TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 - CONSTRUCTION
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DU 25 Juin 2024
Dossier N° RG 22/00334 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JKON
Minute n° : 2024/187
AFFAIRE :
S.A.S. EDITION BOUGAINVILLE, prise en la personne de son Président en exercice [E] [H] C/ S.A.S.U. CAVOD prise en la personne de son représentant légal en exercice
JUGEMENT DU 25 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Annabelle SALAUZE, Vice-présidente, statuant à juge unique
GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE, faisant fonction
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Avril 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à :
Me Camille CHARLES
Me Lionel ESCOFFIER
Délivrées le 25 Juin 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDERESSE :
S.A.S. EDITION BOUGAINVILLE, prise en la personne de son Président en exercice [E] [H], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Camille CHARLES, avocat au barreau de GRASSE
D’UNE PART ;
DÉFENDERESSE :
S.A.S.U. CAVOD prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Lionel ESCOFFIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant, Me Benoît BRUGUIERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
D’AUTRE PART ;
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FAITS, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Dans le cadre d’un contrat de marché de travaux privé pour la rénovation de l’établissement « [5] » sis [Adresse 3] à [Localité 4], son exploitant, la société CAVOD, a confié à la société EDITION BOUGAINVILLE les travaux de création et de rénovation de moquettes pour deux chambres témoins n°111 et 113, selon ordre de service en date du 9 novembre 2020 pour un montant de 3.846,55 € HT.
Deux fiches de demandes au titre de travaux supplémentaires ont été émises le 11 décembre 2020, l’une concernant la fourniture et la pose de moquette pour le couloir du premier étage pour un montant 7.798 €, et l’autre concernant la chambre n°116, pour un montant de 4.558,10 €.
Des acomptes ont été réglés à hauteur de 2.307,93 € le 19 janvier 2021 pour la chambre 111, de 2.734,86 € le 21 avril pour la 116, et de 2.207,40 € le 21 avril pour le couloir.
Un document en date du 03 mai 2021 signé de l’entreprise et du maître d’œuvre fait état d’une réception sans réserve, à l’exception de la chambre 116 où a été notée la réserve suivante « entrée gauche SDB à recharger au niveau du câble de porte ».
Les travaux au niveau de cette entrée ont été effectués au cours de la semaine suivante.
N’obtenant pas le paiement intégral de ses prestations, la société EDITION BOUGAINVILLE a mis en demeure le 18 juin 2021, la société CAVOD d’avoir à payer le solde des quatre factures émises.
La société CAVOD lui a opposé un refus de paiement, exposant que des moquettes dans les chambres adjacentes au couloir avaient été dégradées au cours de son intervention.
En l’état du refus opposé par le maître d’ouvrage de procéder au paiement, la société EDITION BOUGAINVILLE a obtenu du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Draguignan l’autorisation d’inscrire une saisie conservatoire de la somme de 7.687,05 € sur les avoirs de la société CAVOD, puis a fait assigner cette société devant le tribunal judiciaire de Draguignan par exploit d’huissier en date du 7 janvier 2022, en paiement des factures litigieuses.
