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17/07/2024 | FRANCE | N°22/07632

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 21, 17 juillet 2024, 22/07632


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JUILLET 2024



Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 22/07632 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WR3S
N° de MINUTE : 24/00371



Madame [F] [B] épouse [W]
née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 14] (54)
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-lise LERIOUX de la SELARL LERIOUX & SENECAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 407

DEMANDEUR

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE
[Adresse 10]
[Localité 14]
Non représe

ntée

ONIAM
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Céline ROQUELLE MEYER de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JUILLET 2024

Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 22/07632 - N° Portalis DB3S-W-B7G-WR3S
N° de MINUTE : 24/00371

Madame [F] [B] épouse [W]
née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 14] (54)
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-lise LERIOUX de la SELARL LERIOUX & SENECAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 407

DEMANDEUR

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE
[Adresse 10]
[Localité 14]
Non représentée

ONIAM
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Céline ROQUELLE MEYER de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0082

DEFENDEURS
_______________

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maryse BOYER, greffière.

DÉBATS

Audience publique du 15 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, assisté de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier.

****************
EXPOSE DU LITIGE

A compter de l’année 1989, Madame [F] [B] épouse [W] a été prise en charge par le Docteur [X], ophtalmologiste. Son dossier mentionne une myopie forte bilatérale de 8 dioptries. L'acuité visuelle avec correction est alors d'environ 9/10ème sur chaque oeil.

A partir de 2004, il a été observé une tension oculaire limite et des anomalies du champ visuel à droite qui ont incité à traiter par Xalatan collyre les deux yeux à partir de 2006. Il a également été noté plusieurs fois dans le dossier la réalisation difficile du V3M après dilatation du fond d'œil. Le 13 janvier 2006, il n'y a pas de lésion en périphérie rétinienne.

Le 29 juin 2006, le dossier a mentionné une membrane épi rétinienne de l’oeil droit avec acuité visuelle à 7/10ème.

La surveillance a ensuite été poursuivie régulièrement avec réalisation de champs visuels, le diagnostic étant alors un glaucome, une myopie forte des deux yeux et une membrane épi rétinienne pour l’oeil droit.

L'acuité visuelle a baissé progressivement en raison d'une cataracte évolutive.

Le 09 mars 2009, Madame [F] [B] épouse [W] a été adressée au Docteur [V], du CHU de [Localité 14], avec une acuité visuelle mesurée à :
- oeil droit (OD): 1,6/10ème avec correction,
- œil gauche (OG): 2/10ème avec correction.

Il existait alors une cataracte nucléaire bilatérale et une membrane épi rétinienne de l'œil droit.

Le 21 avril 2009, Madame [F] [B] épouse [W] a été opérée de la cataracte de l'oeil gauche au CHU de [Localité 14] par le Docteur [V], sous anesthésie locale péri bulbaire, sans incident.

Le 19 mai 2009, Madame [W] a été opérée de l’oeil droit, tant pour soigner la cataracte que pour une vitrectomie pour membrane épi rétinienne, sous anesthésie locale au CHU de [Localité 14].

En juillet 2009, la récupération visuelle a atteint 5/10ème à l’oeil droit et 9/10ème à l’oeil gauche.

Le 26 octobre 2009, l'examen du fond d'œil au V3M a noté l'absence de lésions périphériques.

Le 18 janvier 2010, la présence d'une cataracte secondaire au niveau de l'œil droit a fait réaliser une capsulotomie au laser Yag au CHU [Localité 14]. Madame [F] [B] épouse [W] déclare que les suites ont été simples.

Le 06 mai 2010, la consultation auprès du Docteur [X] a noté une acuité visuelle de :
- l’œil droit à : -2,75= 7/10ème,
- l’oeil gauche à : - 2,25 (10° - 0,25) = 5/10ème, avec début de cataracte secondaire à gauche.

Le 31 août 2010, il a été noté que la cataracte secondaire augmentait, avec une diminution de l’acuité visuelle.

Une capsulotomie sur l’oeil gauche a alors été proposée, la fiche d'information étant remise à Madame [F] [B] épouse [W].

