèles attribués à Vertbaudet dans le dispositif des conclusions de la requérante n’est pas reprise dans le corps des conclusions, de sorte que le tribunal est contraint de rapprocher lui-même la dénomination choisie dans le dispositif avec les photographies présentées dans les motifs.
 
1 - Selon la requérante, les modèles suivants reprennent ses produits :
 
Le bonnet « bébé jacquard » reprend le modèle Tape à l’œil bonnet Hood ;Le pull garçon motif drapeau gris chiné reprend le modèle Tape à l’œil TS TAPE ;Le t-shirt motif bande de champion reprend le modèle Tape à l’œil CDIMANCHE ;Le sweat garçon motif graphique marine fondé chiné reprend le modèle Tape à l’œil TS HIGO ;Le t-shirt fille motifs cœur en sequins noir reprend le modèle Tape à l’œil Malawi ;Le t-shirt fille à sequins et broderies bleu foncé reprend le modèle Tape à l’œil Romarin ;La robe de fête fille avec étoiles en sequins reprend le modèle Tape à l’œil IFANTASTIQUE;Le sweat fille motif arc-en-ciel en bouclettes jaune clair reprend le modèle Tape à l’œil Denissa ;La doudoune longue à capuche fille patchs Etoiles noir reprend le modèle Tape à l’œil DD VALSE ;Le Sweat - vert foncé reprend le modèle Tape à l’œil MC ADA ALLURE ;Le T-shirt bébé garçon imprimé graphique ivoire reprend le modèle Tape à l’œil MI bteam;La combinaison rayée bébé terre de sienne reprend le modèle Tape à l’œil TS mac caiman ;La brassière bébé rose rayé reprend le modèle Tape à l’œil un lot de 3 BD ML;La robe molleton rose reprend le modèle Tape à l’œil ML Halouettes ;La gigoteuse spéciale été joues à bisous rayure rose reprend le slogan « des joues à bisous » du modèle MC BA BARSENE modèle de Tape à l’œil ;Le surpyjama dinosaure vert foncé reprend le pyjama hérisson ; 
Par ailleurs, la société Tape à l’œil estime que les produits suivants ont été reproduits de manière illicite par Vertbaudet :

-         une doudoune light avec une décoration par deux bandes contrastantes apposées au niveau de la poitrine ;

-         une doudoune à capuche thème collège ;
 

Encore, Tape à l’œil se borne à présenter une photographie de certains de ses produits dans ses conclusions sans les dénommer ou verser aux débats leur fiche de conception ou tout autre pièce de nature à décrire le vêtement, de sorte que le tribunal n’est pas en mesure de procéder à une comparaison des produits suivants :

-        le maillot de bain réversible ;
-         le tissu composé d’ours ;
-         le dessin où apparaît deux écureuils ;
-         le modèle « ML A SWEET » ;
 
Dès lors, les 4 produits ci-dessus listés ne peuvent pas faire l’objet d’une comparaison avec les vêtements litigieux.
 
La société Vertbaudet conteste principalement l’absence de caractère inédit des motifs des vêtements, de sorte qu’il convient de comparer les modèles entre eux.
 

2- S’agissant de la comparaison des produits dont la commercialisation par Vertbaudet est constatée par procès-verbal de constat d’huissier en date du 09 janvier 2020 :
 
Le bonnet « Hood » a été commercialisé par Tape à l’œil lors de l’hiver 2016 et le bonnet « bébé jacquard » de Vertbaudet a été commercialisé en janvier 2020. Ce dernier reprend le style jacquard nordique sur un bonnet à pompon et avec un revers. Il ne reprend pas les dessins composant le motif style jacquard nordique ni les couleurs.
 
Le tee-shirt manche longue TS TAPE a été créé par Tape à l’œil le 26 mars 2017 sans que la date de commercialisation ne soit précisée. Le tee-shirt « pull garçon motif drapeau gris chiné » reprend la thématique US ainsi que les initiales « NY » dans un dégradé évoquant le drapeau américain. Elle ne reprend pas l’initiale C.
 
Le tee-shirt à manche longue CDIMANCHE a été créé le 11 octobre 2017 sans que les dates auxquelles le vêtement a été commercialisé ne soit précisées. Le tee-shirt à manche courte « garçon motif bande de champions » de Vertbaudet a en commun avec le produit de la requérante le slogan « bande de » ainsi que la thématique US avec un drapeau américain. Il ne reprend pas la forme du blason ni le mot « potes » et diffère sur la taille des marches.
 
Le tee-shirt à manche longue TS Higo a été créé le 20 décembre 2016. Il est encore relevé que les dates de commercialisation ne sont pas précisées. Il a en commun avec le sweat de Vertbaudet la thématique US, l’expression « Moutain » au-dessus d’un ours de profil. Le produit de Vertbaudet est un sweat qui ne reprend pas l’expression « great smoky » ainsi que les fragments de drapeaux dans l’ours.
 
Le tee-shirt à manche longue malawi, conceptualisé en septembre 2017, dont les dates de commercialisation ne sont pas mentionnées, a en commun avec le vêtement de Vertbaudet l’apposition d’un mot sur le produit dans lequel les lettres O ont été remplacées par des cœurs. Le produit de Vertbaudet ne reprend pas le type de vêtement, s’agissant d’un pull, ni l’expression « GOOD ».
 
Le tee-shirt romarin, conceptualisé le 06 février 2018, a en commun avec le produit de Vertbaudet la mise en scène graphique consistant à projeter un mot. Le vêtement de Vertbaudet ne reprend pas le mot projeté ni les couleurs des lignes permettant la mise en scène graphique.
 
Le pull Denissa dont il est allégué que la date du 14 mai 2018 soit celle de sa création sans que la pièce versée aux débats en raison de sa médiocre qualité d’impression puisse l’infirmer ou le corroborer a en commun avec le pull de Verbaudet motif arc-en-ciel, la couleur jaune du vêtement, le motif arc-en-ciel en trois couleurs. Le pull de Verbaudet ne reprend pas l’expression sous l’arc-en-ciel ni la disposition des couleurs du motif.
 

La doudoune DD Valse a été créée par Tape à l’œil le 31 octobre 2017 et comporte deux étoiles contrastantes argentées en bas de l’épaule gauche. La doudoune de Vertbaudet reprend, dans un autre coloris, le motif de l’étoile argentée en bas de l’épaule gauche. Elle diffère en raison de son coloris, du nombre d’étoiles, et de l’absence de surélévation de celle-ci.
 
Il ressort de ces éléments que les vêtements présentés par la société Tape à l’œil travaillent une thématique classique s’agissant de la mode pour enfant, comme le jacquard ou le motif nord-américain. Or, Vertbaudet, qui verse aux débats de nombreux modèles de cette thématique, démontre que les motifs sont peu arbitraires et faiblement distinctifs.
 
Il est de même des motifs pour les vêtements à destination des enfants tels les étoiles ou de la mise en scène graphique projetant un mot.
 
Or, Tape à l’œil, qui se borne à décrire les ressemblances entre les vêtements, n’explique pas en quoi les motifs retenus sont particulièrement distinctifs malgré une thématique banale. Le tribunal observe au contraire que les dissemblances entre les vêtements sont sensibles et ne sont pas de nature à faire naître un risque de confusion entre les produits chez le consommateur moyen.
 
3 - Tape à l’œil allègue encore que quatorze autres produits, dont la vente par Vertbaudet a été constatée suivant procès-verbal en date du 16 octobre 2020, imitent abusivement des vêtements qu’elle a préalablement conçus et commercialisés. Toutefois, au soutien de ses prétentions, la société Tape à l’œil verse aux débats les fiches de conception des produits dans lesquelles figure un dessin du vêtement. En revanche, aucune photographie du vêtement tel qui a pu être proposé à la vente n’est versée aux débats. Il n’y a donc pas lieu de procéder à une comparaison individuelle entre un dessin d’un vêtement dans le cadre de sa conception avec un produit tel qu’il a été vendu par la société concurrente.
 
Au surplus, les produits querellés reprennent également des thématiques ordinaires, tel le motif floral, le caractère de type rétro pop ou la représentation enfantine d’animaux. Ils ne sont donc pas de nature à démontrer une reprise par Vertbaudet d’une gamme de produits à moindre de frais ni un risque de confusion.

 
4- Par ailleurs, s’agissant de l’ensemble des vêtements litigieux, Tape à l’œil présente ses produits pêlemêles sans considération des collections auxquelles ils appartiennent ou sans préciser si les produits de la société Vertbaudet ont été commercialisés concomitamment aux siens.
 
