TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
DU 24 JUILLET 2024
Chambre 21
Affaire : N° RG 23/07809 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XP6M
N° de Minute : 24/382
Madame [N] [B]
née le [Date naissance 5] 1974
[Adresse 7]
[Localité 13]
représentée par Me Elisabeth AYDIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0463
DEMANDERESSE AU PRINCIPAL - DEFENDERESSE A L’INCIDENT
C/
HOPITAL PRIVE DE LA SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 8]
[Localité 11]
représentée par Me Christine LIMONTA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0026
DÉFENDEUR AU PRINCIPAL - DEMANDEUR A L’INCIDENT
ONIAM
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représentée par Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0261
CPAM DE LA SEINE-SAINT-DENIS
RISQUES PROFESSIONNELS
[Adresse 15]
[Localité 9]
représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R295
DÉFENDEURS
JUGE DE LA MISE EN ÉTAT :
Madame Karima BRAHIMI, Vice-Présidente,
assistée aux débats de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, Greffier.
DÉBATS :
Audience publique du 22 Mai 2024.
_________________________________________________________________________________________
Tribunal judiciaire de Bobigny
Chambre 21
AFFAIRE N° RG 23/07809 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XP6M
Ordonnance du juge de la mise en état
du 24 Juillet 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
Chambre 21
AFFAIRE N° RG 23/07809 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XP6M
Ordonnance du juge de la mise en état
du 24 Juillet 2024
ORDONNANCE :
Prononcée en audience publique, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, par Madame Karima BRAHIMI, Vice-Présidente, juge de la mise en état, assistée de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 mai 2016, Madame [B] s’est rendue à l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis pour accoucher.
Madame [B] a subi une césarienne en urgence.
Le 31 mai 2016 Madame [B] a présenté une cicatrice un peu boursouflée et des hématomes. Le même jour, Madame [B] indique que “quelque chose est sorti de sa cicatrice”. Le gynécologue a conclu qu’il s’agissait de graisse et a rajouté 2 agrafes à celles déjà existantes.
Le 2 juin 2016, Madame [B] a présenté un écoulement séreux au niveau de sa cicatrice. Le lendemain, les agrafes ont été enlevées. Au centre de la cicatrice, était constatée une petite zone de déhiscence très superficielle.
Le 4 juin 2016, il a été observé qu’il y avait une extériorisation de graisse du côté gauche au niveau de la cicatrice. Il a été suspecté une éventration, Madame [B] a passé un scanner indiquant une absence de collection de la cicatrice de césarienne ou d’abcès pouvant expliquer l’écoulement par les agrafes.
Le 8 juin 2016, Madame [B] a été autorisée à sortir de l’hôpital avec la prescription de soins à domicile. La prise en charge à domicile de Madame [B] s’est terminée le 22 juillet 2016.
Le 7 septembre 2016, le Docteur [J] a adressé Madame [B] au centre hospitalier [17] d’[Localité 13] pour une hernie de la ligne blanche dans la région pelvienne.
Le 13 septembre 2016, Madame [B] a consulté le Docteur [H] qui a conclu à une grosse éventration potruse en position debout avec distension cutanée et a décidé d’une cure d’éventration. Madame [B] a été hospitalisée au centre hospitalier [17] du 5 au 12 décembre 2016 pour cure de l’éventration sus-pubienne, réalisée le 6 décembre 2016 par prothèse rétro-musculaire avec excision de l’excédent cutanéo-muqueux-graisseux.
Du 14 au 17 mai 2018, Madame [B] a été hospitalisée à l’hôpital privé de l’est parisien pour sigmoîdite diverticulaire non compliquée. Le 26 juillet 2018, une coloscopie totale a confirmé la diverticulose colique gauche non compliquée.
Le 25 juin 2020, Madame [B] a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux d’Ile de France (CCI) afin de voir indemniser ses préjudices. La CCI a diligenté une expsertise confiée à un collège d’experts
Le rapport d’expertise a été déposé le 14 décembre 2020.
