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04/07/2024 | FRANCE | N°23/02083

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, 3ème chambre civile, 04 juillet 2024, 23/02083


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE

3e chambre civile

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/02083 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GNWY

N° minute : 24/00071

Dans l’affaire entre :
DEMANDEURS

Madame [O] [K] épouse [I]
née le 13 Juin 1948 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Benoit CONTENT avocat au barreau de l’Ain, substitué par Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’Ain

Monsieur [W] [I]
né le 12 Février 1951 à [Localité 9]
demeuran

t [Adresse 5]

représenté par Me Benoit CONTENT avocat au barreau de l’Ain, substitué par Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’Ain

et

D...

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE

3e chambre civile

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/02083 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GNWY

N° minute : 24/00071

Dans l’affaire entre :
DEMANDEURS

Madame [O] [K] épouse [I]
née le 13 Juin 1948 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Benoit CONTENT avocat au barreau de l’Ain, substitué par Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’Ain

Monsieur [W] [I]
né le 12 Février 1951 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Benoit CONTENT avocat au barreau de l’Ain, substitué par Me Luc PAROVEL, avocat au barreau de l’Ain

et

DEFENDERESSES

Société de droit italien COSTA CROCIERE S.P.A,
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 484 982 889
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane BONIN avocat au barreau de Paris, substitué par Me Dalila ALAOUCHICHE, avocat au barreau de Paris

S.A.S. TMR INTERNATIONAL CONSULTANT
immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 353 823 800
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Vy-Loan HUYNH-OLIVIERI avocat au barreau de Paris, substitué par Me Mathilde BOULO, avocat au barreau de Paris


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Magistrat : Madame POMATHIOS,
Greffier : Madame TALMANT,
Débats : en audience publique le 15 Février 2024
Prononcé : décision rendue publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2024

copies délivrées le à :
Madame [O] [K] épouse [I]
Monsieur [W] [I]
Société COSTA CROCIERE S.P.A
S.A.S. TMR INTERNATIONAL CONSULTANT

formule(s) exécutoire(s) délivrée(s) le à :
Société COSTA CROCIERE S.P.A
S.A.S. TMR INTERNATIONAL CONSULTANT

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de voyage en date du 22 mai 2020, Monsieur [W] [I] et Madame [O] [K] épouse [I] ont réservé auprès de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT, agence de voyages, un voyage dénommé “19e festival de musique en mer”, consistant en un forfait touristique avec hébergement en pension complète s'étalant sur une période comprise entre le 22 et le 28 octobre 2020, moyennant un prix total de 2 670 euros. L'itinéraire prévu était le suivant : “[Localité 8] - [Localité 3] - [Localité 7] - [Localité 4] - [Localité 11] - [Localité 8]” au moyen du transport Costa Diadema.

Par courriel du 16 octobre 2020, la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT informait Monsieur et Madame [I] que la compagnie Costa annulait leur croisière Festival Musique en mer.

Par courrier du 06 novembre 2020, la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT a accusé réception de la demande d’indemnisation de Monsieur et Madame [I] suite à l’annulation de leur croisière, leur a rappelé que la décision de la compagnie Costa avait été prise unilatéralement et les a informés que dès le 30 octobre 2020, elle a adressé à cette dernière une demande formelle de remboursement partielle dont elle demeurait en attente.

Par courriel du 21 octobre 2021, Monsieur et Madame [I] ont rappelé à la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT qu’ils étaient dans l’attente de nouvelles concernant leur croisière depuis un an et qu’ils n’avaient toujours pas été remboursés des frais occasionnés par celle-ci.

Par acte de commissaire de justice du 20 juin 2023, Monsieur et Madame [I] ont fait assigner la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse à l’audience du 14 septembre 2023 aux fins d’indemnisation de leurs préjudices matériel et moral.
L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 23/02083.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 16 novembre 2023 pour échange des pièces et conclusions entre les parties et appel en cause de la société Costa Crocières S.P.A. par la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT.

Parallèlement, par acte de commissaire de justice du 22 septembre 2023, la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT a fait assigner en intervention forcée la société Costa Crocières devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse à l’audience du 16 novembre 2023.
L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 23/03275.

A cette audience, la jonction des deux procédures a été ordonnée sous le n° RG 23/02083.

L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties pour échange des pièces et des conclusions et a été retenue à l’audience du 15 février 2024.

