T R I B U N A L JUDICIAIRE
D E D R A G U I G N A N
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O R D O N N A N C E D E R É F É R É
CONSTRUCTION
RÉFÉRÉ n°: N° RG 23/07169 - N° Portalis DB3D-W-B7H-J7QR
MINUTE n°: 2024/ 284
DATE: 05 Juin 2024
PRÉSIDENT: Monsieur Frédéric ROASCIO
GREFFIER: M. Alexandre JACQUOT
DEMANDEURS
Monsieur [Y] [G], demeurant Lieu dit [Adresse 3]
représenté par Me Serge DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [O] [X] épouse [G], demeurant Lieu dit [Adresse 3]
représentée par Me Serge DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
DEFENDERESSES
Madame [R] [D] veuve [V], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE
Madame [N] [V] épouse [H], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Thierry DE SENA, avocat au barreau de NICE
DÉBATS : Après avoir entendu à l’audience du 10 Avril 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été rendue ce jour par la mise à disposition de la décision au greffe.
copie exécutoire à
Me Thierry DE SENA
Me Serge DREVET
1 copie dossier
délivrées le :
Envoi par Comci à Me Thierry DE SENA
Me Serge DREVET
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant acte authentique reçu le 12 mars 2019 en l'office de Maître [I]-[E] [C], notaire associé à [Localité 2], Monsieur [Y] [G] et Madame [O] [X] épouse [G] ont acquis de Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] une maison à usage d'habitation située [Adresse 3], lieudit [Adresse 3] à [Localité 2].
Exposant que le système d'assainissement n'est pas du type indiqué dans l'acte, en l'absence de raccordement au réseau collectif, et que l'installation autonome en place est défectueuse, les époux [G] ont, par exploits des 18 et 21 juin 2021, fait assigner les consorts [V]-[H] et Maître [I]-[E] [C], notaire rédacteur de l'acte, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de voir à titre principal ordonner la désignation d'un expert.
Par ordonnance de référé du 27 octobre 2021, il a été fait droit à la demande par la désignation d'un expert chargé notamment d'examiner les désordres en litige.
Monsieur [A] [L], l'expert désigné en dernier lieu, a déposé son rapport le 23 novembre 2022.
En lecture de ce rapport et par exploits de commissaire de justice du 5 octobre 2023, les époux [G] ont fait assigner les consorts [V]-[H] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de solliciter à titre principal des provisions à valoir sur le coût de réfection de la filière d'assainissement et sur le remboursement des frais de l'expertise judiciaire. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 23/07169.
Par exploit de commissaire de justice du 17 janvier 2024, les consorts [V]-[H] ont fait assigner en intervention forcée Maître [I]-[E] [C], notaire associé membre de la société civile professionnelle [I] [E] [C] ET [S] [U] NOTAIRES ASSOCIES, aux fins de solliciter à titre principal la jonction à l'affaire principale, le rejet des prétentions des époux [G], outre à titre infiniment subsidiaire la condamnation du notaire défendeur à les relever et garantir intégralement de toutes condamnations prononcées à leur encontre. Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 24/00731.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 avril 2024, soutenues à l'audience du 10 avril 2024, Monsieur [Y] [G] et Madame [O] [X] épouse [G] sollicitent, au visa des articles 4, 5, 6, 7, 9, 12, 16, 696, 700, 835 alinéa 2 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil, de :
DÉBOUTER Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] de toutes leurs demandes y compris de la demande de jonction avec une procédure dans laquelle les époux [G] n'ont rien à faire ;
CONDAMNER solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] au paiement d'une provision de 17 109 euros à valoir sur le coût de réfection de la filière d'assainissement ;
CONDAMNER solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] au paiement d'une provision de 7413 euros à valoir sur le remboursement total des frais d'expertise judiciaire ;
CONDAMNER solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] au paiement d'une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] aux entiers dépens.
