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21/08/2024 | FRANCE | N°24/00968

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Referes construction, 21 août 2024, 24/00968


T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________


O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION




RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/00968 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KDCR

MINUTE n° : 2024/ 378

DATE : 21 Août 2024

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT


DEMANDEUR

Syndicat des Copropriétaires [Adresse 10] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL AGENCE BENOIST, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 7]
représenté par Me Alain-david POTHET, a

vocat au barreau de DRAGUIGNAN


DEFENDEURS

Monsieur [H] [X], demeurant [Adresse 5] - [Localité 8]
représenté par Me Cécile LEGOUT, avocat...

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n° : N° RG 24/00968 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KDCR

MINUTE n° : 2024/ 378

DATE : 21 Août 2024

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDEUR

Syndicat des Copropriétaires [Adresse 10] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL AGENCE BENOIST, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 7]
représenté par Me Alain-david POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDEURS

Monsieur [H] [X], demeurant [Adresse 5] - [Localité 8]
représenté par Me Cécile LEGOUT, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [A] [X], demeurant [Adresse 1] - [Localité 6]
représentée par Me Cécile LEGOUT, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [V] [W] divorcée [P], demeurant [Adresse 10] - [Adresse 4] - [Localité 11]
représentée par Me Arnaud BILLIOTTET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 12 Juin 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Arnaud BILLIOTTET
Me Cécile LEGOUT
Me Alain-david POTHET

1 copie SCP ACTAZUR

1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à Me Arnaud BILLIOTTET
Me Cécile LEGOUT
Me Alain-david POTHET

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par actes d’huissier délivrés le 31 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires « [Adresse 10]» faisait assigner en référé les consorts [X] et Madame [P] sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Le syndicat des copropriétaires exposait qu’à la suite du décès le 26 février 2023 du propriétaire d’un lot de la copropriété correspondant à l’appartement [Adresse 3] du [Adresse 9] de [Adresse 10] à [Localité 11], le bien était détenu par l’indivision successorale constituée par les consorts [X] et Madame [P], celle-ci occupant le bien.

Rappelant les obligations des héritiers et des indivisaires aux termes du règlement de copropriété, et observant que des constructions illicites avaient été érigées sur le toit terrasse du lot, partie commune, et notamment un jacuzzi piscine, des jardinières en béton et des jarres sans avoir obtenu l’accord préalable du syndicat des copropriétaires, celui-ci demandait en application de l’article 145 du CPC la désignation de la SCP Actazur, commissaire de justice associée à Draguignan aux fins de procéder à toutes constatations utiles après avoir pénétré dans l’immeuble appartenant à l’indivision successorale avec mission de :

– se rendre dans le lot de copropriétés,
– décrire les constructions réalisées sur le toit terrasse,
– faire toutes constatations utiles des immeubles réalisés ou en cours de travaux,
– décrire très précisément la piscine et les jardinières en béton,
– décrire précisément la destination assignée au bâtiment,
– le cas échéant en prendre les mesures,
et dresser procès-verbal.

Par conclusions en réponse notifiée par voie électronique le 4 juin 2024, le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL AGENCE BENOIST observait que ces aménagements situés sur un toit terrasse devaient être compatibles avec l’étanchéité, l’isolation thermique et phonique, la capacité de support des aménagements et d’une manière générale la pérennité de l’ouvrage.

Il rappelait qu’en application de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 l’autorisation de l’assemblée générale n’était pas nécessaires au syndic qui mettait en œuvre des mesures conservatoires ou formait des demandes relevant du juge des référés.

Il soutenait que la demande de mesures probatoires préalablement à une action au fond fondée sur la loi du 10 juillet 1965 et sur le règlement de copropriété était légitime.

Il rappelait que les appropriations de parties communes se prescrivaient par 30 ans et observait que les défendeurs ne produisaient aucun élément de nature à démontrer que les ouvrages querellés avaient été réalisés depuis plus longtemps.

Le syndicat des copropriétaires persistait dans sa demande, concluait au rejet des prétentions adverses, demandait la condamnation de chacun des défendeurs à lui verser la somme de 1000€ en application de l’article 700 du CPC et à régler les dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, les consorts [X] soutenaient que les conditions requises par l’article 145 du CPC n’étaient pas satisfaites en l’absence d’intérêt légitime au motif notamment que l’action du syndicat des copropriétaires, personnelle et non réelle, était prescrite.

Les concluants rappelaient que le précédent propriétaire, la SCI Maxime, avait procédé à des travaux d’aménagement de la terrasse consistant en l’installation d’un bassin et de diverses plantations sans autorisation de la copropriété ni autorisation d’urbanisme. L’état daté du syndic était retranscrit à l’acte d’acquisition en date du 1er août 2012. En application de la loi du 23 novembre 2018, toute action relative à ces aménagements était prescrite depuis à tout le moins le 1er août 2022.

Aux termes de l’assignation le syndicat des copropriétaires n’avait pas entendu dénoncer une appropriation des parties communes mais la réalisation d’aménagements sur la terrasse partie commune à jouissance exclusive en violation du règlement de copropriété.

Par ailleurs le demandeur n’évoquait aucun dommage mais des difficultés potentielles, alors qu’aucun désordre n’était survenu depuis plus de 10 ans. De surcroît les difficultés éventuelles auraient touché l’appartement des indivisaires.

Les concluants observaient qu’ils n’avaient réalisé aucun aménagement par eux-mêmes. Ils ne vivaient pas sur place et ne pourraient répondre matériellement à l’injonction qui leur serait faite de laisser pénétrer dans les lieux un commissaire de justice. Le bien était occupé par Madame [W] – [P], compagne du défunt, depuis 2018.

Les défendeurs concluaient au rejet des demandes et à la condamnation du syndicat des copropriétaires à leur verser la somme de 2500 € en application de l’article 700 du CPC et à régler les dépens.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 11 juin 2024, Madame [W] divorcée [P] soutenait que la demande était dépourvue de motif légitime au sens de l’article 145 du CPC.

Le titre de propriété des consorts [X] mentionnait que les aménagements réalisés dataient d’au moins 2012. L’action initiée par le syndic en méconnaissance du règlement de propriété était de nature personnelle et soumise au délai de 10 ans. Elle était donc prescrite.

Par ailleurs, le syndic n’évoquait aucun désordre.

Madame [W] demandait donc le rejet de la demande et la condamnation du syndic à lui verser la somme de 2000 € en application de l’article 700 du CPC et à régler les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande du syndicat des copropriétaires

L’article 145 du CPC exige un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

"Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.”

Pour que le motif de l'action soit légitime, il faut et il suffit que la mesure soit pertinente et qu'elle ait pour but d'établir une preuve dont la production est susceptible d'influer sur la solution d'un litige futur ayant un objet et un fondement précis et non manifestement voué à l'échec.

Dès lors, le demandeur à la mesure doit justifier d'une action en justice future, sans avoir à établir l'existence d'une urgence. Il suffit que le demandeur justifie de la potentialité d'une action pouvant être conduite sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure soit possible. Il ne lui est pas demandé de faire connaître ses intentions procédurales futures. Il lui faut uniquement établir la pertinence de sa demande en démontrant que les faits invoqués doivent pouvoir l'être dans un litige éventuel susceptible de l'opposer au défendeur, étant rappelé qu'au stade d'un référé probatoire, il n'a pas à les établir de manière certaine.

“Il existe un motif légitime dès lors qu'il n'est pas démontré que la mesure sollicitée serait manifestement insusceptible d'être utile lors d'un litige ou que l'action au fond n'apparaît manifestement pas vouée à l'échec.” (Cour d'appel, Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 9 Juin 2022 – n° 21/11302)

Les défendeurs soutiennent que l’action qui serait éventuellement ouverte au syndicat des copropriétaires pour faire retirer les ouvrages querellés serait une action personnelle et non réelle.

La jurisprudence considère qu'il convient de distinguer les actions qui tendent à la cessation de l'abus de jouissance commis sur des parties communes qualifiées d'actions personnelles et donc soumises au délai de l'article 42 des actions visant à protéger le droit de propriété sur les parties communes qui elles peuvent être exercées pendant trente ans.

L’acte de vente du bien à l’auteur des défendeurs en date du 30 juillet 2018 rappelle que le vendeur était propriétaire du bien pour l’avoir acquis de la SCI Maxime aux termes d’un acte notarié en date du 13 mai 2014. Il résultait du titre de propriété du vendeur que la SCI Maxime avait procédé à des travaux d’aménagement de la terrasse consistant en l’installation d’un bassin et diverses plantations sans que cet aménagement ait fait l’objet d’une autorisation de la copropriété ni d’une quelconque autorisation d’urbanisme.

