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06/08/2024 | FRANCE | N°22/06789

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Chambre 3 - construction, 06 août 2024, 22/06789


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 - CONSTRUCTION

************************

DU 06 Août 2024
Dossier N° RG 22/06789 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JTQH
Minute n° : 2024/217

AFFAIRE :

S.C. LABHEAVEN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, S.C. LA FERME DU GRAND BORNAND, agissant poursuites et diligences de son représentant légal C/ S.A.S. LA BELLE FORGE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal



JUGEMENT DU 06 Août 2024




COMPOSITION DU TRI

BUNAL :

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO, Vice-Président, statuant à juge unique

Directrice des services de Greffe lors ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 - CONSTRUCTION

************************

DU 06 Août 2024
Dossier N° RG 22/06789 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JTQH
Minute n° : 2024/217

AFFAIRE :

S.C. LABHEAVEN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, S.C. LA FERME DU GRAND BORNAND, agissant poursuites et diligences de son représentant légal C/ S.A.S. LA BELLE FORGE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal

JUGEMENT DU 06 Août 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO, Vice-Président, statuant à juge unique

Directrice des services de Greffe lors des débats : Madame Fanny RINAUDO
GREFFIERE lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 Mai 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Août 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :
Me Alain-David POTHET de la SELAS CABINET POTHET
Me Lionel ESCOFFIER

Délivrées le 06 Août 2024

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSES :

S.C. LABHEAVEN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 4]

S.C. LA FERME DU GRAND BORNAND, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 4]

représentées par Maître Alain-David POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSE :

S.A.S. LA BELLE FORGE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège social est sis PROTECT METAL - [Adresse 5] - [Localité 2]

représentée par Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

D’AUTRE PART ;

******************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les sociétés luxembourgeoises SC LABHEAVEN et LA FERME DU GRAND BORNAND SC sont respectivement propriétaires des villas dénommées [Adresse 3] 1 dite « d'en haut » et [Adresse 3] 2 dite « d'en bas » sises [Adresse 6] à [Localité 7].

Les deux sociétés ont entrepris des travaux de rénovation et d'extension de bâtiments pour un montant estimatif de 4.197.807 euros TTC et ont fait appel à Monsieur [P] [S], architecte, pour la maîtrise d'œuvre de ces travaux.

Au titre du marché du neuf et de la rénovation, elles ont confié à la SAS LA BELLE FORGE la conception, la fabrication et la mise en œuvre des baies en acier et autres produits de l'enveloppe ou de la menuiserie extérieure et des charpentes métalliques pour les villas 1 et 2.

Les travaux de menuiserie ont été facturés sur la période du 29 novembre 2016 au 24 mai 2018.

Se plaignant de désordres affectant principalement le revêtement des menuiseries et ossatures, constatés par huissier de justice le 29 mai 2018, les sociétés SC LABHEAVEN et LA FERME DU GRAND BORNAND SC ont, par exploits d'huissier de justice des 17 et 18 octobre 2018, fait assigner en référé-expertise la SAS LA BELLE FORGE, l'assureur dommages-ouvrage et l'assureur du maître d'œuvre.

Par ordonnance rendue le 19 décembre 2018, le juge des référés du présent tribunal a fait droit à la demande en désignant un expert chargé notamment d'examiner les désordres en litige au contradictoire des parties assignées et de Monsieur [S] appelé en cause durant l'instance de référé.

D'autres parties ont été mises en cause en référé, notamment la société de Monsieur [S], ses assureurs successifs, ainsi que l'assureur de la SAS LA BELLE FORGE, les opérations d'expertise menées par l'expert Monsieur [D] [U] se déroulant au contradictoire de ces parties.

Avant dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 9 novembre 2022, sur la base du pré-rapport en date du 20 avril 2022 et suivant exploit de commissaire de justice en date du 12 octobre 2022, les sociétés LA FERME DU GRAND BORNAND et LABHEAVEN ont fait assigner la SAS LA BELLE FORGE devant le tribunal judiciaire de Draguignan afin de solliciter, à titre principal et sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la réparation de leurs divers préjudices.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2024, la société de droit luxembourgeois SC LABHEAVEN et la société de droit luxembourgeois LA FERME DU GRAND BORNAND SC sollicitent du tribunal de :

CONDAMNER la SAS LA BELLE FORGE à payer à la SCIF LABHEAVEN (villa [Adresse 3] 1) les sommes suivantes :

- 15.360 euros HT, soit avec une TVA à 20 % la somme de 18.432 euros TTC au titre des trois baies vitrées ;

- 2.800 euros HT, soit avec une TVA à 20 % la somme de 3.360 euros TTC au titre des frais de nettoyage ;

- 30.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

CONDAMNER la SAS LA BELLE FORGE à payer à la société LA FERME DU GRAND BORNAND SC (villa [Adresse 3] 2) les sommes suivantes :

- 3.800 euros HT, soit avec une TVA à 20 % la somme de 4.560 euros TTC au titre du portillon ;

- 28.000 euros HT, soit avec une TVA à 20 % la somme de 33.600 euros TTC au titre des deux abris de voiture ;

- 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

CONDAMNER la SAS LA BELLE FORGE à payer à la SCIF LABHEAVEN et à la société LA FERME DU GRAND BORNAND SC au titre du préjudice de jouissance :

en ce qui concerne la société LABHEABEN, 2 % de la valeur locative annuelle que l'on peut quantifier à 300.000 euros par an entre 2018 et les premières conclusions de l'expert soit la somme totale de 1.200.000 euros ;
en ce qui concerne la société LA FERME DU GRAND BORNAND, 5 % de la valeur locative annuelle que l'on peut quantifier à 200.000 euros par an entre 2018 et les premières conclusions de l'expert soit la somme totale de 800.000 euros ;
CONDAMNER la SAS LA BELLE FORGE à payer à la SCIF LABHEAVEN et la société LA FERME DU GRAND BORNAND SC la somme de 14.400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETER toutes demandes plus amples ou contraires présentées par la société LA BELLE FORGE ;

DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

S'ENTENDRE CONDAMNER aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise de Monsieur [D] [U] taxés à la somme de 18.131 euros et dire que la SELAS CABINET POTHET, avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions fondées sur l'article 1231-1 du code civil, les requérantes exposent :

- que le rapport d'expertise judiciaire objective la responsabilité de la défenderesse dans les désordres ; qu'il a notamment été réalisé un rapport par le sapiteur en revêtement désigné par l'expert, qui conclut que les éléments métalliques présentent des points et plages d'oxydation constituant des défauts d'aspect, que la fonction anticorrosion est perdue et que la corrosion va prospérer ;

- qu'il est relevé pour la villa [Adresse 3] 1 des points d'oxydation aux droits des singularités constructives des baies vitrées de la véranda, ayant pour origine des eaux stagnantes au niveau des parcloses horizontales et le fait qu'ainsi les eaux propres des ouvrages verticaux de façade sont piégées ; que les travaux de reprise sont estimés à 18.432 euros TTC, outre les frais de nettoyage ;

- que concernant la villa [Adresse 3] 2, les démarrages de corrosion au niveau des parties courantes des profilés des deux abris de voiture résultent, outre l'absence de préparation des surfaces, de système anticorrosion trop faible en épaisseur sèche pour assurer une protection pérenne ; que les travaux de reprise sont estimés à 18.432 euros TTC ;

- que le portillon métallique comporte de nombreuses plages de corrosion, un revêtement thermolaqué non adhérent au support et se décollant par plaques, ces désordres étant susceptibles d'évoluer ; que le portillon n'a pas été correctement traité en préparation de surfaces ; que les travaux de reprise sont estimés à 4.560 euros TTC ;

- que les préjudices de jouissance subis par les deux sociétés sont avérés depuis 2018, évalués respectivement à 2 % et 5 % de la valeur locative ; que la valeur locative d'une telle propriété étant considérable, il sera réclamé des sommes totales de 1.200.000 euros pour la société LABHEAVEN et de 800.000 euros pour la société LA FERME DU GRAND BORNAND au vu des justificatifs de perte fournis.

Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2023, la SAS LA BELLE FORGE sollicite du tribunal, outre d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture, demande à laquelle il a été fait droit, de :

DEBOUTER purement et simplement les sociétés LABHEAVEN et LA FERME DU GRAND BORNAND de leurs demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER les sociétés LABHEAVEN et LA FERME DU GRAND BORNAND à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions au visa de l'article 784 du code de procédure civile, la défenderesse fait valoir :

- que son assureur AXA FRANCE IARD n'a pas été attrait en la cause alors qu'il était présent lors des opérations d'expertise judiciaire ; que les garanties de la responsabilité civile générale n'ont pas été mobilisées, notamment car le préjudice de jouissance retenu n'est pas justifié et infime ; que les opérations d'expertise ont été réalisées dans la pièce de la villa [Adresse 3] 1, parfaitement habitable ;

- que les abris voiture ont seulement quelques taches de rouilles au sol, véhicules et matériels agricoles stationnés dans le carport le plus éloigné ;

- que l'architecte Monsieur [S] a validé les devis présentés, qui contenaient les matériaux utilisés et la nature du traitement à utiliser ; qu'un réel défaut d'entretien des ouvrages a été constaté ; que la condensation importante sur les fenêtres de la villa [Adresse 3] 1 et l'absence d'aération de la pièce expliquent la présence d'eau et ainsi la rouille constatée ;

- qu'elle a réalisé les carports selon les préconisations de l'architecte ;

- qu'elle n'a pas apposé de peintures de finition, s'agissant d'un lot attribué à un autre entrepreneur.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure rendue le 18 septembre 2023 a été révoquée par le président de l'audience de plaidoirie du 14 décembre 2023, avant l'ouverture des débats et sur demande du conseil du défendeur. La nouvelle date de clôture a été fixée au 22 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes principales

Les requérantes fondent leurs prétentions sur la responsabilité contractuelle prévue à l'article 1231-1 du code civil, selon lequel « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement des dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure » ; en matière de contrat de louage d'ouvrage, il est admis que l'entrepreneur est débiteur envers le maître de l'ouvrage d'une obligation de résultat qui implique la réalisation d'un ouvrage exempt de vice.

Le rapport d'expertise judiciaire en date du 9 novembre 2022 conclut :

- concernant la villa [Adresse 3] 1 appartenant à la société SC LABHEAVEN, que les particularités constructives de la véranda exposeront l'ouvrage dans ses singularités constructives à une humidité permanente même si son revêtement est repris dans son intégralité ; que l'absence de drainage des eaux de condensation des doubles vitrages isolants des menuiseries générera des dommages futurs et certains qui pourront opacifier les volumes verriers par un excès d'humidité dans l'espace d'air déshydraté en conséquence des feuillures à verre non drainées ; que ces dommages résultent des malfaçons d'exécution des menuiseries extérieures ; que ces désordres d'oxydation n'affectent pas l'ouvrage dans un de ses éléments d'équipement, et sont qualifiés de défaut d'aspect qui se généralisent, la densité des points d'oxydation étant assez élevée mais leur superficie restant limitée ; que l'expert souligne néanmoins que l'environnement de la construction et les circonstances dans lesquelles l'ouvrage est utilisé constituent notamment des critères d'appréciation ; à ce titre, si les désordres sont esthétiques, les requérantes soulignent que la villa est de très haut standing de sorte que ces désordres, récurrents et apparus peu de temps après la fin des prestations, engagent la responsabilité contractuelle de la défenderesse ayant manqué à son obligation de résultat ; la défenderesse soutient un défaut d'entretien manifeste des ouvrages ainsi que la condensation importante sur les fenêtres de la villa, conjuguée à l'absence d'aération de la pièce, mais ces éléments ne sont pas confirmés par les constatations de l'expert judiciaire alors que les malfaçons d'exécution des menuiseries extérieures sont en cause ; les travaux de reprise ont été estimés contradictoirement durant les opérations d'expertise selon étude du sapiteur à 15.360 euros hors-taxe, soit 18.432 euros TTC, outre les frais de nettoyage estimés par l'expert à 2.800 euros hors-taxe, soit 3.360 euros TTC ; ces sommes seront retenues alors que les autres devis fournis par les parties ne comportent pas selon l'expert judiciaire suffisamment de certitudes sur le type de profil de surface en terme de préparation, ni aucune définition de la nature des produits, ni encore aucune épaisseur de revêtement à respecter ;