Le 24 septembre 2010, le Docteur [X] a effectué un laser Yag de l’oeil gauche (capsulotomie) à la clinique [13] de [Localité 14], à titre libéral.

Madame [F] [B] épouse [W] attribue son mauvais état visuel actuel de l’oeil gauche à cette séance de laser car elle rapporte davantage d'impacts de laser (31 impacts de puissance 2,5mJ) et des douleurs à l'œil. Le Docteur [X] déclare pour sa part que la capsule postérieure présentait une fibrose plus importante à l’oeil gauche qu'à l'œil droit, avec une baisse visuelle plus importante.

Le 25 novembre 2010, la récupération visuelle gauche a été notée à 7/10ème. Cette consultation avait pour but de mesurer de la tension oculaire, laquelle a été notée normale. L'ophtalmologiste a également examiné le fond d'œil à la lentille de Volk. Madame [F] [B] épouse [W] reproche à cet examen l'absence de dilatation préalable. L'acuité visuelle a été notée à 8/10ème et 7/10ème P2. Le traitement pour le glaucome a été poursuivi et il a été prévu de revoir Madame [F] [B] épouse [W] 6 mois plus tard pour V3M.

Le 03 janvier 2011, Madame [W] a consulté le Dr [X] pour une baisse d'acuité visuelle de l'œil gauche commencée 2 jours plus tôt. L'examen a alors objectivé un décollement de rétine inférieur. La déchirure à l'origine de ce décollement de rétine a été décrite comme temporale supérieure.

Madame [F] [B] épouse [W] a été adressée au Dr [V] du CHU de [Localité 14].

Le décollement de rétine gauche a été opéré le 04 janvier 2011, mais il y a eu malheureusement plusieurs récidives, survenue à chaque ablation de silicone. Chacune de ces interventions a été réalisée par le Docteur [V], au CHU de [Localité 14], sous anesthésie locale péri-bulbaire, aux dates suivantes : les 04/01/2011, 04/02/2011, 10/05/2011, 09/06/2011, 12/06/2012 et 10/07/2012.

S’il y a eu une récupération visuelle de 2,5/10ème à l’oeil gauche en mai 2011, cette acuité visuelle ne se maintiendra pas en raison d'une prolifération vitréo-rétinienne qui entraînera les multiples récidives suivantes.

Le 05 septembre 2012, le Docteur [V] a cessé de faire des propositions thérapeutiques.

Le 08 juillet 2013, Madame [F] [B] épouse [W] a consulté le Docteur [L], [11], qui a noté la persistance d'un soulèvement en temporal “pour l'instant maintenu par le laser”. Des nouvelles chirurgies ont été indiquées:
- 25/04/2013: retinectomie, silicone,
- 12/09/2013: V3V - ablation silicone - endodiathermie - retinotomie - réinjection de silicone.

Les suites ont été marquées par une hypertonie oculaire gauche sous silicone.

Depuis 2014, il y a peu de vision de l'œil gauche.

Le 04 février 2015, un certificat du Docteur [L] a noté une acuité visuelle de 10/10 à l’oeil droit avec une atteinte nasale supérieure droite au champ visuel et VBLM (voit bouger la main) pour l’oeil gauche.

En 2016 et 2017, les consultations auprès du Docteur [L] ont noté une situation stable et il n'y a pas eu de proposition thérapeutique.

Par exploit en date du 23 octobre 2015, Madame [F] [B] épouse [W] a saisi le juge des référés d’une demande d’expertise judiciaire au contradictoire du Docteur [X] et de l’ONIAM devant le tribunal de grande instance de Nancy.

Par ordonnance en date du 1er décembre 2015, le juge des référés a désigné le Docteur [R] [M] en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 16 août 2016, concluant à la survenue d’un aléa thérapeutique et à un déficit fonctionnel permanent de 22 %.

Par requête en date du 22 juillet 2019, Madame [F] [B] épouse [W] a saisi la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) de la région LORRAINE pour qu’une nouvelle expertise soit réalisée, la demanderesse contestant la manière dont l’expert judiciaire avait minoré son déficit fonctionnel permanent pour tenir compte d’un état antérieur.

Par décision du 8 octobre 2019, la CCI a ordonné une nouvelle expertise et a désigné pour ce faire le Docteur [D], lequel a remis son rapport le 19 octobre 2020.

Par décision du 29 janvier 2021, la CCI a rejeté la demande de Madame [F] [B] épouse [W], considérant que le dommage subi par cette dernière n’était “la conséquence ni d’une faute médicale, ni d’un accident médical non fautif, ni d’une affection iatrogène, ni d’une infection nosocomiale”.

Par exploits en date des 13 et 22 juillet 2022, Madame [F] [B] épouse [W] a fait assigner devant le tribunal de céans l’ONIAM et la CPAM de MEURTHE ET MOSELLE aux fins de reconnaissance de la survenue d’un accident médical non fautif et d’indemnisation de cet accident par la solidarité nationale.

L’ONIAM a constitué avocat et a répliqué.

La CPAM de Meurthe et Moselle n’a pas constitué avocat.

Dans le dernier état de ses demandes, Madame [F] [B] épouse [W] sollicite du tribunal de :

- juger quelle a été victime d’un accident médical non fautif dont les conséquences remplissent le caractère d’anormalité et de gravité du dommage pour ouvrir un droit à indemnisation par la solidarité nationale ;

- condamner l’ONIAM à l’indemniser de l’intégralité de ses préjudices en lui versant la somme de 204.292,40 €, correspondant aux postes de préjudice suivants :
- FD : 5.045 € ;
- ATPT : 8.440 € ;
- ATPD : 67.446,57 € ;
- DFT : 18.162 € ;
- SE : 40.000 € ;
- PET : 4.000 € ;
- DFP : 56.000 € ;
- PEP : 5.000 € ;
- PA : 10.000 € ;
- dire que les intérêts débuteront dès l’assignation en référé du 23 octobre 2015, avec anatocisme judiciaire ;
- condamner l’ONIAM à lui payer 5.000 € au titre de l’article 700 du CPC, outre les dépens dont distraction par Maître LERIOUX ;
- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM de MEURTHE ET MOSELLE ;
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
- débouter les parties adverses de leurs demandes.

Au soutien de ses prétentions, Madame [F] [B] épouse [W] expose que l’anormalité du dommage est établie pour ce qui la concerne, au regard de l’évolution prévisible de sa pathologie initiale. En effet, avant la capsulotomie réalisée sur son oeil gauche, la demanderesse était atteinte d’une cataracte secondaire : or, la perte d’acuité visuelle irréversible sur cet oeil n’était pas une évolution prévisible de sa cataracte secondaire, ainsi que l’a rappelé l’expert désigné par la CCI, puisque “la fréquence du décollement de la rétine chez le myope fort opéré de cataracte est entre 0,75 et 2,2 %” : du fait de la rareté de cette hypothèse, le décollement de la rétine ne peut pas être présenté comme une évolution prévisible de son état de santé. Enfin, Madame [F] [B] épouse [W] fait observer qu’une cataracte secondaire non traitée peut certes conduire à une perte complète de la vision de l’oeil concerné, mais seulement à long terme et surtout il s’agit d’une évolution réversible, de sorte que le dommage brutal et irréversible subi à la suite de la capsulotomie est un dommage notablement plus grave que celui auquel elle était exposée par sa pathologie initiale.

A titre surabondant, Madame [F] [B] épouse [W] expose qu’elle a souffert d’une complication exceptionnelle puisque, si l’expert CCI a estimé que l’occurrence d’un décollement de rétine chez le myope fort était de 6 à 12,6 %, l’expert judiciaire avait, lui, retenu un taux compris entre 0,08 % et 4,1 %, la demanderesse faisant au surplus valoir que les experts et la CCI n’ont pas analysé le taux de risque de survenue d’une cécité de l’oeil comme ils l’auraient dû, mais le taux de risque du décollement de rétine. La demanderesse fait également état de la fiche d’information de la Société Française d’Ophtalmologie, qui qualifie de rares les complications liées à un décollement de rétine, cette fiche n’envisageant même pas des cas de cécité.

S’agissant de la gravité du dommage, Madame [F] [B] épouse [W] expose que l’expert CCI a estimé le DFP à la valeur de 28 %. En effet, sans l’accident médical non fautif, l’oeil gauche aurait présenté une acuité de 10/10ème à l’issue de l’opération. En subissant une cécité de cet oeil gauche, laquelle entraîne un DFP de 25 %, Madame [F] [B] épouse [W] subit alors durement la limitation à 8/10ème de son oeil droit, ce qui porte à 28 % son DFP.

De plus, Madame [F] [B] épouse [W] souligne les troubles particulièrement graves qu’elle subit dans ses conditions d’existence puisque, après pas moins de huit reprises chirurgicales, elle subit la cécité de son oeil gauche.

S’agissant de la discussion des postes de préjudice, il est renvoyé au corps de la décision.

Dans le dernier état de ses demandes, l’ONIAM sollicite du tribunal de :
- constater que les conditions d’intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies ;
- ordonner sa mise hors de cause ;
- débouter Madame [F] [B] épouse [W] de ses demandes ;
- écarter l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, l’ONIAM expose que l’indication opératoire posée pour Madame [F] [B] épouse [W] était conforme puisque, en l’absence de séance de laser YAG, la demanderesse aurait subi une baisse progressive de l’acuité visuelle, de sorte que les conséquences de la complication qui est survenue ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée. L’ONIAM expose que la notion de ‘réversibilité’ de la perte d’acuité visuelle n’a pas à entrer en ligne de compte, puisque seul compte le fait que, en l’absence de traitement, l’oeil gauche aurait progressivement perdu son acuité.

L’ONIAM poursuit en faisant valoir que le critère alternatif de la rareté du risque ne permet pas plus de retenir la solidarité nationale puisque l’expert CCI a mesuré ce risque à une occurrence comprise entre 6 et 12,6 % chez les myopes forts tels que Madame [F] [B] épouse [W].

Au surplus et en tout état de cause, l’ONIAM expose que les seuils de gravité ne sont pas atteints, puisque le DFP corrigé de l’état antérieur de Madame [F] [B] épouse [W] atteint 22 %, ce qui s’explique par le fait que la perte de vision d’un oeil correspond à un DFP de 25 %, mais que, la veille de l’intervention litigieuse, Madame [F] [B] épouse [W] avait 7/10ème à un oeil et 8/10ème à l’autre oeil, ce qui correspond à un DFP de 3 %, qui doit être soustrait du DFP de 25 %. S’agissant du critère alternatif du déficit fonctionnel temporaire (DFT), l’ONIAM expose que les taux retenus par les experts sont bien inférieurs aux 6 mois d’un DFT supérieur ou égal à 50 %, que le critère de l’activité professionnelle ne s’applique pas à Madame [F] [B] épouse [W] puisqu’elle était retraitée au moment des faits, ce qui écarte également la question de l’inaptitude professionnelle à l’exercice de l’activité antérieure et que, enfin, la notion de troubles particulièrement graves dans les conditions de l’existence est rarement retenue et ne doit pas l’être dans le cas d’espèce.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024 et les plaidoiries ont été fixées à la date du 15 mai 2024.

Le 15 mai 2024, l’affaire a été plaidée et, à l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 17 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la question de la responsabilité

L'article L1142-1 du code de la santé publique énonce que :
I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

L'article L1142-1-1 du même code énonce que, sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale :
1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ;
2° Les dommages résultant de l'intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins.

L'article D1142-1 du même code énonce que le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.

Ces textes s’interprètent en ce sens qu’il revient à l'ONIAM d’assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d'un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès.

Le tribunal observe en premier lieu que, contrairement au raisonnement suivi par la CCI pour rejeter la demande de Madame [F] [B] épouse [W], l’ONIAM ne conteste pas que le dommage subi par la demanderesse - à savoir une quasi-cécité de l’oeil gauche - résulte bien d’un accident médical non fautif survenu à l’occasion de la séance de laser YAG pratiquée sur elle. Ce point est conforme aux conclusions concordantes de l’expert judiciaire (page 14 de l’expertise judiciaire) et de l’expert CCI (page 6 de l’expertise CCI).

En conséquence, et même si le litige entre les parties ne portait pas sur ce point, le tribunal juge que le dommage subi par Madame [F] [B] épouse [W] du fait de la perte quasi-totale de l’acuité visuelle de son oeil gauche est la conséquence d’un acte de soins, à savoir la séance de laser YAG du 24 septembre 2010, cet acte de soins étant médicalement justifié et la déchirure rétinienne supéro temporale, qui a ensuite conduit à un décollement de la rétine, constituant un accident médical non fautif.

S’agissant à présent du premier critère d’appréciation de l’anormalité du dommage, à savoir la question des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement, l’expert judiciaire n’a pour sa part pas consacré de développement particulier à cette question. En revanche, l’expert CCI s’est expressément prononcé sur ce point, précisant que : “en l’absence de la séance de laser YAG, Madame [W] aurait eu une baisse d’acuité visuelle progressive. Elle aurait toutefois gardé un champ visuel. Le seul traitement de l’opacification secondaire est le laser YAG” (expertise CCI, page 5). Il résulte de cette conclusion que, contrairement à ce que soutient Madame [F] [B] épouse [W], les conséquences subies par elle ne sont pas “notablement plus graves” au seul motif que sa perte d’acuité visuelle est irréversible par comparaison avec le caractère réversible de cette perte si elle avait laissé la cataracte secondaire se développer. En effet, si cette notion d’irréversibilité semble plus grave de prime abord, il n’en est rien en pratique puisque la seule technique connue pour traiter cette cataracte secondaire est précisément la séance de laser YAG : par conséquent, sauf à accepter la perte progressive de la vision de son oeil gauche en raison de la cataracte secondaire, Madame [F] [B] épouse [W] ne pouvait pas échapper à la séance de laser YAG, laquelle a causé le dommage.

En ce qui concerne le deuxième critère d’appréciation de l’anormalité du dommage, à savoir la faible probabilité de survenance du dommage, le tribunal rappelle que la haute juridiction administrative retient une valeur de 5 % comme point de bascule entre une probabilité faible rendant la survenue du dommage anormale et une valeur égale ou supérieure à 5 % qui ne permet pas de considérer le dommage comme anormal. Si cette valeur de 5 % doit être appliquée avec une certaine souplesse puisqu’il s’agit d’une création purement prétorienne, elle sert néanmoins de guide et présente l’avantage de doter les tribunaux d’un critère commun d’appréciation permettant de réduire l’aléa judiciaire. C’est la raison pour laquelle le tribunal en fait lui-même usage, même s’il s’autorise une certaine souplesse dans les cas où le taux de probabilité du risque est de 5 % exactement ou se situe à quelques décimales à peine au-dessus de cette valeur. De plus, le tribunal rappelle que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entraîné le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d’un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave telle que celle observée.

Dans le cas d’espèce, l’expert CCI s’est expressément prononcé sur la valeur de ce taux en détaillant les probabilités de survenance d’un dommage liées aux différentes phases subies par Madame [F] [B] épouse [W]. L’expert CCI rappelle ainsi que :
“la fréquence du décollement de rétine chez le myope fort opéré de cataracte est entre 0,75 à 2,2%.
La survenue d'un décollement de rétine après laser Yag a une incidence évaluée entre 0,08 et 3,6%.
Chez le myope fort, le rapport de la SFO “Décollements de rétine” 2011 mentionne : “... Comme chez l'emmétrope, la capsulotomie au laser Yag augmente l'incidence du décollement de rétine chez le myope fort opéré de cataracte : elle se situe entre 6 et 12,6% selon les auteurs””.

Le tribunal constate que cette analyse conduite par l’expert CCI n’est pas conforme à ce qu’exige la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, puisque la probabilité de survenance recherchée par l’expert ne devait pas porter sur la seule probabilité d’un “décollement de rétine”, mais sur la probabilité d’un “décollement de rétine dont le traitement ne permet aucune amélioration et conduit le patient à déplorer la perte quasi-totale de vision sur un oeil de manière définitive” puisque, ainsi que cela a été rappelé, l’expert doit rechercher la probabilité d’un événement du même type que celui qui a causé le dommage (c’est à dire le décollement de rétine) et entraînant une invalidité grave telle que celle observée (c’est à dire la perte de vision quasi-totale de l’oeil gauche, après échec du traitement initié pour guérir le décollement de rétine).

Par conséquent, le tribunal ne dispose pas de cet élément qui lui est pourtant indispensable pour se prononcer sur la condition d’anormalité du dommage et un nouvel expert doit être désigné pour calculer la probabilité de survenance de ce qui est arrivé à la demanderesse.

La réponse à cette première question n’est cependant pas le seul motif contraignant le tribunal à désigner un nouvel expert, et il existe en réalité deux autres motifs.

En premier lieu, le tribunal rappelle que, si la condition d’anormalité du dommage n’est pas remplie au terme du double raisonnement qui précède, il existe une dernière hypothèse permettant à la victime d’un accident médical non-fautif de démontrer l’anormalité du dommage la concernant : En effet, c’est à bon droit que Madame [F] [B] épouse [W] fait valoir que, dans son cas, l’apparition du dommage a été plus “brutale et prématurée” (conclusions en demande, page 12) que dans le cas où elle aurait laissé la cataracte secondaire se développer, l’expert ne parlant dans ce dernier cas que d’une “baisse d’acuité progressive”. Si le tribunal ne dispose pas d’une comparaison par l’expert du taux d’évolution des deux pertes d’acuité visuelle, il ressort de l’expertise que la déchirure rétinienne et le décollement de rétine qui s’en est suivi ont produit leurs effets en seulement trois mois, rythme qui n’a rien de progressif. Or, les juridictions suprêmes des deux ordres considèrent que, en sus des deux critères déjà exposés, la condition d’anormalité du dommage existe lorsque les troubles présentés, bien qu’identiques à ceux auxquels le patient était exposé par l’évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Tant le Conseil d’Etat que la Cour de cassation attachent cependant une conséquence à cette sous-hypothèse de la condition d’anormalité : dans ce cas, en effet, une indemnisation ne peut être due que jusqu’à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l’absence de survenance de l’accident médical.

Il faut donc que l’expert se prononce sur le rythme comparé de dégradation de l’acuité visuelle résultant d’une part de l’accident médical tel qu’il s’est produit, avec l’échec des thérapies envisagées, et d’autre part, celui qui aurait existé si Madame [F] [B] épouse [W] avait décidé de ne pas recourir à la séance de laser YAG et avait laissé la cataracte secondaire produire ses effets.

Enfin, la troisième et dernière raison conduisant le tribunal à désigner un nouvel expert tient à la détermination de la gravité du dommage, à savoir le taux retenu de déficit fonctionnel permanent. En effet, l’expert judiciaire a évalué le taux du déficit fonctionnel permanent (DFP) de Madame [F] [B] épouse [W] à la valeur de 22 %, sans cependant donner le détail de son calcul. A l’opposé, l’expert CCI a explicité son calcul et il a retenu un taux de 28 % (page 8 de l’expertise CCI). Pour parvenir à ce résultat, l’expert CCI a retenu que, à la suite de l’opération initiale de la cataracte, l’acuité visuelle obtenue était de 8/10ème sur chaque oeil, de sorte que le “déficit fonctionnel global ophtamologique était nul”. Après la séance de laser YAG, “le déficit fonctionnel global ophtalmologique actuel considère l’acuité visuelle de 8/10ème à l’oeil droit avec réduction du champ visuel et vision inutilisable à gauche, ce qui permet de proposer un taux de 28 %, y compris les souffrances morales et psychiques, en application du barème ci-dessus. L’état de l’oeil droit est indépendant de l’état de l’oeil gauche. Il en majore les conséquences. La perte d’un oeil est évaluée selon le barème ci-dessus à 25 %”.

La première difficulté à laquelle se heurte le tribunal tient à la contrariété entre les résultats des deux expertises : le taux retenu par l’expert judiciaire ne rend en effet pas le dommage subi par Madame [F] [B] épouse [W] éligible à la solidarité nationale, tandis que celui retenu par l’expert CCI remplit la condition d’anormalité du dommage. La seconde difficulté est que le raisonnement suivi par l’expert CCI semble ne pas déduire du DFP final ce qui s’apparente pourtant à un état antérieur, à savoir l’acuité visuelle inférieure à 10/10ème à l’oeil droit : en effet, cette acuité de 8/10ème de l’oeil droit de Madame [F] [B] épouse [W] est restée inchangée, avant et après l’accident médical, de sorte qu’elle s’apparente à un état antérieur.

La mission d’expertise précise sera décrite dans le dispositif de ce jugement avant-dire droit.

Dans l’attente du retour de la mission d’expertise, il convient de surseoir à statuer sur la question du droit à indemnisation ainsi que sur la question des chefs de préjudice, tout comme il convient de réserver la question de l’article 700 et celle des dépens.

Le présent jugement avant-dire droit est déclaré commun et opposable à la CPAM de MEURTHE ET MOSELLE.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire, susceptible d’appel ;

ORDONNE une expertise médicale de Madame [F] [B] épouse [W] ;

DÉSIGNE pour y procéder :

[S] [K]
Hôpital des [9] - Service d’ophtalmologie
[Adresse 5]
[Localité 8]
Tél : [XXXXXXXX01]
Email : [Courriel 12]

DIT que l'expert procédera à l'examen clinique de Madame [F] [B] épouse [W], en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise ;

DONNE à l'expert la mission suivante : Prendre connaissance de l’expertise judiciaire et de l’expertise CCI, ainsi que de la présente décision, et se faire communiquer le dossier médical de Madame [F] [B] épouse [W] ;

1/ Déterminer l'état antérieur de la victime (anomalies, maladies, séquelles d'évènements antérieurs) ;

2/ Relater les constatations médicales faites en pre, per et post opératoire, ainsi que l'ensemble des interventions et soins y compris la rééducation ;

3/ Noter les doléances de la victime ;

4/ Examiner la victime et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille et poids) ;

5/ A l'issue de cet examen analyser dans un exposé précis et synthétique :
- la réalité des lésions initiales ;
- la réalité de l'état séquellaire ;
- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur ;

Dans le contexte spécifique de la présente procédure, répondre dans le détail aux trois questions suivantes :

i. Déterminer la probabilité de survenance de l’état final atteint par l’oeil gauche de Madame [F] [B] épouse [W], c’est à dire non pas seulement la probabilité d’un “décollement de rétine” à la suite d’une séance de laser YAG en traitement d’une cataracte secondaire chez une myope forte, mais, dans la même histoire médicale et pour une même myope forte, la probabilité d’un décollement de rétine dont le traitement n’a permis aucune amélioration et a conduit la patiente à déplorer la perte quasi-totale de vision sur un oeil, et ce de manière définitive ;

ii. Se prononcer sur le rythme comparé de la dégradation de l’acuité visuelle résultant d’une part de l’accident médical tel qu’il s’est produit et en ce compris l’échec des thérapies envisagées pour traiter le décollement de rétine, et d’autre part, celui qui aurait existé si Madame [F] [B] épouse [W] avait décidé de ne pas recourir à la séance de laser YAG et avait laissé la cataracte secondaire produire ses effets ;

iii. Dans la détermination du taux du déficit fonctionnel permanent (DFP) de Madame [F] [B] épouse [W], trancher entre les taux de 22 % de l'expert judiciaire et de 28 % de l'expert CCI, en expliquant dans le détail pourquoi et en tenant compte de l'état antérieur de Madame [F] [B] épouse [W] ; Si l'expert ne retient ni le taux de 22 % ni celui de 28 %, il devra justifier son choix ;

6/ établir les préjudices de Madame [F] [B] épouse [W] selon la nomenclature classique : Si les préjudices ainsi déterminés s’écartent de ceux retenus par l’expertise judiciaire et par l’expertise CCI, expliquer la raison de ces écarts. Si l’expert confirme une valeur retenue par l’une des expertises, qui serait différente de la valeur retenue par l’autre expertise, expliquer la raison de ce choix ;

- Pertes de gains professionnels actuels
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ;

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l'organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable ;

- Déficit fonctionnel temporaire
Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

- Consolidation
Fixer la date de consolidation ;

- Déficit fonctionnel permanent
Indiquer si, après la consolidation, la victime a subi un déficit fonctionnel permanent défini comme une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles ou mentales, ainsi que des douleurs permanentes ou tout autre trouble de santé, entraînant une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société subie au quotidien par la victime dans son environnement ;
En évaluer l'importance et en chiffrer le taux ; dans l'hypothèse d'un état antérieur préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur cet état antérieur et décrire les conséquences ;

- Assistance par tierce personne
Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne ;

- Dépenses de santé futures
Décrire les soins et les aides techniques compensatoires au handicap de la victime (prothèses, appareillages spécifiques, véhicule) ;

- Pertes de gains professionnels futurs
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent a entraîné l'obligation pour la victime de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle;

- Incidence professionnelle
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent a entraîné d'autres répercussions sur son activité professionnelle (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, "dévalorisation" sur le marché du travail, etc.) ;

- Souffrances endurées
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique (avant consolidation) ; les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7 ;

- Préjudice esthétique temporaire et définitif
Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Evaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7 ;

- Préjudice d'agrément
Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime a été empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir ;

- Préjudice sexuel

Plus généralement, analyser et évaluer tout poste de préjudice pertinent qui ne serait pas listé plus haut ;

7/ Etablir un état récapitulatif de l'ensemble des postes de préjudice ainsi déterminés et évalués ;

8/ Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications ;

9/ faire toutes observations utiles qui ne serait pas listée dans la présente mission ;

DIT que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile,

ENJOINT aux parties de remettre à l'expert :
- le demandeur : immédiatement toutes pièces médicales ou para-médicales utiles l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, expertises ;

- le défendeur : aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation ;

DIT qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état ;

Que toutefois il pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayants-droit par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,

DIT que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d'expertise ; Que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau récapitulatif ;

DIT que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix ;

DIT que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise ; qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;

DIT que l'expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l'éclairer ;

DIT que l'expert devra :
- en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise ; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai,
- en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
- en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ou son projet de rapport ;
- adresser dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération qu'il actualisera s'il y a lieu, procédant parallèlement aux demandes de provisions complémentaires ;
- adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception (par exemple : réunion de synthèse, communication d'un projet de rapport) dont il s'expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport ;
- rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu'il fixe ;

DIT que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :
- la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;
- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;
- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise ;
- la date de chacune des réunions tenues ;
- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;
- le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;

DIT que l'expert désigné déposera son rapport écrit au greffe de ce Tribunal en un exemplaire dans le délai de six mois suivant la consignation, et en adressera copie aux parties ou à leurs représentants ;

DIT que les frais d'expertise seront provisoirement avancés par l’ONIAM, qui devra consigner à cet effet la somme de 2.500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes du Tribunal judiciaire de Bobigny, avant le 1er septembre 2024 ;

Dit que la somme sera versée par virement bancaire sur le compte Trésor de la régie du tribunal judiciaire de Bobigny indiquant le n° de RG, la chambre concernée et le nom des parties. Le RIB de la régie peut être obtenu sur demande par mail adressé sur la boîte structurelle de la régie: [Courriel 15] en joignant obligatoirement à la demande une copie de l'ordonnance ou du jugement ordonnant le versement de la consignation aux fins d'expertise ;

DIT qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime, et qu'il sera tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner ;

DÉSIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise ;

DÉCLARE le présent jugement mixte commun et opposable à la CPAM de MEURTHE ET MOSELLE ;

SURSOIT A STATUER sur les autres demandes, et notamment les postes de préjudice sollicités en demande, l’article 700 et les dépens ;

La minute a été signée par Monsieur Maximin SANSON, Vice-président et Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 21
Numéro d'arrêt : 22/07632
Date de la décision : 17/07/2024
Sens de l'arrêt : Autre décision avant dire droit

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-17;22.07632 ?
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