Par un avis du 18 février 20212 mars 2021, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux d’Ile de France (CCI) qui s’est déclarée incompétente pour rendre un avis concernant la demande d’indemnisation présentée par Madame [B].
Contestant les conclusions de l’expertise diligentée par la CCI, Madame [B] a, par actes de commissaire de justice des 08 juin, 21 juin, et 07 août 2023, assigné l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de la Seine-Saint-Denis davnat la présente juridiction et sollicité la réalisation d’une expertise judiciaire et l’allocation d’une provision.
Au stade de la mise en état, l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis a élevé un incident.
Dans ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 21 mai 2024, l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis demande notamment :
A titre principal :
- de juger que les faits litigieux et l’ensemble des interrogations de Madame [B] ont déjà fait l’objet d’une analyse claire, précise et détaillée dans le cadre des opérations d’expertise contradictoires diligentées par la CCI,
- de juger que la mesure de contre-expertise sollicitée par Madame [B] n’est pas utile dans la mesure où le juge du fond dispose d’ores et déjà des éléments nécessaires pour se prononcer sur le fond du litige,
Par conséquent,
- de débouter Madame [B] de sa demande de contre-expertise,
- de débouter Madame [B] de toutes ses demandes fins et conclusions en tant que dirigées à l’encontre de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis,
- d’ordonner la mise hors de cause de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis,
- de débouter la CPAM de Seine-Saint-Denis de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens dirigées à l’encontre de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis,
- de condamner Madame [B] aux entiers dépens de la procédure,
A titre subsidiaire :
- de constater que l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis ne s’oppose pas, sous les plus expresses protestations et réserves d’usage sur sa responsabilité, sur l’expertise et sur l’opportunité de sa mise en cause, à ce qu’une mesure d’expertise soit ordonnée, à la condition toutefois qu’elle soit confiée à un collège d’Experts gynécologue obstétricien, réanimateur-infectiologue et chirurgien viscéral, et qu’il s’agisse d’une mission complète et classique en matière de responsabilité médicale,
selon les modalités qu’il précise,
- de juger que les opérations d’expertise seront menées aux frais avancés de Madame [B] sur laquelle pèse la charge de la preuve,
En tout état de cause,
- de débouter Madame [B] de sa demande de provision dirigée à l’encontre de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis, celle-ci se heurtant à des contestations sérieuses,
- de débouter Madame [B] de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens dirigées à l’encontre de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis,
- de débouter la CPAM de Seine-Saint-Denis de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens dirigées à l’encontre de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis,
- de condamner Madame [B] à verser à l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- de juger que les dépens de la présente procédure seront laissés provisoirement à la charge de Madame [B].
L’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis fait valoir l’absence d’utilité à voir ordonner une mesure de contre-expertise. Il soutient que le juge du fond dispose des éléments suffisants pour statuer sur les responsabilités encourues et l’évaluation des préjudices allégués par Madame [B] puisqu’une une première réunion d’expertise CCI réalisée au contradictoire de l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis, et des Docteurs [R] et [L], a d’ores et déjà été diligentée le 30 novembre 2020 par les Docteurs [W] [A], gynécologue-obstétricien, [E] [G], réanimateur-infectiologue et [M] [Y], chirurgien viscéral. Il considère qu’aux termes de leur rapport déposé le 14 décembre 2020, les experts ont pris soin de répondre de manière précise et détaillée à toutes les questions composant la mission qui leur était confiée et que ce rapport d’expertise ne souffre donc aucune lacune et est amplement suffisant pour éclairer le juge du fond et lui permettre de statuer sur le fond du litige.
L’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis ajoute que la circonstance selon laquelle la demanderesse ne souscrit pas à l’analyse des experts ne suffit pas, en l’absence de tout nouvel élément, à justifier l’utilité d’une mesure de contre-expertise et relève que le Docteur [L], anesthésiste-réanimateur exerçant à titre libéral, n’a pas été mis en cause par Madame [B] alors que la prise en charge de ce dernier avait vivement été critiquée par les experts lors de l’accédit puis aux termes de leur rapport d’expertise et que dans ces conditions, il apparaît qu’une contre-expertise ne saurait être utile et exploitable en l’absence du Docteur [L].
S’agissant de la provision, l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis soutient qu’aucune responsabilité le concernant n’est établie dans cette affaire, que les experts n’ont relevé aucun manquement dans la surveillance post opératoire de la patiente, notamment sur le suivi de sa cicatrice de césarienne tant par le personnel médical que le personnel paramédical salarié de l’établissement. Il conteste les manquements soulevés par Madame [B]. Enfin, il soutient que s’il n’est pas contesté que la patiente a présenté des troubles de cicatrisation dans les suites de sa césarienne, pour autant, la réalité d’une infection n’est nullement établie et que dans ces conditions, en l’absence de preuve de la survenue d’une infection, qui plus est nosocomiale, la responsabilité de plein droit de l’établissement ne peut davantage être retenue.
Dans ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 17 mai 2024, Madame [N] [B] demande notamment :
A titre principal :
- de recevoir Madame [B] en ses fins moyens et prétentions,
- de débouter l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis de ses demandes,
- de faire droit aux demandes de l’ONIAM à l’exception de la demande de laisser provisoirement les dépens de l’incident à la charge de Madame [B],
- de recevoir la CPAM de la Seine Saint Denis en ses demandes,
- de désigner tel collège d’experts gynécologue-obstétricien, réanimateur-infectiologue et
chirurgien viscéral qu’il plaira au tribunal avec la mission qu’elle précise,
- de condamner l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme :
• 5.000,00 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,
• 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- de condamner l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis aux entiers dépens de l’instance,
- de dire la décision à intervenir commune et opposable à la CPAM de Seine Saint Denis.
Madame [B] fait valoir des désaccords quant aux conclusions du rapport d’exeprtise diligenté par la CCI s’agissant de la durée des arrêts de travail retenue, du taux d’imputabilité retenu et du chiffrage de divers postes de préjudice. En raison de ces éléments de désaccord, elle sollicite une expertise judiciaire. Elle précise que la saisine de la CCI n’est pas exclusive d’une procédure judiciaire.
Elle ajoute que le rapport est incompréhensible et lacunaire dès lors qu’il ne précise pas les causes plurifactorielles de l’éventration.
S’agissant de la provision, Madame [B] soutient qu’elle n’a perçu aucune provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel, alors même qu’elle a été victime d’un accident médical à l’Hôpital privé de Seine-Saint-Denis. Elle rappelle que le Docteur [U] a déclaré dans son dire du 10 février 2021 à destination de la CCI que l’attitude de l’hôpital est « hésitante et incohérente ». Elle met en avant divers manquements de l’hôpital : manque de diligence, absence de transmission dans un délai raisonnable des examens sanguins, retrait précipité des agrafes.
Dans ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 08 avril 2024, la CPAM de Seine-Saint-Denis demande notamment :
- de recevoir la CPAM de Seine-Saint-Denis en ses demandes et l’y déclarer bien fondée,
- de juger que la CPAM s’en rapporte à justice quant à la demande d’expertise formulée par la victime,
- de réserver les droits de la CPAM dans l’attente du rapport d’expertise à venir,
- de condamner l’Hôpital Privé de la Seine Saint Denis à verser à la la CPAM de Seine-Saint-Denis la somme de 1.000,00 €, par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- d’ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie,
- de condamner le même en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, Avocats, et ce, en application des dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La CPAM de Seine-Saint-Denis expose qu’delle s’en rapporte à justice quant à la demande d’expertise médicale sollicitée par la victime.
Dans ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 27 novembre 2023, l’ONIAM demande notamment :
- de constater que l’ONIAM ne s’oppose pas, sous les protestations et réserves d’usage quant au bien-fondé de sa mise en cause au regard des dispositions des articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique, à la demande de voir ordonner une mesure d’expertise qui sera confiée, aux frais avancés de Madame [B], à tels experts qu’il plaira avec mission complète et classique en matière de responsabilité médicale,
-d’inviter Madame [B] à appeler en la cause le docteur [L] aux fins de lui rendre communes les opérations d’expertise à intervenir,
- de laisser provisoirement les dépens de l’incident à la charge de Madame [B].
L’ONIAM expose essentiellement que sous les protestations et réserves habituelles, il ne s’oppose pas à la demande d’expertise formée par Madame [B].
Il soutient que cette demande apparaît obéir à un motif légitime au vu des divergences qui semblent perdurer dans ce dossier et qui ressortent des conclusions de la demanderesse comme de celles l’Hôpital Privé de la Seine-Saint-Denis qui conteste toute part de responsabilité comme au vu des interrogations qui demeurent sur les causes exactes de l’éventration survenue, sur les séquelles strictement imputables à l’infection non prise en charge conformément aux règles de l’art, sur la durée et l’imputabilité des différents arrêts de travail de la demanderesse au dommage présenté.
L’ONIAM ajoute que la présence du docteur [L] dont il a été relevé les manquements estimés fautifs serait utile et que Madame [B] doit être invitée à l’appeler en cause.
S’agisssant de la demande de provision, il estime qu’elle n’est pas fondée en l’état des conclusions de l’expertise CCI, de l’avis de la CCI et de la demande d’expertise formulée devant ce tribunal.
Il convient en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux prétentions et moyens développés dans les écritures des parties.
L’affaire a été appelée à l’audience du 22 mai 2024. La décision a été mise en délibéré au 04 septembre 2024 avancée au 24 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de nouvelle expertise
Il sera rappelé à titre liminaire que l'article 9 du code de procédure civile impose à celui qui entend obtenir satisfaction de sa demande de rapporter la preuve des faits nécessaires à son succès.
En application des articles 143 et 232 du code de procédure civile, le juge peut d'office ou à la demande des parties, ordonner une mesure d'instruction et notamment désigner toute personne de son choix afin de l'éclairer par une expertise sur une question de fait requérant les lumières d'un technicien.
L’article 786 du code de procédure civile prévoit que le « Le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige ».
S’il convient de rappeler que l'organisation d'une nouvelle ou d’une contre-expertise n'est jamais de droit et ne peut se justifier par le seul désaccord quant à l’avis technique rendu, le tribunal relève en l’espèce plusieurs difficultés.
D’une part, alors que les conclusions de l’expertise diligentée par la CCI mettent en cause le Docteur [L], cette dernière, non appelée à la cause n’a pas été convoquée à la réunion d’expertise. Or, tant l’hôpital privé de la Seine-Saint-Denis, l’ONIAM que Madame [B] retiennent, dans leurs écritures, la responsabilité de ce praticien. En outre, à la lecture du raport d’expertise, il apparaît que le Docteur [L] n’a formulé aucune observation ni transmis aucune pièce.
Dès lors que l’expertise diligentée par la CCI est non contradictoire au Docteur [L] et alors que les parties mettent en cause la responsabilité de ce praticien, une difficulté majeure apparaît.
D’autre part, le tribunal observe que le rapport est ambigu et ne tranche pas clairement plusieurs points.
S’agissant de la nature du dommage, les experts indiquent que « le dommage est la survenue en postopératoire immédiat de signes cliniques, radiologiques et de données très en faveur d’une infection du site opératoire (ISO) dite superficielle ». Ils ajoutent que « Sur ce constat et à partir de cette définition, compte tenu de l’absence de contexte infectieux et d’un prélèvement non réalisé de façon aseptique tracée, l’expert infectiologue conclut à une ISO superficielle très probable, bien que ne remplissant pas formellement l’ensemble des critères correspondant à sa définition ».
S’agissant de l’éventration, les experts indiquent que « le lien entre cette ISO probable et la survenue ultérieure d’éventration sus-pubienne médiane est possible mais non démontré » et que « le lien entre cette ISO et la survenue de l’éventration sus-pubienne diagnostiquée le 07/09/2016 soit moins de 4 mois après la césarienne est plus difficile à établir et seulement probable ».
Par conséquent, s’agissant de la nature du dommage - ISO -, et de l’origine de l’éventration sus-pubienne, les experts ne se prononcent pas avec certitude mais font état de probabilité, ne mettant pas le tribunal en mesure d’être suffisamment éclairé sur ces points essentiels à savoir la certitude que Madame [B] a présenté une infection du site opératoire dite superficielle, la certitude quant à l’origine de l’éventration sus-pubienne, et les conséquences «certaines» de l’ISO et de l’éventration sus-pubienne sur l’état de santé de Madame [B].
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’une part d’inviter les parties, et notamment Madame [B], à mettre en cause le Docteur [L] afin que les opérations d’expertises lui soient étendues et d’autre part d’ordonner une expertise judiciaire, comme précisé au dispositif, notamment afin que l’expert puisse réponde avec plus de certitude notamment sur la nature du dommage, (ISO ou non), l’origine de l’éventration sus-pubienne, et les conséquences de ces deux dommages sur l’état de santé de Madame [B].
Il n’apparaît pas nécessaire de désigner un collège d’experts, étant précisé que l’expert désigné pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix, s’il l’estimait utile.
Sur la provision
En application de l'article 789-2 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
En l’espèce, la demande de provision de Madame [B] est dirigée contre l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis.
Or, à ce stade de la procédure, le rapport d’expertise transmis indiquent que « les experts n’ont identifié aucun défaut d’organisation ni dysfonctionnement de l’établissement en cause » et l’Hôpital privé de la Seine-Saint-Denis précise que le praticien responsable de l’absence d’antibiopropylaxie est un praticien exerçant à titre libéral dans son établissement.
Au regard de ces éléments, le rapport d'expertise ne mettant pas en évidence un manquement de l’Hôpital de la Seine-Saint-Denis, la demande de provision sera rejetée.
Sur les mesures accessoires
En application de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En l’espèce, il n’y a pas lieu de se prononcer en l’état sur les demandes accessoires formées par les parties.
Par conséquent, les demandes accessoires seront réservées.
PAR CES MOTIFS
Karima BRAHIMI, Vice-présidente, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, susceptible d'appel :
INVITE les parties, et notamment Madame [N] [B], à mettre en cause le Docteur [T] [L],
ORDONNE une expertise et désignons en qualité d'expert :
[D] [K]
Centre Hospitalier de [Localité 14] - Service Gynecologie
[Adresse 6]
[Localité 14]
Tel : [XXXXXXXX02]
Fax : [XXXXXXXX01]
Port : [XXXXXXXX03]
Email : [Courriel 12]
Lequel s’adjoindra si nécessaire tout sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne,
Avec pour mission de :
1 - Convoquer les parties et leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix,
2 - Procéder à l’examen clinique de Madame [N] [B], en assurant la protection de l’intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l’expertise,
3 - Déterminer l'état de la victime avant les interventions, soins et traitements critiqués (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs),
4 - Relater les constatations médicales faites après les interventions, soins et traitements critiqués ainsi que l'ensemble des interventions et soins, se prononcer notamment sur la nature du dommage, (ISO ou non), l’origine de l’éventration sus-pubienne, et les conséquences de ces deux dommages sur l’état de santé de Madame [B],
5 - Examiner la victime, enregistrer ses doléances et décrire les constatations ainsi faites,
6 - Déterminer compte tenu des lésions initiales et de leur évolution la durée de l'incapacité temporaire en indiquant si elle a été totale ou partielle, en ce cas en préciser le taux, et proposer la date de consolidation de ces lésions,
7 - Dire si les anomalies constatées lors de l'examen sont la conséquence des interventions, soins et traitements critiqués ou d'un état ou d'un élément antérieur ou postérieur,
Dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser :
- si cet état a été révélé ou aggravé par les interventions, soins et traitements critiqués,
- s'il entraînait un déficit fonctionnel avant les interventions, soins et traitements critiqués ; dans l'affirmative, estimer le taux d'incapacité alors existant,
- si, en l'absence des interventions, soins et traitements critiqués, il aurait entraîné un déficit fonctionnel ; dans l'affirmative, préciser dans quel délai et à concurrence de quel taux,
8 - Décrire les gestes mouvements et actes rendus difficiles ou impossibles en raison des interventions, soins et traitements critiqués,
Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel médicalement imputable aux interventions, soins et traitements critiqués,
Estimer le taux de déficit fonctionnel global actuel, tous éléments confondus (état antérieur inclus),
Si un barème a été utilisé préciser lequel, ainsi que les raisons de son choix,
Préciser la nature et le coût des soins en moyenne annuelle susceptible de rester à la charge de la victime,
9 - Dire si la victime a perdu son autonomie personnelle. Dans l'affirmative, dire pour quels actes de la vie quotidienne, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne à domicile a été ou est indispensable, ou si son état nécessite le placement dans une structure spécialisée en précisant les conditions d’intervention de son personnel (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes…),
10 - Donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité pour la victime de poursuivre l'exercice de sa scolarité ou de sa profession ou d'opérer une reconversion,
Préciser la nature et le coût des travaux d’aménagement nécessaires à l’adaptation des lieux de vie de la victime à son nouvel état, et du matériel approprié à son nouveau mode de vie et à son amélioration,
11 - Donner un avis sur l'importance des souffrances physiques et des atteintes esthétiques et sur l'existence d'un préjudice sexuel,
12 - Dire s’il existe un préjudice d’agrément, et notamment une atteinte aux conditions d’existence dans la vie quotidienne, en précisant la difficulté ou l'impossibilité du blessé de continuer à s'adonner aux sports et activités de loisirs,
DIT que pour procéder à sa mission l’expert devra :
✏ convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,
✏ se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
✏ à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
▸ en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,
▸ en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent, sur le fondement de l'article 280 du code de procédure civile, et dont l'affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l'article 269 du même code,
▸ en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées,
▸ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse,
✏ au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable,
▸ en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
▸ en rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai,
DIT que l’expert désigné déposera son rapport écrit au greffe de ce Tribunal en un exemplaire dans le délai de huit mois suivant sa saisine, et en adressera copie aux parties ou à leurs représentants,
DIT que les frais d’expertise seront provisoirement avancés par Madame [N] [B], qui devra consigner à cet effet la somme de 2000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert et de son sapiteur, entre les mains du Régisseur d’Avances et de Recettes du Tribunal judiciaire de Bobigny, avant le 01 septembre 2024,
DIT que la somme sera versée par virement bancaire sur le compte Trésor de la régie du tribunal judiciaire de Bobigny indiquant le n° de RG, la chambre concernée et le nom des parties. Le RIB de la régie peut être obtenu sur demande par mail adressé sur la boîte structurelle de la régie: [Courriel 16] en joignant obligatoirement à la demande une copie de l’ordonnance ou du jugement ordonnant le versement de la consignation aux fins d’expertise,
DIT qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque, sauf décision contraire du Juge en cas de motif légitime, et qu’il sera tiré toutes conséquences de l’abstention ou du refus de consigner,
DÉSIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d’expertise,
DÉBOUTE Madame [B] de sa demande de provision,
REJETTE toute autre demande,
RÉSERVE les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens,
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 17 décembre 2024 pour conclusions des parties en ouverture de rapport.
Fait à Bobigny le 24 juillet 2024.
Le greffier La Vice-présidente
Maxime-Aurélien JOURDE Karima BRAHIMI