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17/07/2024 | FRANCE | N°19/06159

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 21, 17 juillet 2024, 19/06159


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JUILLET 2024



Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 19/06159 - N° Portalis DB3S-W-B7D-TDLB
N° de MINUTE : 24/378

Madame [N] [F]
née le [Date naissance 2] 2002 à [Localité 23]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0251

Madame [J] [K] veuve [F], agissant en son personnel et en qualité d’administratrice légale de sa fille [T] [F]
née le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 24]
[Adresse 6]
[Local

ité 8]
représentée par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0251

Monsieur [Y] [F]
né le [Date naissa...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 17 JUILLET 2024

Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 19/06159 - N° Portalis DB3S-W-B7D-TDLB
N° de MINUTE : 24/378

Madame [N] [F]
née le [Date naissance 2] 2002 à [Localité 23]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0251

Madame [J] [K] veuve [F], agissant en son personnel et en qualité d’administratrice légale de sa fille [T] [F]
née le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 24]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0251

Monsieur [Y] [F]
né le [Date naissance 4] 2003 à [Localité 23]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représenté par Me Anne-laure TIPHAINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0251

DEMANDEURS

C/

CPAM DES YVELINES
[Adresse 20]
[Localité 18]
non comparante
Caisse CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 27]
[Adresse 7]
[Localité 17]
non comparante
Monsieur [D] [X]
[Adresse 16] - [Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 21]
représenté par Me Amélie CHIFFERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0845

DÉFENDEURS

Madame [B] [F] épouse [I], agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, [S] [I], né le [Date naissance 10] 2005, et [A] [I], née le [Date naissance 3] 2013 née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 25]
[Adresse 14]
[Localité 9]
représentée par Me Virginie BREUILLER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 111, Me Lylia NOURANI, avocat au barreau de DIJON,
_______________
INTERVENANTE VOLONTAIRE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier des services judiciaires

DÉBATS

Audience publique du 15 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, assisté de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier des services judiciaires.

****************

Monsieur [W] [F], né le [Date naissance 12] 1970, présentait dans ses antécédents une cholécystectomie par coelioscopie le 08 janvier 2013, et était également sous Previscan pour une phlébite du membre inférieur droit survenue un mois auparavant les faits.

Le 19 octobre 2013, à l’âge de 43 ans, Monsieur [W] [F] a été hospitalisé aux urgences de l'Hôpital privé de [Localité 28] pour une douleur de la fosse iliaque droite, cette douleur étant apparue le 18 octobre 2013. Un cliché d'abdomen sans préparation centré sur les coupoles a été effectué, montrant les clips de la cholécystectomie mais pas de pneumopéritoine.

Monsieur [W] [F] a alors reçu un traitement antagoniste du Previscan et a été opéré par coelioscopie le même jour par le Docteur [D] [X], Praticien contractuel de cet hôpital.

L'introduction de l'optique a été faite par ‘open coelioscopie’ et il n’a été fait aucune mention d'une difficulté lors de l'introduction de la chemise du trocart. Très rapidement cependant, le chirurgien a constaté un saignement et il a converti son incision en laparotomie médiane. Il a alors été fait mention d'un saignement de 400ml évacués. La laparotomie a permis de mettre en évidence “une brèche du mésentère accidentelle probablement lors de l'introduction du trocart. Pas de saignement actif”.
Le Docteur [X] a ensuite procédé à l'appendicectomie, outre une toilette abdominale importante. Il n'a été fait aucune mention dans le compte rendu de l'origine précise du saignement actif ni d'une hémostase chirurgicale, notamment au niveau de la plaie du mésentère. La durée opératoire, qui ne figure pas dans le compte rendu mais qui a été évaluée a posteriori grâce à la feuille d'anesthésie, a commencé à 16h50 et s’est achevée à 17h30. Un drain a été placé dans le flanc droit.

Lors de son séjour en Soins de Suite Post Interventionnelle, la tension de Monsieur [W] [F] a chuté et “devant le doute sur une plaie vasculaire”, Monsieur [W] [F] a été transféré à l'Hôpital [22] où il y avait un chirurgien vasculaire “pour une reprise chirurgicale éventuelle”. Il est indiqué que la pièce opératoire d'appendicectomie montrait “une pan-appendicite aigüe suppurée, en voie de perforation, avec réaction péritonéale”. L'instabilité tensionnelle a été pour sa part associée à une hémoglobine passant de 10 à 7g/l et à une transfusion de 8 culots globulaires et 6 PFC (Docteur [C]).

Le SAMU est arrivé à 18h15 et le départ vers l'Hôpital [22] s’est fait à 19h.

A son arrivée à l'Hôpital [22], Monsieur [W] [F] a été transféré d'emblée en salle d'opération où la cicatrice médiane a été reprise. Le compte rendu opératoire mentionne que le saignement était en provenance d'une plaie de la face antérieure de l'aorte. Cette plaie a été suturée dans un premier temps, puis l'aorte a été disséquée, et enfin, sous clampage aortique, la suture a été refaite. Cette intervention a duré 4h30, témoignant de la difficulté opératoire dans des tissus infiltrés par l'hématome. A cette occasion, Monsieur [W] [F] a encore reçu de multiples transfusions (6 culots globulaires, 2 CPA, clotacfact 1,5g et 10 PFC).

Monsieur [W] [F] a ensuite été transféré en réanimation, intubé et ventilé. Il a alors récupéré une tension correcte et stable. Les feuilles de suivi ont ensuite mentionné une difficulté de ventilation avec notamment un encombrement respiratoire et une agitation. Il a été précisé que Monsieur [W] [F] était agité sur sa sonde le 22 octobre 2013 vers 3 ou 5 heures du matin (chiffre corrigé, avec un autre chiffre d'une autre couleur en marge).

A 6 heures, Monsieur [W] [F] a été découvert désadapté de sa machine respiratoire, avec un arrêt cardiaque qui sera récupéré après 10 minutes de réanimation. L'évolution a été marquée par l'apparition d'un syndrome de détresse respiratoire aigu sévère.

Il a alors été transféré à [26] où son état s’est dégradé rapidement avec une mydriase dès le 23 octobre 2013 à 12h30. Deux électroencéphalogrammes réalisés le 24 et le 25 octobre 2013 n’ont pas retrouvé d'activité électrique.

Le décès a été prononcé le [Date décès 13] 2013 à 12h25.

Le 28 octobre 2013, le parquet de Bobigny a saisi la Brigade de Répression des Délits contre les Personnes d’une enquête en flagrance du chef d’homicide involontaire, l’autopsie de Monsieur [W] [F] étant réalisé au cours de cette enquête. Une information judiciaire a été ouverte par réquisitoire introductif du 7 novembre 2013.

