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15/03/2024 | FRANCE | N°22/01768

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 15 mars 2024, 22/01768


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 01
N° RG 22/01768 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WARR


JUGEMENT DU 15 MARS 2024



DEMANDERESSE :

S.A.S. CENTRE DES ARCHIVES DU NORD
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-Pierre VANDAMME, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Cécile CUVIER-RODIERE, avocat au barreau de PARIS, plaidant



DÉFENDERESSES :

FÉDÉRATION UNIVERSITAIRE ET PLURISDISCIPLINAIRE DE [Localité 7] (Association, venant aux droits

de l’association Bibliothèque Universitaire [Localité 9])
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Paul-Louis MINIER, avocat...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01
N° RG 22/01768 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WARR

JUGEMENT DU 15 MARS 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S. CENTRE DES ARCHIVES DU NORD
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-Pierre VANDAMME, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Cécile CUVIER-RODIERE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DÉFENDERESSES :

FÉDÉRATION UNIVERSITAIRE ET PLURISDISCIPLINAIRE DE [Localité 7] (Association, venant aux droits de l’association Bibliothèque Universitaire [Localité 9])
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Paul-Louis MINIER, avocat au barreau de [Localité 7]

INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7]
établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général
prise en la personne de son recteur,
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Paul-Louis MINIER, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. BELFOR (FRANCE),
prise en la personne de son représentant légal
Leader Club N106 “LE BOSTON”
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Jean-François DELRUE, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Anne BEAUVAIS,
Assesseur: Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur: Marie TERRIER,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 03 Mars 2023.

A l’audience publique devant la formation collégiale du 16 Novembre 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 15 Mars 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 26 Janvier 2024 par Marie TERRIER, Présidente, pour la présidente empêchée Anne BEAUVAIS, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2010 et 2011, à l’occasion d’une réflexion sur la restructuration de ses locaux et la transformation de ses bibliothèques en salles de cours, l’Institut Catholique de [Localité 7] (ci-après ICL) a décidé d’externaliser les fonds, ouvrages et revues de toute nature composant sa bibliothèque dont la conservation et la gestion est assurée par la Bibliothèque Universitaire [Localité 9] (ci-après BUV) aux droits de laquelle intervient désormais la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7] (FUPL) auprès d’un prestataire privé.

En réponse au cahier des charges déterminé par l’ICL et la BUV, la SAS Centre des archives du Nord [ci-après le CADN] a formulé une offre commerciale le 18 avril 2011 portant sur l’archivage et la conservation des fonds dans un bâtiment d’archivage dépendant d’un ensemble immobilier situé au Port de [Localité 6].

Suivant acceptation du 24 mai 2011 de l’ICL, pour les fonds courants et du 26 juillet 2011 de la BUV, pour les fonds patrimoniaux, regroupant des ouvrages ayant une valeur vénale et intellectuelle, deux contrats distincts respectivement numérotés 335 et 336 ont été conclus avec le CADN pour une durée d’un an renouvelable annuellement par tacite reconduction.

L’offre du CADN ne comportant pas de possibilité de consultation sur place, il a été prévu par les parties que le contrat 335 donnerait lieu à une prestation de livraison journalière tandis que le contrat 336 donnait lieu à une livraison hebdomadaire, chacune assurée par le CADN sur le site de la BUV.

Préalablement au transfert des fonds, la BUV a fait procéder à la décontamination d’une partie des ouvrages, pour ceux situés dans la réserve S 93 située en sous-sol de l’Hôtel Académique, par la SAS Belfor.

Le contrat a été renouvelé par tacite reconduction jusqu’en 2017.

A l’automne 2017, la BUV a été informée du projet de déménagement du CADN vers un nouvel immeuble à construire situé à Bierndyck et devant concerner les fonds de l’ICL et de la BUV.

Suivant courrier du 20 octobre 2017, la BUV s’est opposée au déménagement de ses collections dans ce nouveau bâtiment.

Une réunion tripartite a eu lieu le 7 novembre 2017, évoquant la question du déménagement et au cours de laquelle la BUV a informé le CADN de la découverte en mai 2017 de taches suspectes sur ses ouvrages livrés par le CADN.

Par courrier du 8 mars 2018, le CADN a été mis en demeure de verser la somme de 1.087.064 euros TTC sous quinzaine à la FUPL et à l’ICL suivant devis de décontamination des fonds établi le 15 février 2018 par la société Belfor.

En réponse le 11 avril 2018, le CADN s’est opposé à la demande et a contesté toute responsabilité dans la contamination, imputant celle-ci à l’état des ouvrages avant la conclusion des contrats d’archivage. 

Puis, en l’absence de rapprochement amiable, par courrier du 3 juillet 2018, le CADN a résilié unilatérament les contrats d’archivage en invoquant notamment le risque de contamination encouru pour les autres produits stockés, une demande en paiement injustifiée de toute responsabilité de sa part et le refus de consentir au déménagement. Dans ce courrier, le CADN a mis un terme immédiat à la prestation de livraison des ouvrage et a consenti un préavis de 3 mois à ses contractants pour la reprise des ouvrages.

Suivant acte d’huissier du 23 juillet 2018, la FUPL et l’ICL ont fait attraire le CADN devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Dunkerque en continuation des contrats de stockage jusqu’au 31 décembre 2019 et désignation d’un expert.

Suivant ordonnance du 3 août 2018, le Président du Tribunal de commerce de Dunkerque a fait droit à l’intégralité des prétentions des requérantes et a désigné Madame [V] en qualité d’expert.

Mais par arrêt du 4 avril 2019, la Cour d’Appel de Douai a partiellement réformé cette ordonnance en complétant la mission de l’expert et en déboutant les intimées de leur demande en poursuite des contrats.

L’expert a déposé son rapport le 31 juillet 2020.

Par assignation du 8 mars 2019, le CADN a fait attraire la FUPL et la BUV devant le Tribunal de grande instance de Lille en résolution des contrats des 24 mai et 6 juillet 2011 aux torts exclusifs des défenderesses et indemnisation. 

Puis par acte du  27 janvier 2020, le CADN a fait assigner la société Belfor devant la même juridiction en responsabilité délictuelle pour inefficacité du traitement antifongique réalisé en 2011.

Les défenderesses ont constitué avocat et par ordonnance de jonction du 9 juin 2020, les deux instances ont été jointes sous le numéro RG 20/1601

Après échanges entre les parties et plusieurs décisions de radiation, l’ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2023 et l’affaire fixée à plaidée au 8 juin 2023 finalement renvoyée à l’audience collégiale du 16 novembre 2023.

Suivant les termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 janvier 2023, le CADN demande au tribunal au visa des articles 1184 ancien, 1134 ancien , 1104 nouveau, 1382 et 1383 anciens, 1240 et 1241 nouveau, 1147 ancien 1231 nouveau, 1933, 1381 et 1382, 10 du code civil et 42 du Code de Procédure Civile de:

- DECLARER IRRECEVABLES les demandes de la Federation Universitaire et Plurisdisciplinaire de [Localité 7], association régie par la loi du 1 er juillet 1901, L’INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7], établissement d’enseignement supérieur privé et la société BELFOR SAS en raison du non-respect des conditions de délai et de modalité posées à l’article 5 du contrat 335 signé le 24 mai 2011 et du contrat 336 signé le 26 juillet 2011 en cas de réclamation.

- A DEFAUT, LES DECLARER MAL FONDÉES.

- CONDAMNER LA FEDERATION UNIVERSITAIRE ET PLURISDISCIPLINAIRE DE [Localité 7], association régie par la loi du 1 er juillet 1901 et L’INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7], établissement d’enseignement supérieur privé à régler la somme de 73. 811, 79 euros Hors Taxe soit 88. 574 euros TTC correspondant au devis émis le 27 mai 2019 pour chiffrer les frais de restitution des fonds 335 et 336.

- CONDAMNER in solidum LA FEDERATION UNIVERSITAIRE ET PLURISDISCIPLINAIRE DE [Localité 7], association régie par la loi du 1 er juillet 1901 et L’INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7], établissement d’enseignement supérieur privé et la société BELFOR SAS à indemniser le préjudice économique et commercial du CADN à hauteur de 250. 000 euros.

- LES CONDAMNER in solidum à indemniser le préjudice moral du CADN à hauteur de 70.000 euros.

- CONDAMNER in solidum LA FEDERATION UNIVERSITAIRE ET PLURISDISCIPLINAIRE DE [Localité 7], association régie par la loi du 1 er juillet 1901 et L’INSTITUT CATHOLIQUE DE [Localité 7], établissement d’enseignement supérieur privé et la société BELFOR SAS à régler la somme de 100.000 euros la société CENTRE D’ARCHIVES DU NORD SAS en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

- Ordonner l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, elle conteste toute faute contractuelle de sa part, et revendique la qualité de ses prestations, compte tenu des caractéristiques du batiment, des précautions techniques supplémentaires prises pour assurer la conservation des ouvrages, de l’absence d’une humidité supérieure à 60% et en contrepartie de l’acceptation contractuelle de ses caractéristiques par la FUPL et l’ICL, y compris en ce qu’elles pouvaient différer des éventuelles recommandations faites par les normes des Archives de France ou des Bibliothèques.

A cet égard, elle affirme que les parties ont pu bénéficier d’une visite préalable des locaux.
Au plus fort, elle soutient que le nouveau bâtiment rejeté par ses clientes présentaient encore plus de garanties de conservation que l’ancien.

Elle affirme l’existence d’une antériorité dégradée des ouvrages qui lui ont été confiés et considère que la loi ne pose pas une présomption de bon état de la chose déposée mais fait plutôt supporter la preuve au déposant de prouver que l’altération ne l’était pas.

En tout état de cause, elle affirme que les règles contractuelles et précisément l’article 5 ont fait exception à la règle légale en imposant au déposant la charge de la preuve de la détérioration ou de la perte à l’encontre du CADN.

Elle considère que les faits permettent de confirmer que les ouvrages n’étaient pas exempts de toute contamination mycologiques d’autant que les conditions préalables de conservation dans les locaux de la BUV  n’étaient pas favorables et que le traitement de la société Belfor n’a pas été conforme aux besoins.

Elle reproche aux dirigeants de la société Belfor d’avoir modifié leurs explications sur le traitement réalisé au cours des opérations d’expertise. Elle affirme une faute de ce prestataire tant dans le choix du mode de traitement, une insuffisante prise en compte des conditions climatiques et une absence d’évaluation de l’efficacité du traitement opéré, dont elle estime pouvoir se prévaloir au titre de la responsabilité délictuelle. Elle lui reproche aussi une violation de son devoir d’information et une déloyauté procédurale.

Elle entend contester les conclusions de l’expert en indiquant qu’il ne peut être affirmé que les moisissures ont pénétré les ouvrages pendant le temps de leur conservation à [Localité 6] mais plutôt qu’elles préexistaient à celle-ci et d’une manière générale, elle remet en cause l’impartialité de l’expert.

Elle revendique une faute de ses contractantes pour manquement à l’obligation d’information et de vérification préalablement au dépot et manquement au devoir de bonne foi tant dans leurs réclamations financières, leur entêtement à refuser le déménagement, les menaces de dénonciation au Service Internministériel des Archives, et l’absence de transparence sur le calcul des volumes.

Elle se dit fondée au bénéfice de ses demandes indemnitaires , y compris pour la facture de frais de restitution, dès lors que leur comportement commandait la dénonciation du contrat. 
Enfin, elle impute à ses adversaires une déloyauté procédurale compte tenu des informations cachées ou des mesures d’obstruction.

De l’article 5, elle déduit également une forclusion contractuelle aux demandes reconventionnelles de la FUPL et de l’ICL mais également sur le fond, une absence de preuve de l’implication du CADN dans l’apparition des moisissures et le non-respect des plafonds d’indemnisation pourtant prévus au contrat.

En réponse, par conclusions notifiées le 1er septembre 2022, l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire Pluridisciplinaire de [Localité 7] concluent , sous le visa des articles 1134 et suivants ainsi que 1147 et suivants anciens, 1927 et suivants du Code civil,

A titre liminaire:

- DEBOUTER la société CADN de sa demande d’irrecevabilité de l’action;

- DECLARER en tout état de cause, réputées non-écrites et inopposables les clauses stipulées aux articles 5 des contrats ;

Au fond :

- CONDAMNER, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, la société Centre des Archives du Nord à réparer l’ensemble des préjudices subis par la Fédération Universitaire Pluridisciplinaire de [Localité 7] et l’Institut Catholique de [Localité 7] à raison des manquements de la société Centre des Archives du Nord à ses obligations contractuelles de surveillance, de conservation et de restitution des ouvrages déposés par la Fédération Universitaire Pluridisciplinaire de [Localité 7] et l’Institut Catholique de [Localité 7], en exécution des contrats d’archivages des 24 mai et 26 juillet 2011, ont causé leur contamination fongique tel que constatée par l’experte judiciaire dans son rapport du 31 juillet 2020 ; et donc leur payer :

- La somme de 963.600,00 € à titre de dommages et intérêts pour le traitement de décontamination de l’ensemble des ouvrages, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 8 mars 2018,

- la somme de de 70.964,22 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution par la Centre des Archives du Nord de son obligation contractuelle de prise en charge des frais de déménagements auxquels la Fédération Universitaire Pluridisciplinaire de [Localité 7] et l’Institut Catholique de [Localité 7] ont exposés en 2019 pour procéder à la récupération et au déménagement de leur ouvrages ;

- CONDAMNER solidairement la société Belfor au paiement de ces condamnations
sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, dans l’hypothèse où la juridiction considèrerait qu’elle aurait contribué par sa faute à la survenance de la contamination des ouvrages;

En tout état de cause:

- DEBOUTER la société Centre des Archives du Nord de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- CONDAMNER, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile, la Centre des Archives du Nord aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise ;

- CONDAMNER, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la Centre des Archives du Nord à payer à la Fédération Universitaire Pluridisciplinaire de [Localité 7] et l’Institut Catholique de [Localité 7] la somme de 52.000,00 € ;

Au soutien de leurs prétentions, se fondant sur les obligations du dépositaire de la chose, elles indiquent que la loi fait peser une présomption de dégradation à la charge du dépositaire sur qui pèse la charge de la preuve d’une absence de faute en raison d’un mauvais état préexistant de la chose à son dépôt et elles affirment que l’expertise a permis de révéler que les conditions de conservation de la chose créait un lien de causalité avec son état actuel.

