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05/06/2024 | FRANCE | N°24/00731

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Referes construction, 05 juin 2024, 24/00731


T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________


O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION




RÉFÉRÉ n°: N° RG 24/00731 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KDUG

MINUTE n°: 2024/ 278

DATE: 05 Juin 2024

PRÉSIDENT: Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER: M. Alexandre JACQUOT



DEMANDERESSES

Madame [P] [N] veuve [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE

Madame [W] [G] épouse [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry DE

SENA, avocat au barreau de NICE



DEFENDEUR

Maître [X] [A], notaire membre de la SCP [A] ET GEOFFRET, notaires associés
demeurant [Adresse 4]
représ...

T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION

RÉFÉRÉ n°: N° RG 24/00731 - N° Portalis DB3D-W-B7I-KDUG

MINUTE n°: 2024/ 278

DATE: 05 Juin 2024

PRÉSIDENT: Monsieur Frédéric ROASCIO

GREFFIER: M. Alexandre JACQUOT

DEMANDERESSES

Madame [P] [N] veuve [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE

Madame [W] [G] épouse [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE

DEFENDEUR

Maître [X] [A], notaire membre de la SCP [A] ET GEOFFRET, notaires associés
demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Jean-luc FORNO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 10 Avril 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Thierry DE SENA
Me Jean-luc FORNO

1 copie dossier

délivrées le :

Envoi par Comci à Me Thierry DE SENA
Me Jean-luc FORNO
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant acte authentique reçu le 12 mars 2019 en l'office de Maître [X] [A], notaire associé à [Localité 3], Monsieur [O] [H] et Madame [Z] [L] épouse [H] ont acquis de Madame [P] [N] veuve [F] et Madame [W] [F] épouse [G] une maison à usage d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 3].

Exposant que le système d'assainissement n'est pas du type indiqué dans l'acte, en l'absence de raccordement au réseau collectif, et que l'installation autonome en place est défectueuse, les époux [H] ont, par exploits des 18 et 21 juin 2021, fait assigner les consorts [F]-[G] et Maître [X] [A], notaire rédacteur de l'acte, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de voir à titre principal ordonner la désignation d'un expert.

Par ordonnance de référé du 27 octobre 2021, il a été fait droit à la demande par la désignation d'un expert chargé notamment d'examiner les désordres en litige.

Monsieur [V] [E], l'expert désigné en dernier lieu, a déposé son rapport le 23 novembre 2022.

En lecture de ce rapport et par exploits de commissaire de justice du 5 octobre 2023, les époux [H] ont fait assigner les consorts [F]-[G] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de solliciter à titre principal des provisions à valoir sur le coût de réfection de la filière d'assainissement et sur le remboursement des frais de l'expertise judiciaire. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/07169.

Par exploit de commissaire de justice du 17 Janvier 2024, les consorts [F]-[G] ont fait assigner en intervention forcée Maître [X] [A], notaire associé membre de la société civile professionnelle [X] [A] ET DELPHINE GEOFFRET NOTAIRES ASSOCIES, aux fins de solliciter à titre principal la jonction à l'affaire principale, le rejet des prétentions des époux [H], outre à titre infiniment subsidiaire la condamnation du notaire défendeur à les relever et garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à leur encontre. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 24/00731.

Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2024, Madame [P] [N] veuve [F] et Madame [W] [F] épouse [G] sollicitent, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1231, 1231-1, 1369 et 1371 du code civil, de :
ORDONNER la jonction entre les instances enrôlées sous les numéros RG 23/07169 et RG 24/000731 ;
A titre principal, constater que la demande de provision formée par les consorts [H] se heurte à des contestations sérieuses ;
A titre subsidiaire, constater que la demande de provision des époux [H] est irrecevable et infondée ;
Les débouter par conséquent de leur entières demandes, fins et prétentions ;
A titre infiniment subsidiaire, condamner Maître [X] [A], notaire associé membre de la société civile professionnelle [X] [A] ET DELPHINE GEOFFRET NOTAIRES ASSOCIES, à relever et garantir Mesdames [F] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ;
Condamner tout succombant à la somme de 7200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 avril 2024, Maître [X] [A], notaire membre de la SCP [A] ET GEOFFRET, notaires associés, sollicite, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :
Constater que la demande de provision formée par Monsieur et Madame [O] [H] se heurte à des contestations sérieuses et les renvoyer à mieux se pourvoir ;