Selon ses dernières conclusions régulièrement notifiées par RPVA le 29 mars 2024, elle sollicite du tribunal de :
JUGER la société EDITION BOUGAINVILLE recevable en son action et fondée en ses demandes fins et conclusions ;
JUGER que la société EDITION BOUGAINVILLE a pleinement exécuté ses prestations contractuelles ;
CONSTATER que la réception des travaux est intervenue contradictoirement le 3 mai 2021 ;
JUGER que la réserve a été levée par la société EDITION BOUGAINVILLE ;
JUGER que la retenue pratiquée par la société CAVOD est illégale ;
JUGER que la société CAVOD est redevable des factures FA001564, FA001634, FA001635 et FA001630 ;
CONSTATER la mauvaise foi de la société CAVOD ;
En conséquence,
DEBOUTER la société CAVOD de toutes ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER la société CAVOD au paiement de la somme de 7.687,05 euros outre au paiement des intérêts de retard au taux de trois fois le taux d’intérêt légal courant à compter du 03 juin 2021 et jusqu’à la pleine exécution de la décision à intervenir ;
ORDONNER la conversion de la saisie-conservatoire pratiquée le 21 décembre 2021 à hauteur de 7.687,05 euros en saisie-attribution au profit de la société EDITION BOUGAINVILLE ;
CONDAMNER la société CAVOD au paiement de la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat et de la mauvaise foi de la société CAVOD ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la société CAVOD au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER la société CAVOD aux entiers dépens, y compris les frais d’huissier de signification d’actes et d’exécution et droits proportionnels relatifs à l’ordonnance du 30 novembre 2021 et relatifs à la décision à intervenir
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir avoir parfaitement exécuté les prestations objets des devis, soit la réalisation et la pose de moquette sans dépose des sols existants et des barres de seuils, cette dernière prestation ayant été confiée par le maître d’ouvrage à la société CLAROXIA ; elle invoque les procès-verbaux de réception et de levée de la seule réserve émise attestant que ses engagements ont été respectés ; elle estime, en réponse au moyen soulevé en défense, que le document produit correspond bien à un procès-verbal de réception conforme aux dispositions de l’article 1792-6 du code civil comme ayant été validé par les sociétés le maître d’œuvre Egis et immédiatement communiquées au maître d’ouvrage par courriel. Elle fournit un décompte des sommes versées et restant dues.
Elle s’oppose aux demandes reconventionnelles formées par la défenderesse sur le fondement de la responsabilité contractuelle, estimant qu’elle n’a pas commis de faute dans l’exécution de ses obligations puisque les moquettes ont été arrachées lors des retraits de barre de seuils effectués par les ouvriers de la société CLAROXIA en charge de la rénovation des chambres en question.
Elle s’oppose également à ma demande de la société CAVOD de procéder à une compensation de créance qui ne peut s’opérer qu’entre deux dettes réciproques et à condition d’avoir été acceptées par les parties concernées.
Elle rappelle que le maître d’ouvrage ne peut procéder en exécution d’un marché à une retenue de garantie qu’en effectuant une consignation entre les mains d’un consignataire désigné par les deux parties 1779-3 du Code civil.
Selon ses dernières conclusions régulièrement notifiées par RPVA le 11 janvier 2024, la société CAVOD sollicite du tribunal de :
VOIR, DIRE ET JUGER la société CAVOD bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER la société EDITION BOUGAINVILLE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONSTATER les inexécutions contractuelles de la société EDITION BOUGAINVILLE
CONDAMNER la société EDITION BOUGAINVILLE à prendre en charge les frais de remise en état s’élevant à la somme de 10.472,52 € TTC
En conséquence,
CONDAMNER la société EDITION BOUGAINVILLE au paiement de la somme de 6.260,89 € TTC à la société CAVOD en denier ou quittance,
CONDAMNER la société EDITION BOUGAINVILLE au paiement de la somme de 5.000 euros à la société CAVOD au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la société EDITION BOUGAINVILLE est responsable de la dégradation des moquettes mitoyennes au couloir lors de l’exécution de sa prestation de changement de moquette, puisqu’il résulte du Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP) annexé au contrat que l’entrepreneur doit veiller à la réception des supports et dénoncer immédiatement au maître d’œuvre les anomalies pouvant nuire à la bonne finition, et qu’il est responsable de l’inexécution imparfaite quand il n’a pas signalé ces difficultés ; que le même CCTP relatif au lot n°3 concernant les moquettes prévoit la fourniture de toutes les barres de seuils ; qu’en l’occurrence la dépose des seuils a été faite à la demande du poseur de la société EDITION BOUGAINVILLE par les ouvriers de la société CLAROXIA, agissant dès lors sous la direction et le contrôle de la société EDITION BOUGAINVILLE, soit en qualité de sous-traitant ; que la requérante doit donc répondre auprès du maître d’ouvrage de la mauvaise exécution de la prestation de son sous-traitant.
Elle estime qu’il n’y a pas eu de réception sans réserve de l’ouvrage, le document produit n’ayant pas été signé par le maître d’ouvrage.
La société CAVOD indique que la société EDITION BOUGAINVILLE est redevable d’une somme de 10.472,52 € TTC au titre des travaux de remise en état, venant en compensation de sa créance, ce qui justifie qu’un Décompte général définitif ait été envoyé le 9 juin 2021 avec un solde en faveur de la CAVOD à hauteur de 6.260, 89 €, prenant également en compte une disparition de cafetière sur le chantier, et une retenue de garantie de 5%.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
La clôture des débats a été ordonnée le 15 janvier 2024 avec effet différé au 2 avril 2024, et l'affaire évoquée à l'audience du 16 avril 2024, puis mise en délibérée au 25 juin 2024.
MOTIFS :
A titre liminaire, il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et qu’en vertu de l’article 768 du Code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Par conséquent, les demandes de « déclarer », de « dire et juger », de « constater » et de « prendre acte » ne constituent pas des revendications au sens du Code de procédure civile de sorte que le juge n’a pas à statuer sur les demandes formulées en ce sens.
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1231-1 du code civil dispose que : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ».
En l’espèce, il résulte des documents versés que dans le cadre des travaux de rénovation important entrepris dans son établissement [5], la société CAVOD a confié dans le cadre d’un contrat de marché de travaux privé le lot des sols souples à la société CLAROXIA/TUDOR. Néanmoins, comme mentionné dans les fiches de demande et de suivi de modification, le maître d’ouvrage a souhaité réaliser les rénovations des chambres témoins 111 et 116, et celle du couloir R+1 en suivant le projet d’un décorateur, l’agence Humbert et Poyet.
C’est dans ces conditions que la société EDITION BOUGAINVILLE s’est vu confier suivant acte d’engagement des 09 octobre 2020 et 11 décembre 2020 :
- La création et la pose de moquette dans la chambre témoin n°111 au prix de 3.646,55 €HT
- La création et la pose de moquette dans une autre chambre n°116 au prix de 5.469,72 €HT
- La pose de moquette avec ragréage dans le couloir R+1 au prix de 7.798 € HT.
La société EDITION BOUGAINVILLE produit un document intitulé « document officiel EDITION BOUGAINVILLE, daté du 03 mai 2021 et signé du Maître d’œuvre EGIS, notant une acceptation sans réserve des travaux effectués dans les zones couloir et chambre 111, et une acceptation avec une réserve, pour la chambre116 soit « entrée gauche SDB à rechercher légèrement au niveau de la coupe de cadre de porte ». Si elle justifie avoir informé par courriel le jour même le maître d’ouvrage de l’achèvement des travaux et de la validation par le maître d’œuvre, ce document ne peut être considéré comme valant procès-verbal de réception en l’absence de présence et de signature du maître d’ouvrage.
Cependant, il est acquis que les travaux objets du contrat liant les parties, effectués sur les zones correspondants aux chambres 111, 116 et au couloir R+1 n’ont pas appelé par la suite de réserves de la part du maitre d’ouvrage. Les pièces versées par les parties, et notamment un courriel envoyé le 4 mai par le maître d’œuvre au maître d’ouvrage, permettent de constater que ce dernier a en revanche immédiatement déploré la dégradation des moquettes situées dans les chambres jouxtant le couloir dans lequel cette société EDITION BOUGAINVILLE est intervenue, dégradations visibles sur la photographie produite en pièce 16, puisque la moquette a été arrachée sur plusieurs centimètres à l’entrée des chambres au niveau des barres de seuils. Le préjudice est important, car nécessitant une dépose complète de la moquette de ces pièces.
Il est constant que ces barres ont été enlevées par les ouvriers de la société CLAROXIA, titulaire des lots moquettes pour les chambres considérées, à la demande de la société EDITION BOUGAINVILLE.
La dégradation de la moquette à l’entrée de ces chambres semble dès lors être la conséquence du retrait des barres de seuils par les ouvriers de la société CLAROXIA, agissant à la demande de la société EDITION BOUGAINVILLE.
Il n’est pas contesté en défense que, contrairement à la mission confiée à la société EDITION BOUGAINVILLE pour les réfections de chambres témoins 111 et 116, l’acte d’engagement pour le couloir ne prévoyait pas la pose de nouvelle barre de seuils.
Il apparaît en effet clairement sur les plans et les photographies produites par la société CAVOD, que les barres de seuils litigieuses étaient posées dans les chambres et non dans le couloir, et qu’en toute logique, leur éventuel remplacement incombait au titulaire du lot pour ces chambres, en l’occurrence la société CLAROXIA. Si la défenderesse soutient que ce remplacement n’était pas prévu, cela est infirmé par le cahier des charges techniques particulières relative au lot N°03 qui contient un paragraphe 03.3.3.1.1 relatifs aux barres des seuils prévoyant « la fourniture et la pose de barres de seuils semi-bombées en acier inoxydable poli de 30 mm de largeur posées à mu feuillure », dont la localisation est ainsi précisée « localisation à chaque revêtement de sol de la chambre témoin, et notamment à la porte palière ».
Il s’en déduit que la société CLAROXIA en charge de la réfection de la moquette des chambres concernées, avait effectivement compétence pour remplacer les barres de seuils, et les avaient posées avant l’intervention de la société EDITION BOUGAINVILLE pour le changement de moquette dans le couloir.
Or, il est prévu au paragraphe 3.1.9 du CCTP relatif à la réception des supports avant prestations, que l’entrepreneur doit dénoncer immédiatement au maître d’œuvre et aux autres corps d’état toute anomalie pouvant nuire à la bonne finition de ses revêtements.
C’est donc à juste titre que la société EDITION BOUGAINVILLE a sollicité en présence du maître d’œuvre qui en a informé le maître d’ouvrage par courriel du 04 mai 2021, la société CLAROXIA pour ôter les barres de seuil qui n’entraient pas dans son lot et gênaient l’exécution de sa prestation.
Il ne peut en être déduit que les ouvriers de la société CLAROXIA ont agi en sous-traitance de la société EDITION BOUGAINVILLE, sous son contrôle et sa responsabilité, et que les dommages lui sont donc imputables, l’intervention sur les seuils restant sous la seule responsabilité de l’entreprise CLAROXIA titulaire du lot relatif à ces chambres, et ayant seule pour mission de réaliser la pose et la dépose de barres de seuils dont elle demeure responsable. En acceptant de procéder à la dépose de ces barres sans opposition du maître d’œuvre, l’entreprise CLAROXIA a accepté la responsabilité de son travail dont l’exécution ne peut être reprochée à la société EDITION BOUGAINVILLE.
Il n’y a pas lieu en conséquence, à considérer que l’entreprise EDITION BOUGAINVILLE a commis une faute grave dans l’exécution de son obligation contractuelle justifiant le non-paiement de ses prestations, et la mise à sa charge des travaux de reprise.
La société EDITION BOUGAINVILLE est fondée à demander le paiement des travaux facturés selon le prix forfaitaire fixé par les parties, la société CAVOD échouant à démontrer une faute ou un retard de l’entreprise dans l’exécution des travaux.
La société CAVOD sera condamnée à payer le montant des travaux facturés et déboutée de sa demande de condamnation au titre des travaux de remise en état et de compensation de créances.
Sur le montant des sommes dues au titre des prestations réalisées par la société EDITION BOUGAINVILLE :
La société CAVOD a émis le 09 juin 2021 un décompte général définitif faisant état du montant du marché de base et des travaux supplémentaires, auquel ont été soustait des retenues au titre des travaux de remise en état, de matériel disparu et de retenue de garantie. Elle estime ainsi que la société EDITION BOUGAINVILLE est redevable de la somme de 6.280 euros.
La société EDITION BOUGAINVILLE demande le paiement d’une somme de 7.687,05 euros correspondant au solde des quatre factures suivantes :
- Facture n°1564 du 30 décembre 2020 d’un montant de 4.615,86€, avec un acompte versé de 2.307,93 €
- Facture n°1634 du 15 avril 2021 d’un montant de 5.469,72 €, avec un acompte versé de 2.724,86 €
- Facture n°1635 du 21 avril 2021 d’un montant de 4.414,80 €, avec un acompte versé de 2.207,40 €
- Facture 1630 de fret aérien de 2.514 euros
Les trois premières factures correspondent au prix forfaitaire initialement conclu et doivent être réglées par la société CAVOD en l’absence de démonstration d’une mauvaise exécution de la part de son prestataire.
La dernière facture correspond à un surcoût occasionné par la nécessité de faire acheminer une partie des moquettes par avion. La demanderesse verse en ce sens un courriel du maître d’ouvrage confirmant la volonté de commander la moquette par ce biais, celui-ci remerciant l’entreprise pour son geste commercial car celle-ci prend en charge 50% du coût du fret aérien, et précisant que le reste sera pris en charge par EDITION BOUGAINVILLE le maître d’œuvre (pièce 8, courriel du 8 mars 2021).
La société EDITION BOUGAINVILLE a édicté une facture de 2.095 € le 09 avril 2021 correspondant au transport et à la livraison par avion de la moquette, sur laquelle a été mentionné « facture compensée par moins-value honoraires EDITION BOUGAINVILLE conforme à nos accords écrits reçus par email ».
Il se déduit des pièces produites, et il n’est pas contesté, que ce surcoût a été pris en charge par moitié par l’entreprise, et pour moitié devait être pris en charge par le maître d’œuvre SCPM, dans le cadre d’une réduction de ses honoraires.
La société CAVOD soutient que la facture devait être adressée à ce dernier en raison de cet accord, et que cette somme ne peut lui être réclamée car la facture évoque une compensation de créance. Pour autant seul le maître d’ouvrage était tenu par les engagements pris au titre du contrat exécuté.
Dès lors, la société CAVOD, unique partie liée par contrat avec la société EDITION BOUGAINVILLE, doit s’acquitter du paiement de la facture, « Facture 1630 de fret aérien de 2.514 euros », à charge pour elle de répercuter ce coût sur les honoraires de son maître d’œuvre.
La société CAVOD, dans le cadre de son décompte général, a encore retenu une garantie contractuelle de 5% et a répercuté le coût de la disparition de deux cafetières d’un montant de 394 € unitaire au prorata de l’ensemble des intervenants, soit, concernant la requérante à hauteur de 230 euros. Ce dernier point n’est pas discuté en défense de sorte qu’il conviendra de déduire cette somme de celles dues au titre de l’exécution des travaux confiés.
Concernant la retenue de garantie de 5% invoquée appliquée par le maître d’ouvrage, il convient de rappeler que l’article 1 de l loi du 16 juillet 1971 dispose que « Les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l'article 1779-3° du code civil peuvent être amputés d'une retenue égale au plus à 5 p. 100 de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage ».
Le maître de l'ouvrage doit consigner entre les mains d'un consignataire, accepté par les deux parties ou à défaut désigné par le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, une somme égale à la retenue effectuée ».
En l’espèce, il y a lieu de constater que cette retenue n’a pas été faite entre les mains d’un consignataire ; il est par ailleurs établi qu’aucune inexécution justifiant une retenue n’est justifiée. Cette somme ne peut en conséquence être déduite des sommes dues à l’entreprise requérante.
En conséquence, le demandes de la société EDITION BOUGAINVILLE au titre du paiement des travaux facturés seront accueillies dans leur totalité, soit 7.687,05 euros, somme à laquelle il convient cependant de soustraire la somme de 197 euros, au titre de la retenue pour la disparition des cafetières, point non discuté en demande.
La société CAVOD sera condamnée à verser la somme de 7.490,05 € à la requérante.
Cette somme sera due avec intérêt au taux légal à compter de la première mise en demeure du 03 juin 2021 en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil. Le surplus de la demande de la société EDITION BOUGAINVILLE, qui réclame à compter de la même date, une condamnation assortie d’intérêt à hauteur de trois fois le taux légal, non étayée notamment par le versement des conditions générales du contrat, ou de la norme afnor applicable aux marchés de travaux privés à la date de souscription, sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société EDITION BOUGAINVILLE :
La société EDITION BOUGAINVILLE soutient que la société CAVOD a exécuté avec déloyauté le contrat, en obtenant à bas cout une prestation de création de moquette sur quelques chambres, laissant supposer que la prestation puisse être étendue à tout l’hôtel.
Elle soutient qu’elle a recopié les motifs des moquettes imaginés par le décorateur HUMBERT et POYET pour les dupliquer dans les autres chambres de l’hôtel en faisant appel à une autre entreprise, et fournit à l’appui de sa demande des photographies publiées sur le site Instagram de l’hôtel.
La société CAVOD ne conteste pas avoir confié à une autre entreprise la pose de moquette selon les dessins de HUMBERT et POYET, mais soutient avoir obtenu les droits de reproduction de ces dessins.
S’il est exact comme le souligne la requérante que la société CAVOD ne produit pas de pièces en ce sens, il reste que c’est à la société EDITION BOUGAINVILLE, qui sollicite sa condamnation pour manquement à son devoir de loyauté contractuel, de démontrer que celle-ci lui a imputé la dégradation des moquettes, afin de l’évincer pour le compte d’un prestataire moins onéreux.
Cette preuve n’étant pas rapportée, la demande sera rejetée.
Sur la demande visant à ordonner la conversion de la saisie-conservatoire en saisie- attribution :
L’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
En application de ce texte, il ne relève pas de la compétence du juge de convertir une saisie conservatoire en saisie attribution. Il appartiendra à la requérante de mettre en œuvre les voies d’exécution permettant l’application du présent jugement valant titre exécutoire. Cette demande sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie […]. »
La société CAVOD partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance.
Il résulte de l'article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.
En l'espèce, il n’apparaît pas équitable de laisser à la charge de la requérante les frais exposés. Ainsi la société CAVOD sera condamnée à leur payer la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 précité.
La demande de la société CAVOD sur ce fondement sera rejetée.
Selon le principe posé par l’article 514 nouveau du code de procédure civile, « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
Il n’y a pas lieu en l’espèce d'écarter l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
CONDAMNE la société CAVOD à payer à la société EDITION BOUGAINVILLE la somme de 7.490,05 euros avec intérêt au taux légal à compter du 03 juin 2021, date de la première mise en demeure ;
DEBOUTE la société EDITION BOUGAINVILLE de sa demande en dommages et intérêts ;
DEBOUTE la société EDITION BOUGAINVILLE de sa demande de conversion d’une saisie conservatoire en saisie attribution
DEBOUTE la société CAVOD de sa demande de condamnation de la société EDITION BOUGAINVILLE au titre de la prise en charge des frais de remise en état
DEBOUTE la société CAVOD de sa demande de condamnation de la société EDITION BOUGAINVILLE au paiement de la somme de 6.260,89 € TTC en denier ou quittance ;
CONDAMNE la société CAVOD à payer à la société EDITION BOUGAINVILLE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
DEBOUTE la société CAVOD de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la société CAVOD aux entiers dépens ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
REJETTE le surplus des demandes
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du Tribunal judiciaire de Draguignan le 25 juin 2024
Le greffier,Le président