REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE
3e chambre civile
JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/02825 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GP6Q
N° minute : 24/00082
Dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 1]
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Philippe FIALAIRE avocat au barreau de Lyon, substitué par Me Jérôme LECROQ, avocat au barreau de l’Ain
et
DEFENDEUR
Monsieur [G] [C]
né le 07 Février 1960 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Magistrat : Madame POMATHIOS,
Greffier : Madame TALMANT, Greffier
Débats : en audience publique le 14 Mars 2024
Prononcé : décision rendue publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024
copies délivrées le 03 SEPTEMBRE 2024 à :
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 1]
Monsieur [G] [C]
formule(s) exécutoire(s) délivrée(s) le 03 SEPTEMBRE 2024 à :
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 1]
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] [C] est propriétaire du lot n° 6 et propriétaire indivis du lot n° 5 (lots administratifs n° 18 et 19) dépendant de la copropriété “[Adresse 1]” située [Adresse 1] à [Localité 2].
La société FONCIA LEMANIQUE a acquis, avec effet au 1er octobre 2020, 100 % des actions de la société CABINET P BOISSON.
Par lettre recommandée du 20 mai 2021, reçue le 27 mai 2021, la société FONCIA LEMANIQUE a mis en demeure Monsieur [G] [C] de régler dans les meilleurs délais la somme de 690,13 euros au titre des charges de copropriété impayées.
Par acte d’huissier du 22 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le [Adresse 1], agissant par son syndic, la société FONCIA LEMANIQUE, a fait sommation à Monsieur [G] [C], en application de l’article 19 de la loi du 10 juillet 1965, de payer la somme de 1 561,37 euros au titre des charges de copropriété impayées arrêtées au 15 juillet 2021.
Par lettre recommandée du 04 avril 2022, reçue le 07 avril 2022, la société FONCIA LEMANIQUE a invité Monsieur [G] [C] à régler la somme de 1 871,41 euros avant le 25 avril 2022, sous peine de transmission du dossier à son avocat aux fins de recouvrement des charges impayées par voie d’assignation devant le tribunal.
Par lettre recommandée du 15 juin 2022, reçue le 18 juin 2022, la société FONCIA LEMANIQUE a invité Monsieur [G] [C] à régler la somme de 1 371,41 euros avant le 27 juin 2022, sous peine de transmission du dossier à son avocat aux fins de recouvrement des charges impayées par voie d’assignation devant le tribunal.
Par acte de commissaire de justice en date du 12 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le [Adresse 1], représenté par son syndic la société FONCIA LEMANIQUE, a fait assigner Monsieur [G] [C] devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse à l’audience du 12 octobre 2023 en paiement des charges impayées.
L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois pour production par le demandeur de pièces, puis échange des pièces et conclusions entre les parties, et a été retenue à l’audience du 14 mars 2024.
A cette audience, le syndicat des copropriétaires [Adresse 1], représenté par son conseil, soutient ses conclusions écrites n° 2 et demande au tribunal, sur le fondement des articles 10, 10-1 et suivants, 19 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, des articles 35, 36 et suivants du décret du 17 mars 1967 et des articles 1231-6 alinéa 3 et 1240 du code civil, de condamner Monsieur [G] [C], avec rappel de l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir en toutes ses dispositions, à lui payer les sommes suivantes :
- 2 885,34 euros au titre des charges appelées entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2024, outre intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 22 juillet 2021,
- 468 euros au titre des frais “de l’article 10-1",
- 800 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé, indépendant du simple retard,
- 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance comprenant le coût de la sommation de payer.