A titre subsidiaire, constater que la demande de provision formulée par Monsieur et Madame [O] [H] qui est irrecevable et infondée à ce stade, ne saurait être mise à la charge de Maître [X] [A] et les débouter par conséquent de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Débouter Madame [P] [N] veuve [F] et Madame [W] [F] épouse [G] de leur demande tendant à être relevées et garanties par Maître [X] [A], notaire, de toutes condamnations qui pourraient prononcées à leur encontre ;
Les condamner à payer à Maître [X] [A] la somme de 3000 euros au titre de l'article du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION

A titre liminaire sur la demande de jonction, il n'a pas été fait droit à cette demande des consorts [F]-[G] lors de l'audience du 10 avril 2024, étant rappelé que d'après les articles 367 et 368 du code civil, la jonction d'une instance à une autre est une mesure d'administration judiciaire décidée par le juge lorsqu'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble, qu'en l'espèce les demandeurs principaux, les époux [H], se sont opposés à la jonction et qu'ils ne sont pas concernés par les rapports entre les défendeurs et leur notaire, objet de la présente instance.

Par suite du refus de jonction des instances, il ne pourra être statué sur les demandes de Monsieur [A] tendant à l'irrecevabilité et au débouté des époux [H]. Il sera néanmoins répondu aux moyens de défense élevés par Monsieur [A] contre les prétentions principales formées par les époux [H] au titre de la demande des consorts [F]-[G] tendant à être relevées et garanties de toutes condamnations.

Sur la demande principale des consorts [F]-[G] tendant à être relevées et garanties de toute condamnation

Les consorts [F]-[G] prétendent que le notaire est tenu d'éclairer les parties à l'acte sur sa portée, ses effets et les risques inhérents à l'acte instrumentée, qu'en l'espèce le notaire défendeur ne peut invoquer sa méconnaissance de la fosse septique installée sur le bien vendu alors qu'il a également été mandaté en qualité d'agent immobilier pour trouver un acquéreur. Ils ajoutent qu'étant professionnel de l'immobilier, le notaire aurait normalement dû constater que la maison était pourvue d'une fosse septique, ne pas mentionner le raccordement à l'assainissement collectif dans l'acte et rappeler aux venderesses, profanes en la matière, l'obligation légale de faire réaliser un rapport par le service public de l'assainissement non collectif (SPANC).
Ils précisent que la faute du notaire est avérée au sens de l'article 1231-1 du code civil, de même que le lien de causalité avec les préjudices invoqués par les époux [H].

En défense, Maître [A] soutient que le système d'assainissement était visible aux époux [H] ayant visité le bien, qu'en conséquence une contestation sérieuse existe quant à leurs demandes, ce qu'a rappelé le juge des référés dans son ordonnance du 27 octobre 2021. Il ajoute que l'incidence d'une erreur matérielle figurant à l'acte de vente devra être débattue devant la juridiction du fond.
Il fait observer que l'erreur matérielle affectant l'acte de vente a été rectifiée par acte dressé le 22 juin 2019 et que les travaux de mise en conformité de l'installation existante ne sauraient lui être imputés.

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Pour l'application de ce texte, il est admis que la contestation sérieuse est souverainement appréciée par le juge des référés et qu'elle ne saurait être constituée par la seule expression d'une contestation des demandes par le défendeur.

Sur l'office du juge des référés, si l'ordonnance du 27 octobre 2021 rappelle les pouvoirs du juge du fond pour apprécier la suite du litige, il ne peut être tiré argument de cette mention pour dénier tout pouvoir au juge des référés saisi d'une demande de provision et tenu d'apprécier l'existence éventuelle d'une obligation non sérieusement contestable mise à la charge des défenderesses.

En l'espèce, les mentions présentes en page 16 de l'acte authentique de vente du 12 mars 2019 stipulent que, selon les déclarations des venderesses, l'immeuble vendu est raccordé au réseau d'assainissement public, sans toutefois préciser si ce raccordement est effectué de manière directe ou indirecte, qu'ainsi les venderesses ne sont pas tenues de produire le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif effectué dans les conditions prévues au II de l'article L.1331-1-1 du code de la santé publique.

Il n'est pas contesté que ces mentions ne correspondent pas à la réalité puisque le rapport d'expertise judiciaire du 23 novembre 2022 confirme tant l'absence de raccordement au réseau d'assainissement public au vu du raccordement à une fosse septique, que la non-conformité de cette installation selon rapports du SPANC des 3 juin 2019 et 1er juillet 2020.

Le caractère apparent ou non des vices est un débat inopérant dès lors que les époux [H] n'ont pas fondé leurs prétentions principales sur la garantie des vices cachés mais sur un manquement aux obligations contractuelles générales de la partie adverse.

Les défenderesses soulignent que l'article 1231-1 du code civil permet au créancier d'une obligation contractuelle de solliciter du débiteur l'octroi de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation ou du retard dans l'exécution, sauf à ce que le débiteur démontre que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Les préjudices invoqués par les époux [H] consistent dans le coût des travaux de réfection du système d'assainissement afin de le rendre conforme aux prévisions contractuelles, outre les frais de l'expertise judiciaire ayant servi à établir la réalité des faits et de leurs préjudices.

Il est indéniable que les consorts [F]-[G], qui ne sont pas des professionnelles de la vente immobilière, n'ont pas été informées avant l'acte de vente par leur notaire de la contrariété des stipulations contractuelles à la réalité, et surtout de la nécessité de faire réaliser un diagnostic par le SPANC dans cette situation.

Le notaire défendeur en convient puisqu'il a pris l'initiative de tenter une « régularisation » de cette situation, sur la base d'un rapport en date du 3 juin 2019 du SPANC, soit postérieurement à la vente, mais l'acte établi le 22 juin 2019 n'a pas été signé par les époux [H].

La présente juridiction n'a pas à interpréter cet acte, mais il apparaît évident qu'il ne saurait faire obstacle aux prétentions principales des époux [H], n'ayant pas expressément accepté les modifications de l'acte de vente du 12 mars 2019 en ce qu'elles prévoient que les acquéreurs feront leur affaire personnelle de la non-conformité du système d'assainissement selon le rapport du SPANC.

Dans ces conditions, il ne peut être excipé de l'existence de cet acte rectificatif pour faire obstacle à toute prétention contraire tant des époux [H] que corrélativement des consorts [F]-[G] au soutien de leur action en garantie contre leur notaire.

Par ailleurs, l'attestation de Madame [F] versée aux débats par le notaire défendeur ne permet pas d'affirmer que les époux [H] ont été informés de la non-conformité du système d'assainissement.

Aussi, cette attestation ne peut valablement établir la parfaite connaissance de la situation par Madame [F] et la fait que le notaire défendeur n'était pas tenu d'informer cette dernière de la nécessité d'un rapport de conformité par le SPANC.
Il est constant que Maître [A] a eu à sa disposition l'ensemble des plans du bien immobilier et qu'il aurait dû informer les venderesses de la nécessité de se conformer aux dispositions légales de l'article L.1331-1-1 du code de la santé publique.

Il en résulte la démonstration d'une méconnaissance manifeste d'une obligation du notaire défendeur en lien avec les préjudices invoqués par les époux [H], si bien que les consorts [F]-[G] sont bien fondées en leur action en garantie.

Maître [A] sera condamné à relever et garantir intégralement les consorts [F]-[G] de la condamnation éventuellement prononcée au profit des époux [H] en principal, intérêts, dépens et frais irrépétibles.

Sur les demandes accessoires

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de l'instance seront laissés à la partie perdante, à savoir Maître [A].

Dans la mesure où le défendeur a été condamné à relever et garantir intégralement les consorts [F]-[G], y compris des frais irrépétibles auxquels ces dernières seraient condamnées, il n'apparaît pas équitable de prononcer une nouvelle condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente instance. Les demandes de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort :

RAPPELONS que la demande de jonction des instances RG 23/07169 et RG 24/00731 a été rejetée lors de l'audience du 10 avril 2024,

CONDAMNONS Maître [X] [A], notaire membre de la SCP [A] ET GEOFFRET, notaires associés, à relever et garantir intégralement Madame [P] [N] veuve [F] et Madame [W] [F] épouse [G] des éventuelles condamnations de ces dernières prononcées définitivement dans le cadre de l'instance de référé RG 23/07169 au bénéfice de Monsieur [O] [H] et Madame [Z] [L] épouse [H], et ce en principal, intérêts, dépens et frais irrépétibles,

CONDAMNONS Maître [X] [A], notaire membre de la SCP [A] ET GEOFFRET, notaires associés, aux entiers dépens de l'instance,

DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETONS le surplus des demandes.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Referes construction
Numéro d'arrêt : 24/00731
Date de la décision : 05/06/2024
Sens de l'arrêt : Ordonne de faire ou de ne pas faire quelque chose avec ou sans astreinte

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-05;24.00731 ?
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