Aux termes de l’acte d’acquisition de la SCI Maxime en date du 1er août 2012 régulièrement publié, il a été littéralement reproduit le contenu de l’état daté du cabinet Benoît syndic de l’ensemble immobilier :
« Nota à l’acquéreur : les constructions présentes sur la terrasse (jacuzzi, cuisine d’été, salon de jardin, jardinières) n’ont obtenu ni autorisation en assemblée générale ni autorisation de travaux. La copropriété s’autorise donc le droit de procéder au démontage sous astreinte et à la remise en état d’origine de la terrasse.
L’acte de vente du 30 juillet 2018 précisait qu’il ne s’agissait pas d’un jacuzzi mais d’un bassin.”
L’acquéreur reconnaissait être informé de la situation et des inconvénients pouvant en résulter et supporterait “s’il y avait lieu le coût des travaux de remise en état des biens. »

En l’espèce l'aménagement du toit terrasse par la présence d'un bassin, de plantations dans des jarres et jardinières, dont la dimension ne permettait pas qu'ils puissent être déplacés sans intervention extérieure et d’un salon de jardin ne peut être considérer comme “léger”. L’auteur des défendeurs n’a pas régularisé la situation.

Il ne peut être exclu que ces installations constituent non un abus de jouissance mais un acte d'appropriation. Dès lors le syndicat des copropriétaires est légitime à soutenir que l'action éventuelle tendant à obtenir le rétablissement du toit terrasse dans son état d'origine est une action réelle se prescrivant par trente ans (Cass. 3e civ. 26 janvier 2017 – n° 15-25.144).

Par ailleurs le règlement de copropriété interdit de faire supporter aux dalles des balcons et terrasses une charge supérieure à la résistance déterminée par l’architecte de la copropriété en particulier par un apport de terre.

En l’espèce les clichés versés aux débats ne laissent pas de doute sur le poids des installations : bassin carrelé, plantation de véritables arbres dans les jardinières maçonnées. La charge de ces installations ainsi que la présence d’eau sont susceptibles de faire courir un risque à la construction en affectant la solidité du bâti.

L’argument des défendeurs selon lequel seul leur appartement pâtirait des désordres n’est pas recevable, la copropriété devant veiller à la préservation de la construction dans son ensemble.

Le syndicat des copropriétaires justifie donc doublement d’un motif légitime à faire actualiser l’état des lieux, 12 ans après l’établissement de la note susvisée du syndic de la copropriété.

La désignation d’un commissaire de justice, qui après avoir pris les convenances des parties, procédera aux constatations demandées, dans les strictes limites du nécessaire, ne paraît pas une mesure d’instruction disproportionnée par rapport au but poursuivi de préservation de l’intégrité des parties communes, fussent-elles à jouissance exclusive d’un seul copropriétaire.

Sur les dépens

Le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL AGENCE BENOIST conservera la charge des dépens de l’instance.

Sur l’article 700 du CPC

Il n’y a pas lieu en l’état de la procédure de faire application de l’article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

Vu l’ article 145 du CPC,

Désignons la SCP Actazur, commissaires de justice associés à Draguignan aux fins de procéder à toutes constatations utiles, après avoir pris les convenances des parties, et dans le strict respect de leur domicile, dans l’immeuble appartenant à l’indivision successorale de Monsieur [M] [N], composée de Monsieur [H] [X], Madame [A] [X], et Madame [O] [W] divorcée [P], soit le lot n° [Adresse 3] de l’ensemble immobilier situé à [Adresse 12], dénommé «[Adresse 10]», constitué, dans le [Adresse 9], d’un appartement de 2 pièces situé au 2e étage dans le couloir de gauche, première porte à gauche, auquel est attaché la jouissance exclusive d’une terrasse supérieure dont l’accès s’effectue par un escalier situé sur le balcon dudit appartement,

avec mission de :

– se rendre dans ledit lot de copropriété,
– décrire les constructions et aménagements réalisés sur le toit terrasse, notamment dans leurs dimensions et leur immobilisation éventuelle,
– faire toutes constatations utiles des aménagements et ouvrages réalisés ou en cours de travaux,
– décrire très précisément la piscine et les jardinières en béton,
– décrire précisément la destination assignée au bâtiment,
– le cas échéant en prendre les mesures,
et dresser procès-verbal du tout,

Aux frais du syndicat des copropriétaires de [Adresse 10] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL AGENCE BENOIST,

Condamnons le syndicat des copropriétaires de [Adresse 10] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL AGENCE BENOIST, aux dépens de l’instance,

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du CPC,

Déboutons les parties de leurs demandes pour le surplus.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Referes construction
Numéro d'arrêt : 24/00968
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Désigne un expert ou un autre technicien

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;24.00968 ?
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