A cette audience, Monsieur et Madame [I], représentés par leur conseil, s’en rapportent à leurs conclusions écrites et aux pièces qu’ils déposent. Ils demandent au tribunal, sur le fondement des articles L 211-16 et L 211-14 du code du tourisme de :
- condamner la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT à leur verser conjointement les sommes de :
* 2 670 euros en réparation de leur préjudice matériel correspondant au remboursement des sommes qu’ils ont versées pour la croisière,
* 2 300 euros en réparation de leur préjudice moral,
* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- “les condamner aux entiers dépens”

Au soutien de leurs prétentions, les demandeurs font valoir notamment que :
- s’agissant de la prétendue prescription de leur action :
* la prescription biennale visée à l’article L 211-17 du code du tourisme ne vise que les cas de non-conformité des services fournis, tandis que leur action est fondée sur l’article L 211-16 du dit code du fait de l’annulation du contrat ; qu’une telle action n’est pas enfermée dans un délai autre que celui prévu à l’article 2224 du code civil prévoyant un délai de prescription de cinq ans,
* à supposer applicable la prescription biennale, le point de départ est constitué non par l’annulation du voyage, mais par le refus de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT de procéder au remboursement du voyage suite à leur réclamation du 21 octobre 2021,
* à supposer applicable la prescription biennale, la prescription a, en tout état de cause, été interrompue par la reconnaissance de leur droit en application de l’article 2240 du code civil, caractérisée par les dires de la société Costa Crocières qui indique avoir remboursé à la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT une somme de 4 294 680 euros destinée à indemniser les passagers dont le voyage a été annulé en vertu d’un protocole d’accord signé entre les deux parties le 02 avril 2021,
* à titre subsidiaire, ils entendent également fonder leur demande sur les dispositions de l’article L 211-14 III du code de tourisme, l’action résultant de cette disposition n’étant soumise à aucune prescription biennale,
- sur le fond, par application de l’article L 211-16 du code du tourisme, l’agence de voyage avec laquelle un particulier contracte un contrat de voyage est responsable de plein droit de la bonne exécution du contrat, sans pouvoir s’exonérer en prouvant la défaillance de son prestataire ; qu’à titre subsidiaire, l’article L 211-14 III vise l’hypothèse où l’organisateur ou le détaillant résout le contrat et doit rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués,
- ils ont versé la somme de 2 670 euros pour la croisière ; qu’ils ont subi un préjudice moral, se faisant une joie de participer à cette croisière qui a été annulée quelques jours avant leur départ ; qu’ils sollicitent ainsi un préjudice dit “de voyage gâché” qui consiste en la déception d’avoir été privé d’un voyage.

La SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT, représentée par son conseil, soutient ses conclusions écrites n° 3 et demande au tribunal, sur le fondement des articles L 211-14 et L 211-16 du code du tourisme, des articles 1103 et suivants du code civil, de l’article 367 du code de procédure civile et de la jurisprudence versée aux débats, de :
A titre principal,
- juger irrecevable l’action de Monsieur et Madame [I] à son encontre, comme prescrite,
A titre subsidiaire,
- débouter Monsieur et Madame [I] de leurs demandes en tant que dirigées à son encontre,
A titre encore plus subsidiaire, dans l’hypothèse où une condamnation viendrait à être mise à sa charge,
- condamner la société Costa Crocières S.P.A. à la relever et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, sans exception, sauf à déduire la somme de 1 272 euros correspondant aux journées d’affrètement du navire non facturées par cette dernière,
En tout état de cause,
- condamner la société Costa Crocières S.P.A. à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la défenderesse fait valoir notamment que :
- à titre principal, le délai pour introduire une réclamation au titre d’un contrat de service de voyage est de deux ans en application de l’article L 211-17 du code du tourisme ; que la croisière a été annulée le 15 octobre 2020 et que l’acte introductif d’instance date du 20 juin 2023, soit plus de 8 mois après la date limite pour agir,
- à titre subsidiaire :
* la société Costa Crocières S.P.A. engage sa responsabilité à la suite de sa décision d’annuler unilatéralement, sans concertation préalable et sans motif valable, la croisière litigieuse, et ce alors que celle-ci aurait pu être poursuivie en respectant le protocole sanitaire mis en place, violant ainsi ses obligations contractuelles découlant du contrat d’affrètement du 03 juin 2019 et de son avenant du 03 septembre 2020 ; que le principe de précaution invoqué par cette dernière n’existe pas en droit des contrats et que les jurisprudences qu’elle produit ont toutes fait l’objet d’un recours ; que si le tribunal décidait d’analyser le motif d’annulation sous l’angle de la force majeure, celle-ci ne saurait être retenue dès lors que le prestataire a pris le parti de conclure et d’exécuter un engagement contractuel plusieurs mois après les débuts de la crise sanitaire et la mise en place des premières mesures prises par les pouvoirs publics, de sorte que le risque connu est devenu prévisible,
* la violation grave et brutale par la société Costa Crocières S.P.A. de ses obligations contractuelles a causé un préjudice important à Monsieur et Madame [I] qui se sont trouvés sans croisière, ni solution de repli ; que cette dernière est également restée sourde à ses propres demandes, et ce alors qu’elle cherchait à trouver une solution appropriée pour ses clients lésés ; que dans 21 affaires récentes et identiques à la présente affaire, le juge a retenu la responsabilité de la société Costa Crocières S.P.A. au motif qu’elle ne démontrait pas avoir eu d’autre choix que d’interrompre ou d’annuler le voyage ; que la société Costa Crocières S.P.A. doit donc être condamnée à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge sur le fondement de l’article L 211-16 du code du tourisme, le comportement fautif de cette dernière étant à l’origine du préjudice subi par les demandeurs, * s’agissant de l’accord qu’elle a conclu le 02 avril 2021 avec la société TARTACOVER, affréteur, et la société Costa Crocières S.P.A., la somme versée par cette dernière correspond uniquement au prix d’affrètement versé par la société TARTACOVER, déduction faite du prix d’affrètement dû au titre des jours de croisière effectués, soit une période antérieure à l’annulation de la croisière litigieuse ; qu’en revanche, les parties ont expressément stipulé, aux termes de l’article 7 de leur accord, que les réclamations des passagers ne seront pas réglées par l’accord et le seront, le cas échéant, devant les tribunaux compétents ; que cette interprétation du protocole a été confirmée à de maintes reprises par les juridictions saisies des réclamations des passagers ; que la somme que la société Costa Crocières S.P.A. lui a remboursée au terme du dit protocole a été utilisée pour régler les passagers ayant préféré être remboursés de leur croisière de printemps plutôt que de participer à une des trois croisières reportées en octobre 2020 ; que la société Costa Crocières S.P.A. doit donc, aux termes du dit accord, la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre pour les sommes excédant un montant de 1 272 euros, à savoir le montant correspondant aux six journées d’affrètement non facturées pour lesquelles elle a déjà été indemnisée, soit un solde dû de 1 398 euros, de sorte qu’il ne saurait y avoir enrichissement sans cause ; que la société Costa Crocières S.P.A. devra également la relever et garantir des condamnations au titre des frais de justice qui serait prononcée contre elle.

La société Costa Crocières S.P.A., représentée par son conseil, soutient ses conclusions écrites récapitulatives en défense n° 3 et demande au tribunal, sur le fondement des articles L 211-16 et L 211-17 du code de tourisme, des articles 1128, 1188 et 1303-1 du code civil, de l’article L 442-1 I du code de commerce, et de la jurisprudence qu’elle vise, de :
In limine litis,
- dire et juger irrecevable l’appel en garantie formulée à son encontre par la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT compte tenu de la prescription intervenue,
En tout état de cause,
- constater qu’elle a d’ores et déjà procédé au remboursement des jours de croisière non effectués par Monsieur et Madame [I] le 14 avril 2021,
- dire et juger qu’elle n’a commis aucune faute en annulant la croisière litigieuse compte tenu du contexte sanitaire,
- débouter la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées à son encontre,
- débouter Monsieur et Madame [I] de l’ensemble de [leurs] demandes, fins et conclusions formulées à son encontre,
- condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Costa Crocières S.P.A. fait valoir notamment que :
- in limine litis, la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT a été informée de l’annulation de la croisière litigieuse le 15 octobre 2020 et qu’en application des dispositions de l’article L 211-17 du code du tourisme, cette dernière disposait d’un délai de deux ans à compter de cette date pour agir en justice à son encontre ; que l’assignation en intervention forcée ayant été délivrée le 22 septembre 2023, l’appel en garantie de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT à son encontre est prescrit,
- sur le fond :
* elle s’est entendue avec la société TARTACOVER et la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT, aux termes d’un protocole en date du 02 avril 2021, et qu’elle a procédé au virement de la somme de 4 294 680 euros le 14 avril 2021 à la société TARTACOVER ; qu’il appartenait ensuite à cette dernière et à la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT de répercuter les sommes ainsi remboursées aux croisiéristes dont les croisières ont été écourtées ou annulées ; que sa condamnation à procéder une seconde fois au remboursement des jours de croisière non effectués par Monsieur et Madame [I] aboutirait à un enrichissement sans cause de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT,
* l’article 7 du protocole d’accord du 02 avril 2021 vise l’exclusion des litiges autres que ceux pouvant naître de l’absence de remboursement des journées de croisière non effectuées,
* en matière de vente de forfaits touristiques, l’article L 211-16 du code du tourisme prévoit une responsabilité de plein droit de l’agence de voyage qui est dès lors responsable de tous les intermédiaires et prestataires qui interviennent dans le voyage ; qu’étant un prestataire de services de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT, le recours de cette dernière à son encontre ne peut être mis en oeuvre qu’à charge pour elle d’apporter la preuve d’une faute qu’elle aurait commise ; que toutefois, elle n’a commis aucune faute dans l’annulation de la croisière litigieuse, au regard de la forte dégradation de la situation sanitaire en France entre le 26 septembre 2020 et le 15 octobre 2020 ; qu’elle a fait le choix d’appliquer le principe de précaution, ce qui a été validé dans quinze affaires similaires ; qu’elle ne pouvait pas proposer aux croisiéristes un nouveau report de la croisière,
* concernant les demandes d’indemnisation de Monsieur et Madame [I], il appartenait à la société TARTACOVER et à la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT de leur répercuter le montant qu’elle a remboursé au titre des journées de croisières non effectuées ; que s’agissant du préjudice moral invoqué par ces derniers, il est indéniable que la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT a abusivement résisté à son obligation de les indemniser.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le tribunal se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions sus-visées.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024, prorogé au 30 mai 2024, puis au 04 juillet 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que Monsieur et Madame [I] ne formule aucune demande principale en paiement à l’encontre de la société Costa Crocières S.P.A.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civil, “Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.”

L’article L 211-16 du code du tourisme dispose que :
“I.-Le professionnel qui vend un forfait touristique mentionné au 1° du I de l'article L. 211-1 est responsable de plein droit de l'exécution des services prévus par ce contrat, que ces services soient exécutés par lui-même ou par d'autres prestataires de services de voyage, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Le professionnel qui vend un service de voyage mentionné au 2° du I de l'article L. 211-1 est responsable de plein droit de l'exécution du service prévu par ce contrat, sans préjudice de son droit de recours contre le prestataire de service.
Toutefois le professionnel peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
Lorsqu'un organisateur ou un détaillant verse des dommages et intérêts, accorde une réduction de prix ou s'acquitte des autres obligations qui lui incombent, il peut demander réparation à tout tiers ayant contribué au fait à l'origine de l'indemnisation, de la réduction de prix ou d'autres obligations.
II.-Le voyageur informe l'organisateur ou le détaillant, dans les meilleurs délais eu égard aux circonstances de l'espèce, de toute non-conformité constatée lors de l'exécution d'un service de voyage inclus dans le contrat.
Le voyageur peut adresser des messages, des demandes ou des plaintes en rapport avec l'exécution du contrat directement au détaillant par l'intermédiaire duquel le voyage ou le séjour a été acheté. Le détaillant transmet ces messages, demandes ou plaintes à l'organisateur dans les meilleurs délais. Aux fins du respect des dates butoirs ou des délais de prescription, la date de réception, par le détaillant, des messages, demandes ou plaintes est réputée être la date de leur réception par l'organisateur.
III.-Si l'un des services de voyage n'est pas exécuté conformément au contrat, l'organisateur ou le détaillant remédie à la non-conformité, sauf si cela est impossible ou entraîne des coûts disproportionnés, compte tenu de l'importance de la non-conformité et de la valeur des services de voyage concernés.
Si l'organisateur ou le détaillant ne remédie pas à la non-conformité, conformément à l'alinéa précédent, le voyageur peut demander une réduction de prix et, en cas de dommage distinct, des dommages et intérêts en application de l'article L. 211-17.
IV.-Sans préjudice des exceptions énoncées au III, si l'organisateur ou le détaillant ne remédie pas à la non-conformité dans un délai raisonnable fixé par le voyageur, celui-ci peut y remédier lui-même et réclamer le remboursement des dépenses nécessaires. Il n'est pas nécessaire que le voyageur précise un délai si l'organisateur ou le détaillant refuse de remédier à la non-conformité ou si une solution immédiate est requise.
V.-Lorsqu'une part importante des services de voyage ne peut être fournie comme prévu dans le contrat, l'organisateur ou le détaillant propose, sans supplément de prix pour le voyageur, d'autres prestations appropriées, si possible de qualité égale ou supérieure à ceux spécifiés dans le contrat, pour la continuation du contrat, y compris lorsque le retour du voyageur à son lieu de départ n'est pas fourni comme convenu.
Lorsque les autres prestations proposées donnent lieu à un voyage ou séjour de qualité inférieure à celle spécifiée dans le contrat, l'organisateur ou le détaillant octroie au voyageur une réduction de prix appropriée.
Le voyageur ne peut refuser les autres prestations proposées que si elles ne sont pas comparables à ce qui avait été prévu dans le contrat ou si la réduction de prix octroyée n'est pas appropriée.
VI.-Lorsqu'une non-conformité perturbe considérablement l'exécution d'un voyage ou séjour et que l'organisateur ou le détaillant n'y remédie pas dans un délai raisonnable fixé par le voyageur, ce dernier peut résoudre le contrat sans payer de frais de résolution et demander, le cas échéant, conformément à l'article L. 211-17, une réduction de prix et en cas de dommage distinct des dommages et intérêts.
S'il s'avère impossible de proposer d'autres prestations ou si le voyageur refuse les autres prestations proposées conformément au troisième alinéa du V, le voyageur a droit, s'il y a lieu, à une réduction de prix et, en cas de dommage distinct, à des dommages et intérêts conformément à l'article L. 211-17, sans résolution du contrat.
Si le contrat comprend le transport de passagers, l'organisateur ou le détaillant fournit également au voyageur, dans les cas mentionnés aux deux précédents alinéas, le rapatriement par un moyen de transport équivalent, dans les meilleurs délais eu égard aux circonstances de l'espèce et sans frais supplémentaires pour le voyageur.
VII.-Lorsqu'il est impossible, en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, d'assurer le retour du voyageur comme prévu dans le contrat, l'organisateur ou le détaillant supporte les coûts de l'hébergement nécessaire, si possible de catégorie équivalente, pour une durée maximale de trois nuitées par voyageur. Si des durées plus longues sont prévues par la législation de l'Union européenne sur les droits des passagers applicable aux moyens de transport concernés pour le retour du voyageur, ces durées s'appliquent.
VIII.-La limitation des coûts prévue à l'alinéa précédent ne s'applique pas aux personnes à mobilité réduite, telles que définies à l'article 2, point a, du règlement (CE) n° 1107/2006, aux personnes les accompagnant, aux femmes enceintes et aux mineurs non accompagnés, ni aux personnes nécessitant une assistance médicale spécifique, à condition que l'organisateur ou le détaillant ait été prévenu de leurs besoins particuliers au moins quarante-huit heures avant le début du contrat. L'organisateur ou le détaillant ne saurait invoquer des circonstances exceptionnelles et inévitables pour limiter la responsabilité au titre du présent article si le prestataire de transport concerné ne peut se prévaloir de telles circonstances en vertu de la législation applicable de l'Union européenne.”

L’article L 211-17 du dit code, dans sa rédaction applicable au litige, précise que :
“I.-Le voyageur a droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité des services fournis dans le cadre d'un contrat, sauf si l'organisateur ou le détaillant prouve que la non-conformité est imputable au voyageur.
II.-Le voyageur a droit à des dommages et intérêts de la part de l'organisateur ou du détaillant pour tout préjudice subi en raison de la non-conformité des services fournis. L'indemnisation est effectuée dans les meilleurs délais.
III.-Le voyageur n'a droit à aucune indemnisation si l'organisateur ou le détaillant prouve que la non-conformité est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
(...)
VI.-Le délai de prescription pour l'introduction des réclamations au titre du présent article est fixé à deux ans, sous réserve du délai prévu à l'article 2226 du code civil.”

Il est constant que la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT a vendu à Monsieur et Madame [I] un forfait touristique suivant contrat de voyage signé le 22 mai 2020, portant sur un voyage dénommé “19e festival de musique en mer”, avec hébergement en pension complète s'étalant sur une période comprise entre le 22 et le 28 octobre 2020.

Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, leur action fondée sur la responsabilité de plein droit de l’agence de voyage en application de l’article L 211-16 sus-visé du code du tourisme est bien soumise à la prescription biennale de l’article L 211-17 VI du dit code.

Il résulte des pièces versées aux débats par les demandeurs que ces derniers ont été informés le 16 octobre 2020 de l’annulation de leur croisière par la société Costa Crocières S.P.A. et que par courrier du 06 novembre 2020, la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT a accusé réception de leur demande d’indemnisation.

Monsieur et Madame [I] ne sauraient invoquer, comme cause interruptive de prescription, les dires de la société Costa Crocières S.P.A. qui indique avoir remboursé à la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT une somme de 4 294 680 euros destinée à indemniser les passagers dont le voyage a été annulé en vertu du protocole d’accord signé entre les deux parties le 02 avril 2021 à titre de reconnaissance de leur droit en application de l’article 2240 du code civil, dès lors que les dires invoqués, au demeurant non datés, n’émanent pas de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT, débiteur des demandeurs.

L’action de Monsieur et Madame [I] fondée sur l’article L 211-16 du code du tourisme diligentée à l’encontre de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT ayant été introduite par assignation du 20 juin 2023, soit au-delà du délai de deux ans à compter du 06 novembre 2020, elle se trouve prescrite et sera par suite déclarée irrecevable.

Les demandeurs fondent à titre subsidiaire leur action diligentée à l’encontre de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT sur les dispositions de l’article L 211-14 III du code du tourisme.

Il sera noté que la défenderesse ne formule aucune observation sur ce point, étant souligné que la prescription biennale de l’article L 211-17 VI du code du tourisme ne s’applique pas à l’action diligentée sur le fondement de l’article l’article L 211-14 III du dit code, de sorte que celle-ci sera déclarée recevable.

Sur la demande principale en paiement fondée sur l’article L 211-14 III du code du tourisme

En application de l’article L 211-14 III du code du tourisme, “L'organisateur ou le détaillant peut résoudre le contrat et rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués”.

Toutefois, en l’espèce, dans son courrier adressé par mail à Monsieur et Madame [I] le 16 octobre 2020, la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT se borne à leur indiquer que la compagnie Costa annulait leur croisière Festival Musique en Mer qui devait avoir lieu du 22 au 28 octobre 2020, soulignant que cette dernière avait décidé unilatéralement de rompre le contrat qui les liait, qu’elle s’était immédiatement opposée à cette annulation et qu’elle tenait à leur faire part immédiatement de cette nouvelle pour qu’ils puissent prendre leurs dispositions.

Faute pour la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT d’indiquer qu’elle entendait résoudre le contrat de voyage conclu avec les demandeurs le 22 mai 2020, ces derniers ne sauraient fonder leur demande sur les dispositions de l’article L 211-14 du code du tourisme et leurs demandes en paiement seront par suite rejetées.

Sur les demandes accessoires

Monsieur et Madame [I], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance, à l’exception du coût de l’assignation en intervention forcée de la société Costa Crocières S.P.A. en date du 22 septembre 2023 qui demeurera à la charge de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT.

Par ailleurs l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est de droit exécutoire par provision par application des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

Déclare Monsieur [W] [I] et Madame [O] [K] épouse [I] irrecevables en leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article L 211-16 du code du tourisme, pour être prescrites,

Déclare Monsieur [W] [I] et Madame [O] [K] épouse [I] recevables en leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article L 211-14 du code du tourisme,

Déboute Monsieur [W] [I] et Madame [O] [K] épouse [I] de l’intégralité de leurs demandes,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [W] [I] et Madame [O] [K] épouse [I] aux dépens de l’instance, à l’exception du coût de l’assignation en intervention forcée de la société Costa Crocières S.P.A. en date du 22 septembre 2023 qui demeurera à la charge de la SAS TMR INTERNATIONAL CONSULTANT,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Ainsi dit et jugé par mise à disposition au greffe les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02083
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;23.02083 ?
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