Dans le cadre de l’instruction, une expertise médicale a été confiée par le magistrat instructeur au Professeur [E], au Docteur [R] et au Docteur [O], lesquels ont remis leur rapport le 6 septembre 2014. Une expertise complémentaire a été confiée au Professeur [E] et aux Docteurs [R], [O] et [M], le rapport ayant été remis le 20 janvier 2016. Le 28 septembre 2020, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non-lieu, l’information judiciaire n’ayant pas permis de dégager de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi, ou de faute caractérisée.

Par exploit en date du 8 janvier 2015, les consorts [F] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny aux fins d’organisation d’une expertise médicale. Par ordonnance en date du 18 février 2015, les Docteurs [V] et [U] ont été désignés. Leur rapport a été déposé le 17 juin 2017.

Par exploit en date des 26 juillet, 4 et 5 septembre 2017, les consorts [F] ont fait assigner en référé les Docteurs [X] et [C], ainsi que l’APHP devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de leur verser une provision d’un montant de 560.000 €. Dans le cours de cette instance, les consorts [F] se sont désistés de leurs demandes à l’encontre de l’APHP et du Docteur [C], en raison de transactions en cours dont les montants auraient été de 150.000 € pour l’APHP et de 26.000 € pour le Docteur [C]. Par ordonnance en date du 29 novembre 2017, le juge des référés a débouté les consorts [F] de leur demande de provision en raison de l’existence d’une contestation sérieuse.

Par exploit en date du 28 mai 2019, Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de ses enfants mineurs [T] [F], [N] [F], et [Y] [F] ont fait assigner le Docteur [D] [X] et la CPAM des YVELINES devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de juger le Docteur [X] responsable de 40 % de leurs dommages, lesquels s’établissaient à la somme de 560.000 €.

Par exploit en date du 21 juillet 2021, la CPAM de [Localité 27] a été assignée en déclaration de jugement commun.

A la faveur d’un changement de Conseil, Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de ses deux enfants mineurs [T] [F] et [Y] [F] - [N] [F] étant devenue majeure - ont pris de nouvelles conclusions, sollicitant désormais l’indemnisation de leur entier préjudice auprès du Docteur [D] [X]. Dans le dernier état de leurs conclusions, Madame [J] [K] veuve [F] ne représente plus qu’elle-même et son enfant mineur [T] [F], Madame [N] [F] et Monsieur [Y] [F] étant désormais l’un et l’autre majeurs.

Par conclusions d’intervention volontaire, Madame [B] [F] épouse [I], soeur du défunt, est intervenue dans la procédure aux côtés de ses deux enfants mineurs, [S] et [A] [I], aux fins d’indemnisation. [S] [I] étant devenu majeur, le Conseil de Madame [B] [F] a produit un jugement l’autorisant à intervenir en son nom.

Dans le dernier état de leurs demandes, Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], Madame [N] [F], Monsieur [Y] [F] sollicitent du tribunal de :

- juger que le Docteur [X] a commis plusieurs fautes, conjointement avec l’hôpital [22] et le Docteur [C], fautes qui ont concouru au décès du patient et qui engagent leur responsabilité ;
- en conséquence, condamner in solidum le Docteur [X], sous la garantie de sa compagnie d’assurance à réparer l’entier préjudice résultant du décès de Monsieur [F], sous déduction de l’indemnité de 26.000 € versée à titre transactionnel par le Docteur [C], à charge pour le Docteur [X] d’agir le cas échéant contre l’Hôpital [22] devant la juridiction compétente pour obtenir le remboursement de la part du dommage imputable aux manquements de l’hôpital ;

- liquider les préjudices de la manière suivante :
- pour Mme [F] à titre personnel :
- préjudice économique : 542.830,33 € ;
- préjudice d’affection : 60.000 € ;
- préjudice d’accompagnement : 15.000 € ;
- pour Mme [F] en qualité d’ayant-droit de Monsieur [F] :
- souffrances endurées par Monsieur [F] : 20.000 € ;
- préjudice d’angoisse de mort imminente : 60.000 € ;
- Pour Mme [F], en qualité de représentante et administratrice de [T] [F] :
- préjudice économique : 32.314,13 € ;
- préjudice d’affection : 30.000 € ;
- Pour [N] [F] :
- préjudice économique : 18.907,54 € ;
- préjudice d’affection : 30.000 € ;
- Pour [Y] [F] :
- préjudice économique : 21.775,67 € ;
- préjudice d’affection : 30.000 € ;
- débouter le Docteur [X] de ses demandes ;
- ne pas écarter l’exécution provisoire ;
- condamner le Docteur [X] à leur payer la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, outre les dépens, en ce compris les frais d’expertise.

Au soutien de leurs prétentions, les demandeurs exposent que le Docteur [X] a commis plusieurs fautes, mises en exergue par les expertises réalisées dans le cadre civil mais également dans le cadre pénal. Au rang de ces fautes, les demandeurs mentionnent la décision hâtive d’opérer en urgence, l’absence de vérification de la correction de l’anticoagulation preopératoire, la technique chirurgicale et le choix d’un matériel inadapté.
Les demandeurs pointent également du doigt la responsabilité du service de réanimation de l’hôpital [22], qui n’a pas su apaiser et surveiller correctement Monsieur [F]. Les demandeurs rappellent que les experts ont retenu des responsabilités partagées, à hauteur de 40% pour le Docteur [X], de 5 % pour le Docteur [C] et de 55 % pour l’hôpital [22], ce dernier ne contestant pas sa responsabilité ainsi que le pourcentage de 55 % (pièce en demande n° 45).
Au total, les demandeurs sollicitent donc la condamnation du Docteur [X] à réparer l’entier préjudice, à charge pour lui de se retourner contre les co-auteurs du dommage.

S’agissant de la discussion poste à poste, le tribunal renvoie au corps de sa décision, où les moyens des parties seront discutés, poste à poste.

Dans le dernier état de ses demandes, Madame [B] [F] épouse [I], agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa fille mineure Madame [A] [I] et de son fils devenu majeur Monsieur [S] [I] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale, sollicite du tribunal de :

- juger l’intervention volontaire recevable ;
- déclarer le Docteur [X] responsable de leur préjudice d’affection ;
- à titre principal, condamner le Docteur [X] in solidum avec l’hôpital [22] et le Docteur [C] à verser à Madame [F] la somme de 15.000 €, outre celle de 5.000 € pour chacun de ses deux enfants ;

- à titre subsidiaire, condamner le Docteur [X] à lui payer la somme de 6.000 € en indemnisation de son préjudice, outre la somme de 2.000 € pour chacun de ses deux enfants ;
- en tout état de cause, constater l’exécution provisoire, condamner le Docteur [X] à payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC et les dépens.