Se fondant sur le cahier des charges et l’engagement contractuel pris par le CADN, elles en déduisent qu’il s’était engagé contractuellement à assurer un niveau de conservation des documents, conformes aux prescriptions des Archives de France notamment sur la maîtrise des écarts de température dans l’enceinte du bâtiment et de l’hygrométrie, impliquant une obligation de surveillance et de conservation, alors que le bâtiment proposé  ne pouvait assurer des conditions d’archivage idéales.

Elles déduisent de la multiplication des spores une violation de cette obligation et traduisent la commission d’une faute lourde et dolosive dont elles tirent également la preuve de l’impossibilité pour l’édifice d’assurer une fonction d’archivage conforme comme l’inexécution par le CADN d’un léger dépoussiérage qui aurait permis, s’il avait été respecté, d’éviter la prolifération des champignons.

Elles reprochent également une faute du CADN lors du transfert des ouvrages dans le nouvel immeuble, décision prise unilatéralement sans qu’elles y soient associés alors que les caractéristiques du nouvel ouvrage ne permettaient pas plus d’assurer un archivage optimal, notamment en raison de l’humidité rejetée par le nouveau béton.

Elles contestent toute acceptation des risques de leur part en soulignant que l’offre du CADN était finalement plus protectrice des ouvrages que le cahier des charges et en soutenant que la courte de visite du bâtiment ne peut s’analyser comme une acceptation, en connaissance de cause, des risques liés à une absence de régulation des conditions atmosphériques.

Elles déduisent du rapport de l’expert la certitude de la faute de conservation du CADN en raison de la nature du champignon retrouvé mais également de sa localisation sur les ouvrages, affectant principalement ceux situés près des poignées des containers, en comparaison avec la non-contamination des quelques autres ouvrages restés en possession de l’ICL.

A l’inverse, elles soutiennent qu’une contamination antérieure à 2011 n’est pas établie puisqu’à supposer l’être, elle avait porté sur un autre champignon que celui majoritairement retrouvé par l’expert et que les témoignages de leurs anciens salariés doivent être reçus avec prudence, notamment en évitant toute généralisation à l’ensemble du fonds documentaire.

Quant à la responsabilité de la société Belfor, elles soulignent qu’elles n’ont aucun grief à lui opposer sauf à se réserver la possibilité d’une action récursoire en responsabilité, solidairement avec le CADN.

Enfin, elles considèrent que les navettes n’ont pas non plus joué de rôle dans l’apparition des spores puisqu’elles étaient trop courtes et que des attaques fongiques ont été retrouvées sur des documents qui n’avaient jamais été sortis depuis 2011.

Elles se considèrent fondées à solliciter l’indemnisation du coût de la décontamination comme la condamnation du CADN à supporter les frais de transfert dont l’imputation résulte des stipulations contractuelles puisqu’il a pris l’initiative de la résiliation. 

Elles rejetent la forclusion issue du contrat en estimant la clause comme inapplicable à défaut de pouvoir faire valoir l’existence d’une contamination ancienne sur les ouvrages dès le repérage des premières taches sur les livres et surtout estime qu’à défaut de prévoir spécifiquement  l’interdiction du droit d’action, la clause n’opère pas de forclusion contractuelle.

Elles contestent toute faute commise de leur part et le caractère infondé des préjudices.

Par conclusions notifiées le 5 janvier 2023, la société Belfor sollicite au visa des articles 6, 9 et 700 du Code de Procédure Civile, 1353 du Code Civil du Tribunal de :

- JUGER que le CADN ne rapporte pas la preuve que l’origine de la contamination des fonds documentaire de la FUPL et de l’ICL provient des archives S93 décontaminé par la société BELFOR ;

- JUGER que le CADN démontre pas que la société BELFOR a commis une quelconque faute ni le lien de causalité entre cette prétendue faute et les préjudices subis par la FUPL et l’ICL;

- JUGER que la société BELFOR n’était tenue à aucun devoir d’information et de conseil à l’égard du CADN

En conséquence,

-JUGER la société BELFOR hors de cause ;

- DÉBOUTER toute partie de toute demande dirigée à l’encontre de la société BELFOR en toutes fi ns quelles comportent ;

- CONDAMNER la société CENTRE D’ARCHIVES DU NORD SAS ou toute partie succombant à verser à la société BELFOR une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Elle soutient son absence de toute responsabilité dans la contamination des ouvrages en retenant que l’avis de Madame [Z], mandaté hors de toute procédure judiciaire par le CADN ne peut seul fonder sa condamnation et que l’expertise judiciaire a mis en évidence que ce sont les conditions de conservation au sein du CADN et non les conditions de traitement par Belfor qui sont à l’origine de l’expansion des spores, notamment en raison de la différence de champignon identifé. Elle ajoute qu’il appartenait également à la FUPL et à l’ICL de procéder à un dépoussiérage préalablement au transfert du fonds.

Elle conteste tout devoir d’information à l’égard de la CADN à l’égard de qui elle n’est pas tenue contractuellement et qu’il n’est pas non plus établi qu’elle était informée des conditions de stockage dans les locaux de la CADN .Enfin elle affirme qu’il n’est pas démontré de lien de causalité entre la contamination généralisée des ouvrages détenu par le CADN et la prestation accomplie par la société Belfor.

La décision a été mise en délibéré au 15 mars 2023.

Sur ce

Eu égard à la date des contrats en cause, les dispositions du Code Civil applicables au présent litige et citées dans la présente décision sont les dispositions relatives aux conventions dans leur numérotation et leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016.

Il y a lieu d’observer que compte tenu de l’ordre des prétentions telles que présentées au dispositif des conclusions du demandeur, il sera d’abord examiné la demande reconventionnelle qui touche la question de la bonne exécution du contrat, avant d’envisager les conditions de cessation du contrat, qui procèdent aussi de la réponse apportée à la demande reconventionnelle.

I- sur la demande reconventionnelle en responsabilité du CADN, en sa qualité de dépositaire des fonds documentaires

a) sur sa recevabilité

Selon l’article 122 du Code de Procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La forclusion limite le droit d’agir alors que la prescription emporte extinction du droit d’agir.

Dans les deux hypothèses de forclusion ou de prescription, les parties peuvent convenir d’une abréviation des délais. Mais pour qu’elle soit opposable, encore faut il que la clause soit particulièrement lisible et claire en affirmant réellement la sanction encourue en cas de non-respect .

En l’espèce, il résulte des énonciations de la clause n°5 reprise à l’identique à chacun des contrats que «la responsabilité du CADN ne pourra être retenue que sur réclamation justifiée du DEPOSANT dans un délai de 15 jours après la survenance de l’événement et qu’après que celui-ci ait prouvé que l’erreur à l’origine de la détérioration ou de la parte d’un ou des documents est imputable au CADN». 

Si le CADN considère que cette clause emporte forclusion de l’action en réparation de son client, force est de constater que ce paragraphe est le troisième d’un titre 5 qui s’intitule limitation de responsabilité.

Sa rédaction n’est accompagnée d’aucune précaution stylistique telle la mise en évidence d’une mise en garde spécifique, le recours à des caractères gras ou surlignés, à la différence du paragraphe suivant où l’opportunité de la souscription d’une assurance complémentaire a été opportunément assortie d’une police grasse.

Aussi, la clause n’apparaît particulièrement lisible en ce qu’elle ne se détache pas visuellement du reste des conditions particulières du contrat.

De plus, aucune forme spécifique n’est décrite pour la formulation de la réclamation, qui permettrait de lui donner date certaine. Le point de départ qui est défini comme «la survenance de l’événement» apparaît également incertain et laissé à l’interprétation des parties.

Enfin et surtout, il n’est pas spécifiquement mentionné que cette clause emporterait déchéance du droit d’agir.

Or, à suivre le raisonnement du CADN, il retient au titre de première réclamation, la date de remise du rapport de la BNF à la FUPL, le 4 décembre 2017.

Pourtant à cette date, le CADN n’avait été saisi d’aucune demande, puisque la déclaration de sinistre faite le 5 décembre 2017 ne l’a été qu’aux assureurs des dépositaires et n’impliquait pas de dénonciation préalable au CADN, qui n’a été saisi de la question que le 20 décembre 2017 et de manière plus certaine encore, le 8 mars 2018 dans le cadre de la lettre de mise en demeure.

Aussi, de ces difficultés, il apparaît que le CADN lui-même, ne connaît pas avec précision la date à laquelle il aurait été saisi d’une réclamation.

Quoiqu’il en soit, dès lors que l’origine de la contamination demeure incertaine, le point de départ d’un délai visant à priver l’un des contractants de son droit d’agir, ne peut débuter avant que celui-ci ait pu prendre connaissance de l’événement, s’entendant de la date à laquelle il aura pu imputer à l’autre partie un fait générateur de sa responsabilité.

En l’espèce, le point de départ de ce délai s’est trouvé au mieux reporté au jour du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, le 30 juillet 2020, mais plus sûrement, n’a pas encore débuté, tant que le tribunal saisi de l’action en responsabilité n’a pas statué sur la question de la contamination.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la perte du droit d’agir excipée par le CADN en réponse à la demande reconventionnelle en indemnisation.

b) Sur le principe de l’engagement de la responsabilité

Selon l’article 1147 du Code Civil, le débiteur est condamné s’il y a lieu au payement de dommages et intérêts à raison de l’inexécution de l’obligation.

Selon l’article 1134 du Code Civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Il résulte de l’article 1915 Code Civil que le dépôt est l’acte par lequel on reçoit la chose d’autrui à la charge de la garder et de la restituer en nature.

Selon l’article 1927 du Code Civil, le dépositaire doit apporter dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu’il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

Il est admis que le dépositaire n’est tenu que d’une obligation de moyens, dont il peut s’exonérer en rapportant la preuve qu’il n’a pas commis de faute.

Mais la convention contraire est admise et il incombe au déposant de prouver que les choses restituées ont été altérées.

En l’espèce, il résulte des termes des deux contrats n°335 [et n°336] que le CADN «s’engage dans le cadre des dispositions des articles 1915 et suivants du Code Civil relatifs au dépôt ainsi qu’aux conditions stipulées dans le présent contrat à assurer la garde des livres. Le CADN assure la garde des collections et des réserves de la Bibliothèque Universitaire [Localité 9] [ou des collections du Patrimoine de l’Institut Catholique de [Localité 7]] conformément à ses propres méthodes au troisème étage d’un bâtiment hautement sécurisé[...]» et s’oblige:
«1) à prendre en charge et à transférer dans ses locaux hautement sécurisé six mille cent soixante deux mètres linéaires des collections des collections des réserves de la Bibliothèque Universitaire [Localité 9] [mille cent cinquante et un mètres linéaires des collections de la Bibliothèque du Patrimoine]
2) à fournir les conteneurs en carton neufs [...]
3) à procéder par tout moyen de son choix à l’enlèvement de ces conteneurs [...]
4) à assurer la conservation jusqu’à instruction contraire ou jusqu’à la fin du présent contrat
5) à restituer au DEPOSANT sur demande écrite les revues ou les documents désignés par lui»
Au titre des obligations du DEPOSANT, il est précisé:

«1) dans tous les cas et quelle que soit la méthode adoptée, il reste entendu que le CADN n’a pas la possibilité de contrôler les documents dans chaque unité d’archivage et que l’inventaire établi, ne constitue ni une preuve ni un commencement de preuve ni une présomption de l’existence matérielle des documents contenus dans les dossiers et ne précise pas l’état de conservation des documents confiés par le DEPOSANT.»

Enfin, il est indiqué au titre de l’inventaire qu’ «il est effectué au moment de la prise en charge dans les locaux de la BU par les archivistes du CADN.

Chaque référence de livre est mémorisée sur ordinateur avant la mise en conteneur pour transfert.
[...] L’inventaire ainsi réalisé a aussi pour objectif de vérifier par comparaison avec votre propre inventaire la réalité de la présence de chaque unité.»

Par ailleurs, il résulte de la clause de limitation de responsabilité telle que ci-dessus rappelée que «la responsabilité du CADN ne pourra être retenue que sur réclamation justifiée du DEPOSANT dans un délai de 15 jours après la survenance de l’événement et qu’après que celui-ci ait prouvé que l’erreur à l’origine de la détérioration ou de la parte d’un ou des documents est imputable au CADN». [le tribunal souligne]

Il se déduit donc du cadre contractuel, qu’il appartient aux défenderesses d’établir la réalité de l’état des ouvrages confiés pour archivage, notamment quant à l’absence de contamination préalable au sein des bibliothèques universitaires, sans que les opérations préalables d’inventaire assurées par le CADN ni leur remise entre les mains du dépositaire n’emporte présomption de bon état.

Il leur incombe également de faire la preuve d’une faute du dépositaire dans l’accomplissement de sa mission de conservation. 