Au contraire, le tribunal observe que l’ensemble des produits Vertbaudet ont été commercialisés courant 2020, date à laquelle les deux procès-verbaux d’huissier ont été dressés, alors que les produits Tape à l’œil ont été créés :

-         Courant 2016 (Bonnet Hood)

-         Courant 2017 (TS TAPE, CDIMANCHE, TS HIGO, MALAWI, IFANTASTIQUE, MC ADA ALLURE)

-         Courant 2018 (Romarin, DENISSA, DD Valse, MC ADA ALLURE, M1bteam, ML HALOUETTES, TS mac caiman)

-         Courant 2019 (maillot de bain réversible, pyjama hérisson)
 

Or, il n’est pas justifié que les produits de Tape à l’œil ont été commercialisés pendant plusieurs années ou de manière différée par rapport à leur date de conception. Au contraire, il n’est versé aux débats, comme preuve de commercialisation, qu’une facture d’achat unique pour chaque référence, ce qui présume que les produits n’ont été commercialisés qu’une année.

 
Ainsi, il ne peut être sérieusement allégué qu’il existe un risque de confusion entre des produits reprenant une thématique banale de la mode vestimentaire à destination des enfants qui ont été commercialisés lors de saisons différentes, d’autant plus que les produits de la société Vertbaudet peuvent être commercialisés jusqu’à trois ans après ceux de la société Tape à l’œil.
 
Enfin, Tape à l’œil ne justifie nullement d’investissements ou d’un savoir-faire particulier générant un avantage concurrentiel sur les vêtements commercialisés. Il n’est versé aux débats que deux tableaux comprenant la quantité commandée et vendue, le chiffre d’affaires et la marge nette réalisée pour chaque vêtement. Ces éléments sont insuffisants pour démontrer des investissements spécifiques à une gamme de produit dont la société Vertbaudet aurait bénéficié par une reproduction sans bourse délier.
 
5 - Tape à l’œil allègue enfin que Vertbaudet a commis un acte de concurrence déloyale sur un tee-shirt arborant l’expression « bande de copines » ou « bande de pote ». La requérante qualifie ses vêtements de produit phare de sa collection au motif qu’ils ont été commercialisés à près de 300.000 euros générant un chiffre d’affaires de 2.477.034 euros.
 
Toutefois, le tee-shirt « bande de copines » de Tape à l’œil comprend deux manches longues avec un volant et une inscription dont les lettres, écrites en majuscule et avec des couleurs différentes entre elles, forment un rond. Le tee-shirt à manche longue de Vertbaudet reprend le même slogan « bande de copines ». Il diffère en ce que le slogan est aligné au centre du tee-shirt entouré par un cercle uniforme blanc et est composé de lettres de même couleur.
 
La similitude du slogan n’est pas suffisante pour caractériser un risque de confusion, d’autant plus que le produit de Tape à l’œil, par la coexistence de couleurs vives, s’adresse à de plus jeunes enfants.

 
6 - Dans ces conditions, les actions en concurrence déloyale et en parasitisme de Tape à l’œil ne sont pas fondées.
 
En conséquence, il convient de débouter la requérante de l’ensemble de ses demandes indemnitaires, de sa demande d’interdiction de commercialisation de certains vêtements sous astreinte ainsi que celle tendant à ordonner la publication du jugement sur le site internet de Vertbaudet et sur deux revues ou journaux.

 
-         Sur la demande reconventionnelle de Vertbaudet au titre de la contrefaçon de droits d’auteur sur un pyjama
 
Vertbaudet prétend sur le fondement du code de la propriété intellectuelle être titulaire de droits de propriété littéraire et artistique sur un pyjama commercialisé lors de la saison automne/hiver 2019 dont l’originalité résulte de la combinaison d’un col rond doublé de l’apposition sur le côté droit du vêtement de la représentation enfantine d’une tête de lion ornée d’un macaron formant une crinière en volume, ledit vêtement était commercialisé en couleur moutarde.
 
Il est reproché à Tape à l’œil d’avoir repris à l’identique l’ensemble des éléments distinctifs de ce produit et notamment la position originale de la tête de loin et crinière en volume.
 
Vertbaudet expose avoir commercialisé le produit à compter de juillet 2019.
 
En réponse, Tape à l’œil estime avoir développé antérieurement le vêtement litigieux, c’est-à-dire en octobre 2019 alors que Vertbaudet ne démontre pas avoir commercialisé le sien à compter de décembre 2019.

 
SUR CE,
 
Saisi d’une demande au titre de la contrefaçon de droit d’auteur sur un modèle de pyjama, le tribunal est tenu de rechercher préalablement si l’œuvre en cause répond à l’exigence d’originalité.
 