Au soutien de leurs prétentions, les concluants exposent qu’en raison de leurs liens familiaux avec la victime, ils sont recevables à intervenir. Ils font valoir que l’expertise réalisée dans le cadre de l’information judiciaire est parfaitement opposable au Docteur [X] puisque celui-ci peut la discuter et qu’elle est corroborée par d’autres éléments tels que l’expertise judiciaire réalisée dans le cadre civil.
Sur le fond, ils reprochent au Docteur [X] d’avoir causé la plaie aortique, au Docteur [C] de n’avoir pas vérifié la correction de l’anticoagulation, et à l’hôpital [22] un défaut de surveillance et d’accompagnement qui a permis à la victime de se désadapter du respirateur qui le maintenait en vie.
Les concluants approuvent les experts judiciaires d’avoir fixé les responsabilités aux pourcentages respectifs suivants : 40 %, 5 % et 55 %.

Pour la discussion des postes de préjudice, il est là encore renvoyé au corps de la décision.

Dans le dernier état de ses demandes, le Docteur [X] sollicite du tribunal de :
- à titre principal :
- juger que la plaie aortique ne peut être imputée à une faute de sa part ;
- en conséquence, débouter les consorts [F] de toutes leurs demandes et les condamner à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC et les entiers dépens ;
- à titre subsidiaire :
- juger que sa part de responsabilité doit être limitée à 8 % ;
- débouter les consorts [F] de leurs demandes de condamnation in solidum ;
- juger que l’indemnisation globale sera limitée à 624.666,22 €, soit 49.973,30 € pour sa part de 8 % ;
- réduire l’article 700 ;
- limiter à la moitié l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, le Docteur [X] reproche aux demandeurs de lui opposer l’expertise réalisée dans le cadre de l’information judiciaire alors qu’il ne s’agit pas d’un document établi contradictoirement.
Or, le défendeur expose que les conclusions des experts judiciaires désignés dans le cadre de l’action civile sont très différentes de celles des experts désignés par le magistrat instructeur. En effet, l’expertise rendue dans le cadre pénal a conclu au fait que le décès était dû à un choc hémorragique alors que les experts civils ont conclu au fait que la plaie aortique était un événement grave mais non dramatique, alors qu’un arrêt cardio-circulatoire tel que celui de 30 minutes survenu à l’hôpital était “toujours mortel”.
Le Docteur [X] fait donc valoir que la plaie aortique est sans lien avec le décès puisque, sitôt la plaie suturée, l’état de Monsieur [W] [F] s’est amélioré et que c’est donc une seconde complication qui a causé le décès, seule l’AP-HP étant responsable de cette seconde complication.

Le Docteur [X] reproche également au Docteur [C] de n’avoir pas vérifié la correction de l’hémostase pré-opératoire, alors que cette vérification relevait de sa seule responsabilité. En conséquence, le concluant fait valoir que le fait d’avoir procédé à l’opération sans tarder est sans lien causal avec cette absence de vérification, outre que la preuve du lien causal avec la survenue du dommage n’est pas rapportée.

S’agissant de la plaie vasculaire per-opératoire, le Docteur [X] conteste toute faute de sa part puisque l’utilisation d’un trocart coupant n’est pas fautive en elle-même, ainsi que l’ont noté les experts. Le fait qu’une plaie soit causée par ce trocart ne suffit pas non plus à rendre fautive l’utilisation de cet instrument.
Le Docteur [X] ajoute que, quelle que soit la technique utilisée, il existe un risque de plaie vasculaire grave dans 0,04/1000 à 0,4/1000 des cas, de sorte que la survenue de la plaie aortique constitue en réalité un accident médical non fautif : en effet, le lâchage de la pince aponévrotique qui a provoqué l’avancée brutale du trocart n’est pas une faute, mais précisément la circonstance accidentelle conduisant à l’accident médical.

S’agissant de la gestion postopératoire de la complication, le Docteur [X] conteste toute dissimulation de sa part des difficultés techniques rencontrées puisque c’est au contraire lui qui a orienté Monsieur [W] [F] vers l’hôpital d’[22] afin qu’il soit réopéré dans les meilleures circonstances de sécurité, étant précisé qu’il était présent au bloc opératoire lors de cette opération de reprise. Le fait de n’avoir pas procédé lui-même à une exploration complète n’est donc pas un choix fautif puisque le transfert rapide du patient était une option valable.

Subsidiairement, le Docteur [X] sollicite de limiter sa responsabilité à la valeur de survenue d’un risque mortel en cas de plaie aortique, soit un risque compris entre 1 % et 8 %, ce qui ne peut pas conduire à une responsabilité à hauteur de 40 % comme évoqué par les experts.

Sur la discussion poste à poste, il est renvoyé au corps de la décision.

La CPAM des YVELINES et la CPAM de [Localité 27] n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024 et les plaidoiries ont été fixées à la date du 15 mai 2024.

Le 15 mai 2024, l’affaire a été plaidée et, à l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 17 juillet 2024.

Les demandeurs ont été autorisés à produire une note en délibéré portant sur la provision de 150.000 € versée par l’AP-HP.

Par courrier en date du 22 mai 2024, les demandeurs ont fait savoir que cette provision avait été négociée par l’ancien Conseil, le nouveau ne disposant donc pas de tous les éléments, même si ceux dont il dispose lui laissent penser “qu’une telle provision a bien été versée (...) en 2017". Par courrier en date du 29 mai 2024, le Docteur [X] a pris acte de ce courrier et du versement de cette provision de 150.000 €.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’intervention volontaire de Madame [B] [F] et de ses deux enfants

Il convient de juger recevable cette intervention volontaire, les parties intervenantes justifiant d’un intérêt à agir en raison de leur proximité familiale avec Monsieur [W] [F] et leurs demandes se rattachant aux demandes initiées par l’épouse et les enfants de ce dernier.

Sur la question de la responsabilité

L'article L1142-1 du code de la santé publique énonce que :
I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

L'article L1142-1-1 du même code énonce que, sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale :

1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ;

2° Les dommages résultant de l'intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soins.

L'article D1142-1 du même code énonce que le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.

Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :

1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;

2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.

S’agissant tout d’abord de l’opposabilité au Docteur [X] de l’expertise conduite dans le cadre de la procédure pénale, c’est à bon droit que les demandeurs font valoir qu’une expertise non contradictoire vis-à-vis d’une partie peut néanmoins lui être opposée à la double condition que cette expertise soit soumise à la libre discussion des parties et qu’elle soit corroborée par d’autres éléments versés aux débats. Or, tel est bien le cas en l’espèce puisque toutes les parties ont eu accès à cette expertise et que l’expertise judiciaire réalisée dans le cadre civil a permis d’apporter un éclairage complémentaire de celui des experts désignés par le magistrat instructeur.

Au plan médical, la conclusion des trois experts désignés par le magistrat instructeur est que “M. [W] [F] a présenté un choc d'origine hémorragique faisant suite à une plaie aortique passée inaperçue lors d'une prise en charge chirurgicale d'une appendicite. Cette plaie, bien que rapidement suturée lors d'un transfert dans un autre établissement, a eu pour conséquence une dégradation progressive de l'état respiratoire du patient, avec une pneumopathie aiguë bilatérale, un état d'agitation se compliquant d'un arrêt cardiaque par désadaptation du patient de sa machine respiratoire. Cet arrêt, bien que récupéré, sera marqué par un syndrome de détresse respiratoire aigu sévère et un état de mort cérébrale.
La plaie de l'aorte n'a pas été vue par le premier chirurgien bien qu'il constate un saignement dès la mise en place de la chemise du trocart. Il n'a pas recherché l'origine du saignement (400 ml dans le péritoine) lors de la conversion de la coelioscopie en laparotomie. Il oriente pourtant rapidement le patient vers un centre hospitalier avec présence d'un chirurgien vasculaire témoignant d'une suspicion d'atteinte vasculaire”.

Le tribunal juge que cette conclusion est parfaitement compatible avec celle à laquelle sont parvenus les experts judiciaires désignés dans le cadre de l’action civile. Ces derniers ont en effet retenu que “l'opération fut délicate, nécessitant trois opérateurs; il faudra plus de 4 h d'intervention et une transfusion massive.
A la sortie du bloc opératoire, Monsieur [F] a déjà énormément "souffert"; son organisme a été soumis à une très forte agression: Plaie de l'aorte, transfusion massive, chirurgie réparatrice longue, instabilité hémodynamique de plusieurs jours, difficultés respiratoires induites par la poly transfusion et l'instabilité globale du patient. Cela se manifeste par un dosage biologique : les lactates sont un marqueur de défaillance générale d'un organisme; Monsieur [F] à ce stade a été très fragilisé.
Certes il est jeune; dans un premier temps, on note une amélioration globale avec des conditions de ventilation qui s'améliorent mais, dans un deuxième temps, s'installe un état d'agitation; il est noté dans l'observation des infirmières - Agitation importante... Patient attaché...patient qui est réinstallé dans son lit. et ce dès 3h du matin sans que la sédation ne soit modifiée. Il est légitime de questionner: Comment se fait-il que l'interne n'ait pas été prévenu ??? .

La sédation à ce stade était plus que minimale. La suite, tout le monde connaît. Monsieur [F] se débranche du respirateur; on note une absence de recueil de données pendant 30 minutes. Il n'y a pas de tension artérielle, d'oxymétrie, de fréquence cardiaque pendant 30 minutes !!!. Personne ne peut survivre à un arrêt cardio-circulatoire de 30 minutes. C’est là le point essentiel dont la responsabilité incombe à l’hôpital [22]”.

Par conséquent, pour les cinq experts qui ont analysé les causes du décès de Monsieur [W] [F], la plaie aortique est loin d’être un événement mineur puisqu’elle est la cause première des complications dont a souffert la victime. Et non seulement cette plaie aortique a représenté une agression majeure pour son organisme, fragilisant Monsieur [W] [F] ainsi que l’a montré son taux de lactate, mais de surcroît, c’est à la suite de la reprise de cette plaie que la détresse respiratoire est survenue, après une amélioration temporaire.

Sur la cause immédiate du décès, les cinq experts sont là encore d’accord puisque c’est bien l’arrêt cardiaque consécutif à la désadaptation de Monsieur [W] [F] à la machine qui assurait sa respiration qui a provoqué la mort cérébrale de la victime.

Là où les expertises ne sont pas comparables, c’est dans la recherche des responsabilités. Mais ce point s’explique par l’objet différent imparti aux deux expertises : l’expertise judiciaire conduite dans le cadre d’une information ouverte pour homicide involontaire a en effet recherché l’existence d’une faute pénale, alors que l’expertise judiciaire conduite dans le cadre de l’action en responsabilité a recherché l’existence de fautes civiles, lesquelles se distinguent des fautes pénales. Dans le cas d’espèce, il n’a ainsi pas été trouvé de faute pénale, qu’il s’agisse du Docteur [X], du Docteur [C] ou de l’hôpital [22], cette absence de faute pénale ayant été constatée par le magistrat instructeur à l’occasion de son ordonnance de non-lieu.

Il revient désormais au tribunal de déterminer si des fautes civiles ont été commises.

S’agissant en premier lieu de l’indication opératoire pour la prise en charge de l’appendicite, les experts l’ont jugée formelle, seul le degré d’urgence de l’opération étant questionné par eux, puisqu’ils ont estimé que l’intervention aurait pu être retardée un peu, de manière à s’assurer de la correction de l’hémostase avant l’intervention. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le Docteur [X], les experts ne lui reprochent pas à lui seulement d’avoir décidé d’une intervention immédiate puisque la responsabilité personnelle du Docteur [C] est également retenue par les experts, à hauteur de 5 %. Ce taux de 5 % a été retenu car, si la “négligence” du Docteur [C] - qui n’a pas contrôlé la correction opérée sur les A.V.K. - a bien eu un “effet sur les suites opératoires”, cet effet a été qualifié par les experts de “très faible ; il s’agit seulement d’un co-facteur” (page 10 de l’expertise), ce qui explique que la responsabilité du Docteur [C] soit limitée à 5%.

S’agissant de l’intervention conduite par le défendeur, les experts concluent au fait que “la responsabilité de l’accident constitué par la plaie aortique provoquée lors de l’introduction du premier trocart incombe en totalité au Docteur [X]. Le reste de la prise en charge chirurgicale est conforme, dans la mesure où un transfert en urgence a été décidé vers un centre de chirurgie vasculaire” (page 10). Contrairement à ce que soutient le Docteur [X] dans ses écritures, les experts ont bien identifié une faute dans le choix du trocart, et l’atteinte aortique n’est donc pas le résultat d’un accident médical non fautif. Les experts s’en sont longuement expliqué en page 8 de leur rapport : “ce trocart, s'il s'était agi du matériel dédié à l'open-coelioscopie, n'aurait pas pu provoquer la plaie de l'aorte qui a été réalisée. Tout au plus aurait-il provoqué une contusion du mésentère, qui recouvre l'aorte non loin de la bifurcation aortique. Mais la plaie provoquée nécessite un instrument tranchant, et les trocarts dédiés à l'open cœlioscopie ont un mandrin mousse. Le problème est venu de l'utilisation, lors de cette intervention, d'un trocart coupant.
Ce qui habituellement n'a pas d'inconvénient car l'introduction se fait " en douceur", est devenu “agressif” au moment de l'introduction devenue brutale du fait du déséquilibre provoqué par l'arrachement de la pince aponévrotique.
Si le docteur [X] ne disposait pas d'un trocart à mandrin mousse, il eut été judicieux d'enlever le mandrin à lame rétractable pour ne garder que la chemise qui peut être introduite sans mandrin en open-cœlioscople.
En conclusion, c'est l'association :
- de l'utilisation d'un trocart non dédié à l'open cœlioscopie,
- d'une maladresse non intentionnelle au moment de l'introduction du trocart qui créent les conditions d'une plaie intra-abdominale en regard de l'ombilic, c'est à dire du mésentère et des vaisseaux contenus dans l'espace en dessous c'est à dire dans l’espace rétropéritonéal, en l’occurrence de l’aorte”.

Le tribunal s’approprie ces conclusions et retient ainsi la faute du Docteur [X] dans la conduite de son intervention, cette faute consistant dans le choix d’un trocart inadapté, qui a causé de graves dommages au moment où la maladresse non intentionnelle s’est produite du fait de l’arrachement de la pince aponévrotique;

En revanche, c’est à bon droit que le Docteur [X] conteste toute faute de sa part dans la prise en charge du saignement causé par sa maladresse. En effet, confronté au saignement important de son patient, les experts constatent que ce praticien avait alors deux options : soit décider d’une exploration complète au risque de se retrouver avec une plaie vasculaire grave, qui pouvait être difficile à traiter en clinique (aides opératoires limitées, compétence vasculaire, matériel vasculaire...), soit ne pas réaliser d’exploration complète et transférer rapidement le patient dans un centre spécialisé, en l’occurrence l’hôpital [22] tout proche. En choisissant la seconde option, le Docteur [X] n’a pas commis de faute. Par conséquent, la responsabilité du Docteur [X] s’arrête à ce stade des événements.

La suite est connue grâce à l’expertise judiciaire mais elle intéresse une personne de droit public - en l’espèce l’hôpital [22] - et la lourdeur imposée par la séparation des ordres judiciaire et administratif conduit à séquencer artificiellement ce qui est en réalité un continuum, le tribunal ne pouvant ainsi pas se pencher sur la question de la responsabilité encourue par l’hôpital [22], qui relève des seules juridictions administratives. Tout au plus, le tribunal peut-il constater que cette structure ne conteste non seulement pas sa responsabilité, mais qu’elle ne conteste pas non plus la répartition des responsabilités à hauteur de 55 % en ce qui la concerne, le versement d’une provision de 150.000 € aux demandeurs en 2017 étant conforme à ce positionnement.

Au total, au terme des expertises judiciaires civile et pénale, le Docteur [X] est donc l’auteur d’une double faute : d’une part, il a précipité l’intervention alors qu’il pouvait la différer, le temps pour le Docteur [C] de vérifier l’efficacité de l’antagonisation des A.V.K. (cette faute ayant cependant eu des conséquences nécessairement limitées sur le résultat final) : cette première faute est partagée entre lui et le Docteur [C]. La seconde faute a consisté dans le choix d’un trocart inadapté, ce qui a causé la plaie aortique.

S’agissant à présent du lien causal entre ces fautes et le décès de Monsieur [W] [F], c’est à tort que le Docteur [X] le conteste puisque, ainsi que cela a été dit, non seulement la plaie majeure causée à son patient l’a considérablement affaibli, mais elle a de surcroît entraîné la suite : sans la plaie aortique, Monsieur [W] [F] n’aurait en effet pas été transféré à l’hôpital [22] et les fautes commises dans cette enceinte n’auraient pas pu arriver. La condamnation doit donc être prononcée in solidum, puisque c’est le cumul des fautes commises par tous les acteurs qui a conduit au décès de Monsieur [W] [F].

En revanche, dans la mesure où le Docteur [C] et l’hôpital [22] ne sont pas parties à la procédure, il n’est pas permis au tribunal de les condamner (outre le fait que l’hôpital ne relève pas de la compétence d’une juridiction judiciaire). Mais il importe de comprendre que chacun de ces acteurs peut être amené à indemniser les victimes pour leur entier préjudice, à charge pour la personne qui aurait ainsi payé pour le tout de se retourner par des actions récursoires contre les autres personnes impliquées. Le seul praticien présent dans la procédure étant le Docteur [X], c’est donc lui que le tribunal condamne pour le tout.

En revanche, c’est à juste titre que le Docteur [X] sollicite la limitation de sa responsabilité dans ses rapports avec les autres personnes impliquées. Mais il faut clairement répéter que cette limitation ne vaut pas dans ses rapports avec les victimes, directes ou indirectes.

La limitation de sa responsabilité ne vaut en effet que dans ses rapports avec les autres personnes impliquées, afin de limiter sa contribution à la dette, ce qui nécessitera cependant de sa part qu’il envisage au préalable une double action récursoire : l’une devant les juridictions judiciaires en ce qui concerne le Docteur [C] et l’autre devant les juridictions administratives en ce qui concerne l’hôpital d’[22]. Cela dit, le tribunal tiendra d’ores et déjà compte des sommes versées aux demandeurs par le Docteur [C] et par l’hôpital d’[22] pour les déduire des postes de préjudice des demandeurs, ce qui bénéficiera dès à présent au Docteur [X] et ce qui souligne le caractère solidaire de la dette supportée par les praticiens et l’établissement de soins.

S’agissant donc de la limitation de la responsabilité du Docteur [X] dans ses rapports avec les autres débiteurs de l’obligation, il convient de distinguer la question du risque létal entraîné par ses fautes d’une part, de la question de la part de sa responsabilité d’autre part. En effet, raisonner comme le fait le demandeur en purs termes de risque létal entraîne des déductions juridiquement fausses et, quoiqu’il arrive, illogiques. En effet, si le risque létal d’une plaie aortique est de 8 % et que le risque létal d’un arrêt cardio-circulatoire de 30 minutes est de 100%, la conclusion ne peut pas être que les responsabilités encourues seraient de 108 %. La répartition des responsabilités proposée par les experts n’est donc pas liée au risque létal généré par les erreurs commises, mais elle tient compte à la fois de la gravité des fautes commises par chaque intervenant, et de leur causalité avec le dommage final.

En proposant de fixer la responsabilité globale du Docteur [X] à 40 %, les experts vont donc au-delà de la létalité d’une plaie aortique (8 %), mais cela s’explique par le fait que, sans cette faute première, les fautes propres à l’hôpital [22] n’auraient pas été commises et Monsieur [W] [F] serait encore vivant. En contrepoint, le tribunal fait observer au Docteur [X] que c’est sur l’hôpital que les experts ont fait peser la part majoritaire de la responsabilité, et ce alors même que l’hôpital n’a fait qu’hériter d’une situation créée par le Docteur [X]. La répartition des différentes responsabilités a donc été proposée par les experts afin de tenir compte de la gravité des fautes respectives. La faute du Docteur [X], faute première et grave a donc été retenue à 40 % par les experts, tandis que la faute de l’hôpital [22], bien que secondaire chronologiquement, a été jugée plus grave encore, avec des équipes qui ont préféré se rendre à la tisanerie pour prendre une pause plutôt que surveiller un patient qu’elles savaient instable, les experts ayant retenu un taux de 55 %.

Au total, le tribunal juge que le Docteur [X] doit donc indemniser intégralement les victimes directes et indirectes de ses fautes mais qu’il convient d’une part de déduire des postes de préjudice restant à calculer les sommes qui ont déjà été versées par le Docteur [C] et par l’hôpital [22] et, d’autre part, de préciser que dans ses rapports avec les autres personnes responsables, la responsabilité personnelle du Docteur [X] est de 40 %, cette limitation n’étant cependant opposable qu’aux co-auteurs du dommage, et non aux victimes.

Sur les postes de préjudice

Sur les postes en demande émanant de Madame [J] [K] veuve [F] et ses enfants

Sur la question du préjudice économique

Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], Madame [N] [F] et Monsieur [Y] [F] sollicitent au titre du préjudice économique du foyer la somme de 615.827,67 €, le préjudice propre à Madame [N] [F] s’élevant à la somme de 18.907,54 €, celui de Monsieur [Y] [F] étant de 21.923,2764 €, celui de Madame [T] [F] étant de 34.155,1116 € et celui de Madame [J] [K] veuve [F] étant donc 542.830,33 €.
Pour parvenir à ce résultat, les demandeurs font valoir que Madame [J] [K] veuve [F] ne travaillait plus depuis 2010 et que son mari était donc le seul à rapporter de l’argent au foyer, avec des revenus de 27.250 € en 2012. Sur cette somme, la part d’auto-consommation du défunt a été estimée à 15 %, soit 4.128 €, les enfants pouvant prétendre à 10 % chacun des revenus annuels jusqu’à avoir atteint l’âge de 25 ans. De plus, les demandeurs déduisent de ce préjudice brut la pension de réversion de 9.636 € par an, soit un préjudice financier annuel net pour le foyer de 13.756 €. Pour calculer en viager les revenus qui auraient pu être gagnés par la victime, les demandeurs retiennent enfin les barèmes de la Gazette du Palais, en choisissant l’hypothèse d’actualisation à - 1 %, ce qui conduit à retenir 146.981 € pour les arrérages échus entre le [Date décès 13] 2013 et le 30 juin 2024, et 468.845,75 € pour les arrérages à échoir.

Le Docteur [X] propose pour sa part de retenir un préjudice global de 516.666,22 € en retenant l’hypothèse d’actualisation de 0 %, et la même perte financière annuelle de 13.756 € après déduction de la part d’auto-consommation du défunt et déduction de la pension de réversion perçue par son épouse. En revanche, le défendeur propose de ne calculer le préjudice économique des enfants que jusqu’à leur 21 ans, personne ne pouvant déterminer s’ils feront des études longues.

Sur ce, le tribunal applique, comme le défendeur, le taux d’actualisation de la Gazette du Palais dans son hypothèse de 0 %, l’hypothèse de - 1 %, qui correspond à une inflation élevée, ne lui paraissant pas la plus probable sur le long terme en raison de la mission de maîtrise de l’inflation confiée aux banques centrales, ces dernières ayant fait régulièrement la preuve que cet objectif surpassait à leurs yeux de nombreux autres objectifs économiques.

Par ailleurs, le tribunal constate l’accord des parties, tant en ce qui concerne le revenu de référence qui doit être pris en compte, que la part d’autoconsommation et la déductibilité de la pension de réversion, soit un préjudice annuel net pour le foyer de 13.756 €. C’est donc de cette somme que le tribunal repartira pour calculer la valeur de ce poste de préjudice.

S’agissant des arrérages échus entre le [Date décès 13] 2013 et le 12 juin 2024, date à laquelle le tribunal rend sa décision, il s’est écoulé une période de 3882 jours, ce qui représente une perte de (13.756 € / 365) x 3882 jours = 146.303,54 €.

Pour les arrérages à échoir, la victime aurait été dans sa 53ème année le 12 juin 2024. Pour un calcul viager, la gazette du palais 2022 retient un euro de rente de 28.584, soit un préjudice de 393.201,50 €.

Le préjudice économique du foyer s’élève donc, au total, à la valeur de 539.505,04 €.

Pour calculer quelle part de ce préjudice revient à chaque enfant, le tribunal retient la valeur de 10 % annuelle retenue de manière consensuelle par les parties, et retient, comme les demandeurs, une telle part jusqu’aux 25 ans des enfants, puisqu’il n’existe pas de raison de limiter la capacité des enfants à faire des études longues et que ce choix n’aggrave pas les obligations du défendeur, seule la répartition de la somme due entre les demandeurs étant affectée.

Pour Madame [N] [F], née le [Date naissance 15] 2002, les arrérages échus s’étendent du [Date décès 13] 2013 au 12 juin 2024, date de la décision, soit 3.882 jours. Soit ((13.756 € x 10 %) / 365 jours) x 3.353 jours = 14.630,35 €. Pour les arrérages à échoir à compter du 13 juin 2024, soit à un moment où elle avait 22 ans, la gazette du palais prévoit un euro de rente de 2,999, soit 4.125,42 €, soit un préjudice total de 18.755,77 €.

Pour Monsieur [Y] [F], né le [Date naissance 19] 2003, les arrérages échus s’étendent du [Date décès 13] 2013 au 12 juin 2024, soit 3.882 jours. Soit ((13.756 € x 10 %) / 365 jours) x 3.353 jours = 14.630,35 €. Pour les arrérages à échoir à compter du 13 juin 2024, soit à un moment où il avait 20 ans, la gazette du palais prévoit un euro de rente de 4,991, soit 6.865,62 €, soit un préjudice total de 21.495,97 €.

Pour Madame [T] [F], née le [Date naissance 11] 2011, les arrérages échus s’étendent du [Date décès 13] 2013 au 12 juin 2024, soit 3.882 jours. Soit ((13.756 € x 10 %) / 365 jours) x 3.353 jours = 14.630,35 €. Pour les arrérages à échoir à compter du 13 juin 2024, soit à un moment où elle avait 14 ans, la gazette du palais prévoit un euro de rente de 11,989, soit 16.492,07 €, soit un préjudice total de 31.122,42 €.

Pour Madame [J] [K] veuve [F], son préjudice correspond à la différence entre le préjudice de ses enfants et le préjudice du foyer, soit : 539.505,04 € - 18.755,77 € - 21.495,97 € - 31.122,42 € = 468.130,88 €.

Sur la question des préjudices moraux et d’affection de Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], Madame [N] [F], Monsieur [Y] [F]

Il est sollicité la somme de 60.000 € pour Madame [J] [K] veuve [F], et de 30.000 € pour chacun des trois enfants, les demandeurs revenant sur la brutalité du décès de leur époux et père, et sur les conséquences très durables entraînées par ce décès inattendu, les deux enfants les plus âgés au moment des faits ayant été mis en échec scolaire à la suite de la nouvelle qu’ils ne sont pas parvenus à accepter.