Aux termes de ses travaux, Madame [E] [V], expert judiciaire qui a procédé à l’analyse des conditions de stockage des ouvrages au sein des bâtiments de la BUV et de l’ICL, en travaillant sur la base de photographies, prises avant le déménagement des fonds en 2011, en visitant les lieux actuels, bien qu’elle ait noté qu’ils avaient été intégralement transformés en salle de cours et en recueillant les témoignages d’anciens salariés, responsables des fonds courants et patrimoniaux, comme de salariés du CADN ayant procédé à l’empaquetage, a pu retenir qu’il «apparaît que la BUV/FUPL et l’ICL ne respectaient pas les mesures de «conservation préventive(p.ex. le suivi et la régulation du climat, le nettoyage des magasins, le dépoussiérage des rayonnages et des collections) pour la conservation des collections du fonds «ancien (contrat n° 335) et du fonds «patrimonial (contrat n°336) dans les réserves A à F de l’aile «bibliothèque» donnant sur la [Adresse 8]. En revanche, il paraît que Madame [B] suivait les conditions climatiques de la réserve S86 et elle faisait un dépoussiérage des fonds».

Toutefois, l’expert qui avait reçu pour mission d’examiner les désordres affectant le fonds documentaire, a pu fournir pour évaluation, par une méthode «d’estimation de l’ampleur de la contamination par observation visuelle d’un échantillon aléatoire de conteneurs (1% du total) [...que]

-90% du fonds 336 est contaminé par les moisissures, essentiellement de petits spots de mycéliyum blanc sur les tranches et les reliures. Des moisissures ne sont pas visibles à l’intérieur des documents
-68% du fonds 335 est contaminé par des moisissures diverses, petits spots de mycélium blanc sur les tranches et les reliures mais aussi nombreuses taches orangées, taches de «rousseur» et taches de «foxing» sur les tranches et les feuilles en papier à l’intérieur des ouvrages et des taches de moisissures poudreuses sèches en premières et dernières gardes. Il faut noter que la plupart des ouvrages de ce fonds sont poussiéreux»

Or, à l’issue des analyses biologiques, il a été mis en évidence que les traces à forme de «petits spots blancs» s’apparentaient à de l’Aspergillus restrictus, en état d’activité, tandis que les taches suspectes marron à orangée, «sont des traces de poussières et/ou moisissures anciennes et desséchées qui ne sont plus actives ou revivifiables en culture» tout comme celles observées sur les premières et dernières gardes.

Il a également été relevé que la «poussière qui se trouve à l’intérieur au fond d’un conteneur est constituée de spores de diverses moisissures qui germent en culture: Aspergillus fumigatus, Aspergillus versicolor, Fusarium sp., Penicillium sp.»

Pour conclure Madame [V] précise que l’Aspergillus restrictus est «une moisissure xerophile ou xérotolérante [...] elle fait partie des premières moisissures à se développer sur les documents graphiques lors de dérèglements climatiques (augmentation de l’humidité relative de l’air au-delà de 60%).[...] le facteur clé de développement des moisissures sur les matériaux est l’eau absorbée sur les supports. Dans un service d’archives, la grande quantité de documents graphiques qui y sont stockés agissent comme un «tampon» vis-à-vis des changements de climat environnant, ils captent l’humidité de l’air lorsqu’elle augmente et la dégagent lorsqu’elle diminue.» 

Elle ajoute que certaines sont «potentiellement allergisantes et peuvent dégager des molécules toxiques (Aspergillus fumigatus, Aspergillus versicolor, Aspergillus Candidus, Fusarium sp)» et impliquent l’usage d’équipements de protection individuelle pour la manipulation des ouvrages. (Note de l’expert aux parties n° 12, pièce n°94 en demande)
Par ailleurs, elle précise que «toutes ces moississures sont cellulotiques et peuvent dégrader la cellulose du papier et des reliures en toile. Certaines espèces d’Aspergillus et de Penicillium sont également protéolytiques et peuvent donc dégrader les protéines comme par exemple la kératine des reliures en cuir et parchemin. De plus, certaines espèces d’Aspergillus possèdent des amylases, enzymes capables de dégrader les colles à base d’amidon utilisées pour l’encollage des reliures»

Or, si l’expert mentionne, en accord avec les témoignages recueillis et les photographies consultées avant le déménagement, que les locaux de la FUPL et spécifiquement les réserves A à F étaient particulièrement poussiéreuses, elle affirme qu’elle n’a pu acquérir la certitude d’une contamination par du mycélium blanchâtre sur les reliures.
Elle reconnaît qu’il existe une doute sur l’existence d’un champignon Aspergillus puisque une ancienne salariée de l’ICL a indiqué qu’elle en avait constaté, mais le conseil des défenderesses a fait objecter que le conflit l’opposant à son employeur privait son témoignage d’impartialité, et que les analyses fournies par la société Belfor lors du traitement de la réserve S 93 demeuraient incomplètes.

Toutefois, l’existence du mauvais état d’entretien et de conservation dans les réservées de l’ICL et de la FUPL ne suffit pas à écarter toute responsabilité du dépositaire s’il est acquis que les conditions dans lesquelles il a exercé sa mission ont favorisé la prolifération d’une nouvelle souche de contamination.

Or, selon l’expert, qui s’est rendue dans les locaux situés sur le Port de [Localité 6] appartenant au CADN, il importe peu «de savoir si les Aspergillus xérophiles étaient ou non déjà présents sur les ouvrages en 2011, puisque les spores de moisissures sont omniprésentes dans l’environnement , mais de savoir comment ces moisissures se sont développées sur les ouvrages.»

Madame [V] a pu, à cet égard constater que:

- la destination du bâtiment n’était pas d’accueillir des documents d’archives et moins encore de collection de livres dont certaines ont une valeur patrimoniale ou historique

- le fait que le bâtiment ait une isolation en liège n’est pas suffisant pour garantir de bonnes conditions de conservation pour les documents graphiques en accord avec les recommandations de «Conservation préventive» appliquées dans la profession

-la conservation des ouvrages en conteneurs, milieu confiné a favorisé le phénomène de micro condensation propice au développement des moisissures. L’expert a pu relever que les moisissures se retrouvaient sur les ouvrages conservés dans des conteneurs avec des poignées ouvertes, ou dans le fond du carton, ou le long de l’ouverture ou dans des zones en contact avec l’air, alors qu’à la différence, elle n’a pas constaté ces moisissures pour les ouvrages conservés dans des caisses métalliques étanches au CADN, ni sur ceux conservés au sein des bâtiments de la FUPL et de l’ICL

- plusieurs non-conformités concernant la conservation des documents d’archives selon les règles de l’art:

absence de système de ventilation mécanique ou naturelleabsence de système de régulation du climat, absence d’enregistrement des conditions climatiques (température et humidité relativeabsence de rayonnage; les conteneurs étaient directement posés à même le sol et empilés les uns sur les autressi une aspiration mensuelle était organisée, aucune procédure de dépoussiérage des locaux et des conteneurs n’a été fournie par le CADNla visite du 3ème étage du bâtiment dans lequel était stocké les ouvrages, a permis de mettre en évidence des taches jaunâtres de moisissures sur un poteau horizontal et vertical , du côté du mur Est, à proximitéde l’emplacement de stockage des conteneurs 09.03.31 à 34 dans lesquels des livres contenant des moisissures ont été identifiés en 2017 et le prélèvement d’air à proximité de ce poteau a confirmé une importante quantité de spores, l’atmosphère étant qualifiée de mauvaise pour être 10 fois supérieur aux taux présents dans l’air extérieur avec une présence prédominante d’Aspergillus restrictus.
L’ensemble de ces constatations, multiples, circonstanciées et précises est suffisant pour en déduire que les conditions climatiques internes à l’édifice du CADN ont permis et favorisé, l’activation des spores, dont l’expert a été jusqu’à déduire qu’elle datait la contamination des ouvrages de moins de cinq ans.