L’alinéa 1 de l’article L. 111-1 du code de la propriété littéraire et artistique dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
 
L’article L. 111-2 du code de la propriété littéraire et artistique dispose que « l’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ».
 
L’article L. 112-2 14 ° du code de la propriété littéraire et artistique dispose que « sont considérés notamment comme œuvre de l’esprit les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure ».
 
L’œuvre est originale lorsqu’elle est une création intellectuelle propre à son auteur.
 
En l’espèce, Vertbaudet prétend être titulaire de droits de propriété littéraire et artistique sur un modèle de pyjama et caractérise ainsi qu’il suit le produit :
 
« L’originalité résulte de la combinaison d’un col rond doublé et de l’apposition sur le côté droit du vêtement de la représentation enfantine d’une tête de lion ornée d’un macaron formant une crinière en volume, ledit vêtement étant commercialisé en moutarde ».
 
Pour s’opposer à la demande en contrefaçon, la société Tape à l’œil prétend que son produit référencé DB Ghalib, un pyjama à col rond où est apposé sur le côté droit du vêtement la représentation enfantine d’une tête de léopard ornée d’un macaron formant une crinière en volume, a été créé antérieurement à celui de Vertbaudet.
 
Vertbaudet, qui allègue que l’œuvre revendiquée a été commercialisée à partir du mois de juillet 2019, n’apporte cependant aux débats concernant ce produit que la fiche conception de celui-ci aux termes de laquelle la seule date mentionnée est celle du 20 décembre 2019. Elle est donc défaillante à démontrer une création du modèle du vêtement antérieure à cette date.
 
Tape à l’œil verse quant à elle une fiche conception du produit référencé BD Ghalib faisant mention d’une date de création au 25 octobre 2019, démontrant ainsi une conception antérieure de son produit.
 
Il revient par conséquent à Vertbaudet de rapporter la preuve d’un parti pris esthétique sur l’œuvre revendiquée ou encore d’une physionomie propre reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.
 
Or, elle n’est pas fondée à prétendre que la tête de lion et crinière en volume est une création originale alors que, antérieurement à son produit, il est justifié de la création d’un produit similaire où est apposée sur le vêtement la représentation enfantine d’une tête de félin ornée d’une crinière en volume. Il est observé que le fait que l’animal représenté soit différent du produit similaire n’est pas suffisant pour démontrer un effort de création propre à son auteur.  
Le tribunal juge donc que l’apposition sur le côté droit du pyjama d’une représentation enfantine d’une tête de lion ornée d’une crinière en volume ne résulte pas de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur et n’est ainsi pas éligible à la protection au titre du droit d’auteur.
 
En conséquence, Vertbaudet n’est pas fondée à agir en contrefaçon et sera déboutée de ses demande à ce titre.
 

-         Sur la demande reconventionnelle de Vertbaudet au titre de la concurrence déloyale
 
Sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, la société Vertbaudet expose que sa concurrente a reproduit de manière quasi-identique les caractéristiques visuelles et esthétiques de nombreux produits qu’elle a créés entraînant un risque majeur de confusion dans l’esprit du public du consommateur.
 
Elle soutient que des actes de parasitismes ont été commis sur 22 produits et que Tape à l’œil est défaillant à démontrer une divulgation autonome antérieure des produits. Elle estime que les produits reproduits sont repris à l’identique (body rayé avec motif avion, combi-pilote en tissu liberty, combi-pilote de couleur moka avec capuche ours, pyjama motifs têtes d’animaux …) ou inspirés fortement (combinaison avec tête d’animal en matière duvetée, petite robe à manches courtes, pyjama avec tête de félin …)
 
A titre de dommages-intérêts, il est sollicité une somme de 100.000 euros au titre du préjudice matériel et 30.000 préjudice moral pour la contrefaçon et 750.000 « dans l’attente des éléments comptables à intervenir » pour la concurrence déloyale
 
En défense, Tape à l’œil expose avoir développé ou commercialisé antérieurement la majorité des produits litigieux et estime que Vertbaudet ne justifie pas pour certains produits d’une commercialisation antérieure. Par ailleurs, pour 6 références, elle énonce que la reprise d’un thème commun sur des références isolées ne peut pas constituer une faute.
 
SUR CE,
 
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement de son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
 
La notion de concurrence déloyale, appréciée à l’aune du principe de la liberté du commerce, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.
 
La création d’un risque de confusion avec les produits offerts par un autre opérateur est constitutive d’un acte de concurrence déloyale.
 
Par ailleurs, le parasitisme consiste à profiter, de manière volontaire et déloyale, sans rien dépenser, des investissements, d’un savoir-faire, de la notoriété ou du travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
 
En l’espèce, Vertbaudet estime que les produits suivants ont été reproduits de manière illicite par Tape à l’œil :
 
-         L’association du vêtement à rayure, de l’avions bi-moteur et de l’animal assorti du message ;
-         Une combi-pilote en tissu liberty ;
-         Une représentation de koala associé à du tissu liberty ;
-         Un combi-pilote de couleur Moka avec capuche en forme de tête d’ours ;
-         Un pyjama tête d’animaux en traits et pointillés ;
-         Une salopette comportant une poche kangourou représenté par un panda ;
-        Une combinaison représentant une tête d’animal avec les oreilles en volume en matière duvetée ;
-         Une gigoteuse comportant une ouverture avec pression complète et un graphisme nuage avec pluie de petite forme géométrique ;
-         Robe à manches courtes, col rond avec un motif de fruits ;
-         Un motif décoratif représentant une mouette avec un couvre-chef et des ailes bleues stylisées ;
-         Un pyjama sur lequel apparaît une tête de félin avec des oreilles en volume figurant en partie haute du vêtement ;

-         Une blouse avec des volants à l’emmanchure avec des broderies contrastées et une découpe haute froncée ;
-         Un petit pull agrémenté d’une collerette ;
-         Un pull assorti d’un volant en broderie anglaise transversale à hauteur de poitrine ;
-         Un jean slim sur lequel apparait un soufflet apposé sous les poches ;
-         Un pantalon comportant une broderie décorative dentelée ;
-         Un jogging pour fille comportant sur le devant un motif de pluie d’étoiles ;
-         Le slogan « oui mais non » sur un sweat ;
-         Un polo manches longues effet double col en chambray ;
-         Une barrette dorée pour cheveux comportant une étoile décorative ;
-         Un pull dont les manches comportent une fronce située à l’articulation ;
 
Le tribunal observe que Vertbaudet, qui conteste l’allégation de Tape à l’œil selon laquelle ses produits ont été divulgués antérieurement, ne prend pas la peine de préciser, ni expressément ni par renvoi à une pièce, la date de conception de ses produits ou celle de leur commercialisation.
 
S’agissant de la conception, Vertbaudet verse aux débats aux pièces 8 et suivants les fiches des vêtements litigieux où apparaissent la mention « PE 19 » et « AH 20 » ce qui peut correspondre à « Printemps/été 2019 » et « Autonome/Hivers 2020 ».
 
Par ailleurs, Vertbaudet verse aux débats aux pièces 81 et suivants des catalogues de vente de diverses saisons, laissant le soin au tribunal de s’y référer pour retrouver les produits dont il est allégué qu’ils aient été reproduits illicitement. Toutefois, à quelques exceptions (pièce 82 catalogue AH 2011/2012 comportant la combi-pilote en tissu liberty) les catalogues ne comportent pas les produits litigieux.
 
Vertbaudet, qui reproche à Tape à l’œil d’avoir copié plusieurs de ses modèles, doit démontrer, d’une part, la preuve de la divulgation de ses modèles au public et, d’autre part, l’antériorité de la divulgation de ses produits par rapport à ceux de la société concurrente.
 
Or, si l’on peut déduire des fiches de conception les saisons pour lesquelles les vêtements ont été conçus, aucun élément probatoire n’est versé aux débats par Vertbaudet pour justifier de l’antériorité de ses produits par rapport à ceux de Tape à l’œil.
 
Au contraire, la société Tape à l’œil, qui verse aux débats les fiches de conception, justifie que certains de ses vêtements ont été créés antérieurement à ceux de Vertbaudet et notamment :

-         Le vêtement comprenant l’association du vêtement à rayure, de l’avion bi-moteur et de l’animal assorti du message de la société Tape à l’œil ; (septembre 2019)

-        Un pyjama tête d’animaux en traits et pointillés ; (27 juillet 2018)

-         Une salopette comportant une poche kangourou représenté par un panda ; (16 octobre 2019)

-         Robe à manches courtes, col rond avec un motif de fruits ; (juin 2017)

-         Un motif décoratif représentant une mouette avec un couvre-chef et des ailes bleues stylisées ; (14 mars 2019)

-         Une blouse avec des volants à l’emmanchure avec des broderies contrastées et une découpe haute froncée ; (14 avril 2017)

-         Un petit pull agrémenté d’une collerette ; (14 avril 2017)

-         Un pull assorti d’un volant en broderie anglaise transversale à hauteur de poitrine ; (28 février 2018)

-         Un jean slim sur lequel apparait un soufflet apposé sous les poches ; (09 mars 2015) ;
 

Au surplus, s’agissant des six références, dont Tape à l’œil reconnaît que ses vêtements ont été commercialisés postérieurement, le tribunal observe que :
 
Vertbaudet commercialise une combinaison avec un ZIP représentant une tête de koala avec les oreilles en volume en matière duvetée. La société Tape à l’œil commercialise une combinaison représentant un lapin avec les oreilles rembourrées.
 
