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21/08/2024 | FRANCE | N°24/00960

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Referes generaux, 21 août 2024, 24/00960


T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R E F E R E


REFERE n° : N° RG 24/00960 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KD54

MINUTE n° : 2024/ 397

DATE : 21 Août 2024

PRESIDENT : Madame Nathalie FEVRE

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT




DEMANDERESSE

S.C.I. [Adresse 4], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Rémy CERESIANI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



DEFENDERESSE

S.A.S. JLK, dont le siège social est sis [Adresse 3]r>représentée par Me Jean-louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE



DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 05 Juin 2024, les parties comparant...

T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R E F E R E

REFERE n° : N° RG 24/00960 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KD54

MINUTE n° : 2024/ 397

DATE : 21 Août 2024

PRESIDENT : Madame Nathalie FEVRE

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDERESSE

S.C.I. [Adresse 4], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Rémy CERESIANI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDERESSE

S.A.S. JLK, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Jean-louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE

DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 05 Juin 2024, les parties comparantes ou leurs conseils ont été avisées que la décision serait rendue le 17 Juillet 2024 puis a été prorogée au 21 Aout 2024. L’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Rémy CERESIANI
Me Jean-louis DAVID

copie dossier

délivrées le

Envoi par Comci à Me Rémy CERESIANI
Me Jean-louis DAVID

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 6 novembre 2020, la SCI [Adresse 4] a donné à bail dérogatoire dans les termes de l’article L145-5 du code de commerce, à la SAS JLK des locaux à usage de restaurant, bar, épicerie fine situés [Adresse 2] à [Localité 5] pour une durée d’un an se terminant le 5 novembre 2021.
Deux avenants ont été conclus :
-le 1er en date du 23 novembre 2021 pour la période du 6 novembre 2021 au 15 janvier 2023,
-le second en date du 13 janvier 2023 pour la période du 16 janvier 2023 au 5 novembre 2023.
A l’expiration du bail, la SAS JLK a revendiqué la propriété commerciale et refusé de déguerpir en dépit des sommations qui lui ont été adressées les 26 octobre 2023 et 3 novembre 2023.

Par acte du 31 janvier 2024, la SCI [Adresse 4] a fait assigner la SAS JLK à comparaître devant le président du tribunal judiciaire statuant en référé pour obtenir son expulsion et sa condamnation au paiement provisionnel d’une indemnité d’occupation journalière de 500 euros, outre 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS JLK aux termes de ses conclusions notifiées via le RPVA le 30 mai 2024 et développées à l’audience, soutient l’incompétence du juge des référés pour statuer sur les demandes au profit du juge de la mise en état désigné dans le cadre de l’instance au fond qu’elle a introduite par assignation du 24 octobre 2023, pour se voir reconnaître le bénéficie du statut des baux commerciaux.
Elle sollicite le rejet des demandes d’expulsion et de condamnation à une indemnité provisionnelle en présence d’une contestation sérieuse sur la qualification du contrat et sur la constatation de la résiliation du bail, les conventions liant les parties ayant conduit à une occupation sans discontinuer depuis plus de 3 ans, celle-ci ayant débuté par un bail dénommé saisonnier le 1er juin 2020.
Elle demande à séquestrer les loyers et la condamnation de la SCI [Adresse 4] à lui payer la somme de 3800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI [Adresse 4], aux termes de ses conclusions notifiées via le RPVA le 3 juin 2024 et reprises à l’audience, soutient la compétence du juge des référés pour ordonner l’expulsion de la SAS JLK dont le bail précaire à pris fin le 5 novembre 2023.
Il demande subsidiairement la transmission du dossier au juge de la mise en état en cas d’incompétence.
Elle réitère ses demandes faisant valoir l’absence de contestation sérieuse sur la fin du bail et la volonté des parties de déroger au statut des baux commerciaux ainsi que la sienne de voir la locataire quitter les lieux manifestés à deux reprises, que la durée du bail saisonnier antérieur ne doit pas être prise en compte, que l’indemnité demandée n’est que l’application des clauses du bail.
Elle sollicite le rejet de la demande de séquestre de loyers en l’absence de bail.

A titre subsidiaire sur ce point, elle demande que la somme de 500 euros par jour lui soit versée à concurrence de 3000 euros par mois et séquestrée pour le surplus et qu’il soit dit que ces sommes viendront en déduction de l’indemnité d’occupation ou des loyers selon s’il est ou non fait droit à la demande de requalification par le juge du fond.
Elle sollicite enfin 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Le dernier avenant en date du 13 janvier 2023 au bail de courte durée initial, a été conclu pour la période du 16 janvier 2023 au 5 novembre 2023, « date extrême à laquelle le preneur, ses successeurs ou ayants-droits devront avoir vidé les lieux de toutes personnes, matériels, marchandises et autres biens et les laisser propres et en bon état » ( sic).

L’article 835 du code de procédure civile prévoit : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

Le bail prévoit en outre qu’« au cas où le preneur se maintiendrait dans les lieux à l’issue du terme prévu ci-dessus, il pourra en être expulsé sur simple ordonnance de référé rendue à la demande du bailleur par le président du tribunal judiciaire compétent».

Il est constant que la SAS JLK a saisi le présent tribunal au fond pour se voir reconnaître la propriété commerciale, que le juge de la mise en état est désigné dans cette instance depuis le 23 janvier 2024, que l’assignation en référé a été délivrée dans la présente instance le 31 janvier 2024 soit postérieurement à cette désignation et qu’en application de l’article 789 du code de procédure civile :
« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

2° Allouer une provision pour le procès ;

3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;

6° Statuer sur les fins de non-recevoir ».

Il résulte cependant de ce texte que le juge de la mise en état n’est pas compétent pour ordonner une expulsion qui n’a pas de caractère provisoire.
La demande de constatation de la résiliation de plein droit du bail s’analyse par ailleurs en une constatation de la survenance de son terme.
Il s’agit d’un moyen au soutien de la demande d’expulsion et non d’une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

L’article L145-5 du code de commerce prévoit :
« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier…/ … ».
La durée du dernier avenant au bail dérogatoire, dont la durée cumulée totale n’était pas supérieure à 3 ans, expirait le 5 novembre 2023.

Il résulte des pièces produites que le 26 octobre 2023, la bailleresse rappelait ce terme à la locataire, lui demandait de restituer les lieux le 6 décembre 2023 et lui faisait délivrer le 3 novembre 2023 une sommation de déguerpir démontrant en cela son refus de la voir se maintenir dans les lieux au terme du bail, empêchant la naissance de droit d’un bail soumis au statut en application de l’alinéa 2 du texte, et en dépit du courrier du 20 septembre 2023 de la locataire prétendant au bénéfice du statut depuis le 1er juin 2023.

Il résulte des pièces produites qu’un premier bail saisonnier a été conclu le 19 juin 2020 pour la période du 1er juin 2020 au 5 novembre 2020 entre la SCI [Adresse 4] et Messieurs [V] et [U], « agissant en qualité de fondateurs de la SAS JLK ».

L’article L145-5 ne s’appliquant pas aux baux saisonniers, le succès potentiel de la demande de la SAS JLK est conditionné à la requalification de ce bail datant du 19 juin 2020 en bail dérogatoire pour permettre le cumul de sa durée avec celle des baux dérogatoires conclus à compter du 6 novembre 2020 et générer le bénéfice de droit au statut des baux commerciaux.
La question de la prescription de l’application de l’article L145-60 du même code.

Il résulte de ces éléments que la contestation élevée au fond par la SAS JLK n’est pas de nature à enlever à l’atteinte causée à la propriété de la SCI [Adresse 4] par le maintien dans les lieux d’un occupant sans droit ni titre depuis le terme du bail le 5 novembre 2023, son caractère de trouble illicite manifeste auquel le juge des référés doit mettre fin en ordonnant l’expulsion conformément à l’article 835 du code de procédure civile et aux clauses du contrat.

Quant au versement d’une indemnité journalière telle que prévue par le bail à hauteur de 500 euros, la compétence prétendue du juge de la mise en état saisi de l’instance au fond par la SAS JLK n’est pas justifiée, cette procédure n’ayant pas pour objet au vu de l’assignation de statuer sur une demande d’expulsion à son égard.

Il sera fait droit à la demande non sérieusement contestable en l’état de l’occupation sans titre et des clauses du bail liant les parties.

En l’absence de bail en cours, il n’y a pas lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la SAS JLK tendant à séquestrer les loyers.

La défenderesse qui succombe supportera les dépens et le paiement de la somme de 3800 euros sur le fondement de l’article700 du code de procédure civile, montant auquel la défenderesse elle-même évalue les frais irrépétibles engagés dans la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Nous Nathalie Fèvre, présidente, statuant en référé, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Vu le terme du bail dérogatoire au 5 novembre 2023,

REJETONS l’exception d’incompétence,

ORDONNONS l’expulsion de la SAS JLK, de toute personne, matériels, marchandises et autres biens de leur chef des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 5] dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et passé un délai de 2 mois à compter de celle-ci avec le concours d’un serrurier et de la force publique,

CONDAMNONS la SAS JLK à payer à la SCI [Adresse 4] une indemnité provisionnelle journalière d’occupation de 500 euros par jour à compter du 6 novembre 2023,

DISONS n’y a voir lieu à référé sur la demande reconventionnelle en séquestre des loyers,

CONDAMNONS la SAS JLK aux dépens,

CONDAMNONS la SAS JLK à payer à la SCI [Adresse 4] la somme de 3800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Referes generaux
Numéro d'arrêt : 24/00960
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;24.00960 ?
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