Il ne suffit pas pour le CADN de produire l’avis d’un autre technicien, recueilli de manière non contradictoire, qui met en doute le mode d’analyse choisi Madame [V] pour conclure à l’existence de l’Aspergillus restrictus pour en déduire que l’ensemble des conclusions de l’expert judiciaire seraient faussées, alors qu’au contraire celle-ci a également pu identifier et distinguer la présence de Penicilium sp au fond des containeurs.

Même à supposer incertaine la datation à cinq années proposée, alors qu’il s’est écoulé 9 ans entre le déménagement des fonds doucmentaires et l’expertise judiciaire, les constatations sont, pour le reste, suffisamment précises pour maintenir le rôle causal joué par les conditions de conservation du CADN, en dépit de l’absence de moisissures sur l’extérieur des containeurs, puisque que la contamination s’est au contraire concentrée à l’intérieur précisément sur les ouvrages principalement composés de cellulose de papier, de reliures en toiles ou les reliures en cuir et parchemin.

Aucune des imputations de partialité soutenues contre l’expert judiciaire n’est de nature à discréditer le sens de ses conclusions, en ce que les constatations ont pu être discutées point par point et qu’aucune demande en annulation du rapport ou demande de contre expertise n’a été présentée.

Compte tenu de la relation contractuelle unissant le CADN à la FUPL et l’ICL, la faute contractuelle ne peut résulter qu’en un manquement aux obligations auxquelles s’était engagé le dépositaire.

Si les contrats n°335 et 336 ne mentionnent aucune précision quant aux conditions de conservation des ouvrages autres que les dispositions des articles 1915 et suivants du Code Civil, les stipulations contractuelles ne peuvent être comprises que complétées des engagements exposés lors de l’offre commerciale du 18 avril 2011 par laquelle le CADN entendait répondre au cahier des charges diffusé en avril 2011 par la BUV et l’ICL. 

Dans cette offre commerciale, le CADN présentait ses prestations comme se tenant dans un bâtiment «totalement clos et sécurisé, aucune fenêtre, conditions de température et d’hygrométrie idéales» y ajoutant «dans ce domaine, la qualité de nos bâtiments est primordiale. Chaque bâtiment est conçu , voire modifié afin de privilégier la bonne conservation d’archives suivant les recommandations des Archives de France».

Puis, le bâtiment est décrit comme «un ancien congélateur portuaire dont les murs de briques font 60 cm d’épaisseur doublé intégralement de liège (température hiver +10°c température été +15°c) le bâtiment a une surface au sol de 1.200 mètres carrés avec 6 niveaux au-dessus du rez-de-chaussée. Chaque niveau est isolé du reste du bâtiment par des portes étanches. Protection anti-intrusion et détecteur de fumée [...]» [le tribunal souligne]

Il importe peu que l’offre commerciale diffère du cahier des charges édictés par la BUV et l’ICL dès lors que même s’il peut s’en déduire que les défenderesses aurait accedé à un niveau de prestations plus faible que celui qu’elles avaient esquissé dans leur cahier des charges, le CADN ne pouvait en conclure que cette acceptation entraînait renonciation aux autres critères de référence de l’archivage et notamment quant au contrôle de l’hygrométrie constante et inférieure à 60%, alors que précisément il revendiquait son professionnalisme et la qualité de ses prestations en référence aux règles de l’art et aux recommandations des Archives de France.

De même, «l’absence de fenêtre» ou la mention évasive à d’une «hygrométrie «idéale» sans référence chiffrée ne permet pas non plus d’en déduire une renonciation à l’existence d’une ventilation mécanique au lieu de la ventilation naturelle.

En effet, le CADN a précisément visé l’absence de fenêtre pour insister sur l’absence de risque lié à la luminosité solaire.

La mesure ponctuelle d’une humidité inférieure à 60% au jour de la réunion de l’expertise ne suffit pas à considérer que le CADN justifie que ces conditions auraient été permanentes pendant les six années du stockage, en l’absence de toute mesure régulière de l’hygrométrie.

Enfin, l’existence d’une visite préalable des locaux par les délégataires de signature des déposants, même si celles-ci pouvaient bénéficier de compétences et de connaissances en matière de conservation des ouvrages, ne peut pas non plus être regardée comme une acceptation des défaillances du bâtiment ou de son impropriété à remplir la prestation contractuelle, alors qu’il incombe au CADN de justifier d’avoir apporté une information spécifique à ses contractantes sur les contradictions de ses locaux avec les promesses contractuelles.

A cet égard, il est patent de souligner que le CADN n’a jamais envisagé de faire évoluer son offre de conservation malgré la reconduction des contrats au-delà de l’année 2012 puisque en réponse à la demande de la BUV de novembre 2017, il indiquait «vous nous demandez les relevés de température et d’hygrométrie des années 2016 et 2017. Cette demande n’a pas été prévue dans le cadre de nos obligations [...] En conséquence, nous ne pouvons pas accéder à votre demande».

Si le CADN interroge le rôle qu’auraient pu jouer les navettes de livraison dans la contamination, en soumettant les ouvrages à de nouvelles contraintes de variations de températures, Madame [V] pour sa part admet que les «navettes mises en place entre le bâtiment du CADN et la BUV ont sans doute entraîné des variations importantes de température et d’humidité» mais que «c’est surtout au retour dans le site de stockage du CADN où la température était plus faible que des phénomènes de micro-condensation ont pu se produire».

Elle affirme que «le trajet des navettes elles-mêmes entre la réserve externalisée et le bâtiment de la bibliothèque qui dure environ 1h est trop court pour entraîner un développement fongique».

Enfin, compte tenu des réponses recueillies quant à la livraison des ouvrages sur lesquels des moisissures avaient été relevées, elle a pu constater que certains n’étaient jamais sortis des locaux du CADN alors que d’autres ne l’avaient été que pour une ou deux livraisons sur la totalité de la période de conservation, elle a pu exclure un lien de causalité entre les livraisons et les moisissures.

Encore une fois, ce sont les conditions de conservation dans les locaux du CADN qui sont pointées comme ayant favorisé la mise en culture des attaques fongiques.

Aucune des techniques utilisées par les équipes du CADN, telle l’isolation en liège, par le goudron ou les murs épais ne permet de considérer que le dépositaire avait mis en oeuvre des conditions suffisantes pour assurer l’exécution de son contrat. De même, il est indifférent de s’interroger sur l’état des autres archives stockées dans le bâtiment ou les autres étages dès lors qu’il appartenait au CADN de prendre en compte la nature particulière des documents qui lui étaient confiés, qui différaient des archives «classiques» de nombreuses entreprises et l’état préalable des documents, notamment quant à leur niveau d’empoussièrement.

Alors qu’il était encore convenu au titre de l’offre commerciale que le CADN s’engageait à procéder «à un léger dépoussiérage au moment de la prise en charge afin d’éviter d’éventuelles dégradations sur les documents anciens et fragiles», cet engagement n’a pas non plus été respecté puisque l’expert a pu se convaincre par le recueil des déclarations d’un salarié du CADN que ceux chargés de la manutention s’étaient contentés d’un dépoussiérage mécanique, impliquant de faire tomber la poussière de certains livres, sans essuyage ou aspiration alors que cette manipulation aurait pu aussi permettre au CADN de présenter des réserves sur l’état des ouvrages, s’il avait estimé la préexistence d’une contamination d’ampleur.

Au contraire, l’archiviste du CADN, Monsieur [N], entendu par Madame [V] a indiqué que «les ouvrages étaient poussiereux et très sales [que les salariés du CADN chargés de l’enlèvement] travaillaient avec des masques antipoussière et des gants, il ne peut pas confirmer ou infirmer la présence de taches de moisissures sur les livres» car ils les prenaient par paquet de 20 à 30 cm et ne regardaient pas l’état de chaque ouvrage.

En conséquence, la responsabilité du CADN pour manquement à ses obligations contractuelles se trouve engagée.

Sur la contribution de l’intervention de la société Belfor dans la survenance du dommage
Selon l’article 1165 du Code Civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes; elles ne nuisent point aux tiers.

Il est admis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Aucun manquement à une obligation spécifique de conseil ou d’information ne peut être reprochée à la société Belfor par le CADN puisqu’elle n’était pas tenue d’un lien contractuel à son égard.

Par ailleurs, à supposer l’existence d’un manquement contractuel de la société Belfor quant au choix de la méthode de traitement, à la disparité entre la désinfection promise et la décontamination réalisée et à l’évaluation ultérieure de l’efficacité du traitement entrepris, encore faudrait-il pour que la responsabilité de la société Belfor soit engagée à l’égard du CADN qu’un tel manquement ait pu avoir un lien certain dans l’apparition des désordres caractérisés par Madame [V], dont la charge de la preuve incombe au CADN.

Or, si Madame [V] reconnaît que le traitement par aspiration mis en place par la société Belfor ne constitue pas, à proprement parler, une désinfection, elle retient toutefois que le «procédé enlève le maximum de mycélium, spores et poussière et même si quelques spores ou fragments mycéliens restent sur les reliures ainsi traitées, les moisissures ne se développent pas si les conditions ne sont pas favorables. Ce procédé est donc reconnu pour la décontamination des documents graphiques peu contaminés [...] comme pour le traitement des documents «sensibles».

De plus, et même si le CADN s’appuie sur la position de Madame [K] [Z] qui préconisait un traitement à l’oxyde d’éthylène, l’expert judiciaire indique que «ce traitement n’est que momentané et ne concerne que les microorganismes présents au moment de l’opération, il n’est pas rémanent, et donc, une nouvelle contamination fongique peut avoir lieu si les conditions de conservation sont favorables à la germination des spores.»

Dans ces conditions, et alors que le CADN se contente de stigmatiser l’insuffisance du traitement opéré par la société Belfor, sans toutefois en démontrer l’inefficacité réelle, il n’existe pas de lien de causalité certain entre un éventuel manquement contractuel et les désordres récensés sur les ouvrages remis en dépot, notamment parce qu’à aucun moment il n’a pu être isolé que la totalité de la contamination retrouvée au sein de l’entrepôt du CADN serait exclusivement ou même majoritairement venue des ouvrages de l’ancienne réserve S 93.

L’intervention de la société Belfor n’est pas de nature à exonérer, même partiellement la responsabilité du CADN dans la survenance des désordres.

De même, aucun manque de loyauté procédurale ne serait être en lien avec la contamination fongique et le manquement aux obligations de dépositaire reproché au CADN.

Sur le partage de responsabilité

Dans son avis, Madame [K] [Z] ne contredit pas strictement le travail de Madame [V] puisqu’elle retient «il me parait logique de penser que les ouvrages n’étaient pas sains lorsqu’ils ont été enlevés par le CADN et qu’ils étaient porteurs de moisissures qui n’ont pas été détectées par le personnel de la Bibliothèque qui a pu les confondre avec des taches d’ancienneté, courantes sur des fonds anciens.
Le fait que la FUPL ait eu recours à la BNF en 2017 confirme qu’il faut des analyses pour connaître la nature des taches présentes sur un livre.
[...] le fait que ces fonds se soient trouvés au sein de l’ancien bâtiment du CADN dans un environnement plus stable et convenable, en termes de température et d’hygrométrie a pu favoriser le développement des moisissures»

Si comme Madame [V], Madame [K] [Z] considère donc que l’environnement du CADN a contribué à l’apparition des moisissures, il ne peut toutefois être conclu comme elle le fait que l’environnement était «plus stable et convenable», alors qu’il est désormais acquis qu’aucun contrôle de la température et de l’hygrométrie n’a été opéré ni aucune ventilation mise en place permettant massivement le développement et la persistance de moisissures dans l’atmosphère du bâtiment du Port de [Localité 6].

Toutefois, compte tenu de l’ampleur de l’empoussièrement des ouvrages et de leur mauvais état de conservation, il peut être retenu à l’encontre de l’ICL et de la FUPL un manquement à son obligation de collaborer à la réussite de l’opération contractuelle par la remise d’ouvrages en mauvais état de conservation. Ce manquement contractuel a contribué, sans exonérer de sa responsabilité le CADN, à la survenance du préjudice lié à la contamination massive des fonds des contrats 335 et 336.

Compte tenu des manquements respectifs, il y a lieu de dire qu’il existe un partage de responsabilité à 50/50 entre d’une part le CADN et d’autre part la FUPL et l’ICL.

c) sur l’étendue de l’indemnisation

Selon l’article 1150 du Code Civil, le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’a point été exécutée.

Il est admis que la faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contat et de s’en affranchir par une clause de non-responsabilité.

Au terme de son expertise, Madame [V] précise que , compte tenu de l’ampleur de la contamination, les ouvrages ne peuvent être communiqués aux lecteurs de la BUV car ils présentent un risque allergique mais également pour éviter de contaminer les autres documents conservés dans la BUV.

Elle préconise un traitement par rayonnement gamma suivi d’un dépoussiérage par micro-aspiration pour répondre à l’ampleur de la contamination et le nombre de documents à traiter.

En revanche, pour les livres anciens, elle suggère une autre filière de traitement, sans autre précision.

Compte tenu des propositions chiffrées par la société Polygon pour la désinfection des ouvrages, à savoir une variante ex situ, impliquant le déménagement des conteneurs au sein de l’édifice de la société chargée du traitement, pour une somme de 963.600€ TTC ou une variante in situ, sans déménagement, pour une somme de 838.000€ TTC, la variante la moins onéreuse sera retenue, dès lors qu’elle est considérée comme réalisable par l’expert.

Il n’est pas discuté par le CADN du bienfondé des chiffres estimatifs puisqu’il se contente de revendiquer l’opposabilité un plafond de garantie et conteste qu’une faute lourde lui soit opposable.

Toutefois, compte tenu du nombre et de la gravité des manquements retenus à l’encontre du CADN et de l’absence de toute mesure corrective adopté pendant l’exécution du contrat de dépôt, il y a lieu d’en déduire que le CADN a commis une faute lourde dans l’exécution du contrat en n’assurant pas la conservation de fonds d’archives provenant des bibliothèques de la BUV et de l’ICL.

Il ne se trouve pas fondé à revendiquer l’application de la clause limitative de responsabilité et il sera tenu à indemniser les défenderesses à la hauteur de sa contribution au préjudice soit le paiement d’une somme de 419.000€ TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2020 date de dépôt du rapport de l’expert judiciaire.

III- sur les demandes indemnitaires du CADN

Selon l’article  1184 du Code Civil la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des parties ne satisfera point à son engagement. La résolution doit être demandée en justice.

Toutefois, malgré ces dispositions, il a été admis que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls.

En l’espèce, il est constant que c’est le CADN qui a pris l’initiative de la résiliation du contrat suivant le courrier du 3 juillet 2018 en reprochant à ses contractantes :

- de lui avoir confié des fonds contaminés
- de solliciter le paiement d’un devis exorbitant
- de refuser la signature d’un avenant contractuel pour le déménagement des fonds
- de le menacer d’une dénonciation au SIAF
- de contester le volume des fonds pour obtenir une diminution du loyer
-de lui demander la souscription d’une assurance spécifique pour les fonds
- de lui demander le respect d’engagement qu’il contestait avoir pris lors de la réunion du 7 novembre 2017.

Force est de constater que si le CADN sollicite l’indemnisation d’un préjudice économique et moral consécutif à l’arrêt brutal du contrat, il n’a pas au préalable sollicité de la juridiction que la résiliation dont il a pris l’initiative soit imputée aux torts de ses co-contractantes.
Au surplus, la majorité des griefs qu’il portait à l’encontre de l’ICL et la FUPL vient d’être écartée par le sens de la présente décision dès lors que l’origine de la contamination est partagé entre les parties, l’indemnisation pour la décontamination des fonds a été arbitrée et que l’ampleur des désaccords autorisait l’ICL et la FUPL à refuser un déménagement de ses fonds.

En conséquence, il doit en être déduit que le CADN est à l’origine de la résiliation, qu’il a exercée conformément au cadre contractuel mais ne se trouve plus fondé à solliciter l’indemnisation de la rupture des relations commerciales.

Sur les frais de restitution des archives

Chacune des deux parties impute à l’autre la charge des frais de restitution des ouvrages, le CADN en se fondant sur un devis qu’il a émis le 27 mai 2019 pour un montant de 88.574,15€ TTC portant «restitution définitive des archives suite à la résiliation des contrats 335 et 336", les défenderesses sur une facture éditée à l’ordre du CADN le 22 avril 2020 portant «transfert des collections de la FUPL suite à la résiliation des contrats 335 et 336 par le CADN».

Manifestement ces deux pièces comptables se rapportent à la même prestation, sans qu’il puisse être déduit laquelle des deux parties aura finalement assumé la charge de ces frais.
Elles seront réciproquement déboutées de leur demande de condamnation à ce titre, étant rappelé qu’il découle de ce qui précède que la résiliation ayant été prise de l’initiative du CADN en sa qualité de DEPOSANT, conformément aux stipulations contractuelles, les frais de transport des archives doivent être supportés par le CADN. 

IV- sur la situation de la société Belfor

Aucune action en responsabilité formée à l’encontre de la société Belfor n’ayant prospéré, il y a lieu de la mettre hors de cause.

V- sur les demandes accessoires

Succombant réciproquement dans la responsabilité de la contamination, il y a lieu de faire masse des dépens, en ce compris les frais d’expertise et de dire qu’ils seront supportés par moitié par le CADN d’une part et par la FUPL et l’ICL, d’autre part.

Supportant chacun partiellement les dépens, il y a lieu de les débouter respectivement de leurs demandes faites au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

En revanche, le CADN étant à l’origine de la mise en cause de la société Belfor, il sera seul condamné à lui payer la somme de 4.000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

L’ancienneté et la nature de l’affaire justifient que l’exécution provisoire soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la forclusion contractuelle de la demande reconventionnelle en indemnisation formée par l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7];

DECLARE la SAS Centre des Archives du Nord partiellement responsable du préjudice résultant de la contamination des fonds bibliothécaires confiés en vertu des contrats 335 du 24 mai 2011 et 336 du 26 juillet 2011;

FIXE à hauteur de 50% la part de responsabilité de la SAS Centre des Archives du Nord et à 50% la part de responsabilité commune de l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7];

DEBOUTE la SAS Centre des Archives du Nord de ses demandes en responsabilité contre la SAS Belfor;

En conséquence

MET HORS DE CAUSE la SAS Belfor;

CONDAMNE la SAS Centre des Archives du Nord à payer à l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7] la somme de 419.000 € (quatre cent dix neuf mille euros) TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2020 date de dépôt du rapport de l’expert judiciaire au titre les frais de décontamination des fonds bibliothècaires;

DEBOUTE la SAS Centre des Archives du Nord de l’intégralité de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice économique et moral;

DEBOUTE tant la SAS Centre des Archives du Nord que l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7] de leur demande de condamnation en paiement des frais de restitution des ouvrages;

DEBOUTE tant la SAS Centre des Archives du Nord que l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7] de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile;

CONDAMNE la SAS Centre des Archives du Nord à payer à la SAS Belfor la somme de 4.000 € (quatre mille euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile;

FAIT MASSE des DEPENS, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire, et CONDAMNE la SAS Centre des Archives du Nord d’une part et l’Institut Catholique de [Localité 7] et la Fédération Universitaire et Pluridisciplinaire de [Localité 7] d’autre part à en supporter chacun la moitié;

ORDONNE l’exécution provisoire.

LE GREFFIER POUR LA PRESIDENTE EMPECHEE

Benjamin LAPLUMEMarie TERRIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/01768
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;22.01768 ?
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