Le Docteur [X] ne conteste pas la violence du choc, mais fait valoir que les sommes demandées ne sont pas en adéquation avec les sommes usuellement attribuées par les juridictions. Il propose une somme de 30.000 € pour la veuve de la victime et une somme de 17.000 € à chacun des enfants.

Sur ce, il est exact que le référentiel des juridictions judiciaires connus sous le nom du Conseiller ‘Mornet’ prévoit une somme de 30.000 € pour l’épouse laissée veuve, une somme comprise entre 25.000 € et 30.000 € pour l’enfant mineur, et une somme comprise entre 15.000 € et 25.000 € pour l’enfant majeur vivant dans le foyer familial.

Il sera fait une juste appréciation des choses en allouant à Madame [J] [K] veuve [F] la somme de 35.000 €, en allouant à [T] [F] la somme de 30.000 €, en allouant à Madame [N] [F] la somme de 25.000 €, et en allouant à Monsieur [Y] [F] la somme de 25.000 €.

Sur la question du préjudice d’accompagnement de Madame [J] [K] veuve [F]

La demanderesse sollicite la somme de 15.000 € à ce titre, exposant avoir échangé des propos banals avant une opération qui n’annonçait comme étant de pure routine, et avoir dû accompagner son époux dans la mort sans pouvoir ne serait-ce qu’échanger avec lui.

Le Docteur [X] propose la somme de 4.000 €, faisant valoir qu’au moment des faits, les deux époux étaient momentanément séparés géographiquement, dans l’attente de la mutation professionnelle de la victime et qu’elle n’a été informée des difficultés que le 22 octobre, le préjudice n’ayant donc débuté qu’à cette date.

Sur le, le tribunal observe que, dans le cas d’espèce, il importe peu de mesurer en jours ou en heures la durée de l’accompagnement de la victime. Ce qui importe, c’est de savoir que Madame [J] [K] veuve [F] a imaginé que son époux reviendrait rapidement à la suite d’une opération bénigne, qu’elle a appris sans avoir pu s’y préparer que les complications s’accumulaient, qu’elle a alors quitté ses enfants en très bas âge pour accompagner son mari qui, déjà inconscient, s’est progressivement enfoncé dans un état de mort cérébrale. Ce préjudice est d’autant plus important que c’est le cumul de plusieurs fautes graves qui a conduit à ce résultat morbide : avec davantage de professionnalisme, Monsieur [W] [F] ne serait ainsi pas mort à 43 ans. Ce type de regret est de nature à rendre plus amer encore le préjudice d’accompagnement.

Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Madame [J] [K] veuve [F] la somme de 15.000 €.

Sur la question des frais d’obsèques

Madame [J] [K] veuve [F] ne sollicite pas d’indemnisation, le consulat marocain ayant pris à sa charge la somme de 3.270 €.

Sur la question des souffrances endurées par Monsieur [W] [F]

Madame [J] [K] veuve [F] sollicite la somme de 20.000 € au titre des souffrances endurées par son époux, en sa qualité d’ayant-droit.

Le Docteur [X] propose la somme de 15.000 €, faisant valoir que Monsieur [W] [F] n’a subi qu’une seule opération de reprise et que les souffrances intenses n’ont duré que 4 jours.

Sur ce, le tribunal observe que les experts ont mis en avant la très grande intensité des souffrances subies par Monsieur [W] [F], avec les deux opérations subies coup sur coup, dont la seconde qui a duré 4 heures, et l’état de souffrance et d’agitation qui l’a conduit finalement à se désadapter du respirateur. Enfin, les experts ont marqué leur surprise face à la faible sédation dont il a bénéficié de la part du personnel de l’hôpital [22], ce qui ne peut que majorer les souffrances endurées.

Il sera fait une juste appréciation du préjudice alors subi par Monsieur [W] [F] en l’évaluant à la somme de 20.000 €.

Sur la question du préjudice d’angoisse de mort imminente

En sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [W] [F], Madame [J] [K] veuve [F] (cette demande est faite au seul profit de Madame dans le dispositif des conclusions en demande, mais est faite au nom de Madame et des trois enfants dans le corps des conclusions ; le tribunal étant saisi par le dispositif des écritures, il s’en tient donc à la seule veuve) sollicite la somme de 60.000 €, faisant valoir que son époux a réalisé la gravité de son état sur le chemin de l’hôpital [22], qu’il a manifesté une grande angoisse en s’agitant au point de devoir être placé sous contention et qu’il s’est “littéralement vu mourir”.

Le Docteur [X] s’oppose à cette demande en faisant valoir que l’état de conscience de Monsieur [W] [F] n’est pas démontré.

Sur ce, le tribunal constate avec le Docteur [X] qu’il n’existe aucun élément présent en procédure qui attesterait du fait que Monsieur [W] [F] aurait été conscient à un quelconque moment.

Les expertises ne se sont maheureusement guère intéressées à cet aspect des choses, la seule précision émanant des experts désignés en référé étant que “depuis l’intervention initiale, il n’est donc pas possible d’évaluer l’état neurologique de Monsieur [F] qui est sous anesthésie générale, intubé et ventilé”. S’il ressort de l’expertise réalisée dans le cadre de l’instruction que les experts ont eu accès à l’entier dossier médical de Monsieur [W] [F] et que le tribunal aurait peut-être pu trouver dans ce dossiers des indices quant à l’état de conscience de la victime, il ne peut que constater que ces pièces n’ont pas été reproduites en procédure, le tribunal ne disposant donc d’aucun indice concret quant à l’état de conscience de Monsieur [W] [F], son ‘agitation’ seule n’étant pas de nature à démontrer sa conscience de la situation mais pouvant traduire une pure souffrance corporelle, laquelle a déjà été indemnisée. De la même manière, si le passage de Monsieur [W] [F] en salle de réveil, après la première intervention, a été enregistré, le tribunal ne dispose pas d’élément quant au degré de réveil atteint par la victime avant la seconde intervention, qui a eu lieu très peu de temps après.

La demande au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente sera donc rejetée.

Les préjudices ainsi étudiés se présentent donc ainsi :

poste de préjudice
Madame [J] [K] veuve [F]
[T] [F]
Madame [N] [F]
Monsieur [Y] [F]
Préjudice économique
468.130,88 €
31.122,42 €
21.495,97 €
18.755,77 €
Préjudice d’affection
35.000 €
30.000 €
25.000 €
25.000 €
Préjudice d’accompagnement
15.000 €

Souffrances endurées
20.000 €

Angoisse de mort imminente
Rejet

Total
538.130,88 €
61.122,42 €
46.495,97 €
43.755,77 €

Il convient dès lors de condamner le Docteur [X] à payer à Madame [J] [K] veuve [F] la somme de 538.130,88 €, outre la somme de 61.122,42 € à Madame [J] [K] veuve [F] en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], la somme de 46.495,97 € à Madame [N] [F], et la somme de 43.755,77 € à Monsieur [Y] [F], toutes ces sommes portant intérêts de droit à compter de la présente décision.