Vertbaudet a créé deux motifs, le premier étant une biche et un faon et le second représentant un ensemble de sapin qu’elle a apposé sur deux bodys pour fille. La société Tape à l’œil a apposé sur un vêtement des dessins de biches et faon accompagnés de deux sapins.
 
Vertbaudet a créé un motif koala qu’elle appose sur plusieurs références. La société Tape à l’œil commercialise un body rose comprenant une représentation enfantine d’un koala en tissu liberty.
 
Vertbaudet commercialise un pyjama sur lequel apparaît une tête de félin ave des oreilles en volume. Tape à l’œil a repris le même motif sur un pyjama d’un rose plus pâle.
 
Vertbaudet commercialise un jogging pour fille comportant sur le devant un motif de pluie d’étoile. La société Tape à l’œil a repris le même motif sur un jean.
 
Vertbaudet commercialise une gigoteuse avec motif de nuage avec pluie de forme géométrique. La société Tape à l’œil commercialise une gigoteuse dans une matière et couleur différentes avec un motif de nuage avec pluie dans lequel il est mentionné « bienvenue ».
 
Il ressort des comparaisons ci-dessus qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les produits compte tenu de leurs différences, les motifs étant par ailleurs ordinaires dans la mode vestimentaire à destination des enfants.
 
 Ainsi, la société Vertbaudet n’est pas fondée à reprocher des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à Tape à l’œil.
 
En conséquence, il convient de débouter la requérante de l’ensemble de ses demandes indemnitaires, de sa demande d’interdiction de commercialisation de certains vêtements sous astreinte ainsi que celle tendant à ordonner la publication du jugement sur le site internet de Tape à l’œil et sur cinq revues ou journaux.

 
-         Sur les autres demandes et les mesures accessoires.
 
La société Tape à l’œil n’est pas fondée à solliciter des dommages-intérêts pour procédure abusive dès lors qu’elle succombe en ses demandes initiales et additionnelles.
 
Les sociétés Tape à l’œil et Verbaudet succombent partiellement en leurs prétentions. Il y a lieu de laisser à leur charge les dépens qu’elles ont exposés.
 
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
 
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, et par mise à disposition au greffe
 
Sur les demandes initiales et additionnelles de la société Tape à l’œil :
 
DEBOUTE la société Tape à l’œil de sa demande tendant à déclarer la société Vertbaudet responsable de contrefaçon du produit ensemble bébé jacquard ;
 
DEBOUTE la société Tape à l’œil de ses demandes en paiement de préjudices matériel et moral à ce titre ;
 
DEBOUTE la société Tape à l’œil de sa demande tendant à déclarer la société Vertbaudet responsable d’actes de concurrence déloyale ;
 
DEBOUTE la société Tape à l’œil de ses demandes indemnitaires, d’interdiction de commercialisation de certains produits et en injonction de publier la décision ;
 
La DEBOUTE de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;
 
Sur les demandes additionnelles de la société Vertbaudet :
 
DEBOUTE la société Vertbaudet de sa demande tendant à déclarer la société Tape à l’œil responsable de contrefaçon du modèle pyjama qu’elle a versé en pièce n°77 ;
 
DEBOUTE la société Vertbaudet de ses demandes en paiement de préjudices matériel et moral à ce titre ;
 
DEBOUTE la société Vertbaudet de sa demande tendant à déclarer la société Tape à l’œil responsable d’actes de concurrence déloyale ;
 
DEBOUTE la société Vertbaudet de ses demandes indemnitaires, d’interdiction de commercialisation de certains produits et en injonction de publier la décision ;
 
Sur les demandes accessoires :
 
LAISSE à la charge des parties les dépens qu’elles ont exposés ;
 
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
 
 
LE GREFFIERPOUR LA PRÉSIDENTE
EMPÊCHÉE

Benjamin LAPLUMENicolas VERMEULEN


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 20/00927
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-22;20.00927 ?
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