T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________
O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n°: N° RG 24/00886 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KDWZ
MINUTE n°: 2024/ 283
DATE: 05 Juin 2024
PRÉSIDENT: Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER: M. Alexandre JACQUOT
DEMANDEURS
Monsieur [R] [S], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Jean-alexandre COSTANTINI, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [X] [O] épouse [S], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Jean-alexandre COSTANTINI, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDEURS
Monsieur [Y] [A], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Frédéric GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [F] [N] épouse [A], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Frédéric GROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 10 Avril 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Jean-alexandre COSTANTINI
Me Frédéric GROSSO
2 copies service des expertises
1 copie dossier
délivrées le :
Envoi par Comci à Me Jean-alexandre COSTANTINI
Me Frédéric GROSSO
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Selon acte authentique de vente en date du 4 mai 2021, reçu en l’étude de Maître [U] [C], notaire à [Localité 8], Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O], épouse [S] ont acquis auprès de Monsieur [Y] [A] et Madame [F] [N] épouse [A], une maison à usage d’habitation sise [Adresse 5] à [Localité 7].
Exposant que ledit bien acquis est affecté de désordres et suivant exploits de commissaire de justice du 29 janvier 2024, Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O] épouse [S] ont fait assigner Monsieur [Y] [A] et Madame [F] [N] épouse [A] devant le juge des référés du présent tribunal aux fins, à titre principal et sur le fondement des articles 145 du code de procédure civile, de désignation d’un expert judiciaire avec mission habituelle en pareille matière et notamment la mission détaillée dans l'assignation, outre de voir condamner solidairement les requis au paiement d'une somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 avril 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O] épouse [S] maintiennent l’ensemble de leurs demandes et sollicitent en outre de voir débouter Monsieur [Y] [A] et Madame [F] [N] épouse [A], de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
Au soutien de leurs prétentions, Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O] épouse [S] exposent que la toiture est affectée de nombreuses infiltrations et que le mur de clôture séparant la propriété de celle de leur voisin, située en contrebas, est affecté d’une déformation qu’ils ont constatée au mois d’avril 2022 à l’occasion de travaux d’entretien courant. Les requérants précisent avoir appris que ledit mur de soutènement avait été consolidé par des câbles enterrés attachés aux micropieux installés en sous-œuvre des fondations de la véranda. Ils font ainsi valoir d’une part, que la déformation du mur de soutènement et la présence des câbles d’ancrage étaient préexistants à l’acquisition dudit bien immobilier et n’étaient pas décelables pour des acheteur profanes, d’autre part, que les consorts [A], qui ne pouvaient ignorer ces vices au regard des travaux commandés et exécutés par leurs soins, ont intentionnellement dissimulé ces travaux aux acquéreurs, ce qui pourrait constituer des vices cachés, au sens de l’article 1641 du code civil.
Sur l’assignation remise à l’étude de l’huissier, Monsieur [Y] [A] et Madame [F] [N] épouse [A] ont constitué avocat le 14 février 2024.
Par conclusions notifiées par RPVA le 8 avril 2024, Monsieur [Y] [A] et Madame [F] [N] épouse [A] demandent au juge des référés de voir débouter Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O] épouse [S] de leur demande d’expertise, outre de les voir condamner au paiement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les défendeurs s’opposent à la mesure d’expertise en soutenant qu’ils ne seraient pas responsables des désordres qui seraient apparus postérieurement à la vente. Ils font valoir que les désordres ont été constatés lors des travaux en avril 2022, soit pendant la période relevant d’un état de catastrophe naturelle, reconnu par un arrêté du 3 avril 2023 paru au JORF n°0103 du 3 mai 2023, concernant les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
L’affaire, enrôlée sous le n° RG 24/00886, a été appelée à l’audience du 10 avril 2024 et mise en délibéré au 5 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il sera rappelé que les demandes de « déclarer », de « dire et juger », de « constater » et de « prendre acte » ne constituent pas des revendications au sens du code de procédure civile en sorte que le juge n’a pas à statuer sur les demandes formulées en ce sens.
L’article 145 du code de procédure civile permet à tout intéressé de solliciter en référé l’organisation d’une mesure d’instruction légalement admissible s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
Pour l’application de ce texte, il doit être démontré l’existence d’un litige potentiel dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment caractérisés, et d’une prétention non manifestement vouée à l’échec.
Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O] épouse [S] versent aux débats le rapport d’expertise amiable établi par Monsieur [R] [L], ingénieur expert en bâtiment, duquel il ressort que « les anciens propriétaires ont installé ou fait installer des câbles enterrés pour tenter de contenir le déversement du mur. Les câbles n’ont pas été dimensionnés et certaines clés de tirant sont en tube creux. D’autre part, il semblerait que les câbles soient attachés aux micropieux sous la véranda ». Le rapport conclu que : « l’installation réalisée ou faite réalisée par les anciens propriétaires n’est pas en mesure de retenir le mur de soutènement qui risque de s’effondrer et d’emporter une partie du mur mitoyen lors d’un épisode de précipitation importante. Les câbles ont délibérément été masqués et les nouveaux propriétaires n’ont pas été informés de leur existence et du risque d’effondrement du mur. »
Les requérants produisent également aux débats le rapport d’expertise amiable établi en date du 23 février 2023 par Monsieur [H] [K], expert du cabinet SARETEC, mandaté par leur compagnie d’assurance la SA MMA IARD, duquel il ressort que : « la déformation n’est pas survenue après l’acquisition de Monsieur [S] mais était déjà présente. La cause de cette déformation semble être une poussée des terres jumelées avec une poussée hydrostatique lors d’épisode pluvieux. Les câbles ne semblent pas pouvoir reprendre les efforts de manière à éviter la chute du mur. » L’expert conclu que : « dans cette affaire, il nous apparait difficile de pouvoir engager la responsabilité des vendeurs en l’état actuel. En effet, la notion de vice caché ne peut être invoquée, la déformation du mur pouvant être visible sans démontage. »
L’existence de désordres est suffisamment plausible pour justifier une expertise judiciaire et les éléments de preuve non contradictoires fournis par les requérants ne permettent pas de conclure de manière certaine à une potentielle responsabilité des vendeurs, qu’il s’agisse de la confirmer ou de l’infirmer.
Monsieur [Y] [A] et Madame [F] [N] épouse [A] ne sont pas bien fondés à contester la demande ainsi formée alors que leurs adversaires disposent d’un motif légitime au sens de l’article 145 précité.
En l’état des éléments versés aux débats ainsi que des investigations techniques à mener pour sa résolution, il échet de faire droit à la demande d’expertise judiciaire aux frais avancés de Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O] épouse [S].
Les demandeurs, compte tenu de la nature de l’instance et du fait qu’ils ont intérêt à la mesure d’expertise, conserveront la charge des dépens de la présente instance.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire, exécutoire par provision, et en premier ressort,
ORDONNONS une expertise et DESIGNONS pour y procéder :
Monsieur [Z] [I]
[Adresse 4]
Tél : [XXXXXXXX01] Port. : [XXXXXXXX02]
Mèl : [Courriel 6]
Lequel aura pour mission, après avoir pris connaissance du dossier, s’être fait communiquer tous documents utiles, avoir entendu les parties ainsi que tout sachant :
- se rendre sur les lieux, sis [Adresse 5] à [Localité 7],
- examiner les ouvrages en litige, vérifier la réalité des désordres invoqués par la partie demanderesse dans son acte introductif d’instance et ses conclusions ainsi que relatés dans les rapports d’expertise de Monsieur [R] [L] et du cabinet SARETEC,
- rechercher les conventions verbales et écrites entre les parties, étudier les documents contractuels et les annexer à son rapport,
- rechercher si les travaux ont été effectués conformément aux conventions entre les parties, aux normes et règlements en vigueur ainsi qu’aux règles de l’art, en décrivant, le cas échéant, les malfaçons ou moins-values constatées,
- dire si le bien immobilier vendu est affecté de désordres, malfaçons, non-façons, ou non-conformités aux normes techniques en vigueur, ou aux conventions entre les parties, visées dans l’acte introductif d’instance,
- si des désordres sont constatés :
- les décrire,
- en rechercher la cause, en précisant s’ils proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de matériau, d’un défaut ou d’une erreur d’exécution, d’une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou de toute autre cause,
- dire s’ils sont imputables à des vices apparents ou cachés lors de la prise de possession,
- dans l’hypothèse où les vices auraient été cachés, préciser la date à laquelle ils se sont révélés,
- préciser la nature des désordres en indiquant notamment si les désordres constatés compromettent la solidité de l’ouvrage ou l’affectent dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, et le rendent impropre à sa destination ; dire si les éléments d’équipement défectueux font ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert,
- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction qui sera éventuellement saisie de se prononcer sur les responsabilités encourues et sur la proportion des responsabilités,
- identifier les travaux de mise en conformité à réaliser, des réparations et de consolidation, et en chiffrer le coût après avoir sollicité des parties la remise de devis qui seront examinés par l’expert et annexés à son rapport ; dans l’hypothèse où les parties n’ont pas fourni les devis attendus, procéder à une évaluation des travaux de reprise,
- donner toute indication relative aux préjudices éventuellement subis par Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O], épouse [S], en précisant la durée des travaux de reprise,
- en cas d’urgence, proposer les travaux indispensables qui seront réalisés par la partie demanderesse à ses frais avancés,
- faire toute observation jugée utile à la manifestation de la vérité,
DISONS que l’expert fera connaître sans délai s’il accepte la mission,
DISONS qu’à la fin de ses opérations, l’expert adressera un pré-rapport aux parties et leur impartira un délai leur permettant de lui faire connaître leurs observations,
DISONS qu’il répondra aux dites observations en les annexant à son rapport définitif,
DISONS que l’expert commis convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d’expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises,
DISONS toutefois que, dans l’hypothèse où l’expert aurait recueilli l’adhésion formelle des parties à l’utilisation de la plate-forme OPALEXE, celle-ci devra être utilisée pour les convocations, les communications de pièces et plus généralement pour tous les échanges,
DISONS que Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O], épouse [S] verseront au régisseur d’avances et de recettes du tribunal une provision de 3000 euros (TROIS MILLE EUROS) à valoir sur la rémunération de l’expert, dans le délai de TROIS MOIS à compter de la notification de la présente décision, sauf dans l’hypothèse où une demande d’aide juridictionnelle antérieurement déposée aurait été accueillie, auquel cas les frais seront avancés par l’Etat,
DISONS qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque,
DISONS que, lors de la première réunion des parties, l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
DISONS qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au juge la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,
DISONS que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de HUIT MOIS suivant la date de la présente ordonnance,
DISONS qu’en cas de refus, carence ou empêchement, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue d’office ou à la demande de la partie la plus diligente,
DISONS que les opérations d’expertise seront contrôlées par le magistrat désigné pour assurer ce rôle par le président du tribunal judiciaire de Draguignan,
LAISSONS les dépens à la charge de Monsieur [R] [S] et Madame [X] [O], épouse [S] ;
DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETONS le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT