T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n°: N° RG 24/00145 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KCYX
MINUTE n°: 2024/ 336
DATE: 03 Juillet 2024
PRÉSIDENT: Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER: M. Alexandre JACQUOT
DEMANDEURS
Monsieur [H] [P], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Corinne DE ROMILLY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Madame [X] [R] épouse [P], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Corinne DE ROMILLY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
DEFENDEURS
S.A.S. MAISONS BLANCHES, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sophie RICHELME-BOUTIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. MARCEL AUGUSTE, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Caroline RANIERI, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [D] [N], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Laure COULET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 22 Mai 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Laure COULET
Me Corinne DE ROMILLY
Me Caroline RANIERI
Me Sophie RICHELME-BOUTIERE
2 copies service des expertises
1 copie dossier
délivrées le :
Envoi par Comci à Me Laure COULET
Me Corinne DE ROMILLY
Me Caroline RANIERI
Me Sophie RICHELME-BOUTIERE
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [H] [P] et Madame [X] [R] épouse [P] sont propriétaires d'un bien immobilier situé [Adresse 5] sur la commune de [Adresse 9].
Les époux [P] ont constaté des débordements d'eau réguliers sur leur fonds et, après dépôt d'un rapport d'expertise non contradictoire établi le 28 février 2023 par le cabinet ELEX, ont attribué ces inondations au colmatage de la noue naturelle creusée lors de la création du lotissement voisin [Adresse 5], cette noue étant destinée à évacuer les eaux pluviales canalisées en amont et dirigée vers un avaloir situé à proximité du lot 7 du lotissement appartenant à Monsieur [D] [N].
Le colmatage de la noue a été attribué tant à Monsieur [N] qu'aux autres propriétaires des lots mitoyens 6, 5, 3, 2 du lotissement mais le regard étant situé sur le terrain de Monsieur [N], les époux [P] ont saisi ce dernier de la difficulté et, après constat d'échec dressé le 2 août 2023 par un conciliateur de justice, ont saisi la juridiction des référés afin de solliciter la désignation d'un expert.
Suivant leur assignation délivrée le 21 décembre 2023 à Monsieur [N], ayant donné lieu à une instance enrôlée sous le numéro RG 24/00145, Monsieur [H] [P] et Madame [X] [R] épouse [P] sollicitent du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
Voir désigner tel expert qu'il plaira avec la mission de :
se rendre chez Monsieur et Madame [P], [Adresse 5], après avoir dûment convoqué l'ensemble des parties,se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission,décrire les désordres affectant la propriété de Monsieur et Madame [P],décrire les désordres affectant l'ouvrage,dire que les désordres sont imputables à un problème de modification d'écoulement naturel des eaux pluviales,décrire et chiffrer les remèdes à y apporter,donner son avis sur les responsabilités encourues,donner son avis sur les préjudices de jouissance en résultant,du tout dresser un rapport dans un délai de trois mois ;Voir condamner Monsieur [N] à leur payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2024 dans l'instance RG 24/00145, Monsieur [D] [N] sollicite, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
Lui donner acte de ses protestations et réserves,
Débouter Monsieur et Madame [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
Réserver les dépens.
Suivant ses assignations délivrées les 28 février et 4 mars 2024 à la SAS MAISONS BLANCHES, constructeur de la villa de Monsieur [N], et à la SAS MARCEL AUGUSTE, vendeur et lotisseur du lotissement [Adresse 5], ayant donné lieu à l'instance enrôlée sous le numéro RG 24/01774, Monsieur [D] [N] sollicite du juge des référés du présent tribunal, au visa des articles 145, 484, 834 et 331 du code de procédure civile, de :
Prononcer la jonction de la présente instance avec celle enrôlée sous le numéro RG 24/00145 ; Déclarer commune et opposable à la SAS MARCEL AUGUSTE et à la SAS MAISONS BLANCHES l'ordonnance qui sera rendue sous le numéro RG 24/00145 ;
Réserver les dépens.
A l'audience du 20 mars 2024, le juge des référés a ordonné la jonction de l'instance RG 24/01774 à l'instance RG 24/00145, l'affaire se poursuivant sous ce dernier numéro.
Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique après jonction le 21 mai 2024, la SAS MARCEL AUGUSTE sollicite, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
A titre principal, ORDONNER la mise hors de cause de la société MARCEL AUGUSTE ;
A titre subsidiaire, JUGER qu'elle forme les plus expresses réserves et protestations sur la mesure d'expertise sollicitée ;
CONDAMNER Monsieur [N] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique après jonction le 21 mai 2024, la SAS MAISONS BLANCHES sollicite de :
JUGER qu'elle n'entend pas s'opposer à la mesure d'expertise judiciaire sollicitée mais forme les plus expresses protestations et réserves de responsabilité, de garantie, de prescription, de droit et de fait ;
DEBOUTER Monsieur [N] du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;
RESERVER les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Les époux [P] se fondent sur l'article 145 du code de procédure civile, selon lequel « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
Il est constant que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l'article 145 précité.
Il appartient au juge saisi de l'application de ce texte de caractériser le motif légitime d'ordonner une mesure d'instruction sans toutefois procéder préalablement à l'examen de la recevabilité d'une éventuelle action, non plus que de ses chances de succès sur le fond.
Il suffit de constater qu'un tel procès est possible, qu'il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, que sa solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée et que celle-ci ne porte aucune atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui. De plus, le litige potentiel ne doit pas être manifestement voué à l'échec.
En l'espèce, les requérants produisent aux débats le rapport d'expertise non contradictoire établi le 28 février 2023 par le cabinet ELEX qui confirme la suppression du canal à ciel ouvert sur l'ensemble des lots 2, 3, 5, 6 et 7 permettant l'écoulement des eaux pluviales recueillis sur le lotissement et provoquant le dégorgement d'un regard situé sur le terrain de Monsieur [N]. Il est également relevé la canalisation des eaux pluviales par le positionnement d'une canalisation d'un autre voisin, Monsieur [I], sur son terrain, à l'origine des désordres. Les deux origines des désordres révèlent selon l'expert une responsabilité engagée pour chacun des propriétaires sur le fondement des articles 640 à 643 du code civil.
Par là, les époux [P] justifient d'un motif légitime au sens de l'article 145 précité pour voir ordonner une expertise au contradictoire de leur voisin Monsieur [N].
S'agissant des contestations opposées par la SAS MARCEL AUGUSTE, celle-ci prétend que la présence des noues a été clairement portée à la connaissance de Monsieur [N] au moment de son acquisition, qu'elle a obtenu une attestation de non-contestation de conformité par la commune de [Adresse 9] le 4 décembre 2017 et qu'elle n'est plus propriétaire à ce jour d'aucun lot dans ce lotissement, ayant rétrocédé les équipements communs à l'association syndicale libre (ASL) [Adresse 8] selon acte notarié du 11 décembre 2020.
Il a été relevé que le litige potentiel concerne une problématique de servitude d'écoulement des eaux pouvant impliquer l'actuel propriétaire du fonds où est situé le regard, mais cela n'exclut pas un potentiel litige à l'égard des éventuels auteurs, par leur fait personnel, du colmatage de la noue.
A ce titre, il convient de vérifier l'origine de ce colmatage et la présence du constructeur la SAS MAISONS BLANCHES aux opérations d'expertise est indispensable afin de vérifier les conditions de la construction.
Toutefois, aucun litige potentiel ne paraît à ce stade pouvoir impliquer la société MARCEL AUGUSTE, alors que les faits en litige concernent un fait personnel ne se rattachant manifestement à aucune garantie due par le vendeur après achèvement.
Il sera donné acte aux protestations et réserves, ou à l'absence d'opposition, de Monsieur [N] et de la société MAISONS BLANCHES, ces positions n'impliquant aucune reconnaissance de responsabilité.
A l'inverse, la société MARCEL AUGUSTE sera mise hors de cause à défaut de motif légitime d'établir la preuve de faits en lien avec un litige potentiel susceptible de l'impliquer.
La mission de l'expert sera fixée au dispositif de la présente ordonnance en invitant ce dernier à vérifier si une aggravation de l'écoulement naturel des eaux est constatée en direction du fonds des requérants et d'en déterminer l'origine exacte.
Par ailleurs, le délai de trois mois pour déposer le rapport d'expertise, proposé par les requérants, est irréaliste compte tenu des exigences d'une procédure contradictoire en présence de plusieurs parties.
Les dépens des instances de référé ne peuvent être réservés dans l'attente d'une instance au fond dont le principe n'est pas certain. Par application de l'article 696 du code de procédure civile, ils seront laissés aux parties ayant intérêt aux mesures sollicités et ainsi :
les dépens de l'instance RG 24/00145 seront laissés à la charge des époux [P];
ceux de l'instance RG 24/01774 seront laissés à la charge de Monsieur [N], étant observé que la jonction ne fait pas disparaître l'autonomie de chacune des instance.
L'équité ne commande pas à ce stade de condamner l'une des parties de payer à une autre ses frais irrépétibles. Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les époux [P] ainsi que la SAS MARCEL AUGUSTE seront déboutés de leurs demandes ce chef.
PAR CES MOTIFS
Nous, Juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort,
ORDONNONS la mise hors de cause de la SAS MARCEL AUGUSTE,
ORDONNONS une expertise et désignons pour y procéder :
Monsieur [M] [U]
Doctorat structure et évolution de la lithosphère
[Adresse 3]
Port. : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 7]
lequel aura pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait communiquer tous documents utiles, avoir entendu les parties ainsi que tout sachant :
- se rendre sur les lieux [Adresse 5] ;
- rechercher les conventions verbales ou écrites intervenues entre les parties et annexer à son rapport copie de tous documents contractuels ;
- vérifier la réalité des désordres invoqués par la partie demanderesse dans son acte introductif d'instance et relatés dans le rapport d'expertise non contradictoire du cabinet ELEX en date du 28 février 2023 et les décrire ;
- préciser l'origine des désordres en indiquant notamment s'ils sont imputables à un problème de modification d'écoulement naturel des eaux pluviales ;
- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues et sur la proportion des responsabilités ;
- déterminer, notamment grâce à des devis fournis par les parties, la nature, la durée et le coût des travaux propres à remédier aux désordres et donner son avis sur leur contenu ; dans l'hypothèse où les parties ne fournissent pas les devis attendus, procéder à une estimation des travaux de reprise ; en cas d'urgence, proposer les travaux indispensables aux frais avancés de la partie demanderesse ;
- donner son avis sur les préjudices invoqués par la partie demanderesse, en particulier sur la durée et les modes d'évaluation de l'éventuel préjudice de jouissance ;
- faire toute observation jugée utile à la manifestation de la vérité ;
DISONS que l'expert fera connaître sans délai s'il accepte la mission,
DISONS qu'à la fin de ses opérations, l'expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai leur permettant de lui faire connaître leurs observations,
DISONS qu'il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,
DISONS que l'expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d'expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
DISONS toutefois que, dans l'hypothèse où l'expert aurait recueilli l'adhésion formelle des parties à l'utilisation de la plate-forme OPALEXE, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
DISONS que Monsieur [H] [P] et Madame [X] [R] épouse [P] verseront au régisseur d'avances et de recettes du tribunal une provision de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) à valoir sur la rémunération de l'expert, dans le délai de TROIS MOIS à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l'hypothèse où une demande d'aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par le trésorier payeur général,
DISONS qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera caduque,
DISONS que, lors de la première réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
DISONS qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,
DISONS que l'expert devra déposer son rapport dans le délai de SIX MOIS suivant la date de la présente ordonnance,
DISONS qu'en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d'office ou à la demande de la partie la plus diligente,
DISONS que l'expert devra aviser le tribunal d'une éventuelle conciliation des parties,
DISONS que le contrôle des opérations d'expertise sera assuré par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,
LAISSONS les dépens de l'instance RG 24/00145 à la charge de Monsieur [H] [P] et Madame [X] [R] épouse [P] et LAISSONS les dépens de l'instance RG 24/01774 à la charge de Monsieur [D] [N],
DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETONS le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT