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21/08/2024 | FRANCE | N°23/07912

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Contentieux presidence, 21 août 2024, 23/07912


T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
____________

JUGEMENT
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND


REFERE n° : N° RG 23/07912 - N° Portalis DB3D-W-B7H-KAVW

MINUTE n° : 2024/ 114

DATE : 21 Août 2024

PRESIDENT : Madame Nathalie FEVRE

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT




DEMANDEUR

Monsieur [G] [V], demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]
représenté par Me Philippe BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



DEFENDERESSE

Madame [M] [P], demeurant [Adresse 3] - [Localité

1]
représentée par Me Clarisse MAGE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN


DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 05 Juin 2024, les parties comp...

T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
____________

JUGEMENT
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND

REFERE n° : N° RG 23/07912 - N° Portalis DB3D-W-B7H-KAVW

MINUTE n° : 2024/ 114

DATE : 21 Août 2024

PRESIDENT : Madame Nathalie FEVRE

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDEUR

Monsieur [G] [V], demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]
représenté par Me Philippe BARTHELEMY, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEFENDERESSE

Madame [M] [P], demeurant [Adresse 3] - [Localité 1]
représentée par Me Clarisse MAGE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 05 Juin 2024, les parties comparantes ou leurs conseils ont été avisées que la décision serait rendue le 17 Juillet 2024 puis a été prorogée au 21 Aout 2024. La décision a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Philippe BARTHELEMY
Me Clarisse MAGE

copie dossier

délivrées le

Envoi par Comci à Me Philippe BARTHELEMY
Me Clarisse MAGE

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [G] [V] et Madame [M] [P] ont divorcé selon jugement définitif du juge aux affaires familiales de Draguignan en date du 13 décembre 2011.
Les époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, étaient propriétaires d’une maison située [Adresse 4] à [Localité 5] qu’ils avaient acquise à hauteur de moitié indivise chacun, dont la jouissance avait été attribuée à titre onéreux à Madame [P] par l’ordonnance de non conciliation du 15 décembre 2009, date à laquelle le jugement a fixé la date des effets du divorce entre les époux.

Faisant valoir que Madame [P] l’occupe ou le loue sans qu’il en retire les bénéfices, Monsieur [G] [V] a, par acte du 30 octobre 2023, fait assigner Madame [M] [P] à comparaître devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan statuant selon la procédure accélérée au fond pour obtenir la condamnation de cette dernière, sur le fondement de l’article 815-11 du code civil à lui payer la somme de 210000 euros au titre de sa part annuelle dans les bénéfices ainsi que 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées via le RPVA le 3 juin 2024, reprises à l’audience, Madame [P] soulève la prescription de la demande pour la période antérieure au 30 octobre 2018 et en sollicite le rejet pour la période postérieure en présence de contestations sérieuses, le rez-de-chaussée du bien immobilier n’ayant pas été loué du 12 avril 2019 au 29 mai 2021 et étant libre de toute occupation depuis le 29 juin 2023 et l’étage, n’étant plus occupé par elle depuis avril 2019.
Elle indique également que Monsieur [V] n’a payé ni sa part contributive à l’entretien des 3 enfants, ni les dommages et intérêts qu’il lui doit en vertu du jugement de divorce, qu’il n’existe pas de fonds disponibles, qu’elle continue à payer les frais et charges de l’indivision, que la valeur locative ne saurait être supérieure à 1600 euros affectée d’un abattement pour précarité de l’occupation de 30% , pour vétusté de 25% et pour hébergement habituel des enfants de 20% .
Elle sollicite enfin le rejet de la demande de communication de pièces sous astreinte considérant avoir fourni ce qui était demandé et que l’intérêt pour le litige des autres pièces n’est pas établi.
Elle demande 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées via le RPVA le 31 mai 2024 reprises à l’audience, Monsieur [V] réitère ses demandes et sollicite le rejet de la prescription non soulevée in limine litis, le débouté des demandes de compensation à hauteur de 59971.92 euros et sa condamnation sous astreinte à communiquer diverses pièces listées dans ses écritures auxquelles il est renvoyé pour un complet listing.
Il demande également 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

L’article 815-9 du code civil prévoit : « Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ».
L’article 815-10 du même code prévoit : « Sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l'ensemble des indivisaires, en emploi ou remploi des biens indivis.
Les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.
Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.
Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision ».

L’article 815-11 du code civile prévoit : « Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir ».

Il résulte de ces textes que :
-l’indivisaire qui use ou jouit privativement du bien indivis et, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité,
-l’indemnité d’occupation est un revenu de l’indivision,
-que comme tout revenu de l’indivision, il ne peut être recherché plus de 5 ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l’être,
-qu’un indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices et qu’en cas de contestation, le président peut ordonner une répartition provisionnelle de ceux-ci.

1-sur la prescription

L’article 122 du code de procédure civil prévoit : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
Et l’article 123 du même code : « Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ».

Le moyen de prescription n’est donc pas une exception, mais une fin de non recevoir qui peut être proposé en tout état de cause et n’a donc pas à être soulevée « in limine litis » : il est recevable.

Le point de départ de la prescription de la demande relative aux revenus de l’indivision et donc l’indemnité d’occupation est, au regard des dispositions de l’article 2236 du code civil qui suspend la prescription entre époux, la date à laquelle le jugement de divorce du 13 décembre 2011 a acquis force de chose jugée, à savoir en l’espèce le 4 mars 2012 à l’expiration du délai d’appel (signification du 3 février 2012 +1 mois).
L’assignation délivrée le 2 décembre 2013 qui a donné lieu au jugement du 10 janvier 2018 déclarant la demande en partage initiée par Monsieur [V] irrecevable, n’a pas interrompu la prescription.
En effet si l’article 2242 du code civil prévoit que « l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance », l’article 2243 du même code prévoit quant à lui que «  l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».

Le jugement du 10 janvier 2018 n’a pas été frappé d’appel et est définitif.
L’article 2243 du code civil ne distinguant pas quant au rejet de la demande si celui-ci résulte d’une fin de non recevoir ou un moyen de fond, l’effet interruptif de l’assignation du 2 décembre 2013 et de l’instance subséquente est non avenu.
Monsieur [V] ne se prévaut ni ne justifie d’aucun autre acte interruptif avant l’assignation du 30 octobre 2023 de sorte que les bénéfices ne peuvent plus être recherchés antérieurement au 30 octobre 2018.

2-sur la demande de répartition provisionnelle des bénéfices

Il n’est pas contesté qu’initialement Madame [P] s’est vu attribuée la jouissance du bien immobilier indivis et que depuis le jugement de divorce au moins, Monsieur [V] n’en a pas les clés et ne peut en jouir ni en user à la différence de cette dernière.

Le bien est composé d’un logement au rez-de-chaussée et d’un logement à l’étage ainsi que cela résulte de la procédure de divorce (ONC et jugement de divorce), que Madame [P] occupait elle-même l’étage avec les enfants du couple et que le rez-de-chaussée étant loué sous forme de gîte.

Le mandat de vente du bien signé des époux le 3 septembre 2010 au profit de la SARL [9], les autres en pièce 10 et 11 de la défenderesse étant illisibles sur ce point mentionne :
-rez-de-chaussée : deux chambres, salle à manger, coin cuisine, salle d’eau,
-1er étage :deux chambres -salle à manger- cuisine-salle de bains-terrasses couvertes,
-SH 285 m2,
Le mandat confié à l’agence [10] le 20 avril 2016 mentionne également 3 chambres et une salle de jeux dans les combles.

Concernant le rez-de-chaussée :
-l’attestation de « [7] » établit que cette activité a cessé au 1er janvier 2016,
-les locataires qui réglaient 920 euros par mois dont 120 euros de provision pour charges (LEBON selon sommation du 16 mai 2017 et relevé [11]-pièce 25) ont restitué les lieux le 12 avril 2019 (courriel de [11]),
-un nouveau contrat de location (71.49 m2) a été conclu à effet du 29 mai 2021 au prix de 860 euros + provision pour charges, qui a pris fin le 29 juin 2023.

Concernant l’étage, Madame [P] vit de manière certaine au quotidien depuis l’automne 2019 avec son nouveau compagnon à [Localité 12] (attestation pièce 19) : cette situation de fait est confirmée par les résiliations de contrat et fin de fourniture d’électricité au 20 septembre 2019 et gaz au 29 octobre 2019 (pièce 43).

Les factures [13] (eau) qui ne mentionnent que 5m3 de consommation entre le relevé du 21/11/2019 (2355) et le relevé du 30/11/2020 (2360) ou encore celui du 25 mai 2021 (8m3) confirment ces éléments.

S’agissant de la répartition provisionnelle :
-le plus récent avis ([8]) mentionne une valeur locative du bien dans son ensemble en l’état de 1600 euros par mois en 2016.
-le loyer perçu pour le rez-de-chaussée était en 2019 de 800 euros et en 2021 de 860 euros.
-l’étage qui permet également un accès aux combles comprenant 3 chambres supplémentaires soit 5 en tout est donc d’une valeur locative supérieure qui peut être fixée à 1200 euros.
-la précarité d’occupation de l’étage de Madame [P] s’agissant d’un bien indivis dont le sort est destiné à être réglé dans le cadre des opérations de partage, donne lieu à un abattement estime à 30% de la valeur locative.

Pour la période non prescrite d’occupation à compter du 30 octobre 2018 et jusqu’à la date de l’assignation (30 octobre 2023), l’indemnité d’occupation sera, dans le cadre de la demande, ainsi fixée :
*1er étage
-30 octobre 2018 au 30 septembre 2019 :1200-360 (30%) =840*11=9240 euros ;
*rez-de-chaussée
-30 octobre 2018 au 12 avril 2019 : 800x5+272.03 euros (pièce 18)= 4272.03 euros ;
-29 mai 2021 au 29 juin 2023 : 25x860=21500 euros ;
Soit au total 35060 euros.

Au cours de la même période, Madame [P] justifie avoir payé seule au titre des frais nécessaires à la conservation du bien, les factures d’électricité, de gaz ou d’eau ressortant de l’occupation par l’indivisaire:
-le prêt immobilier à hauteur de 624.65 euros x 6+660,53 (du 5 novembre 2018 au 5 mai 2019, fin du prêt selon tableau d’amortissement) = 4408.43 euros ;
-les taxes foncières 2018 pour 2161 euros, 2021 pour 2243 euros, 2022 pour 2401 euros, 2023 pour 2579 euros= 9384 euros ;
-l’assurance du bien de 2018 à 2023 : 1010,36(2018)+1124.09(2019)+681.58 (2020 :immeuble seulement)+476.30 (2021:idem)+500.81(2022:idem)+450.79 euros(au 30/10/2023 :idem)=4243.93 euros ;
-les travaux de remplacement de la chaudière en 2022 pour 3363.80 euros.
Soit au total 21400.16 euros.

Le « bénéfice » peut ainsi ressortir à 13660 euros sur la période soit 6830 euros pour chacun des ex-époux et la question de l’existence de fonds disponible ne se pose pas.

Cependant, en l’absence de tout élément quant à un projet de comptes, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux et au regard des sommes engagées par Madame [P] au titre des frais relatifs à l’entretien et l’éducation des deux derniers enfants du couple [K] et [H] (nées en 1998 et 2000), cette dernière au mois étant encore scolarisée en 2019/2020 (IPAG) en l’absence de toute contribution de Monsieur [V], il n’y a pas lieu à ordonner la répartition provisionnelle de celui-ci.

Monsieur [G] [V] sera en conséquence débouté de ses demandes, supportera les dépens et le paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nathalie Fèvre, présidente, statuant selon la procédure accélérée au fond, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT le moyen de prescription recevable,

DIT la demande prescrite pour la période antérieure au 30 octobre 2018,

DEBOUTE Monsieur [G] [V] de ses demandes,

CONDAMNE Monsieur [G] [V] aux dépens,

CONDAMNE Monsieur [G] [V] à payer à Madame [M] [P] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Contentieux presidence
Numéro d'arrêt : 23/07912
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;23.07912 ?
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