La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2024 | FRANCE | N°23/05878

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Chambre 3 - construction, 12 juin 2024, 23/05878


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 - CONSTRUCTION

************************

DU 12 Juin 2024
Dossier N° RG 23/05878 - N° Portalis DB3D-W-B7H-J42A
Minute n° : 2024/176

AFFAIRE :

S.A. Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural Provence Alpes Côte d’Azur - SAFER PACA C/ [N] [S] épouse [E]



JUGEMENT DU 12 Juin 2024




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Mad

ame Peggy DONET, Greffier
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Janvier 2024
A...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 - CONSTRUCTION

************************

DU 12 Juin 2024
Dossier N° RG 23/05878 - N° Portalis DB3D-W-B7H-J42A
Minute n° : 2024/176

AFFAIRE :

S.A. Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural Provence Alpes Côte d’Azur - SAFER PACA C/ [N] [S] épouse [E]

JUGEMENT DU 12 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Nadine BARRET, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET, Greffier
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Janvier 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2024, prorogé au 12 Juin 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :

Maître Valérie COLAS de l’AARPI GIOVANNANGELI COLAS

Délivrée le 13 Juin 2024

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

S.A. Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural Provence Alpes Côte d’Azur - SAFER PACA, dont le siège social est sis [Adresse 10]

représentée par Maître Valérie COLAS de l’AARPI GIOVANNANGELI COLAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant, Maître Julien DUMOLIE de la SELARL CABINET DEBEAURAIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSE :

Madame [N] [S] épouse [E]
[Adresse 3]

non représentée

D’AUTRE PART ;

******************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 22 septembre 2022 Me [I], notaire à [Localité 11], établissait le formulaire d'information déclarative relative aux cessions à titre onéreux portant sur des biens mobiliers ou immobiliers ruraux, destiné à la SAFER.
Cette information portait sur la cession d'une parcelle en nature d'oliviers sur laquelle se trouvait un hangar agricole, cadastrée section C [Cadastre 1] et C [Cadastre 2] à [Localité 9] au lieu-dit [Localité 8] d'une contenance totale de 29 a et 68 centiares situés en zone agricole secteur A.
Madame [S], propriétaire, devait la céder en pleine propriété au GFR de Saint Guillaume pour un montant de 45 000 € payables comptant à la signature de l'acte.
Exposant que les parcelles se trouvaient en zone d'appellation d'origine protégée « côtes de Provence », la SAFER soumettait son projet d'acquisition aux commissaires du gouvernement pour les motifs suivants :

– garantir la remise en culture et la consolidation d'une exploitation agricole locale par la reprise de l'exploitation des oliviers ou par la plantation de vignes en AOP, une exploitation viticole locale étant intéressée ;
– maintenir la vocation agricole du bâti existant dans le respect des règles d'urbanisme et éviter son détournement vers un usage résidentiel ou de loisirs ;
– lutter contre les friches agricoles conformément à la politique menée par la chambre d'agriculture et les services de l'État dans le Var au travers du plan de reconquête agricole ;
– mise en place d'un projet en zone agricole protégée sur le territoire de la commune afin de protéger le foncier agricole et reconquérir les terres en friche.

Le prix de vente notifié de 45.000 € était conforme aux références de prix observés dans ce secteur pour les biens similaires.

Le projet de l'acquéreur initial,le GFR de Saint Guillaume propriétaire à [Localité 7] de bois, châtaigneraies et oliveraies n'était pas connu.

Le projet d'acquisition de la SAFER correspondait à l'objectif légal de consolidation d'exploitation défini par l'article L 143-2 du code rural et de la pêche maritime, afin de permettre à celle-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes dans les conditions prévues à l'article L 331-2 du code rural.
Les 28 octobre 2022 et 28 novembre 2022 les commissaires du gouvernement émettaient un avis favorable pour 45.000 €.
Par significations en date du 30 novembre 2022 la SAFER notifiait l'exercice du droit de préemption à Maître [I] et au GFR de Saint Guillaume.
L'avis d'acquisition était publié par affichage en mairie pendant le délai légal de 15 jours jusqu'au 26 décembre 2022.
Par courrier recommandé réceptionné le 16 janvier 2023, Madame [S] faisait savoir à la SAFER qu'elle n'était plus venderesse de cette parcelle.
Par courriers recommandés réceptionnés le 23 janvier 2023, adressés au notaire avec copie à Madame [S], la SAFER observait que la vente était juridiquement parfaite du fait de l'exercice du droit de préemption au prix et conditions de la vente projetée initialement. Il n'était pas possible de retirer le bien de la vente.
Par acte notarié en date du 10 février 2023, le notaire prononçait le défaut à l'encontre de Madame [S] qui ne se présentait pas pour procéder à la réalisation de la vente.
Par acte d'huissier en date du 10 juillet 2023, la SAFER assignait Madame [S] au visa des articles L 412-8, L 143-8 du code rural et de la pêche maritime, 1583 du Code civil, aux fins de voir déclarer valable la décision de la SAFER de préempter les parcelles agricoles susvisées, de déclarer la vente parfaite, d'ordonner que le jugement à intervenir voudrait titre de propriété, de condamner la défenderesse au paiement de l'intégralité des frais liés à la publication du jugement au service de la publicité foncière, ainsi que de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et des dépens avec compensation des sommes dues.
Madame [S] ne constituait pas avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure était fixée par ordonnance en date du 9 octobre 2023, et l’affaire était renvoyée pour être plaidée à l’audience du 12 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la décision de préemption
Les articles L 143-1, L 143-2, R 143-1 du CRPM exigent que la préemption réponde aux finalités limitativement énumérées par la loi et s’exerce sur un bien répondant aux critères définis par les textes. Le projet d’aliénation doit être à titre onéreux.
En l’espèce, les conditions de la préemption sont réunies :

- Le bien se situe en zone agricole et le bâtiment est un hangar agricole et non une habitation
- La vente est dépourvue de conditions particulières
- Il n’est pas évoqué que le GFR soit un proche de la venderesse
- La finalité poursuivie entre bien dans le champ des articles susvisés
- La motivation de la préemption est dûment argumentée
- L’identité des prestations fournies par la SAFER et l’acquéreur initial, en l’occurrence le paiement du prix convenu de 45.000 euros.

La seule difficulté pourrait tenir à la qualité d’agriculteur de l’acquéreur initial. La SAFER expose que celui-ci dispose de biens de nature agricole qu’il exploite, mais dans une commune éloignée. Elle s’interroge sur son projet. Toutefois l’exercice du droit de préemption a été notifié le 30 novembre 2022 au GFR qui ne s’est pas manifesté pour le contester et faire valoir son propre projet. La venderesse de son côté a entendu retirer le bien de la vente mais postérieurement à l’acceptation des conditions de la vente par la SAFER et à l’affichage en mairie de ladite décision.
La décision de préemption paraît donc en l’état à l’abri de toute critique.

Sur la perfection de la vente
Selon le nouvel article 1118 du Code civil : « tant que l’acceptation n’est pas parvenue à l’offrant, elle peut être librement rétractée, pourvu que la rétractation parvienne à l’offrant avant l’acceptation » ; ce à quoi l’article 1121 ajoute : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue ». Le propriétaire, lié par la force obligatoire du contrat, ne peut ni retirer sa proposition, ni la modifier.
En application de l’article 1589 du CC auquel renvoie l’article L 412-8 du CRPM, l’acceptation de la notification de la vente sans réserve rend la vente parfaite : la notification de la vente vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus. En acceptant le prix de 45 000 euros, la SAFER a pris d’emblée la place de l’acquéreur.
C’est donc à bon droit que face au défaut de la venderesse à parachever la vente devant le notaire, la SAFER l’a assignée aux fins de solliciter du tribunal un jugement valant acte authentique sur la base duquel elle procédera aux opérations de publicité foncière.
Il sera donc fait droit à la demande. Le présent jugement vaudra titre de propriété pour la SAFER pour les parcelles agricoles cadastrées section C [Cadastre 1] ([Cadastre 4]) et [Cadastre 2] ([Cadastre 5]) à [Localité 9] lieu-dit [Localité 6], d'une superficie totale de 29 a 68 centiares moyennant le prix de 45.000 €.
En application de l’article 1028 bis du CGI, toutes les acquisitions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor, ainsi que le rappelle l’acte notarié, lequel prévoit par ailleurs que les frais des présentes et leurs suites sont à la charge de la SAFER.

Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie […]. »
Les dépens seront mis à la charge de Mme [S].

Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il résulte de l’article 700 du code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n’y a pas lieu à condamnation.
En l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions.

Sur la demande de compensation
La demanderesse sollicite la compensation entre le prix à payer pour le bien préempté et les sommes dues en vertu du présent jugement notamment en application de l’article 700 du CPC. Aucun montant n’étant mis à la charge de Mme [S] il n’y a pas lieu d’ordonner la compensation.

Sur la demande relative à l’exécution provisoire
Selon le principe posé par l’article 514 nouveau du code de procédure civile, « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».
Il n’y a pas lieu en l’espèce à écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort :

Vu les articles L 143-1, L 143-2, L 412-8 du code rural et de la pêche maritime, 1583 du code civil, 1028 bis du CGI,

Constate que c’est à bon droit que la SAFER PACA a exercé son droit de préemption sur les parcelles agricoles cadastrées section C [Cadastre 1] ([Cadastre 4]) et [Cadastre 2] ([Cadastre 5]) à [Localité 9] lieu-dit [Localité 6], d'une superficie totale de 29 ares 68 centiares, appartenant à Mme [N] [S] née [E] moyennant le prix de 45 000 €,
Constate que la vente est parfaite au profit de la SAFER PACA,
Ordonne que le présent jugement vaut titre de propriété pour la SAFER PACA pour les parcelles agricoles cadastrées section C [Cadastre 1] ([Cadastre 4]) et [Cadastre 2] ([Cadastre 5]) à [Localité 9] lieu-dit [Localité 6], d'une superficie totale de 29 a 68 centiares moyennant le prix de 45 000 €,
Rappelle que toutes les acquisitions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ne donnent lieu à aucune perception au profit du Trésor,
Rappelle que l’acte notarié en date du 10 février 2023 constatant le défaut de Mme [N] [S] née [E] prévoit que les frais d’acte et leurs suites sont à la charge de la SAFER PACA,
Condamne Mme [N] [S] née [E] aux dépens de l’instance,
Déboute la SAFER PACA de la demande de condamnation de Mme [N] [S] née [E] à régler les frais de publication du présent jugement au service de la publicité foncière,
Déboute la SAFER PACA de la demande de condamnation de Mme [N] [S] née [E] à régler les frais irrépétibles,
Dit n’y avoir lieu à ordonner la compensation,
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Le greffier Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Chambre 3 - construction
Numéro d'arrêt : 23/05878
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;23.05878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award