Au soutien de ses prétentions, le demandeur valoir que :
- le règlement de copropriété comporte une clause de solidarité entre les indivisaires pour le paiement des charges,
- sa créance s’élève à la somme de 2 885,34 euros au titre des charges appelées entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2024,
- il résulte des articles 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et du contrat type de syndic imposé par le décret du 26 mars 2015 que les frais d’envoi de mise en demeure et relance et de constitution du dossier transmis à l’avocat et à l’huissier d’un montant total de 468 euros sont des frais nécessaires au recouvrement de sa créance justifiée et doivent être mis à la charge exclusive du débiteur défaillant,
- Monsieur [G] [C] reconnaît l’absence de paiement des charges de copropriété et les éléments que ce dernier produit à l’appui de ses allégations de défaillance de gestion de la part du syndic de copropriété ne lui permettent pas de s’exonérer du dit paiement ; que si le défendeur a des griefs à formuler, il lui appartient de mettre en oeuvre les outils mis à sa disposition par la loi de 1965 ; qu’il n’y a pas d’incompatibilité pour un syndic de gérer deux copropriétés contiguës,
- le non règlement des charges appelées à leur échéance lui crée un préjudice indépendant du simple retard évalué à la somme de 800 euros, l’impayé étant équivalant à 70 % du budget annuel, plaçant ainsi la copropriété en difficulté financière,
- l’article 695 du code de procédure civile liste les dépens et notamment les émoluments des officiers publics ou ministériels, ce qui comprend les commandements de payer les charges de copropriété.
Monsieur [G] [C], comparant en personne, s’en rapporte à son courrier à destination du tribunal et du conseil du demandeur qu’il transmet par mail le jour même de l’audience et aux pièces qu’il dépose. Il s’oppose aux demandes formulées à son encontre.
Le défendeur fait valoir que :
- il ne conteste pas être redevable des charges de copropriété qui lui sont réclamées, mais qu’il a “bloqué” la somme correspondante sur un compte bancaire dans l’attente d’un accord du syndic sur la remise à l’origine de la copropriété à l’état de “ZAD” depuis plus de 4 ans ; qu’il veut en effet payer pour un service fait ; qu’il a convoqué plusieurs fois le syndic pour faire nettoyer la cour de tous les encombrants, surtout sur sa partie privative devenue une décharge et sa pelouse détériorée à jamais,
- il a exercé 10 ans en qualité de syndic bénévole ; qu’il devrait y avoir 2 syndics compte tenu de l’existence de deux copropriétés,
- il ne peut pas louer ses deux meublés de “Montholon 2" depuis 3 ans et la gestion par le nouveau syndic, perdant ainsi 700 euros par mois alors qu’il comptait sur ces loyers pour sa retraite.
L’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2024, prorogé au 20 juin 2024, puis au 03 septembre 2024.
MOTIFS
Sur la demande en paiement des charges
En application de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans sa rédaction applicable au litige, “Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées. Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.(...)”
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats par le demandeur, à savoir :
- les relevés de propriété,
- le règlement de copropriété de la copropriété [Adresse 5] à [Localité 2], prévoyant en son article 27 que si un ou plusieurs lots appartiennent indivisément à plusieurs copropriétaires, ces derniers seront solidairement tenus des charges envers le syndicat, lequel pourra exiger l’entier paiement de n’importe lequel des indivisaires,
- les procès-verbaux d’assemblées générales en date des 04 juin 2019, 23 juin 2020, 14 avril 2022 et 08 juin 2023,
- les décomptes des charges de copropriété sur les années 2019 et 2020,
- les appels de provisions pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2024,
- les courriers recommandés du 04 avril 2022 et du 15 juin 2022, ainsi que la mise en demeure du 20 mai 2021 et la sommation de payer du 22 juillet 2021,
- les deux relevés de compte produit arrêtés au 1er juillet 2023 et au 1er janvier 2024,
que Monsieur [G] [C] ne s’est pas acquitté de la totalité des charges inhérentes au fonctionnement de l’immeuble et qu’il est redevable à ce titre, au vu du décompte actualisé au 1er janvier 2024, de la somme non contestée sur le quantum de 2 417,34 euros correspondant aux provisions sur charges courantes et cotisations fonds de travaux échues, premier semestre 2024 inclus (la somme de 2 885,34 euros réclamée comprenant des frais par ailleurs sollicités).
Le défendeur n’a pas été autorisé en justice à consigner ladite somme.
Par ailleurs, Monsieur [G] [C] ne justifie d’aucune contestation des procès-verbaux d’assemblée générale désignant le syndic.
En outre, l’article 1219 du code civil dispose qu’“Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.“
Toutefois, les photographies versées aux débats par Monsieur [G] [C], prises par ce dernier, non datées et sans possibilité de connaître le lieu exact de prise, ne permettent pas d’établir les insuffisances alléguées du syndic en terme d’entretien de la copropriété, étant précisé qu’est partie à l’instance le syndicat des copropriétaires et non le syndic et qu’il n’est justifié d’aucune demande à ce titre adressée au syndic ou mise à l’ordre du jour d’une assemblée générale ordinaire. De plus, le défendeur ne rapporte pas la preuve d’une impossibilité de location de ses appartements en lien avec un défaut d’entretien de la copropriété, de sorte qu’il ne peut invoquer l’exception d’inexécution de l’article 1219 sus-visé.
En conséquence, Monsieur [G] [C] sera condamné à payer la somme de 2 417,34 euros au syndicat des copropriétaires [Adresse 1], avec intérêts au taux légal sur la somme de 760,22 euros à compter du 22 juillet 2021, date de la sommation de payer, et à compter du 12 septembre 2023, date de l’assignation, pour le surplus.
Sur la demande en paiement des frais
L’imputation au copropriétaire défaillant des frais et honoraires exposés pour le recouvrement des sommes dues par ce dernier n’est admise en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 issu de la loi du 13 juillet 2006 que pour les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d’hypothèque, à compter de la mise en demeure pour le recouvrement d’une créance justifiée à l’encontre d’un copropriétaire, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement et d’encaissement à la charge du débiteur.
Il sera rappelé que le coût de la sommation de payer relève non pas des dépens mais des frais de l’article 10-1 précité, de sorte qu’il sera étudié à ce titre.
En l’espèce, le demandeur produit le contrat de syndic conclu avec la société CABINET P BOISSON pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 et le contrat de syndic conclu avec la société FONCIA LEMANIQUE pour la période du 14 avril 2022 au 30 avril 2024. Il justifie par ailleurs de la mise en demeure du 20 mai 2021 laquelle doit toutefois être facturée, au vu du contrat de syndic sur la période concernée, à 31 euros HT et donc 37,20 euros TTC, du coût de la sommation de payer du 22 juillet 2021 à hauteur de 123,84 euros et de la facture de frais de recouvrement pour la “transmission dossier avocat” du 18 août 2022 d’un montant de 350 euros TTC.
Le demandeur ne justifie en revanche d’aucune 2ème relance en date du 11 juin 2021, de sorte que le coût réclamé de 52 euros sera écarté.
Monsieur [G] [C] sera, en conséquence, condamné à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 511,04 euros au titre des frais.
Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, “Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure”.
En l’espèce, le défaut de paiement des charges par un copropriétaire défaillant contraint les autres propriétaires à lui en faire l’avance et met en péril le fonctionnement de la copropriété. Il occasionne au syndicat des copropriétaires un préjudice distinct du retard des paiements réparé par les intérêts moratoires et justifie l’allocation de dommages et intérêts.
En conséquence, il y a lieu de condamner Monsieur [G] [C] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Monsieur [G] [C], partie perdante, sera condamné aux dépens de l’instance, qui ne comprendront pas le coût de la sommation de payer du 22 juillet 2021 d’ores et déjà pris en compte au titre des frais de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
L’équité commande de condamner Monsieur [G] [C] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 700 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire par provision conformément à l’article 514 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
Condamne Monsieur [G] [C] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 2 417,34 euros au titre des provisions sur charges courantes et cotisations fonds de travaux échues, à compter du 1er janvier 2020 et premier semestre 2024 inclus, avec intérêts au taux légal sur la somme de 760,22 euros à compter du 22 juillet 2021 et à compter du 12 septembre 2023 pour le surplus,
Condamne Monsieur [G] [C] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 511,04 euros au titre des frais de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
Condamne Monsieur [G] [C] à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le [Adresse 1] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne Monsieur [G] [C] à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 1] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [G] [C] aux dépens de l’instance, qui ne comprendront pas le coût de la sommation de payer du 22 juillet 2021 d’ores et déjà pris en compte au titre des frais de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision,
Ainsi dit et jugé par mise à disposition au greffe les jours, mois et an susdits.
Le greffier Le président