Suivant leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2024, Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] sollicitent, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1231, 1231-1, 1369 et 1371 du code civil, de :
ORDONNER la jonction entre les instances enrôlées sous les numéros RG 23/07169 et RG 24/000731 ;
A titre principal, constater que la demande de provision formée par les consorts [G] se heurte à des contestations sérieuses ;
A titre subsidiaire, constater que la demande de provision des époux [G] est irrecevable et infondée ;
Les débouter par conséquent de leur entières demandes, fins et prétentions ;
A titre infiniment subsidiaire, condamner Maître [I]-[E] [C], notaire associé membre de la société civile professionnelle [I] [E] [C] ET [S] [U] NOTAIRES ASSOCIES, à relever et garantir Mesdames [V] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre ;
Condamner tout succombant à la somme de 7200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
DISCUSSION
A titre liminaire sur la demande de jonction, il n'a pas été fait droit à cette demande des consorts [V]-[H] lors de l'audience du 10 Avril 2024, étant rappelé que d'après les articles 367 et 368 du code civil, la jonction d'une instance à une autre est une mesure d'administration judiciaire décidée par le juge lorsqu'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble, qu'en l'espèce les requérants se sont opposés à la jonction et qu'ils ne sont pas concernés par les rapports entre les défendeurs et leur notaire.
Par suite du refus de jonction des instances, la demande formée à titre infiniment subsidiaire par les consorts [V]-[H] à l'égard de leur notaire ne pourra faire l'objet d'une décision dans le cadre de la présente instance, mais uniquement dans l'autre instance RG 24/00731.
Sur les demandes principales de versement de provisions
Les époux [G] fondent leurs prétentions sur l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui prévoit, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Ils exposent que la non-conformité de l'installation en litige a été confirmée par le rapport d'expertise judiciaire si bien que le vice s'est révélé à la date dudit rapport et qu'ils ont ainsi été trompés lorsqu'ils ont signé l'acte de vente comportant pour le moins une inexactitude quant au système d'assainissement. Ils sollicitent la condamnation solidaire des défenderesses à réparer le coût des travaux de reprise estimés contradictoirement par l'expert judiciaire, outre le remboursement des frais d'expertise taxés.
En réponse aux défenderesses, ils relèvent leur absence de consentement à l'acte rectificatif du 22 juin 2019, et le fait que les mentions présentes en page 16 de l'acte de vente du 12 mars 2019 sont fausses comme ne correspondant pas à réalité du bien vendu. Ils précisent qu'il convient de rétablir l'accord des parties selon lequel la maison est équipée d'un système d'assainissement fonctionnent correctement.
Les défenderesses objectent l'existence de contestations sérieuses à leur obligation de réparer et l'incompétence du juge des référés à trancher le litige. Elles font état des contestations suivantes :
l'absence de mise en demeure préalable exigée par l'article 1231 du code civil ;l'absence d'indication sur l'inexécution contractuelle reprochée ;la régularisation de la situation par acte authentique, lequel s'impose jusqu'à inscription de faux conformément à l'article 1371 du code civil, et ce par l'établissement d'un acte rectificatif du notaire daté du 22 juin 2019 visant expressément le rapport du service public d'assainissement non collectif (SPANC) du 3 juin 2019, non réalisé par erreur avant la vente.
En droit, il est admis que la contestation sérieuse est souverainement appréciée par le juge des référés et qu'elle ne saurait être constituée par la seule expression d'une contestation des demandes par le défendeur.
Sur l'office du juge des référés, si l'ordonnance du 27 octobre 2021 rappelle les pouvoirs du juge du fond pour apprécier la suite du litige, il ne peut être tiré argument de cette mention pour dénier tout pouvoir au juge des référés saisi d'une demande de provision et tenu d'apprécier l'existence éventuelle d'une obligation non sérieusement contestable mise à la charge des défenderesses. Aucune cause d'irrecevabilité adaptée au présent litige n'est relevée par les défenderesses et leur demande à ce titre sera rejetée.
Les mentions présentes en page 16 de l'acte authentique de vente du 12 mars 2019 stipulent que, selon les déclarations des venderesses, l'immeuble vendu est raccordé au réseau d'assainissement public, sans toutefois préciser si ce raccordement est effectué de manière directe ou indirecte, qu'ainsi les venderesses ne sont pas tenues de produire le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif effectué dans les conditions prévues au II de l'article L.1331-1-1 du code de la santé publique. Les pages 13 et 14 du compromis de vente préalablement signé entre les parties stipulent exactement les mêmes éléments.
Il n'est pas contesté que ces mentions ne correspondent pas à la réalité puisque le rapport d'expertise judiciaire du 23 novembre 2022 confirme tant l'absence de raccordement au réseau d'assainissement public au vu du raccordement à une fosse septique, que la non-conformité de cette installation selon rapports du SPANC des 3 juin 2019 et 1er juillet 2020.
