T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n°: N° RG 24/01467 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KE2H
MINUTE n°: 2024/ 294
DATE: 05 Juin 2024
PRÉSIDENT: Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER: M. Alexandre JACQUOT
DEMANDEUR
Monsieur [E] [B], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Yannick TYLINSKI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN (avocat postulant) et Me Joseph ANDREANI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE (avocat plaidant)
DEFENDEUR
Monsieur [W] [L], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Hubert DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 10 Avril 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Hubert DREVET
Me Yannick TYLINSKI
1 copie dossier
délivrées le :
Envoi par Comci à
Me Hubert DREVET
Me Yannick TYLINSKI
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [E] [B] est propriétaire d'un terrain, sur lequel est édifiée une maison à usage d'habitation, situé [Adresse 7] à [Localité 6] et cadastré section BO numéro [Cadastre 4].
Ce bien est compris dans le lotissement POINTE DE GUERREVIEILLE et a dans son voisinage un terrain cadastré section BO numéro [Cadastre 5] appartenant à Monsieur [W] [L].
Selon permis de construire obtenu le 21 mars 2022, Monsieur [L] a entrepris des travaux de démolition de la maison existante sur sa parcelle et de construction de dix logements avec piscine, le recours de Monsieur [B] contre le permis de construire ayant été rejeté par la juridiction administrative en raison de sa tardiveté.
Par ailleurs, Monsieur [B] a, par exploit de commissaire de justice du 15 juillet 2022, fait assigner en référé Monsieur [L] afin de solliciter à titre principal la désignation d'un expert relativement aux travaux entrepris susceptible de causer au requérant une atteinte à la ligne de vue depuis sa propriété. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance rendue le 30 septembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan.
Exposant que le chantier autorisé par le permis de construire viole de façon flagrante les stipulations du cahier des charges du lotissement et suivant exploit de commissaire de justice du 19 février 2024, Monsieur [B] a fait assigner en référé Monsieur [L] afin, à titre principal et sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, d'ordonner l'arrêt du chantier en cours et de solliciter la condamnation du défendeur à lui payer la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, soutenues à l'audience du 10 avril 2024, Monsieur [E] [B] sollicite du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :
ORDONNER l'arrêt du chantier en cours sous la maîtrise d'ouvrage de Monsieur [W] [L] sur la parcelle BO [Cadastre 5] situé [Adresse 3] ;
ORDONNER la démolition de la construction en ce qu'elle a été édifiée en contradiction avec le cahier des charges de l'ASL ;
CONDAMNER Monsieur [W] [L] à lui payer la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;
CONDAMNER Monsieur [W] [L] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens (article 696 du code de procédure civile).
Suivant ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 avril 2024, soutenues à l'audience du 10 avril 2024, Monsieur [W] [L] sollicite du juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan de :
Se déclarer incompétent du fait des nombreuses contestations sérieuses qui existent et du fait qu'aucun trouble manifestement illicite n'existe ;
Si par extraordinaire Madame le président estimait que le cahier des charges de 1958 peut recevoir application, surseoir à statuer dans l'attente de la réponse que doit donner la préfecture suite à la demande présentée par l'architecte de Monsieur [L] le 4 avril 2024 ;
Condamner Monsieur [B] à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur la procédure
Par notes en délibéré n'ayant pas fait l'objet préalablement d'une autorisation par le président à l'audience, le conseil de Monsieur [E] [B] a sollicité d'écarter les dernières conclusions de Monsieur [L] signifiées le 9 avril 2024 au motif que la contradiction n'avait pas été respectée.
Le conseil de Monsieur [L] a contesté le bien-fondé de cette demande et à titre subsidiaire ne s'oppose pas à une réouverture des débats, le conseil de Monsieur [B] indiquant ne pas consentir à une telle réouverture des débats sauf renvoi sous huitaine.
Il est rappelé que l'article 16 alinéa 1er du code de procédure civile impose au juge, en toutes circonstances, de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction.
En l'espèce, les conclusions et pièces du défendeur ont été notifiées par voie électronique à destination du tribunal le 9 avril 2024 et le conseil du défendeur ne dispose pas de la preuve que ces conclusions et pièces aient été notifiées par la même voie à son contradicteur.
Lors de l'audience de plaidoirie du 10 avril 2024, Monsieur [B], représenté par avocat à l'audience, a pu être destinataire des dernières conclusions et pièces de Monsieur [L] en début d'audience. Par la suite, le dossier a été plaidé et Monsieur [B] a notamment pu répliquer aux conclusions adverses, en particulier à la demande de sursis à statuer opposée par Monsieur [L].
