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04/09/2024 | FRANCE | N°24/02317

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Referes construction, 04 septembre 2024, 24/02317


T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________


O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION



RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/02317 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KFX5

MINUTE n° : 2024/413

DATE : 04 Septembre 2024

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT



DEMANDEURS

Madame [D] [V] épouse [H]-[B], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Patrick GAULMIN, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [J] [H]-[B], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Patrick

GAULMIN, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [A] [O], demeurant [Adresse 17]
représenté par Me Patrick GAULMIN, avocat au barreau de TOULON


DEFE...

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/02317 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KFX5

MINUTE n° : 2024/413

DATE : 04 Septembre 2024

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDEURS

Madame [D] [V] épouse [H]-[B], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Patrick GAULMIN, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [J] [H]-[B], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Patrick GAULMIN, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [A] [O], demeurant [Adresse 17]
représenté par Me Patrick GAULMIN, avocat au barreau de TOULON

DEFENDEURS

Madame [W] [X], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-michel GARRY, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [S] [K], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-michel GARRY, avocat au barreau de TOULON

DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 26 Juin 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Jean-michel GARRY
Me Patrick GAULMIN

1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à Me Jean-michel GARRY
Me Patrick GAULMIN

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [A] [O] est propriétaire de trois parcelles en nature de terre et futaie cadastrées section E numéros [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] sur la commune de [Localité 15], lieudit [Localité 16].

Monsieur [J] [H]-[B] et son épouse Madame [D] [V] sont propriétaires dans le voisinage de diverses parcelles de terre cadastrées section E numéros [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13].

Par acte authentique du 5 octobre 2012, il a été décidé d'annuler le chemin d'accès antérieur à ces fonds, consistant en un chemin d'exploitation puis une servitude traversant la parcelle cadastrée section E numéro [Cadastre 14] appartenant à Monsieur [S] [K] et Madame [W] [X] et de prévoir un nouveau tracé du chemin d'accès, une servitude de passage étant consentie sur le fonds servant E [Cadastre 14] (propriété [K]-[X]) au profit notamment des fonds dominants E [Cadastre 7] à [Cadastre 9] (devenus propriété [O]) et E [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] (propriété [H]-[B]).

Exposant que le mur en parpaings édifié par leur voisins sur l'assiette de la servitude de passage ne permettait pas le libre exercice de leur droit de passage et suivant exploits de commissaire de justice du 21 mars 2024, les consorts [O]-[H]-[B] ont fait assigner en référé les consorts [K]-[X] aux fins de solliciter à titre principal leur condamnation sous astreinte à procéder à l'enlèvement du mur en litige.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2024, Monsieur [A] [O], Monsieur [J] [H]-[B] et Madame [D] [V] épouse [H]-[B] sollicitent du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :
CONDAMNER les consorts [K] à procéder à l'enlèvement du mur décrit dans le procès-verbal de constat d'huissier (mur en parpaings surmonté d'un grillage rigide) dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
Les CONDAMNER au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les CONDAMNER aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Maître [R] [F] du 9 juillet 2020 d'un montant de 320 euros.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2024, soutenues à l'audience le 26 juin 2024, Monsieur [S] [K] et Madame [W] [X] sollicitent, au visa des articles 122, 835 du code de procédure civile et 2224 du code civil, de :
A titre principal, JUGER l'action des consorts [H]-[O] prescrite et en conséquence les DEBOUTER de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, JUGER l'action des consorts [H]-[O] mal fondée et les DEBOUTER de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause, CONDAMNER les consorts [H]-[O] à leur payer la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER les consorts [H]-[O] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de procès-verbal de constat réalisé par Maître [L] [P] le 5 avril 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur la demande principale

Les requérants se fondent sur l'alinéa 1er de l'article 835 du code de procédure civile, qui prévoit la possibilité pour le président du tribunal judiciaire, ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ils prétendent à l'existence d'un trouble manifestement illicite par l'édification du mur litigieux et que l'action de ce chef a un caractère réel au sens de l'article 2227 du code civil de sorte que cette action n'est pas atteinte par la prescription.
Sur le trouble, ils estiment que les constatations faites par huissier de justice établissent la très grande difficulté d'accès au chemin d'accès avec un véhicule, outre le fait que les services de défense contre l'incendie ne peuvent emprunter le chemin. Ils font valoir que seul un mini tracteur peut passer et non un engin agricole classique si bien que les stipulations de la servitude de passage ne sont pas respectées.

A titre principal, les défendeurs invoquent l'article 122 du code de procédure civile, aux termes duquel « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » Ils soutiennent que la prescription est acquise puisque le mur en litige a été construit en 2012 et que l'action fondée sur le trouble manifestement illicite est une action personnelle soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
A titre subsidiaire, ils contestent avoir fait obstacle au droit de passage des requérants alors que les éléments de preuve adverses n'établissent pas un irrespect de la clause de servitude et partant un trouble manifestement illicite.

Il est d'abord rappelé qu'en droit, le trouble manifestement illicite, visé à l'article 835 précité, se définit comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Sur la recevabilité de l'action, il est relevé qu'une action manifestement atteinte par la prescription fait perdre au trouble son caractère illicite.

Néanmoins, il ne peut être affirmé que l'action entreprise par les requérants est nécessairement de nature personnelle pour le seul motif qu'elle serait fondée sur le trouble manifestement illicite.

En effet, l'action des requérants tend à rétablir l'assiette de la servitude de passage conventionnelle par les propriétaires des fonds dominants de sorte que le trouble manifestement illicite invoqué concerne l'exercice d'une servitude dont le caractère réel ne peut être contredit. Il est d'ailleurs rappelé à l'acte du 5 octobre 2012 que la servitude de passage a un caractère réel et perpétuel.

Les requérants soutiennent justement que l'action à caractère réel se prescrit par trente ans conformément à l'article 2227 du code civil et ainsi l'édification en 2012 du mur litigieux n'a pas pour effet de rendre leur action prescrite.

Les défendeurs ne sont pas bien fondés à relever une irrecevabilité manifeste de l'action en raison de sa prescription quinquennale en l'espèce inapplicable. Leur moyen de ce chef sera rejeté.

Sur la caractérisation du trouble, il est en premier lieu observé que l'acte du 5 octobre 2012 institue la servitude de passage en prévoyant que le « droit de passage s'exercera exclusivement sur une bande de terrain d'une largeur de trois mètres à l'exception de l'angle qui devra être d'un rayon de giration et d'un revêtement suffisant pour tourner sans manœuvrer avec un engin agricole normal. »

Il est encore précisé dans l'acte que l'emprise du passage figure sous teinte orange du plan établi par un géomètre-expert, annexé à l'acte mais non versé aux débats, seul un extrait partiel étant repris en page 3 des conclusions des requérants.

Les éléments versés aux débats par les requérants confirment les difficultés de circulation sur le avec des camions ou des véhicules de type utilitaire.

Toutefois, le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 9 juillet 2020 ne procède pas à des mesures précises, notamment de largeur de l'assiette de la servitude, en comparaison avec le plan établi par le géomètre-expert. Les seules mentions des longueurs des véhicules par l'huissier ne permettent pas de prouver que la construction du mur litigieux aurait restreint la capacité de manœuvre de ces véhicules, alors même que le droit de passage s'exerce sur une largeur particulièrement restreinte de trois mètres et même inférieure à cette largeur à l'angle de giration selon l'acte du 5 octobre 2012.

De même, l'impossibilité d'accès par les services d'incendie, ayant en général besoin d'une largeur de chemin de quatre mètres pour accéder aux propriétés, n'est pas de nature à démontrer que l'assiette de la servitude conventionnelle, prévue pour mesurer trois mètres de largeur, aurait été réduite par la construction du mur en litige.

Concernant la possibilité de faire passer un engin agricole « normal » conformément aux stipulations de l'acte du 5 octobre 2012, il n'appartient pas aux défendeurs de prouver un tel passage puisque la charge de la preuve incombe aux requérants devant démontrer l'existence du trouble illicite. A ce titre, ils n'établissent pas que les véhicules utilitaires ou camions plateaux correspondent à la définition d'un engin agricole normal plutôt que le tracteur visible sur les photographies adverses.

En tout état de cause, les requérants échouent à démontrer que la construction du mur a restreint l'assiette de la servitude en ne permettant plus de respecter les stipulations de l'acte du 5 octobre 2012.

A défaut de prouver le trouble manifestement illicite, les requérants seront intégralement déboutés de leurs demandes.

Sur les demandes accessoires

Par application de l'article 696 du code de procédure civile, les requérants sont la partie perdante et seront condamnés dépens de l'instance. Par application des dispositions de l'article 695 du même code, les dépens de l'instance ne peuvent comprendre les frais de constat d'huissier de justice du 9 juillet 2020 et de commissaire de justice du 5 avril 2024, ces actes n'étant pas imposés par la loi ou par une décision de justice. Les parties seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

Par ailleurs, l'équité commande de ne pas laisser aux défendeurs la charge de leurs frais irrépétibles. Les requérants seront condamnés à leur payer la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire, exécutoire de droit et en premier ressort,

DEBOUTONS Monsieur [A] [O], Monsieur [J] [H]-[B] et Madame [D] [V] épouse [H]-[B] de l'intégralité de leurs demandes,

CONDAMNONS Monsieur [A] [O], Monsieur [J] [H]-[B] et Madame [D] [V] épouse [H]-[B] aux dépens de l'instance,

CONDAMNONS Monsieur [A] [O], Monsieur [J] [H]-[B] et Madame [D] [V] épouse [H]-[B] à payer à Monsieur [S] [K] et Madame [W] [X] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETONS le surplus des demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Referes construction
Numéro d'arrêt : 24/02317
Date de la décision : 04/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-04;24.02317 ?
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