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21/08/2024 | FRANCE | N°24/01208

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Referes construction, 21 août 2024, 24/01208


T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________


O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION


RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/01208 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KEBX

MINUTE n° : 2024/ 377

DATE : 21 Août 2024

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT


DEMANDEURS

Monsieur [M] [D], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]
représenté par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [C] [N] épouse [D], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]
représent

ée par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN


DEFENDERESSES

GROUPAMA MEDITERRANEE, dont le siège social est sis [Adress...

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/01208 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KEBX

MINUTE n° : 2024/ 377

DATE : 21 Août 2024

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDEURS

Monsieur [M] [D], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]
représenté par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [C] [N] épouse [D], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]
représentée par Me Jean philippe FOURMEAUX, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDERESSES

GROUPAMA MEDITERRANEE, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 1]
représentée par Me Philippe CAMPOLO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

A.S.L. [Adresse 5], dont le siège social est sis [Adresse 5] - [Localité 3]
représentée par Me Lionel ALVAREZ, avocat au barreau de TOULON

DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 12 Juin 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Lionel ALVAREZ
Me Philippe CAMPOLO
Me Jean philippe FOURMEAUX

1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à Me Lionel ALVAREZ
Me Philippe CAMPOLO
Me Jean philippe FOURMEAUX

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par actes d’huissier délivrés le 2 février 2024 les époux [D] faisaient assigner en référé la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricole Méditerranée dénommée Groupama Méditerranée et l’ASL des propriétaires du [Adresse 5] sur le fondement des articles 834 et 835 du CPC, L 125 – 1, A 125 – 1 du code des assurances.

Les époux [D] exposaient avoir acquis en 1999 le lot n°29 du 4e secteur du lotissement [Adresse 5] à [Localité 3], et avoir fait construire une maison avec piscine et divers ouvrages de soutènement en vertu de permis délivrés en 2002 et 2008. Leur assureur habitation était Groupama.

Les inondations et coulées de boue des 23 et 24 novembre 2019, reconnues catastrophe naturelle par arrêté du 12 décembre 2019, avaient provoqué un glissement de leur terrain et un basculement de la piscine située immédiatement en contre-haut du talus.

Informée, la compagnie Groupama mandatait le cabinet Eurexo qui contestait le phénomène de basculement de la piscine tout en reconnaissant le glissement de terrain. Arguant que l’arrêté du 12 décembre 2019 ne caractérisait pas les glissements de terrain comme catastrophe naturelle, l’expert considérait que la garantie de Groupama n’était pas due.

Un second cabinet d’expert était désigné par l’assureur qui concluait le 26 juin 2020 que la piscine n’avait pas été affectée et ne proposait qu’une solution de tenue des terres pour un montant de 80 000 €.

Les époux [D] avaient pour leur part fait évaluer une solution de réparation à l’identique par une entreprise pour un montant de 335 412,56 €. Un huissier avait constaté à leur demande le basculement de la piscine.

Un expert judiciaire était désigné en référé le 24 janvier 2021 à leur demande.

Au cours des opérations d’expertise, à la demande de la commune, un arrêté du 26 juillet 2021 reconnaissait comme catastrophe naturelle consécutive aux épisodes des 23 et 24 novembre 2019 les mouvements de terrain.

Au vu de ce second arrêté la compagnie Groupama acceptait de payer une provision de 19 200€ correspondant au montant des frais d’expertise judiciaire, et une seconde provision de 19 033,20€ TTC correspondant à l’exécution de travaux de terrassement en urgence.

Les opérations d’expertise avaient été déclarées communes à l’ASL des propriétaires du [Adresse 5] par ordonnance en date du 17 novembre 2021.

Aux termes d’un compte rendu en date du 10 juin 2021 l’expert estimait que les arrivées d’eau provenaient partiellement d’une partie commune du lotissement, de sorte que la responsabilité de l’ASL était susceptible d’être engagée.

L’expert judiciaire déposait son rapport le 4 août 2023 et concluait sans ambiguïté que les désordres avaient pour cause les inondations et coulées de boue ainsi que les mouvements de terrain.

Les travaux de stabilisation du terrain impliquaient la réalisation d’une paroi berlinoise, tirantée, outre la construction d’un mur en enrochement. En l’état des devis l’expert avait évalué le coût des travaux à la somme de 525 000 € TTC à laquelle s’ajoutait la somme de 31 500 € TTC au titre des frais de maîtrise d’œuvre.

La garantie de Groupama n’étant pas sérieusement contestable les époux [D] demandaient sa condamnation à leur verser la somme globale de 556 500 € à titre provisionnel, à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice.

Les époux [D] sollicitaient une nouvelle désignation de l’expert le coût des travaux de remise en état de la piscine n’ayant pas été évalué. Le défaut de planéité du bassin, ainsi que l’évolution constatée au cours des opérations d’expertise, rendaient nécessaire des investigations approfondies.

Ils demandaient la condamnation de la compagnie Groupama à leur verser la somme de 3000 € en application de l’article 700 du CPC et à régler les dépens.

Dans le dernier état de leurs écritures, notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, ils persistaient dans leurs prétentions.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, la compagnie Groupama Méditerranée soutenait que le juge des référés était incompétent pour statuer sur la demande de provision, la juridiction devant nécessairement interpréter les termes de la police d’assurances, et l’étendue des stipulations contractuelles. Il résultait en effet du rapport d’expertise que le sinistre concernait uniquement la piscine et le talus aval à la plate-forme servant d’assise à la maison et la piscine. En l’absence de dommages compromettant la solidité de la maison et de la piscine, la garantie n’était pas applicable. Le talus aval n’était pas un bâtiment désigné au contrat. De surcroît ce talus était constitué de terre de remblais sur lequel aucune garantie n’était mobilisable aux termes des conditions générales du contrat d’assurance.

La concluante observait que les provisions avaient été versées sans reconnaissance expresse de l’application des garanties et qu’elle s’était réservé d’en réclamer la restitution.

De surcroît l’expert avait pointé la négligence de l’ASL du [Adresse 5] dans la gestion des eaux pluviales, l’absence de mesures de correction des écoulements en provenance de la DN 7, ainsi que des écoulements localisés le long du vallon limitrophe avec le lotissement voisin.

Il en résultait que l’efficacité des travaux à entreprendre pour stabiliser le terrain des époux [D] était assujettie à la réalisation de travaux d’aménagement des deux vallons.

La compagnie Groupama soutenait que la demande de nouvelle désignation de l’expert afin d’évaluer le coût des travaux de remise en état de la piscine était irrecevable. Cette nouvelle désignation reviendrait à remettre en cause les conclusions de l’expert précédemment désigné et s’analysait comme une contre-expertise. Elle ne relevait donc pas du juge des référés.

Au surplus l’expert judiciaire avait clairement conclu à l’absence de travaux de réparation sur la piscine.

La compagnie Groupama demandait la condamnation des époux [D] à lui verser la somme de 2000 € de frais irrépétibles et à régler les dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, l’ASL [Adresse 5] s’en rapportait sur la demande de provision, observait que l’expert s’était prononcé sur les travaux de réparation sur la piscine, et à titre subsidiaire formait ses protestations et réserves sur la demande de nouvelle désignation de l’expert.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de provision

L’article 835 conditionne l’ allocation d’une provision au créancier à l’absence de contestation sérieuse.

En l’espèce, le dommage est constitué par une légère évolution de l’inclinaison de la piscine avec un accroissement entre l’angle nord-ouest de la piscine et l’angle sud-est. Au moment du dépôt du rapport, l’expert estimait que des travaux de confortement ou de réparation de la piscine n’étaient pas nécessaires.

Était mise en évidence une déformation modérée mais réelle des terrains localisés à proximité de la niche d’arrachement du glissement. La décompression des matériaux constituant le talus éboulé était lente mais réelle. L’intégrité de la plate-forme en remblai délimitant l’assiette de la maison était affectée. Le talus de remblais délimitant côté sud de la plate-forme de la maison réalisée afin de permettre l’aménagement de la parcelle était compromis dans sa solidité.

La cause des désordres ne fait pas de doute : le rapport d’expertise judiciaire répondant à l’un des chefs de la mission, indique que le processus d’instabilité constaté est dû à un “glissement de terrain”, « à classer sans doute possible dans la catégorie des mouvements de terrain », donc entrant dans le champ de la catastrophe naturelle reconnue par les arrêtés susvisés.

Pour l’expert, la cause directe et déterminante du dommage est bien l’événement pluvieux exceptionnel qui a déclenché le glissement de terrain.

À titre d’observation, l’expert relève que l’efficacité des travaux qui seront entrepris pour stabiliser le terrain de la parcelle [D] était assujettie à la réalisation de travaux d’aménagement des vallons, par la canalisation des écoulements, la réduction des vitesses d’écoulement d’eau, et la lutte contre l’érosion.

La contestation de la compagnie Groupama porte sur le bien assuré.

Le bien mentionné aux conditions personnelles de la police d’assurances est la maison à usage principal “équipée d’une piscine extérieure à l’habitation.”

Le rapport d’expertise du cabinet Eurexo précise que le dallage de la piscine est attenant au corps d’habitation principal.

Le rapport d’expertise du cabinet My Sinistre précise que la garantie est accordée pour la piscine. Cet ouvrage n’a selon lui subi aucun dommage. Cependant, les dommages concernaient la tête du glissement qu’il conviendrait de conforter.

Selon l’expert judiciaire, les observations de surface et la géomorphologie du terrain permettaient d’anticiper une faible épaisseur des sols de couverture en amont de la maison. Le vide sanitaire de la maison présentait une hauteur importante et avait probablement servi à ancrer les fondations de la maison dans le bon terrain. Au contraire la plate-forme formée par la piscine, la plate-bande végétalisée et le talus correspondaient à des matériaux rapportés ou remblais mis en œuvre au moment de l’aménagement du terrain.

L’expert judiciaire a constaté que l’habitation ne présentait aucun désordre. Les désordres observés concernaient uniquement la piscine et le talus aval à la plate-forme servant d’assise à la maison et à la piscine.

Le lexique annexé aux conditions générales de la police d’assurances précise que par le terme «bâtiment», il convient d’entendre les biens immobiliers construits désignés sur les conditions personnelles « y compris :
(…)
les terrasses et murs de soutènement des bâtiments assurés,
les murs d’enceinte les murets surmontés ou non d’une rehausse scellée ou tirefonée,
(…)
les aménagements et installations qui ne peuvent être détachés sans être détériorés ou sans détériorer la construction,
les piscines déclarées sur vos conditions personnelles.”

Si les précisions apportées par le lexique permettent de supposer que la garantie pourrait s’étendre au talus aval à la plate-forme servant d’assise à la maison et à la piscine, il s’agit là de l’interprétation de la police d’assurances. Or de jurisprudence constante, le juge des référés ne peut procéder à l’interprétation d’un contrat sans enfreindre les dispositions de l’article 835 du CPC.

Les époux [D] seront donc déboutés de leur demande de provision.

Sur la demande de redésignation de l’expert

La mission de l’expert définie par l’ordonnance du 24 février 2021 comprenait l’examen du bien des demandeurs, la description des désordres consécutifs aux événements climatiques, affectant notamment le talus et la piscine, ainsi que la description des travaux de reprise à réaliser et le chiffrage de leur coût.

Ainsi qu’il vient de l’être rappelé, l’expert s’est prononcé sur les dommages causés à la piscine. Il a mesuré une inclinaison de 6 cm, correspondant à un basculement de l’ouvrage vers le vide. Néanmoins il n’envisageait pas de travaux de réparation sur la piscine, les dommages allégués étant faibles et ne compromettant pas sa solidité. Aucune anomalie n’avait été constatée au niveau des équipements, canalisations, et pompes.

L’expert a donc répondu aux chefs de sa mission : jugeant que la piscine n’avait pas besoin de réparations, il n’avait pas à en estimer le coût.

Une nouvelle désignation de l’expert lui donnant pour mission d’évaluer le coût de la réparation de la piscine reviendrait à lui demander de modifier ses conclusions et non d’établir la preuve de faits dont dépend la solution du litige. Une telle demande ne peut donc prospérer.

Sur les dépens

Les époux [D], partie perdante, sont condamnés aux dépens de l’instance.

Sur l’article 700 du CPC

Compte tenu des circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

Vu les articles 145 et 835 du CPC,

Nous déclarons incompétent pour statuer sur la demande de provision de Monsieur [M] [D] et Madame [C] [N] épouse [D],

Déboutons Monsieur [M] [D] et Madame [C] [N] épouse [D] de leur demande de re-désignation de l’expert judiciaire,

Condamnons Monsieur [M] [D] et Madame [C] [N] épouse [D] aux dépens de l’instance,

Disons n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du CPC,

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Referes construction
Numéro d'arrêt : 24/01208
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;24.01208 ?
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