Au titre de l'obligation non sérieusement contestable des venderesses, les requérants rappellent que l'article 1103 du code civil prévoit que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et que l'article 1104 du même code, disposition d'ordre public, énonce que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Les défenderesses relèvent l'application de l'article 1231 du code civil, relatif aux inexécutions de contrat, selon lequel, à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.
Les requérants indiquent avoir été trompés et vouloir rétablir la réalité de l'accord entre les parties, de sorte qu'à tout le moins le manquement à la bonne foi contractuelle est avéré par des stipulations contractuelles non conformes à la réalité du bien vendu.
Il ne peut être exigé une mise en demeure préalable alors que les requérants entendent solliciter, non des dommages et intérêts, mais une provision, qui en outre viendrait réparer les conséquences de l'inexécution contractuelle. De même, le fondement juridique est suffisamment explicite sans qu'il n'y ait lieu d'exiger davantage la démonstration de la violation d'une obligation contractuelle.
S'agissant de la régularisation invoquée par les défenderesses par l'acte authentique en date du 22 juin 2019, les éléments modifiés sont importants au regard de la situation nouvelle de non-conformité de l'installation d'assainissement selon rapport SPANC du 3 juin 2019.
Aussi, les requérants soulignent à raison qu'ils n'ont pas signé cet acte de sorte qu'il n'est pas établi par la partie adverse la volonté des époux [G] de consentir aux modifications de l'acte, et notamment de faire leur affaire personnelle de la non-conformité précitée.
Dans ces conditions, il ne peut être exigé pour les époux [G] d'établir la fausseté de l'acte authentique rectificatif qui ne les engage pas.
Aucune contestation sérieuse n'est avérée sachant que l'éventuelle responsabilité du notaire n'est pas de nature à influer sur le présent litige entre vendeurs et acquéreurs.
Les défenderesses seront en conséquence déboutées de leurs demandes tant d'irrecevabilité que de rejet des prétentions adverses.
Le coût de réfection de l'installation d'assainissement a été estimé au contradictoire des parties à 17 110 euros et les frais de l'expertise judiciaire, ayant permis de confirmer la non-conformité de l'installation ainsi que les modes réparatoires, ont été taxés à hauteur de 7413,06 euros par ordonnance le 6 janvier 2023 par le juge chargé du contrôle des expertises au tribunal judiciaire de Draguignan. Dans la mesure où cette somme a été avancée par les requérants, ceux-ci peuvent prétendre au remboursement de ces frais.
Par application de la clause de solidarité stipulée dans l'acte de vente, les consorts [V]-[H] seront condamnées solidairement à payer aux époux [G] les sommes provisionnelles de :
- 11 709 euros à valoir sur le coût de réfection de la filière d'assainissement, somme indexée à l'indice BT 01 entre la date du rapport d'expertise judiciaire le 22 novembre 2022 et la présente ordonnance, puis assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;
- 7413 euros à valoir sur le remboursement total des frais d'expertise judiciaire, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance.
Sur les demandes accessoires
Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de l'instance seront laissés à la partie perdante, à savoir les consorts [V]-[H], tenues solidairement.
Par ailleurs, il n'apparaît pas équitable que les époux [G] conservent la charge de leurs frais irrépétibles si bien que les consorts [V]-[H] seront condamnées solidairement à leur payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le surplus des demandes de ce chef sera rejeté.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, exécutoire de droit et en premier ressort,
RAPPELONS que la demande de jonction des instances RG 23/07169 et RG 24/00731 a été rejetée lors de l'audience du 10 avril 2024,
DEBOUTONS Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] de leurs demandes tant d'irrecevabilité que de rejet des prétentions adverses,
CONDAMNONS solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [O] [X] épouse [G] les sommes provisionnelles de :
- 11 709 euros (ONZE MILLE SEPT CENT NEUF EUROS) à valoir sur le coût de réfection de la filière d'assainissement, somme indexée à l'indice BT 01 entre le 22 novembre 2022 et la date de la présente ordonnance, puis assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;
- 7413 euros (SEPT MILLE QUATRE CENT TREIZE EUROS) à valoir sur le remboursement total des frais d'expertise judiciaire, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance,
CONDAMNONS solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] aux entiers dépens de l'instance,
CONDAMNONS solidairement Madame [R] [D] veuve [V] et Madame [N] [V] épouse [H] à payer à Monsieur [Y] [G] et Madame [O] [X] épouse [G] la somme de 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETONS le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois, an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT