TRIBUNAL DE PROXIMITÉ
DE SAINT OUEN
[Adresse 4]
[Localité 9]
Téléphone : [XXXXXXXX01] ou [XXXXXXXX06] ou [XXXXXXXX07]
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N° RG 23/01249 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YTEJ
Minute : 24/00107
Madame [E] [C]
Représentant : Me Véronique SERRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 230
C/
Monsieur [D] [N]
Représentant : Me Avner DOUKHAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1026
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 29 Juillet 2024
DEMANDEUR :
Madame [E] [C]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique SERRE, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Monsieur [D] [N]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Avner DOUKHAN, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS :
Audience publique du 20 Juin 2024
DÉCISION:
Contradictoire, premier ressort, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Juillet 2024, par Madame Noémie KERBRAT, en qualité de Juge des contentieux de la protection, assistée de Madame Isabelle GRAPPILLARD, Greffier.
Copie exécutoire : Me Véronique SERRE
Copie certifiée conforme : Me Avner DOUKHAN
Le 06/08/2024
EXPOSE DU LITIGE
Par acte de commissaire de justice en date du 15/12/2023, Mme [E] [C] a fait assigner M. [D] [N] en expulsion en en paiement de diverses sommes devant le juge des référés de ce Tribunal.
Après plusieurs renvois accordés à la demande des parties, l’affaire a été examinée à l’audience du 11/06/2024.
A cette audience, Mme [E] [C] a déposé des écritures soutenues oralement aux termes desquelles elle sollicite de voir :
Juger que le défendeur occupe sans droit ni titre son logement situé [Adresse 3] [Localité 8] ;Ordonner son expulsion ainsi que celle de tous les occupants de son chef avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier le cas échéant ;Rejeter la demande de délais pour quitter les lieux ;Ordonner que l’expulsion intervienne sans délai ;Ordonner que, s’agissant des biens mobiliers laissés dans les lieux, il soit fait application pour l’essentiel des dispositions des articles L.433-1 à L.433-2 et R433-1 à R433-7 du code des procédures civiles d’exécution ;Condamner le défendeur au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation égale à 400 euros par mois jusqu’à libération effective des lieux ;Condamner le défendeur au remboursement de la somme de 1274,08 euros ;Condamner le défendeur au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;Condamner le défendeur au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
M. [D] [N] a également déposé à cette audience des conclusions soutenues oralement aux termes desquelles il sollicite de voir :
A titre principal, constater l’existence de contestations sérieuses et dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Mme [C]Reconventionnellement :Constater le caractère non décent du logement ;Condamner la demanderesse au paiement de la somme de 9500 euros au titre du préjudice de jouissance ;Condamner la défenderesse au paiement de la somme de 1000 euros au titre du préjudice moral ;Subsidiairement, accorder les plus larges délais pour quitter les lieux En tout état de cause, condamner la demanderesse au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour plus de précisions quant aux prétentions et moyens des parties, il sera fait référence, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à leurs écritures respectives visées à l’audience.
MOTIFS
Sur la demande en expulsion
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, M. [N] indique dans ses écritures occuper les lieux litigieux depuis octobre 2020, date à laquelle il aurait conclu un contrat de bail avec la mère de Mme [C], Mme [U]. Or, il est manifeste qu’à cette date Mme [C], née en 1987 et propriétaire de l’appartement depuis son enfance, était déjà adulte depuis plusieurs années. Il ressort par ailleurs à l’évidence des pièces produites et, notamment du récépissé de dépôt de plainte du 8 mars 2022, que Mme [C] ne connaissait pas le défendeur et a appris fortuitement qu’il occupait les lieux lors de ses démarches de mise en vente de son appartement.
Il ne fait dès lors aucun doute que Mme [U] - à supposer que cette dernière ait effectivement introduit M. [N] dans les lieux (ce qui ne ressort pas à l’évidence des échanges de SMS produits dès lors que ceux-ci font simplement apparaître un numéro de téléphone, parfois associé au prénom « [Z] ») - ou quiconque ayant permis à M. [N] de résider dans les lieux a agi sans disposer d’aucun pouvoir à cet effet.
Il en résulte que, nonobstant la croyance éventuelle de M. [N] dans l’apparente licéité de son installation dans lieux, celle-ci ne se base sur aucun droit ni titre valable.
Il sera au surplus observé que M. [N] ne justifie en tout état de cause – en l’absence de relevé de compte ou reçu produit - d’aucun paiement réalisé à quelque titre que ce soit auprès de la propriétaire ou de l’apparent propriétaire des lieux et que son occupation ne saurait dès lors relever de la qualification de bail verbal comme il le soutient aux termes de ses écritures.
M. [N] occupe ainsi à l’évidence sans droit ni titre le logement litigieux. Compte tenu du trouble manifestement illicite engendré, il y a lieu en conséquence d’autoriser son expulsion dans les termes du dispositif. Celle-ci interviendra bien par ailleurs « sans délai », comme sollicité en demande, dès lors que la demande de délais pour quitter les lieux a été rejetée (cf. ci-dessous).
Il sera enfin rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
Sur la demande en paiement d’une indemnité d’occupation
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, l’occupation sans droit ni titre des lieux loués justifie que M. [N] soit condamné, à titre provisionnel, à compter du jugement et jusqu’à libération effective des lieux par remise des clefs, procès-verbal d’expulsion ou procès-verbal de reprise, au paiement, d’une indemnité d’occupation fixée, au vu des justificatifs de valorisation produits mais également du rapport des services d’hygiène et de sécurité versé aux débats, à la somme mensuelle de 300 euros.
Sur la demande en remboursement de factures d’énergie
La demanderesse justifie des factures d’énergie, qui concernent bien l’appartement litigieux, dont elle sollicite le remboursement. Le défendeur de son côté ne conteste pas être à l’origine des consommations ayant conduit à l’édition des factures litigieuses et ne formule au demeurant aucune observation sur ce point aux termes de ses écritures.
En l’absence de contestation sérieuse, il sera accordé à la demanderesse, en application de l’article 835 al2 du code de procédure civile, la somme provisionnelle de 1274,08 euros au titre du remboursement des factures litigieuses.
Sur la demande de dommages et intérêts
L’occupation sans droit ni titre d’un local à usage d’habitation constitue une faute civile de nature quasi-délictuelle ouvrant droit à réparation dès lors qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire, privé de la jouissance de son bien. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En l’espèce, M. [N] reconnait aux termes de ses écritures occuper les lieux depuis octobre 2020. Compte tenu des justificatifs de valorisation versés aux débats, des mentions du rapport des services d’hygiène et de sécurité de la mairie produit et de la durée d’occupation des lieux (près de quatre années), il y a lieu d’accorder à la demanderesse la somme provisionnelle de 5000 euros sollicitée à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la privation de jouissance subi.
Sur les demandes reconventionnelles
Comme précisé ci-dessus, le pouvoir du juge des référés d’accorder une provision au créancier suppose que l’existence de l’obligation fondant la demande ne soit pas sérieusement contestable. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du juge des référés l'obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l'existence d'un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige
Or, en l’espèce, une contestation sérieuse existe dès lors qu’en sa qualité d’occupant sans droit ni titre des lieux litigieux, M. [N] ne saurait solliciter, comme il le fait aux termes de ses écritures, l’application à son profit des dispositions applicables en matière de bail à la délivrance d’un logement décent ou au maintien de ce dernier en bon état d’usage et de réparations.
Il sera en conséquence dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts fondée sur le préjudice de jouissance.
Il en sera de même de la demande de dommages et intérêts fondée sur le préjudice moral eu égard à l’impossibilité de caractériser avec l’évidence requise en matière de référé un manquement de la demanderesse à une obligation à laquelle celle-ci serait tenue vis-à-vis du défendeur.
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Aux termes des dispositions combinées des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L441-2-3 et L441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.
En l’espèce, M. [N] ne justifie pas de ses ressources. Aucune impossibilité de se reloger dans des conditions normales ne saurait ainsi être caractérisée. Il ne justifie en outre d’aucune démarche de relogement. La demande de délais pour quitter les lieux sera dès lors rejetée.
Il y a lieu de condamner M. [D] [N] aux dépens, sans qu’il soit nécessaire de préciser plus avant les frais compris dans ces derniers.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de Mme [E] [C] les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir ses droits dans la présente instance. La somme de 1500 euros lui sera allouée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Nous, Juge des contentieux de la protection, statuant par ordonnance de référé contradictoire, assortie de l’exécution provisoire, en premier ressort et mise à disposition au greffe,
CONSTATONS que M. [D] [N] occupe sans droit ni titre le logement situé [Adresse 3] [Localité 8] ;
ORDONNONS en conséquence à M. [D] [N] de libérer immédiatement les lieux et de restituer les clés ;
DISONS qu'à défaut de départ volontaire des lieux, Mme [E] [C] pourra faire procéder à l'expulsion de M. [D] [N], ainsi que de tous les occupants de son chef, avec le concours d’un serrurier et de la force publique le cas échéant ;
RAPPELONS que le sort des meubles éventuellement laissés sur place est régi par les articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
CONDAMNONS M. [D] [N] à payer à Mme [E] [C], à compter du jugement et jusqu’à libération effective des lieux par remise des clefs, procès-verbal d’expulsion ou procès-verbal de reprise, une indemnité mensuelle d’occupation fixée à la somme provisionnelle de 300 euros ;
CONDAMNONS M. [D] [N] à payer à Mme [E] [C] la somme de provisionnelle de 1274,08 euros au titre du remboursement de factures de consommation d’énergie ;
CONDAMNONS M. [D] [N] à payer à Mme [E] [C] la somme de provisionnelle de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DISONS n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles ;
REJETONS la demande de délais pour quitter les lieux ;
CONDAMNONS M. [D] [N] à payer à Mme [E] [C] la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS M. [D] [N] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT