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06/06/2024 | FRANCE | N°22/05821

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Chambre 3 - construction, 06 juin 2024, 22/05821


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 - CONSTRUCTION

************************

DU 06 Juin 2024
Dossier N° RG 22/05821 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JRNS
Minute n° : 2024/165

AFFAIRE :

S.C.I. DU [Adresse 1] C/ [X] [J] épouse [H]



JUGEMENT DU 06 Juin 2024




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Hélène SOULON, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE,

faisant fonction

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Avril 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 - CONSTRUCTION

************************

DU 06 Juin 2024
Dossier N° RG 22/05821 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JRNS
Minute n° : 2024/165

AFFAIRE :

S.C.I. DU [Adresse 1] C/ [X] [J] épouse [H]

JUGEMENT DU 06 Juin 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Hélène SOULON, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE, faisant fonction

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Avril 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à :
Me Sébastien ANTOMARCHI de a SELAS AVOCATS ANTOMARCHI & ASSOCIES
Me Serge CONSALVI

Délivrées le 06 Juin 2024

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

S.C.I. DU [Adresse 1], dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 5], prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Sébastien ANTOMARCHI de la SELAS AVOCATS ANTOMARCHI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSE :

Madame [X] [J] épouse [H]
[Adresse 3]

représentée par Me Serge CONSALVI, avocat au barreau de TOULON

D’AUTRE PART ;

******************

EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte notarié en date du 28 mars 1986, la SCI du [Adresse 1] est devenue propriétaire d’une construction occupant la totalité d’un terrain sur lequel est édifié un bâtiment à usage d’entrepôt figurant au cadastre section AC numéro [Cadastre 2], située [Adresse 7].
Mme [X] [J] a obtenu de la mairie de [Localité 8] le 14 septembre 2015 une décision de non opposition pour la création d’un balcon réalisé au niveau de son bien immobilier sis [Adresse 3], cadastré AC [Cadastre 6].
Par acte d’huissier du 29 août 2022, la SCI du [Adresse 1] a fait assigner Mme [X] [J] devant le tribunal judiciaire de Draguignan afin, au visa des articles 544,545, 552, 555, 676, 677, 678 et 680 du code civil ainsi que l’article A 424-8 du code de l’urbanisme, de voir :
- Juger que le balcon créé par Mme [J] porte atteinte au droit de propriété de la SCI du [Adresse 1] en ce qu’il empiète sur ce dernier ;
- Juger que les ouvertures créées par Mme [J] sur le mur donnant sur la parcelle de la requérante constituent des vues droites et ne respectent pas les prescriptions de l'article 676 relatifs aux jours/fenêtres ;
- Juger que les ouvertures créées sont irrégulières et portent atteinte au droit de propriété du de la requérante ;
En conséquence,
Condamner Mme [J] à procéder à la démolition de son balcon et à la fermeture par rebouchaqe des ouvertures créées le tout sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification de la décision à intervenir.
Condamner la défenderesse au paiement de la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose que les déclarations de travaux réalisées par Mme [J] lui sont inopposables et ne peuvent légitimer l’édification du balcon sur sa parcelle avec la création de vue droite sans son accord.
Elle souligne que le droit de propriété est inviolable, que la démolition doit intervenir même en cas d’empiètement minime.
Elle fait état de l’article 678 du code civile et précise que les deux fonds étant mitoyens, l’avancée créée par le balcon est en surplomb sur sa parcelle et que pour les ouvertures, l’espace de 190 cm prévu par cet article n’est pas respecté.
Elle sollicite une condamnation sous astreinte en indiquant qu’elle a déposé un permis de construire pour bénéficier des règles antérieures plus favorables et qu’eu égard à la durée de validité limitée de ce permis, elle ne souhaite pas allonger les délais d’attente pour commencer les travaux en raison du refus de Mme [J] de s’exécuter.

Mme [X] [J] épouse [H], par conclusions notifiées par RPVA le 11 mai 2023 demande au tribunal de débouter la SCI du [Adresse 1] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
En toute hypothèse,
Dire qu’il y a lieu d’écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir par application de l’article 514-1 du code de procédure civile
Condamner la SCI [Adresse 1] à lui payer la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle expose que la Cour de Cassation considère qu’il y a lieu à un contrôle de proportionnalité et que la démolition d’une construction sur le bien d’autrui n’est pas nécessairement de droit, que la démolition ne peut être disproportionnée au regard du droit au respect du domicile.
Elle précise qu’elle peut invoquer l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et elle souligne que le bâtiment auquel s’incorpore le balcon litigieux constitue son domicile.
Elle ajoute qu’elle est de bonne foi, qu’elle a obtenu une autorisation pour réaliser le balcon en surplomb qui n’interdit pas à ses voisins la jouissance de leur bien.
Elle indique que le la société demanderesse tente de dissimuler que le permis de construire portant sur la démolition de la construction existante et l’édification d’un nouveau bâtiment élevé de deux étages sur rez-de-chaussée lui a été refusé par la mairie de [Localité 8].
A propos de la suppression des ouvertures, elle fait valoir que les ouvertures donnent sur un toit plein de sorte que les articles du code civil sur lesquels se fondent la demanderesse ne sont pas applicables.
Elle s’oppose à toute condamnation sous astreinte au regard du manque de sérieux des motifs erronés invoqués à son égard, du délai de validité d’un permis de construire qui n’est pas de 24 mois mais de 36 et du rejet de la demande d’autorisation de construire.
Elle considère que l’exécution provisoire n’est pas compatible avec la nature de l’affaire.
Mme [J] a fait parvenir à plusieurs reprises des courriers au tribunal toutefois, la représentation étant obligatoire seules les conclusions de son avocat seront examinées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2024. L’affaire a été examinée à l’audience du 4 avril 2024 et mise en délibéré au 6 juin 2024.
MOTIFS :
Sur la demande en démolition du balcon :
Mme [X] [J] a fait réaliser les travaux de création d’un balcon après avoir obtenu l’autorisation de la mairie de [Localité 8] par arrêté du 14 septembre 2015. Toutefois la déclaration préalable est délivrée sous réserve du droit des tiers, en application de l’article A 424-8 du code de l’urbanisme, puisque le permis délivré vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d’urbanisme mais ne regarde pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé.
Malgré cette autorisation, la SCI du [Adresse 1] qui s’estime lésée par la méconnaissance de son droit de propriété est donc recevable à agir devant le tribunal judiciaire de Draguignan.
Il est constant au vu de l’examen des photographies versées aux débats que le balcon construit sur le mur du bien immobilier appartenant à Mme [J] empiète sur la propriété de la SCI du [Adresse 1] en se trouvant en surplomb du toit de son immeuble. Cette situation n’est d’ailleurs pas contestée par la défenderesse.
Cet empiétement porte atteinte à la jouissance de la propriété de la SCI du [Adresse 1] c’est-à-dire à l’exercice du droit prévu par l’article 544 du Code civil, et participe ainsi de la défense de la propriété qui est imprescriptible.
Aux termes de l'article 544 du code civil, « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. » L'article 545 du même code également invoqué, énonce que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. Aussi, l'empiètement est une atteinte grave au droit de propriété et l’expropriation pour cause d'utilité privée, n'est pas possible.
Il convient par conséquent, d’exclure tout contrôle de proportionnalité s'agissant de l'empiètement sur la propriété d'autrui, eu égard au caractère absolu du droit de propriété.
Mme [J] ne peut invoquer la protection de ses biens en application la Convention européenne des droits de l’homme et même si sa bonne foi n’est pas remise en question, elle ne peut suffire à déroger au droit de propriété.
En tout état de cause, la démolition du balcon ne rend pas le domicile de Mme [J] inhabitable et ne porte pas atteinte à son droit au logement. L’ingérence dans l'exercice du droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile est prévue par la loi, puisqu'elle résulte de l'application des articles 544 et 545 du code civil tels qu'interprétés par la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Aussi, Mme [X] [J] sera condamnée à procéder à la démolition de son balcon. Toutefois la demande d’astreinte sera rejetée. La société demanderesse ne justifie pas à ce jour avoir obtenu un permis de construire permettant une surélévation de son bâtiment et d’une gêne occasionnée par le balcon. Il appartiendra à Mme [J] de prendre toutes les mesures pour supprimer le balcon dans un délai raisonnable

Sur la demande de suppression des ouvertures :
La SCI du [Adresse 1] fonde cette demande sur les articles 676 à 680 du code civil.
Le critère pour que s'applique la réglementation sur les vues est le risque d'indiscrétion aussi, les articles précisés et plus particulièrement l’article 678 du code civil sont inapplicables à des vues qui s'exercent sur un toit dépourvu d’ouverture comme en l’espèce. Les photographies produites permettent de constater que les ouvertures que l’on ne voit que de très loin, donnent sur un toit qui n’en comporte aucune et de surcroit, la société demanderesse n’apporte aucune précision sur ces ouvertures et notamment sur leur dimension. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [X] [J] sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.
L’équité ne justifie pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre des parties.
Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. En l’espèce, la nature de l’affaire ne rend pas incompatible l’exécution provisoire qui ne sera pas écartée.

PAR CES MOTIFS :
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

CONDAMNE Mme [X] [J] à démolir le balcon empiétant sur la propriété de la SCI du [Adresse 1], qu’elle a créé sur la façade de son immeuble ;
REJETTE la demande d’astreinte ;
DEBOUTE la SCI du [Adresse 1] de sa demande de fermeture et de rebouchage des ouvertures crées par Mme [X] [J] ;
REJETTE toutes les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [X] [J] aux entiers dépens de l’instance ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;
REJETTE la demande tendant à écarter l’exécution provisoire.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le 6 juin 2024

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Chambre 3 - construction
Numéro d'arrêt : 22/05821
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;22.05821 ?
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