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04/09/2024 | FRANCE | N°24/01512

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Referes construction, 04 septembre 2024, 24/01512


T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION




RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/01512 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KE4L

MINUTE n° : 2024/417

DATE : 04 Septembre 2024

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT



DEMANDERESSE

S.C.I. RAY 4, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



DEFENDERESSE

S.C.A.C. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE

D’EXPLOITATION DES SERVICES D’EAU (CMESE), dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sylvie LANTELME, avocat au barreau de TOULON




DÉBATS...

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/01512 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KE4L

MINUTE n° : 2024/417

DATE : 04 Septembre 2024

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDERESSE

S.C.I. RAY 4, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDERESSE

S.C.A.C. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D’EXPLOITATION DES SERVICES D’EAU (CMESE), dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sylvie LANTELME, avocat au barreau de TOULON

DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 26 Juin 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Florent LADOUCE
Me Sylvie LANTELME

1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à Me Florent LADOUCE
Me Sylvie LANTELME

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 30 octobre 2020, la SCI MARGAUX a vendu à la SCI RAY 4 et à la SAS LOCA-RAY une villa située [Adresse 1] sur la commune de [Localité 3] comprenant notamment un jacuzzi, un bassin de bar, une pataugeoire, une rivière et un bassin principal.

Par ordonnance rendue le 20 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a fait droit à la demande de désignation d'un expert chargé notamment d'examiner les désordres présentés sur les éléments aquatiques de la villa par la SCI RAY 4 et la SAS LOCA-RAY ayant préalablement fait assigner la SCI MARGAUX, représentée par mandataire ad hoc Maître [I] [Y].

Exposant ne pas avoir obtenu communication des factures d'eau de la SCI MARGAUX dans l'année précédant la vente afin de vérifier la connaissance éventuelle de fuites sur le bassin par la venderesse et par exploit de commissaire de justice du 20 février 2024, la SCI RAY 4 a fait assigner en référé la COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DES SERVICES D'EAU (CMESE) aux fins de solliciter, à titre principal et sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication sous astreinte des factures d'eau en litige.

Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2024, la SCI RAY 4 sollicite du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, au visa des articles 11, 145 du code de procédure civile et de la jurisprudence citée, de :
CONDAMNER la société COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DES SERVICES D'EAU (CMESE) à communiquer les factures d'eau émises entre le 30 octobre 2019 et le 30 octobre 2020 relatives au bien situé [Adresse 1] à [Localité 3], anciennement propriété de la SCI MARGAUX, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé 7 jours suivants signification de la décision à intervenir, et au besoin après avoir masqué l'adresse mail et les informations bancaires du souscripteur ;
DEBOUTER la société CMESE de ses plus amples demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la société CMESE au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions en réponse récapitulatives numéro 1, la SCAC COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DES SERVICES D'EAU (CMESE) sollicite de :
A titre principal, DEBOUTER la SCI RAY 4 de sa demande de condamnation de la CMESE et de sa demande de condamnation à une astreinte de ce chef ;

A titre subsidiaire, ENJOINDRE à la société CMESE de produire les factures de la consommation d'eau de la SCI MARGAUX entre le 30 octobre 2019 et le 30 octobre 2020 relatives au bien situé [Adresse 1] en l'autorisant à anonymiser toute donnée susceptible d'identifier le souscripteur et à masquer notamment l'adresse mail et les informations bancaires de ce dernier ;

En tout état de cause, DEBOUTER la SCI RAY 4 de sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles ;
LAISSER à la SCI RAY 4 les frais de justice et les dépens exposés.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION

A titre liminaire, il est relevé que la notification des conclusions et pièces de la CMESE à la SCI RAY 4 n'est pas établie, mais que cette dernière a répliqué dans ses dernières écritures aux conclusions de la défenderesse. Il s'ensuit que les conclusions et pièces ont été régulièrement notifiées au plus tard à l'audience du 26 juin 2024 et qu'en tout état de cause aucune atteinte au principe de la contradiction n'est avérée.

Sur la demande principale

La requérante fonde sa demande principale sur l'article 145 du code de procédure civile, « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Elle s'appuie également sur l'article 11 du même code, qui dispose : « les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.
Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime. »

Elle expose que la communication des factures en litige lui est indispensable pour les besoins de l'expertise judiciaire en cours, que le règlement RGPD de l'Union Européenne ne s'applique pas en l'espèce aux données personnelles de la SCI MARGAUX, personne morale, et que l'urgence justifie le prononcé d'une astreinte.

La défenderesse lui oppose les exigences du règlement 2016/679/UE du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel des personnes physiques, qui empêchent la communication des factures d'eau, et la politique de confidentialité sur ces données par le service de l'eau. Elle ajoute que le secret des affaires ne constitue pas un obstacle à la réalisation de mesures d'instruction in futurum mais à condition que le juge s'assure de la proportionnalité de la mesure ordonnée au regard des intérêts des parties, qu'en l'espèce aucun élément relatif à la nécessité de communication des factures dans le cadre de l'expertise n'est fourni par la requérante.
Subsidiairement, elle soutient qu'aucune résistance abusive de sa part n'impose le prononcé d'une astreinte.

Il est constant que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l'article 145 précité.

Il appartient au juge saisi de l'application de ce texte de caractériser le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction sans toutefois procéder préalablement à l'examen de la recevabilité d'une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond.

Il suffit de constater qu'un tel procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui. De plus, le litige potentiel ne doit pas être manifestement voué à l'échec.

En l'espèce, s'il était loisible à la requérante de fournir des éléments concernant l'expertise judiciaire en cours, l'absence de tels éléments n'a pas pour effet de remettre en cause le motif légitime de la SCI RAY 4, dans le cadre du contentieux l'opposant à sa venderesse, d'obtenir des informations sur les consommations d'eau de cette dernière dans l'année précédant la vente.

Il sera de plus relevé que la venderesse a été radiée du registre du commerce et des sociétés selon les précisions données par l'ordonnance de référé du 20 juillet 2022 et qu'elle était représentée à l'instance de référé par un mandataire ad hoc que la SCI RAY 4 a fait désigner.

Aussi, la communication des factures en litige par la SCI MARGAUX s'en trouve compliquée et la SCI RAY 4 justifie d'un motif légitime au sens de l'article 145 précité pour que cette communication soit opérée par la société CMESE détenant ces factures.

Cette dernière invoque sa politique de confidentialité et l'application du règlement RGPD qui s'oppose en effet à ce que des données à caractère personnel soient communiquées aux tiers, en tout cas concernant les personnes physiques. Aussi, il apparaît proportionné d'ordonner la communication des factures expurgées des données relatives au mail personnel du gérant de la SCI et aux références bancaires qui de surcroît ne présentent pas d'intérêt probatoire pour la requérante.

Ce contexte et le fait que seul le juge puisse apprécier le caractère légitime et proportionné des mesures d'instruction ordonnées empêchent le prononcé d'une astreinte, estimée non opportune en l'espèce par application de l'article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Il sera ordonné à la CMESE de communiquer dans les meilleurs délais les factures sollicitées, en l'autorisant à anonymiser toute donnée susceptible d'identifier le souscripteur et à masquer notamment l'adresse mail et les informations bancaires de ce dernier. Le surplus des demandes de la SCI RAY 4 sera rejeté.

Sur les demandes accessoires

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la CMESE ne peut être considérée comme partie perdante alors qu'il est partiellement fait droit à ses demandes notamment subsidiaires. La SCI RAY 4, ayant intérêt à la mesure sollicitée, conservera la charge des dépens de l'instance de référé.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

En l'espèce, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile si bien que la SCI RAY 4 sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort :

ENJOIGNONS à la SCAC COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DES SERVICES D'EAU (CMESE) de communiquer à la SCI RAY 4, dans les meilleurs délais, les factures de la consommation d'eau de la SCI MARGAUX entre le 30 octobre 2019 et le 30 octobre 2020 relatives au bien situé [Adresse 1] en l'autorisant à anonymiser toute donnée susceptible d'identifier le souscripteur et à masquer notamment l'adresse mail et les informations bancaires de ce dernier,

DEBOUTONS la SCI RAY 4 de sa demande relative au prononcé d'une astreinte,

LAISSONS à la SCI RAY 4 la charge des dépens de l'instance,

DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETONS le surplus des demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Referes construction
Numéro d'arrêt : 24/01512
Date de la décision : 04/09/2024
Sens de l'arrêt : Ordonne de faire ou de ne pas faire quelque chose avec ou sans astreinte

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-04;24.01512 ?
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