Il sera rappelé que la procédure de référés est une procédure orale et que dans ces conditions, l'absence de preuve d'une notification écrite des conclusions ne saurait être un motif pertinent pour rejeter lesdites conclusions et pièces régulièrement communiquées en début d'audience et sur lesquelles le requérant a été mis en mesure de répondre.
A titre surabondant, le conseil du défendeur rappelle opportunément qu'il était absent à l'audience du 10 avril 2024 et qu'il s'est néanmoins mis en mesure de faire retenir le dossier lors de cette audience devant la volonté adverse de ne pas faire renvoyer l'affaire. Cette volonté de ne pas retarder l'issue de l'affaire est d'ailleurs confirmée par la dernière note en délibéré du conseil du requérant s'opposant à toute réouverture des débats sauf renvoi sous huitaine, délai désorganisant nécessairement la juridiction.
Il s'ensuit qu'aucun motif pertinent ne commande d'écarter les conclusions et pièces du défendeur, ni à ordonner une réouverture des débats alors que le requérant, qui voulait instamment retenir l'affaire, a été mis en mesure de répondre aux prétentions et moyens adverses.
Sur les demandes principales d'arrêt du chantier et de démolition de la construction
Le requérant fonde ses prétentions sur :
-l'article 834 du code de procédure civile selon lequel, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;
-l'alinéa 1er de l'article 835 du code de procédure civile, qui donne le pouvoir au président du tribunal judiciaire ou au juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le requérant précise que le trouble manifestement illicite est caractérisé par :
-la violation de l'article 8 du cahier des charges du lotissement de l'association syndicale libre (ASL) POINTE DE GUERREVIEILLE stipulant que toute construction comporte un seul logement alors que la construction en litige porte sur dix logements ; il ajoute que l'acte de vente de chacune des parties rappelle l'application du cahier des charges de l'ASL, que l'article L.442-9 du code de l'urbanisme invoqué en défense ne remet pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges ; à l'audience, le requérant fait observer que la charge de la preuve de l'inexistence prétendue de l'ASL incombe au défendeur ;
-la violation du cahier des charges de l'association syndicale autorisée (ASA) DOMAINE DE BEAUVALLON, qui précise dans son article 2 que chaque acquéreur devra respecter la ligne de vue vers le midi de ses voisins ayant construit avant lui ; le requérant expose que l'ASL fait partie de l'ASA et qu'un cahier des charges n'exclut pas l'application de l'autre, qu'une expertise judiciaire est toujours en cours sur ce point et que le rapport d'expertise non contradictoire établit le non-respect de la ligne de vue du midi par la construction objet du permis de construire en litige ;
-le trouble anormal de voisinage, en raison du préjudice de vue causé par la construction en litige, les nuisances sonores et celles en terme de circulation automobile.
A l'audience du 10 avril 2024, le requérant soutient que la dérogation prévue au cahier des charges doit être analysée au regard de l'ancienneté dudit cahier qui, au moment de sa rédaction, constituait un document d'urbanisme alors qu'aujourd'hui il constitue un document privé. De la sorte, il prétend que l'ingérence de la préfecture n'a plus de sens et un sursis à statuer ne pourra donner lieu à aucune réponse de la préfecture.
Le défendeur rétorque que la preuve de l'existence de l'ASL doit être rapportée par le requérant et qu'à défaut, il est bien fondé à prétendre que le lotissement n'existe plus juridiquement.
Il ajoute que les dispositions de l'article L.442-9 du code de l'urbanisme doivent recevoir application en l'espèce, que le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de [Localité 6] est postérieur au cahier des charges de l'ASL invoqué par le requérant, et qu'aucune règle ne permet de remettre en cause son permis de construire régulièrement délivré.
Il prétend que la construction en litige ne porte que sur une seule construction et respecte le cahier des charges.
Il sollicite subsidiairement le sursis à statuer dans l'attente de la réponse de la préfecture, sollicitée par son architecte, afin de se prononcer sur la demande de dérogation prévue au cahier des charges.
Sur la violation du cahier des charges de l'ASA DOMAINE DE BEAUVALLON, il expose que l'article L.442-9 précité doit recevoir application, qu'il n'est pas avéré l'application du cahier des charges invoqué et la preuve que l'ASA ait une personnalité morale alors que ses statuts sont caducs. Il ajoute avoir agi en vertu d'un permis de construire valable, ce qui s'oppose à toute caractérisation d'un trouble manifestement illicite.
Sur le trouble anormal de voisinage évoqué, il observe que le PLU autorise sa construction et que le juge des référés ne peut interrompre un chantier disposant de toutes les autorisations légales au seul motif de la gêne prétendue d'un voisin.
Sur le litige d'une manière générale, il sera observé que le requérant ne développe aucunement la situation d'urgence, sauf la circonstance tenant à l'avancement du chantier, qui commanderait ses demandes et il fonde en réalité exclusivement ses prétentions sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile. D'ailleurs, des contestations sérieuses sont à l'évidence opposées par le défendeur quant à l'application des cahiers des charges et à la caractérisation du trouble anormal de voisinage, faisant obstacle aux demandes de Monsieur [B] fondées sur le seul article 834 du code de procédure civile.
Il est ensuite rappelé que le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Si un tel trouble est caractérisé, le juge apprécie souverainement les mesures destinées à le faire cesser.
- Sur la violation de l'article 8 du cahier des charges du lotissement POINTE DE GUERREVIEILLE
Il sera relevé que l'article L.442-9 du code de l'urbanisme dispose : « les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu.
De même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l'article L. 115-6. »
Par ailleurs, l'article 378 du code de procédure civile prévoit que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Pour l'application de ce texte, l'opportunité d'un sursis est appréciée discrétionnairement par le juge dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
En l'espèce, si le défendeur conteste l'application du cahier des charges du lotissement POINTE DE GUERREVIEILLE, son acte de vente mentionne clairement une telle application et rappelle l'application de l'article L.442-9 précité qu'il revendique. Aussi, il n'est pas bien fondé à prétendre à l'absence d'application du cahier des charges du 8 novembre 1957, régulièrement publié, ou du fait de l'inexistence prétendue de l'ASL, laquelle ne fait pas obstacle à l'application des clauses du cahier des charges entre colotis. Il sera également rappelé que l'existence d'une contestation sérieuse tirée de ces éléments est indifférente à la caractérisation du trouble manifestement illicite de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile.
Sur l'application de l'article L.442-9 précité, le requérant observe à raison que la dérogation prévue à l'article 8 du cahier des charges du lotissement pour construire plus d'un logement par lot, qui suppose l'accord préalable de la préfecture sur avis des services départementaux du S.E.R.L., est à analyser au moment de la rédaction du lotissement, lorsqu'il constituait un document d'urbanisme.
Par les modifications législatives successives, l'article L.442-9 du code de l'urbanisme prévoit que les clauses de nature réglementaire du cahier des charges deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si à cette date le lotissement est couvert par un PLU ou un document en tenant lieu.
L'acte de vente de Monsieur [B] rappelle d'ailleurs en page 3 que les colotis du lotissement de la POINTE DE GUERREVIEILLE n'ont pas demandé le maintien des règles d'urbanisme contenues dans le cahier des charges et que, conformément à la loi 86-13 du 6 janvier 1986, les dispositions d'urbanisme du plan d'occupation des sols de la commune de [Localité 6] se sont substituées au cahier des charges du lotissement.
Ainsi, le requérant lui-même admet qu'il s'appuie sur une clause de nature réglementaire du cahier des charges, dont il est confirmé la caducité au plan des règles d'urbanisme, comme le souligne le défendeur ayant obtenu son permis de construire conformément au PLU désormais en vigueur.
C'est à raison que le requérant s'oppose à la demande de sursis à statuer, la préfecture du Var n'étant manifestement plus compétente pour accorder la dérogation visée au cahier des charges.
Pour autant, le requérant appuie ses prétentions sur la clause de nature réglementaire stipulée à l'article 8 du cahier des charges afin de caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite.
Si la caducité de la clause en litige ne fait pas obstacle à son application entre les colotis, il convient d'observer que la dérogation émanant du préfet du Var n'est désormais plus possible.
Les jurisprudences invoquées par le requérant concernent des restrictions pures et simples apportées à l'utilisation des sols par les cahiers des charges des lotissements, de nature à s'imposer aux colotis dans leurs rapports entre eux.
A l'inverse, la clause en litige prévoyait une hypothèse de dérogation qui n'est désormais plus possible.
Il n'appartient pas à la juridiction des référés d'interpréter la valeur de cette clause, et en particulier sur le fait de savoir si elle peut être opposée entre colotis alors qu'elle est désormais caduque et qu'une partie de ses conditions ne peut manifestement plus s'appliquer.
Dans ces conditions, la caractérisation du trouble manifestement illicite n'est pas avérée, sauf à ce que le juge des référés excède ses pouvoirs en interprétant la clause soumise aux débats.
Le moyen tiré de la violation du cahier des charges du lotissement POINTE DE GUERREVIEILLE sera rejeté.
- Sur la violation de l'article 2 du cahier des charges de l'ASA DOMAINE DE BEAUVALLON
Il sera relevé que les mêmes principes s'appliquent au cahier des charges de l'ASA DOMAINE DE BEAUVALLON.
Dès lors, la contestation sérieuse tirée de l'inapplication du cahier des charges sera rejetée alors qu'elle ne conditionne pas le trouble manifestement illicite de l'article 835 alinéa 1er précité.
Si l'acte de vente de Monsieur [L] ne mentionne pas expressément l'application de ce cahier des charges, les parties conviennent qu'une expertise judiciaire est en cours pour déterminer la conformité de la construction en litige avec l'article 2 du cahier des charges de l'ASA DOMAINE DE BEAUVALLON.
Le requérant motive l'existence d'un trouble manifestement illicite par le seul rapport d'expertise non contradictoire qu'il a fait établir, outre les photographies des lieux avant et pendant la construction.
Or, cet élément, non contradictoire et non corroboré par un autre élément de preuve, ne peut manifestement fonder l'existence d'un tel trouble imputable au défendeur alors qu'une expertise judiciaire est précisément en cours pour déterminer si la construction est conforme au cahier des charges en litige et si le requérant subit un préjudice de ce chef.
En l'absence de preuve du trouble manifestement illicite, le moyen de ce chef sera rejeté.
- Sur le trouble anormal de voisinage
Il est relevé que le trouble anormal de voisinage est désormais régi par l'article 1253 du code civil qui dispose notamment que le propriétaire, le maître de l'ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs à l'origine d'un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte, que néanmoins cette responsabilité n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités, quelle qu'en soit la nature, existant antérieurement à l'acte transférant la propriété si ces activités sont conformes aux lois et règlements et à condition de s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine de l'aggravation du trouble anormal.
Le requérant s'appuie sur le permis de construire accordé au défendeur, qui prévoit un projet de construction de dix logements, nettement plus visible depuis son fonds que la propriété implantée auparavant sur ce terrain. De plus, il relève que Monsieur [L] est un loueur en meublé de profession, ce qui est confirmé par l'acte de vente de celui-ci, et qu'il destine le bien ainsi construit à l'usage de locations saisonnières.
Ces éléments sont futurs et susceptibles de lui causer un trouble à l'avenir, tant au plan de la vue (sur laquelle les vérifications sont en cours par l'expertise judiciaire), des nuisances sonores que des nuisances en terme de circulation automobile.
Ils ne peuvent servir à caractériser un trouble manifestement illicite à ce jour.
Quant au risque de dommage imminent, seul le rapport d'expertise non contradictoire versé aux débats permet le cas échéant de le caractériser, mais il est contesté par le défendeur de sorte qu'il convient d'attendre l'expertise judiciaire, soumise à la discussion contradictoire des parties, afin de déterminer le dommage invoqué par le requérant et son imputabilité au défendeur.
En l'absence de preuve du trouble manifestement illicite résultant du trouble anormal de voisinage allégué, le moyen de ce chef sera rejeté et Monsieur [B] sera débouté de ses demandes tendant à l'arrêt du chantier et à la démolition de la construction de Monsieur [L].
Sur la demande principale de paiement d'une somme en réparation du préjudice
Il sera relevé que l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile permet au président du tribunal judiciaire, ou au juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, d'accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Le défendeur a obtenu un permis de construire à ce jour définitif et les violations des cahiers des charges comme le trouble anormal de voisinage invoqués font l'objet de contestations sérieuses, en particulier sur l'application et l'interprétation des clauses revendiquées par le requérant.
Dès lors, aucune obligation non sérieusement contestable mise à la charge du défendeur n'est établie et Monsieur [B] sera débouté de sa demande de réparation.
Sur les demandes accessoires
Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de l'instance seront laissés à la charge de Monsieur [B], partie perdante.
L'équité commande de ne pas laisser à Monsieur [L] la charge de ses frais irrépétibles de sorte que Monsieur [B] sera condamné à lui payer la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes à ce titre sera rejeté.
PAR CES MOTIFS
Nous, Juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort,
REJETONS la demande de Monsieur [E] [B] d'écarter des débats les conclusions de Monsieur [W] [L] en date du 9 avril 2024,
REJETONS les demandes de Monsieur [W] [L] tendant à se déclarer incompétent au motif de l'existence de contestations sérieuses et à surseoir à statuer,
DEBOUTONS Monsieur [E] [B] de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNONS Monsieur [E] [B] aux dépens de l'instance,
CONDAMNONS Monsieur [E] [B] à payer à Monsieur [W] [L] la somme de 1200 euros (MILLE DEUX CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETONS le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT