TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 - CONSTRUCTION
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DU 17 Juin 2024
Dossier N° RG 22/05466 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JRSX
Minute n° : 2024/179
AFFAIRE :
[S] [M] [B], [W] [O] C/ [G] [J]
JUGEMENT DU 17 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET, Vice-Présidente, statuant à juge unique
GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE, faisant fonction
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 Décembre 2023
A l’issue des débats les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à
disposition au greffe le 21 mars 2024. Le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises, pour être
rendu le 17 Juin 2024.
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.
Copie exécutoire à la
Me BARTHELEMY
Me Francis COUDERC
Délivrées le 17 Juin 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEURS :
Madame [S] [M] [B]
Monsieur [W] [O]
[Adresse 1] (BELGIQUE)
représentés par Maître Philippe BARTHELEMY de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’UNE PART ;
DEFENDERESSE :
Madame [G] [J]
[Adresse 3] - SUISSE
représentée par Maître Francis COUDERC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’AUTRE PART ;
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit délivré le 9 août 2022, Madame [S] [M] [B] et Monsieur [W] [O] faisaient assigner Madame [G], [U] [J] sur le fondement de l’article 1583 du Code civil.
La partie demanderesse exposait avoir souhaité acquérir la propriété de Madame [J] sise [Localité 2] comprenant un bâtiment principal de plus de 200 m² et 3 annexes de plus de 30 m² outre un chalet en bois sur une parcelle pour un montant de 600.000 €.
Leur offre avait été acceptée et signée entre les parties, selon laquelle un montant de 25.000 € serait payé lors de la signature de l’offre à titre d’acompte, le compromis devant être signé fin mars 2021.
Lors de l’acte définitif le montant de 300.000 € devait être payé comptant chez le notaire moins les 25.000 € déjà versés, les 300.000 € restants devant être garantis par une hypothèque sur le bien, à régler sur une durée de 10 ans sans intérêt la première année et 2 % d’intérêts pour les 9 années suivantes.
Il était indiqué que la vente était ferme et définitive. Toutefois la demanderesse ne donnait pas suite et ne restituait pas l’acompte de 25.000 €.
Les parties étant d’accord sur la chose et le prix, en application de l’article 1583 du Code civil, la partie demanderesse entendait voir réitérer la vente par le jugement à intervenir.
À titre subsidiaire elle demandait la restitution de l’acompte de 25.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, outre 10.000 € de dommages et intérêts et des frais irrépétibles.
Dans ses conclusions en réponse n°2 notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la partie demanderesse, ayant pris connaissance qu’entre les mois de juin 2021 et janvier 2022, la caducité de l’offre d’achat aurait été entraînée par des échanges de courriers officiels entre les conseils des parties, ainsi que la restitution par la venderesse de la somme de 14.880 €, remaniait ses prétentions.
Madame [J] versait en effet aux débats un courrier du conseil de la partie demanderesse en date du 20 octobre 2021 indiquant qu’une transaction aurait été conclue moyennant le versement d’une somme de 14.880 €, valant pour solde de tout compte.
Au visa des articles 1224 et suivants du Code civil, la partie demanderesse soutenait que la transaction n’avait aucune consistance légale pour ne pas avoir été signée par un procès-verbal de transaction visant l’article 2044 du Code civil.
À titre subsidiaire dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait l’existence de la transaction, il conviendrait de prononcer sa résolution dans la mesure où la somme de 14.880 € n’avait été versée que le 12 mai 2023.
La partie demanderesse demandait la condamnation de la venderesse à régler le solde de 10.120 € avec intérêts au taux légal au jour de la délivrance de l’assignation, outre 10.000 € de dommages-intérêts et 5.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, et à régler les dépens.
Par conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 23 mai 2023, Madame [J] exposait que par acte sous ceint priver en date du 8 janvier 2021 la partie demanderesse avait offert de faire l’acquisition de son bien pour le prix de 600.000 € payables selon les conditions énoncées dans l’assignation.
La promesse de vente était soumise à plusieurs conditions suspensives :
- la confirmation préalable de la contenance de 2 ha 20 a des parcelles
de terrain objet de la vente
- la signature d’un compromis de vente devant notaire au plus tard fin
mars 2021
- le versement préalable à la comptabilité du notaire chargé de la vente
de la somme de 300.000 € outre les frais de notaire.
Or fin mars 2021 aucune des conditions suspensives n’était levée. Les acquéreurs n’avaient pas justifié d’avoir mandaté le notaire aux fins de recevoir le compromis de vente ni d’avoir vérifié la contenance des parcelles.
Madame [J] soutenait que l’offre de vente était dès lors devenue caduque à l’expiration du délai fixé pour la signature du compromis soit fin mars 2021.
Par courrier RAR du 10 janvier 2021 l’avocat de la partie demanderesse lui avait réclamé la restitution de l’acompte versé de 25.000 €. Ce courrier précisait que la lettre d’intention signée le 8 janvier 2021 était devenue caduque et devait être considérée comme nulle et non avenue.
Madame [J] s’appuyait en outre sur l’article 1589-2 du Code civil selon lequel était nul et de nul effet toute promesse unilatérale de vente immobilière non constatée par acte authentique acte sous seing privé enregistrer dans le délai de 10 jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire.
À l’issue de pourparlers transactionnels la partie demanderesse avait renoncé à réclamer l’acompte versé à la concluante de 25.000 € et avait accepté la somme de 14.880 €, la somme de 10.120 € restant acquise à la venderesse en réparation du préjudice subi pour la renonciation des acquéreurs conformément à l’article 1152 du Code civil.
Madame [J] observait que l’engagement qu’elle avait souscrit dans le cadre de cette transaction avait été respecté ainsi qu’en faisait fois le virement Carpa du 12 mai 2023 de 14.880 € au crédit du compte du cabinet de la partie demanderesse.
Elle demandait le rejet de la demande de dommages-intérêts en l’absence de toute faute, de tout préjudice et du lien de causalité dont les demandeurs n’apportaient pas la démonstration.
Elle demandait la condamnation de la partie demanderesse à lui verser 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et à régler les dépens avec distraction au profit de son conseil.
Pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties il est renvoyé aux écritures susvisées en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
La procédure était clôturée par ordonnance en date du 16 octobre 2023 et renvoyée pour être plaidée à l’audience du 21 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité de la transaction
Aux termes de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties par des concessions réciproques terminent une contestation née , ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
Toutefois l’écrit n’est pas exigé pour la validité du contrat de transaction dont l’existence peut être établie selon les modes de preuves prévues en matière de contrat ou par témoin ou présomptions lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit.
Madame [J] verse aux débats un courrier RAR en date du 10 juin 2021qui lui avait été adressé par Maître OLLIER, avocat au barreau de Marseille et conseil de la partie demanderesse réclamant la restitution des 25.000 € au motif qu’aucun compromis ou promesse de cession n’avait été régularisé. Ce courrier spécifiait effectivement que la lettre d’intention du 8 janvier 2021 était devenue caduque et devait être considérée comme nulle et non avenue.
En réponse, Maître COUDERC conseil de Madame [J] par lettre officielle en date du 23 juillet 2021 rappelait que le compromis devait être signé au plus tard fin mars 2021devant notaire, et qu’alors que la vente était ferme et définitive, les demandeurs avaient refusé de la réitérer par acte authentique sans motif légitime. Madame [J] entendait être indemnisée du préjudice en résultant constitué par les frais exposés en vue de la vente soit 820 € de frais de diagnostics divers et 9.300 € de frais de déplacement. Elle acceptait donc de reverser la somme de 25.000 € diminuée de ces montants soit 14.880 €.
Par courrier officiel en date du 11 août 2021, le conseil des demandeurs soutenait que l’offre était caduque du seul fait de Madame [J]. En effet celle-ci avait désigné trois notaires différents pour rédiger le compromis .En tout état de cause, le courriel en date du 8 février 2021 rédigé par Me [D] notaire, faisait état de l’impossibilité de vendre le bien, l’acte constatant la transmission des biens immobiliers ayant appartenu à la défunte au profit de Madame [J] n’ayant pas été établi. Celle-ci ne pouvait donc prétendre à aucune indemnisation du fait de la caducité de l’offre, et devait restituer la somme de 25.000 euros.
Par courrier officiel en date du 17 août 2021, le conseil de Madame [J] contestait la désignation de trois notaires en vue de la rédaction du compromis, Me [D] ayant été mandaté par les demandeurs pour recevoir la vente. Le courriel du 8 février 2021 n’impliquait pas l’impossibilité de vendre le bien. La proposition de transaction était maintenue.
Par courriel en date du 10 septembre 2021, Me OLLIER conseil de Madame [M] [B] répondait que sa cliente serait prête à abandonner sa demande initiale de 25.000 € et de la ramener à la somme de 20.000 € à condition que cet accord soit réglé pour la fin du mois. Puis par courriel en date du 20 octobre 2021 il confirmait au conseil de Madame [J] l’accord de sa cliente sur la proposition du 23 juillet 2021 selon laquelle Madame [J] devait lui reverser la somme de 14.880 €, ce règlement devant se faire rapidement.
Par courrier en date du 12 mai 2023, le conseil de Madame [J] était avisé par la Carpa du barreau de Draguignan qu’un virement d’un montant de 14.880 € avait été effectué au bénéfice du cabinet BARTHELEMY-DESANGES, nouveau conseil des demandeurs.
De son côté la partie demanderesse verse aux débats le relevé de propriété au nom de Madame [L] et l’offre d’achat en date du 8 janvier 2021 signée par les deux parties.
La partie demanderesse ne conteste pas expressément ne pas avoir donné mandat à Maître OLLIER pour convenir d’une solution amiable au litige, fût-ce en renonçant à une partie du remboursement.
En application de l’article 2045 du Code civil il faut en effet avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction pour transiger. Ainsi un avocat qui prendrait l’initiative sans instruction de son client d’une négociation avec l’avocat adverse et conclurait une transaction ne satisfaisant pas les intérêts de son client transgresserait son mandat.
Madame [M] [B] pose la question de la validité de la transaction mais ne met pas en cause la responsabilité professionnelle de Maître OLLIER. Elle ne conteste ni les termes de la lettre du 10 juin 2021 actant “que la lettre d’intention du 8 janvier 2021 était devenue caduque et devait être considérée comme nulle et non avenue”, ni les termes du courriel du 20 octobre 2021 selon lequel elle aurait donné son accord à la transaction.
Au vu des seules pièces versées aux débats, il résulte bien des échanges entre les conseils des parties que celles-ci ont entendu par des concessions réciproques terminer la contestation relative au remboursement de l’acompte : Madame [M] [B] a accepté de prendre en considération les frais exposés par Madame [J] en vue de la vente et Madame [J] a entendu restituer le surplus de l’acompte, l’opération devenant financièrement neutre pour elle.
La circonstance que le versement ne serait pas intervenu rapidement mais le 12 mai 2023, postérieurement à la délivrance de l’assignation, ne permet pas à lui seul d’invalider la transaction. Me COUDERC ne s’explique pas sur ce délai de versement, dans lequel le changement de cabinet d’avocat a vraisemblablement joué, de même que la résidence habituelle des parties à l’étranger.
En toute hypothèse le dernier courriel de Maître OLLIER ne fixait pas de délai à peine de nullité de l’acceptation mais le souhait d’un versement rapide.
Par ailleurs, la demande de condamnation de Mme [J] à verser le solde de l’acompte reviendrait à statuer sur la responsabilité de cette dernière dans l’échec de la vente. Or la partie demanderesse ne verse aucune pièce en ce sens, évoquant le choix de trois notaires, ou l’impossibilité de vendre à défaut d’une attestation de propriété, sans élément probant. Elle ne parvient pas à établir le bien-fondé de sa prétention.
Dans ses conditions, la partie demanderesse sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La partie demanderesse, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance.
Compte tenu des circonstances de l’espèce, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Vu les articles 2044 et suivants du Code civil,
Déboute Madame [S] [M] [B] et Monsieur [W] [O] de l’intégralité de leurs demandes,
Condamne Madame [S] [M] [B] et Monsieur [W] [O] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Francis COUDERC,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,