De la somme de 538.130,88 € due à Madame [J] [K] veuve [F], il convient cependant de déduire les 26.000 € déjà payés par le Docteur [C] et la provision de 150.000 € payée par l’hôpital [22]. Au total, le Docteur [X] sera donc condamné à payer à Madame [J] [K] veuve [F] la somme de 362.130,88 €. Dans leurs rapports entre eux, si des actions récursoires devaient être engagées par le Docteur [X] à l’encontre du Docteur [C] et de l’hôpital [22], il conviendra de tenir compte du fait que les sommes de 26.000 € et de 150.000 € ont été déduites des sommes dues à Madame [J] [K] veuve [F] pour l’intégralité de son préjudice personnel et du préjudice de son époux en sa qualité d’ayant-droit de ce dernier.

Les demandeurs sollicitent que ces condamnations soient prononcées sous la garantie de l’assurance du Docteur [X], mais le tribunal ne dispose d’aucun élément pour identifier cette personne morale, laquelle n’est en tout état de cause pas partie à la procédure, de sorte qu’aucune garantie ne peut être ordonnée à l’occasion de la présente décision.

Il convient également de condamner le Docteur [X] à payer la somme totale de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], de Madame [N] [F], et de Monsieur [Y] [F].

Enfin, le Docteur [X] doit être condamné à payer les entiers dépens exposés par Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], par Madame [N] [F] et par Monsieur [Y] [F].

Sur les postes de préjudice de Madame [B] [F] épouse [I], agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa fille mineure Madame [A] [I] et de son fils devenu majeur Monsieur [S] [I]

Sur la question des préjudices d’affection

La demanderesse sollicite la somme de 15.000 €, outre celle de 5.000 € pour chacun de ses deux enfants et, à titre subsidiaire, la somme de 6.000 € en indemnisation de son préjudice, outre la somme de 2.000 € pour chacun de ses deux enfants, en réparation de leurs préjudices, la profondeur des liens familiaux ainsi rompus étant établie par différentes attestations.

Le Docteur [X] propose la somme de 6.000 € à Madame [B] [F] épouse [I], et celle de 1.000 € à chacun de ses deux enfants.

Sur ce, le tribunal observe que la réalité des liens familiaux est démontrée et que le référentiel ‘Mornet’ prévoit une fourchette comprise entre 6.000 € et 9.000 € pour une soeur ne vivant pas au foyer de son frère décédé. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Madame [B] [F] épouse [I] en lui allouant la somme de 9.000 €, outre celle de 1.500 € pour chacun de ses deux enfants, Madame [A] [I] et Monsieur [S] [I]. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il convient également de condamner le Docteur [X] à payer la somme de 1.500 € au profit de Madame [B] [F] épouse [I], agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa fille mineure Madame [A] [I] et de son fils devenu majeur Monsieur [S] [I], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre leurs entiers dépens.

Pour toutes les parties

Il convient d’ordonner l’exécution provisoire puisque la présente procédure a été introduite avant que l’exécution provisoire ne soit de droit. Cette exécution provisoire s’impose en raison de l’ancienneté du décès de Monsieur [W] [F], et du cumul dans le temps d’une procédure pénale et d’une procédure civile, exposant ainsi les consorts [F] à des délais de procédure importants.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire, susceptible d’appel ;

JUGE recevable l’intervention volontaire de Madame [B] [F] épouse [I], agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa fille mineure Madame [A] [I], et de son fils devenu majeur Monsieur [S] [I] ;

JUGE que le Docteur [D] [X] doit indemniser intégralement les victimes directes et indirectes des dommages causés par ses fautes mais qu’il convient d’une part de déduire des postes de préjudice fixés par le tribunal les sommes qui ont déjà été versées par le Docteur [C] et par l’hôpital [22] et d’autre part, de préciser que dans les rapports du Docteur [X] avec les autres personnes responsables, la responsabilité personnelle du Docteur [X] est de 40 %, cette limitation n’étant cependant opposable qu’aux co-auteurs du dommage, et non aux victimes ;

DIT que la créance de Madame [J] [K] veuve [F] sur le Docteur [D] [X] en son nom personnel et en sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [W] [F] s’élève à la somme 538.130,88 € mais qu’il convient de déduire de cette créance les 26.000 € déjà payés par le Docteur [C] et la provision de 150.000 € payée par l’hôpital [22], la créance de la susnommée envers le Docteur [X] s’élevant donc à la somme nette de 362.130,88 € ;

En conséquence, CONDAMNE le Docteur [X] à payer à Madame [J] [K] veuve [F], en son nom personnel et en sa qualité d’ayant-droit de Monsieur [W] [F] la somme de 362.130,68 € ;

PRÉCISE que, dans les rapports entre le Docteur [X], le Docteur [C] et l’hôpital [22], si des actions récursoires devaient être engagées par le Docteur [X] à leur encontre, il conviendra de tenir compte du fait que les sommes de 26.000 € et de 150.000 € ont été déduites des sommes dues à Madame [J] [K] veuve [F] pour l’intégralité de son préjudice personnel et du préjudice de son époux en sa qualité d’ayant-droit de ce dernier ;

CONDAMNE le Docteur [X] à payer la somme de 61.122,42 € à Madame [J] [K] veuve [F] en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], ainsi que la somme de 46.495,97 € à Madame [N] [F], et la somme de 43.755,77 € à Monsieur [Y] [F] ;

DIT que toutes ces sommes portant intérêts de droit à compter de la présente décision ;

DÉBOUTE Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], Madame [N] [F] et Monsieur [Y] [F] de leur demande consistant à ce que ces condamnations soient prononcées sous la garantie de l’assurance du Docteur [X] ;

CONDAMNE le Docteur [D] [X] à payer à Madame [B] [F] épouse [I] la somme de 9.000 €, outre celle de 1.500 € pour chacun de ses deux enfants, Madame [A] [I] et Monsieur [S] [I] ;

DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE le Docteur [X] à payer la somme totale de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Madame [J] [K] veuve [F] agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice et représentante légale de son enfant mineur [T] [F], de Madame [N] [F], et de Monsieur [Y] [F], outre leurs entiers dépens ;

CONDAMNE le Docteur [X] à payer la somme de 1.500 € au profit de Madame [B] [F] épouse [I], agissant tant en son nom personnel qu’au nom de sa fille mineure Madame [A] [I], et de son fils devenu majeur Monsieur [S] [I], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre leurs entiers dépens.

ORDONNE l’exécution provisoire.

Fait à Bobigny, le 17 Juillet 2024

Maxime-Aurélien JOURDE Maximin SANSON

Le Greffier Le Vice-Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 21
Numéro d'arrêt : 19/06159
Date de la décision : 17/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-17;19.06159 ?
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