- concernant la villa [Adresse 3] 2 appartenant à la société LA FERME DU GRAND BORNAND SC, que les eaux propres de ruissellement des abris voiture ont polluées d'oxyde de fer et maculent le revêtement de sol des parkings ; que ces dommages affectent les parkings 1 et 2 de la villa et résultent de malfaçons d'exécution, matérialisés par des points d'oxydation et de nombreuses plages de corrosion du fait d'une préparation insuffisante ; que ces derniers désordres, situés aux droits des singularités constructives, affectent principalement l'esthétique ; que les points d'oxydation n'affectent que le revêtement des profilés qui semblent surdimensionnés, mais en l'absence de note de calcul, cela n'est pas justifié ; qu'il s'agit également de défauts d'aspect qui se généralisent ; la défenderesse relève à raison la présence d'une maîtrise d'œuvre, confiée à Monsieur [P] [S] et à la SARL PROPERTY DEVELOPMENT & CONSULTING, lesquels ont notamment déploré l'absence de document d'étude, tout en acceptant cependant le devis réalisé par la société LA FERME DU GRAND BORNAND et en outre la réception de l'ouvrage en litige ; pour ces raisons, l'expert judiciaire préconise la part de 30 % de responsabilité à imputer aux maîtres d'œuvre ; l'expert judiciaire rappelle toutefois que le locateur d'ouvrage a cru pouvoir s'exonérer des études prévues dans les conventions écrites dressées, alors qu'elles faisaient partie intégrante de son marché ; il en résulte que les maîtres d'œuvre ont contribué pour partie aux désordres, mais que les manquements à l'obligation de résultat de la société LA BELLE FORGE sont caractérisés au vu des malfaçons d'exécution ; il sera déduit du montant des réparation le taux de 30 % fixé par l'expert judiciaire, qui paraît adapté aux manquements respectifs des intervenants à la construction, n'ayant pas commis de fautes de concert ; de même, les malfaçons concernent le traitement anti-corrosion du revêtement d'ouvrages de clos et de couverts pour les marchés de construction et la rénovation de bâtiment neuf et existant si bien qu'elles n'impliquent pas un autre entrepreneur qui serait chargé des peintures de finition, mais bien le marché confié à la société défenderesse ; il sera également rappelé que la villa est de très haut standing et ainsi incompatible avec des problématiques de corrosion apparues peu de temps après l'achèvement de l'ouvrage et peu important le caractère mineur des taches de rouille constatées à plusieurs endroits ; les travaux de reprise ont été estimés à contradictoirement durant les opérations d'expertise à 28.000 euros hors-taxe, soit 33.600 euros TTC ; cette somme sera retenue alors que les autres devis fournis par les parties ne comportent pas selon l'expert judiciaire suffisamment de certitudes sur le type de profil de surface en terme de préparation, ni aucune définition de la nature des produits, ni encore aucune épaisseur de revêtement à respecter ; le montant de la réparation due par la défenderesse étant fixé à 70 % du total, la somme TTC de 23.520 euros sera retenue de ce chef ;

- concernant le portillon appartenant à la société LA FERME DU GRAND BORNAND SC, qu'il existe des dégradations des revêtements affectant son ouverture, sa fermeture et son verrouillage, les liaisons aux droits des assemblages sont affectées ; que le portillon comporte de nombreuses plages de corrosion du fait d'une préparation insuffisante et pour certaines, situées aux droits des singularités constructives ; que ces plages de corrosion affectent principalement l'esthétique mais aussi le bon fonctionnement de l'ouvrant ; que les points et plages d'oxydation n'affectent que le revêtement des profilés et partiellement le bon fonctionnement du portillon et sont matérialisés par un contact parasitaire ; qu'ils sont encore qualifiés de défauts d'aspect qui se généralisent ; que cette difficulté d'exécution est imputable à la société défenderesse, ayant manqué à son obligation de résultat ; les travaux de reprise ont été estimés contradictoirement durant les opérations d'expertise à 3.800 euros hors-taxe, soit 4.560 euros TTC ;

- que l'expert judiciaire valide le principe d'un préjudice de jouissance des deux villas par les sociétés requérantes, les parties des villas correspondant non seulement à un espace d'agrément, mais également à une aire de circulation entre les pièces principales et les extérieurs ; il ne peut dès lors être soutenu à une absence de préjudice de jouissance, notamment pour la villa [Adresse 3] 1 estimée habitable par la défenderesse, alors que l'humidité permanente entraîne une diminution de la valeur locative de la villa ; l'expert estime ce préjudice à hauteur de 2 % de la valeur locative pour la villa [Adresse 3] 1, et de 5 % de cette valeur pour la villa [Adresse 3] 2, entre 2018 et les premières conclusions de l'expert ; aucune estimation des valeurs locatives n'a été communiquée durant les opérations d'expertise afin que l'expert examine ces valeurs au contradictoire des parties ; aussi, les justificatifs versés en février 2024 par les requérants ne peuvent valablement servir de base et, même en tenant compte du standing des biens immobiliers en cause, il apparaît disproportionné d'estimer la valeur locative de chacune des villas à une somme supérieure à 5.000 euros mensuels, représentant ainsi sur quatre années un préjudice de jouissance de 4.800 euros pour la villa 1 et de 12.000 euros pour la villa 2.

Il sera relevé que l'absence de l'assureur de la défenderesse en la cause n'est pas un élément de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité et ainsi à la soustraire à son obligation de réparation. A ce titre, l'entrepreneur reste tenu de l'obligation contractuelle de résultat de construire un ouvrage exempt de vice et il est indifférent que les désordres soient survenus avant ou après réception des ouvrages en litige, même si en l'espèce ils paraissent être survenus après réception, au moins tacite, de chacun des ouvrages concernés.

Dès lors, la SAS LA BELLE FORGE sera condamnée à payer à la société SC LABHEAVEN les sommes de :

- 18.432 euros TTC au titre des trois baies vitrées, somme indexée à l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise judiciaire le 20 avril 2022 et la date du présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 3.360 euros TTC au titre des frais de nettoyage, somme indexée à l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise judiciaire le 20 avril 2022 et la date du présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 4.800 euros au titre du préjudice de jouissance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

La SAS LA BELLE FORGE sera condamnée à payer à la société LA FERME DU GRAND BORNAND SC les sommes de :

- 23.520 euros TTC au titre des deux abris de voiture, somme indexée à l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise judiciaire le 20 avril 2022 et la date du présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 4.560 euros TTC au titre du portillon, somme indexée à l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise judiciaire le 20 avril 2022 et la date du présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 12.000 euros au titre du préjudice de jouissance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement. 

Les sociétés SC LABHEAVEN et LA FERME DU GRAND BORNAND SC seront déboutées du surplus de leurs demandes principales.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie […]. »

La SAS LA BELLE FORGE, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire déposée le 9 novembre 2022. L'ordonnance de taxe ne correspondant pas à ce qui est demandé par la requérante, il ne sera pas précisé dans le dispositif le montant taxé.

L'article 699 du code de procédure civile dispose que « les avocats et avoués peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. »

Il y a lieu d'autoriser le recouvrement direct des dépens au profit de la SELAS CABINET POTHET.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

En l'espèce, l'équité commande de ne pas laisser aux sociétés SC LABHEAVEN et LA FERME DU GRAND BORNAND SC la charge de leurs frais irrépétibles de sorte que la SAS LA BELLE FORGE sera condamnée à leur payer la somme globale de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes de ce chef sera rejeté.

Conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile dans leur version applicable aux procédures introduites depuis le 1er janvier 2020, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

Aucune circonstance ne conduit en l'espèce à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DECLARE la SAS LA BELLE FORGE responsable au plan contractuel des désordres subis par la société de droit luxembourgeois SC LABHEAVEN et par la société de droit luxembourgeois LA FERME DU GRAND BORNAND SC sur les ouvrages de menuiserie.

CONDAMNE la SAS LA BELLE FORGE à payer à la société de droit luxembourgeois SC LABHEAVEN les sommes de :

- 18.432 euros TTC (DIX HUIT MILLE QUATRE CENT TRENTE-DEUX EUROS) au titre des trois baies vitrées, somme indexée à l'indice BT 01 entre le 20 avril 2022 et le présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 3.360 euros TTC (TROIS MILLE TROIS CENT SOIXANTE EUROS) au titre des frais de nettoyage, somme indexée à l'indice BT 01 entre le 20 avril 2022 et le présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 4.800 euros (QUATRE MILLE HUIT CENTS EUROS) au titre du préjudice de jouissance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

CONDAMNE la SAS LA BELLE FORGE à payer à la société de droit luxembourgeois LA FERME DU GRAND BORNAND SC les sommes de :

- 23.520 euros TTC (VINGT TROIS MILLE CINQ CENT VINGTS EUROS) au titre des deux abris de voiture, somme indexée à l'indice BT 01 entre le 20 avril 2022 et le présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 4.560 euros TTC (QUATRE MILLE CINQ CENT SOIXANTE EUROS) au titre du portillon, somme indexée à l'indice BT 01 entre le 20 avril 2022 et le présent jugement, puis assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

- 12.000 euros (DOUZE MILLE EUROS) au titre du préjudice de jouissance, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement. 

DEBOUTE la société de droit luxembourgeois SC LABHEAVEN et la société de droit luxembourgeois LA FERME DU GRAND BORNAND SC du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la SAS LA BELLE FORGE aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire et ACCORDE à la SELAS CABINET POTHET le droit au recouvrement direct des dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS LA BELLE FORGE à payer à la société de droit luxembourgeois SC LABHEAVEN et à la société de droit luxembourgeois LA FERME DU GRAND BORNAND SC la somme globale de 5.000 euros (CINQ MILLE EUROS) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

RAPPELLE que l'exécution provisoire de droit assortit l'entière décision.

REJETTE le surplus des demandes.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le SIX AOUT DEUX MILLE VINGT-QUATRE.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Chambre 3 - construction
Numéro d'arrêt : 22/06789
Date de la décision : 06/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-06;22.06789 ?
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