TRIBUNAL DE PROXIMITÉ DE PANTIN
[Adresse 3]
[Localité 5]
Tél:[XXXXXXXX02]
Fax : [XXXXXXXX01]
@ : [Courriel 6]
REFERENCES : N° RG 24/02494 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZAPX
Minute :
JUGEMENT
Du : 15 Juillet 2024
Monsieur [D] [A]
C/
Société BECAP STARVIA, SARL
JUGEMENT
Après débats à l'audience publique du 21 Mai 2024, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe le 15 Juillet 2024;
Sous la Présidence de Madame Armelle GIRARD, juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BOBIGNY siégeant au tribunal de proximité de PANTIN, assistée de Madame Martine GARDE, greffier ;
ENTRE :
DEMANDEUR :
Monsieur [D] [A]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Présent et assisté de Me Pascale VITOUX LEPOUTRE, avocat au barreau de PARIS
Substitué par Me Géraldine GIORNO, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Société BECAP STARVIA, SARL
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Capucine BOYER CHAMMARD, avocat au barreau de PARIS
Copie exécutoire délivrée le :
à : Me Pascale VITOUX LEPOUTRE
Me Capucine BOYER CHAMMARD
Expédition délivrée le
à : Monsieur Le Préfet de la SEINE-SAINT-DENIS
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant contrat du 16 mai 1991, la SA STARVIA devenue la SARL BECAP STARVIA a donné en location à Monsieur [D] [A] un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 4].
Par assignation remise à personne morale le 8 mars 2024, Monsieur [D] [A] a attrait la SARL BECAP STARVIA devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pantin.
L'affaire a été appelée à l'audience du 21 mai 2024, après un renvoi.
À cette audience, Monsieur [D] [A], assisté par son conseil qui s'est rapporté oralement à ses dernières conclusions visées à l'audience auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens, sollicite du juge de :
constater que la SARL BECAP STARVIA a manqué à son obligation de relogement conséquente à l'arrêté préfectoral d'interdiction définitive d'habiter ;condamner la SARL BECAP STARVIA à lui payer la somme de 2 784 € au titre des frais de réinstallation ;condamner la SARL BECAP STARVIA à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance ;condamner la SARL BECAP STARVIA à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudices physiques et moraux ;condamner la SARL BECAP STARVIA à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;condamner la SARL BECAP STARVIA à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.Monsieur [D] [A] explique que ce logement lui a été donné à bail alors qu'il était employé par la SARL BECAP STARVIA dont les locaux sont voisins, mais qu'il a été par la suite victime d'un accident du travail en octobre 2014 et qu'il a été mis fin à ce contrat pour cause d'inaptitude. Il expose qu'un arrêté préfectoral d'interdiction définitive d'habiter a été pris le 19 juillet 2018, établissant que le bien présente des risques majeurs d'atteinte à la santé et à la sécurité (nuisances thermiques et olfactives, émanations de trichloroéthylène), en lien en particulier avec sa mitoyenneté avec l'usine de la SARL BECAP STARVIA.
Au visa de l'article L. 521-2 III du code de la construction et de l'habitation, Monsieur [D] [A] fait valoir que la SARL BECAP STARVIA a manqué à son obligation de relogement, qui devait avoir lieu dans un délai de trois mois suivant l'arrêté préfectoral précité, en ne lui proposant aucune solution de relogement entre le 19 juillet 2018 et le 15 janvier 2024. Il soutient que les offres communiquées le 15 janvier 2024 étaient quant à elle dépourvues de caractère sérieux concernant ses besoins et ses possibilités pécuniaires. Il expose que l'état du logement relève également d'une situation d'indécence au sens de l'article 1721 du code civil, du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, et de l'article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Monsieur [D] [A] considère avoir subi un préjudice de jouissance important au regard de cet environnement néfaste et des nuisances présentes depuis l'entrée dans les lieux, et alors même qu'il a payé son loyer jusqu'en 2018. Il indique en outre que sa santé s'est dégradée de ce fait, ainsi que celle de son épouse.
Monsieur [D] [A] allègue enfin que la SARL BECAP STARVIA lui a opposé une résistance abusive en ne répondant pas à ses sollicitations et ses tentatives de solution amiable au litige.
En réponse aux arguments soulevés en défense, Monsieur [D] [A] explique que le protocole d'accord signé en 2017 avec la SARL BECAP STARVIA ne concernait que la rupture de son contrat de travail et non la question du logement. Il pointe que ce protocole a de plus été signé avant la naissance de son droit de contester. Par ailleurs, il soutient que le logement litigieux constitue bien sa résidence principale.
La SARL BECAP STARVIA, représentée par son conseil qui a repris oralement ses dernières conclusions visées à l'audience auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens, demande au juge de :
déclarer les demandes de Monsieur [D] [A] irrecevables et subsidiairement, l'en débouter ;condamner Monsieur [D] [A] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens.La SARL BECAP STARVIA précise en premier lieu ne pas être propriétaire des locaux litigieux et les sous-louer à Monsieur [D] [A].
À titre principal, au visa de l'article 2052 du code civil, elle soutient que l'action de Monsieur [D] [A] est irrecevable car il a renoncé à tout différend né ou à naître relatif à tous rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre les parties, aux termes d'une transaction signée en 2017.
Subsidiairement, elle fait valoir que ses demandes sont infondées car les dispositions invoquées des articles L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation ne sont applicables que si le logement frappé d'interdiction d'habiter est le logement principal du locataire. Elle allègue que tel n'est pas le cas en l'espèce et que Monsieur [D] [A] réside la majeure partie du temps au Portugal. Très subsidiairement, la SARL BECAP STARVIA conteste avoir manqué à ses obligations. Elle indique avoir informé la mairie de [Localité 5] de ses difficultés à trouver un relogement à Monsieur [D] [A] malgré ses recherches, et que celle-ci devait prendre le relais. Elle affirme que cette carence ne lui est donc pas imputable. Elle expose au demeurant avoir fait plusieurs propositions de relogement à Monsieur [D] [A] qui les a refusé sans motif légitime. En outre, elle considère que ses demandes d'indemnisation ne sont pas fondées ni dans leur principe, en l'absence de faute de sa part et lien de causalité avec un éventuel préjudice, ni dans leur quantum. Elle réfute toute démarche amiable de Monsieur [D] [A] et explique qu'il ne l'a jamais contactée entre 2019 et 2024.
L'affaire a été mise en délibéré au 15 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la portée du protocole d'accord transactionnel et la recevabilité de l'action
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Les articles 2048 et 2049 du même code précisent que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.
L'article 6 du code civil expose qu'on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
En l'espèce, l'article 1 de la transaction signée entre la SARL BECAP STARVIA et Monsieur [D] [A] indique qu'elle a pour effet de régler les différents nés ou à naître résultant de l'exécution et de la rupture de la relation de travail qui les liait et de l'accident survenu le 2 juillet 2014.
Elle définit ainsi très précisément son objet à la relation de travail qui unissait les parties, laquelle doit être distinguée du contrat de location également signées par elles et auquel il n'est au demeurant fait aucune mention dans l'intégralité de la transaction.
Par suite, l'article 6 qui précise que la transaction met fin à tout différend né ou à naître relatif à l'exécution et la rupture du contrat de travail et de « tous les rapports de droit ou de fait ayant pu exister » entre les parties doit s'interpréter à la lumière de ce cadre prédéfini.
Au surplus, le présent litige porte sur la question de la décence d'un logement mis en location, en application de dispositions d'ordre public et impératives de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, sur lesquelles il ne peut être dérogé conventionnellement.
En conséquence, il y a lieu de constater que les demandes de Monsieur [D] [A] sont recevables et de rejeter l'exception soulevée par la SARL BECAP STARVIA.
Sur la demande au titre des frais de relogement
Aux termes de l'article L521-1 du code de la construction et de l'habitation, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement ou l'hébergement des occupants ou de contribuer au coût correspondant dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-1.
L'article L. 521-3-1 du même code délimite les hypothèses ouvrant droit à relogement :
Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction temporaire d'habiter ou d'utiliser ou que les travaux prescrits le rendent temporairement inhabitable, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer aux occupants un hébergement décent correspondant à leurs besoins.Si un logement qui a fait l'objet d'un arrêté de traitement de l'insalubrité pris au titre du 4° de l'article L. 511-2 du présent code est manifestement suroccupé, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer l'hébergement des occupants jusqu'au terme des travaux prescrits pour remédier à l'insalubrité. A l'issue, leur relogement incombe au représentant de l'Etat dans le département dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2.
Lorsqu'un immeuble fait l'objet d'une interdiction définitive d'habiter ou lorsqu'est prescrite la cessation de la mise à disposition à des fins d'habitation des locaux mentionnés à l'article L. 1331-23 du code de la santé publique, ainsi qu'en cas d'évacuation à caractère définitif, le propriétaire ou l'exploitant est tenu d'assurer le relogement des occupants. Cette obligation est satisfaite par la présentation à l'occupant de l'offre d'un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Le propriétaire ou l'exploitant est tenu de verser à l'occupant évincé une indemnité d'un montant égal à trois mois de son nouveau loyer et destinée à couvrir ses frais de réinstallation.En cas de défaillance du propriétaire ou de l'exploitant, le relogement des occupants est assuré dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation.
Cette obligation est faite sans préjudice des actions dont dispose le propriétaire ou l'exploitant à l'encontre des personnes auxquelles l'état d'insalubrité ou de péril est imputable en tout ou partie.
En l'espèce, il est constant que par arrêté n°18-0156 HI RDP MM en date du 19 juillet 2018, dont la notification n'est pas contestée, le préfet de Seine-Saint-Denis a mis en demeure la SARL BECAP STARVIA en tant qu'exploitant des lieux de faire définitivement cesser l'occupation aux fins d'habitation du bien sis [Adresse 4] dans le délai de trois mois après notification de cet arrêté, de procéder au relogement des occupants dans le même délai, et précisé qu'à défaut il y serait pourvu d'office et à ses frais dans les conditions prévues à l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation.
Par ailleurs, Monsieur [D] [A] justifie qu'il s'agit de sa résidence principale par la production de ses avis d'imposition et taxes d'habitation des années 2020, 2021, 2022, ainsi que de documents relatifs au suivi médical de sa conjointe. La SARL BECAP STARVIA ne démontre pas qu'il n'y vivrait plus qu'occasionnellement, les documents versés en ce sens étant insuffisants pour l'établir, et il est en tout état de cause indiqué dans ses conclusions et certaines de ses pièces que Monsieur [D] [A] serait « revenu » en octobre 2023 ce dont il résulte qu'il y réside au jour de la présente décision.
Par courriers du 22 février 2018 et 13 juin 2019, Monsieur [U] [J], gérant de la SARL
BECAP STARVIA, a informé la commune de [Localité 5] de son impossibilité de reloger Monsieur [D] [A] en l'absence de possession d'un autre bien immobilier et du fait de recherches infructueuses sur le marché locatif.
Par courrier en date du 7 novembre 2019, Monsieur [T] [B], premier adjoint à la mairie de [Localité 5], a signifié à la SARL BECAP STARVIA un constat de carence de l'arrêté préfectoral n°180156 HI RDP MM et a indiqué que l'Agence régionale de santé (ARS) était dès lors saisie afin de s'y substituer et de prendre en charge l'exécution complète de cet arrêté.
Si dans son courriel en date du 18 octobre 2023, Monsieur [G] [C], inspecteur de salubrité auprès de la commune de [Localité 5], évoque la possibilité d'une levée de l'arrêté préfectoral dans l'hypothèse où le logement [Adresse 4] ne serait plus la résidence principale de Monsieur [D] [A], il n'est pas allégué ni justifié que cette levée serait intervenue.
Il résulte de ces éléments que la procédure administrative est toujours en cours et que l'obligation de relogement pèse actuellement sur l'autorité publique ayant substitué le bailleur (ARS ou DRIHL), laquelle détiendra, en cas d'exécution de l'arrêté et d'un relogement effectif du locataire, une créance envers le propriétaire (la société LA RENARDIERE) ou l'exploitant (la SARL BECAP STARVIA). Toute éventuelle difficulté ou carence de sa part doit être examinée le cas échéant devant la juridiction administrative compétente.
Il n'y a dès lors pas lieu de condamner la SARL BECAP STARVIA, en l'état, à payer à Monsieur [D] [A] des frais de future réinstallation.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du trouble de jouissance
Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent.
L'article 6 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 dispose que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.
Le bailleur est obligé :
de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...),d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de clause expresse mentionnée au ci-dessus,d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux (...) ;
Aux termes de l'article 2 du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, le logement doit notamment satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
Il assure le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. Pour les logements situés dans les départements d'outre-mer, il peut être tenu compte, pour l'appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d'eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ; Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ; Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ; La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ; Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement ; Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ; Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre.Ainsi, le bailleur est tenu de garantir le locataire contre les défectuosités des installations ou équipements existants qui ne remplissent pas leur rôle normal et créent des troubles de jouissance ou des dommages aux locataires.
L'obligation du bailleur d'assurer au preneur la jouissance paisible du logement est une obligation de résultat qui engage sa responsabilité, sauf à démontrer que le trouble empêchant une jouissance paisible trouve son origine dans un cas de force majeure ou une faute du preneur.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à la partie qui sollicite des dommages et intérêts de démontrer l'existence de son préjudice.
En l'espèce, il résulte de l'étude des pièces versées les éléments suivants :
Le rapport d'expertise de la société Polyexpert en date du 20 décembre 2016, faisant suite à un incendie dans les locaux de la SARL BECAP STARVIA en mars 2016 et aux plaintes de Monsieur [D] [A] sur une chaleur excessive dans son appartement depuis, indique qu'aucun risque ou dommage n'est constaté dans les lieux.Le rapport d'expertise de la société DUOTEC EXPERTISES en date du 22 décembre 2016, faisant suite aux mêmes évènements, indique que trois murs du logement présentent une température plus importante que les autres mais que ce sinistre ne provoque pas de dommage.Le rapport d'expertise du Laboratoire central de la préfecture de police en date du 10 juillet 2017 conclut à la présence de trichloroétyhlène à des niveaux de concentration anormalement élevés. Il s'agit d'un solvant utilisé pour le dégraissage des pièces métalliques en industrie et comme intermédiaire de synthèse, dont l'usage est interdit pour les particuliers. L'expert émet l'hypothèse que ce produit soit utilisé au sein de l'usine de la SARL BECAP STARVIA dans les locaux mitoyens au logement litigieux, avec un transfert lié à un défaut d'étanchéité des murs. Il est relevé une température plus élevée sur les murs mitoyens avec les locaux de la SARL BECAP STARVIA mais comparable aux températures généralement mesurées en environnement intérieur.L'arrêté préfectoral n°18-0156 HI RDP MM en date du 19 juillet 2018 a relevé sur la base du précédent rapport, mais également d'un rapport du service communal d'hygiène et sécurité de [Localité 5] en date du 26 mars 2018, qui n'est pas versé aux débats, que le logement sis [Adresse 4] présente une porosité avec les locaux d'activité de la SARL BECAP STARVIA induisant des nuisances thermiques et olfactives et la présence de trichloroétyhlène à des niveaux de concentration anormalement élevés qui est facteur de risque de cancer.
Il ressort de ces documents que les nuisances thermiques et olfactives dont fait état Monsieur [D] [A] et mentionnés dans l'arrêté du 19 juillet 2018 ne sont pas corroborées par les analyses des différents experts intervenus dans les lieux. Aucune précision n'est apportée sur les nuisances olfactives. La température plus élevée des trois murs mitoyens du logement du demandeur avec l'usine de la SARL BECAP STARVIA est évoquée, mais les trois rapports d'expertise cités concluent qu'elle n'est pas de nature à constituer un risque et qu'il n'en résulte pas de préjudice.
En revanche, il est établi que le logement présente une concentration de trichloroétyhlène d'un niveau anormalement élevé pouvant mettre en danger la santé des occupants des lieux. Cette concentration est probablement due à un défaut d'étanchéité des murs du logement.
Il s'agit d'un risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé du locataire, en violation de l'article 6 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 précité.
Le fait qu'une procédure administrative soit en cours et une obligation de relogement édictée n'exonère pas la bailleresse de sa responsabilité quant à la survenance et à la persistance du désordre.
La non-conformité constatée du logement a nécessairement causé à Monsieur [D] [A] un préjudice de jouissance particulièrement important en ce qu''il a vécu dans un logement mettant en danger sa santé et sa sécurité.
Il n'est néanmoins pas possible au regard des documents communiqués de dater avec précision l'apparition du trouble et a fortiori de savoir s'il était présent dès l'entrée dans les lieux. La survenance d'un incendie en 2016 dans les locaux de la SARL BECAP STARVIA pourrait expliquer un développement ultérieur. Par conséquent, la date du rapport d'expertise du Laboratoire central de la préfecture de police, soit le 10 juillet 2017, sera retenue comme point de départ du trouble de jouissance.
L'indemnisation du préjudice de jouissance est habituellement calculée sur la base d'un pourcentage du loyer, fixé en l'espèce à 60%, sur la période de trouble retenue. Il conviendra cependant en l'espèce de statuer dans la limite de la demande formée.
L'importance du préjudice et la durée du trouble justifient par conséquent que Monsieur [D] [A] soit indemnisé à hauteur de la somme sollicitée, soit 10 000 €, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur les demandes de dommages-intérêts
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que les responsabilités civiles délictuelle et quasi-délictuelle ne sont engagées qu'en cas de preuve par le demandeur d'un fait générateur consistant dans la commission d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux.
La résistance de mauvaise foi du contractant qui refuse d'exécuter des engagements non équivoques caractérise la faute et justifie une condamnation prononcée pour résistance abusive.
Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à la partie qui sollicite des dommages et intérêts de démontrer l'existence de son préjudice.
Sur le préjudice physique
Monsieur [D] [A] fait valoir que la présence d'émanations toxiques a dégradé sa santé et celle de son épouse.
Il y a lieu de constater que les justificatifs qu'il produit sur ce point concernent uniquement Madame [W] [Y] [A], et qu'il n'a pas qualité à solliciter une indemnité pour elle.
Au surplus, si les documents médicaux démontrent qu'elle souffre d'un carcinome hépatocellulaire du foie droit découvert en juin 2018 et d'une cirrhose, ils ne permettent pas en l'état d'établir que ces derniers aient été causés en tout ou partie par la présence de trichloroétyhlène dans le logement. D'autres facteurs peuvent en être à l'origine. En ce sens, le compte-rendu d'hospitalisation des Docteurs [N] et [K] en date du 19 juillet 2018 indique des antécédents de maladies de l'estomac et du foie chez le père et le frère de Madame [W] [Y] [A], le rapport de consultation du Docteur [P] [H] en date du 21 septembre 2018 mentionne que son travail dans l'usine de la SARL BECAP STARVIA l'a mise en contact avec de l'acétone, les courriers des Docteurs [V], [Z], [M] en date des 9 octobre 2023 et 4 décembre 2023 exposent que la cirrhose dont est affectée la patiente est liée à une consommation excessive d'alcool. Tous les comptes-rendus d'imagerie joints considèrent quant à eux l'origine de la pathologie « indéterminée ».
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts de Monsieur [D] [A] sur ce point.
Sur le préjudice moral
En l'espèce, il y a lieu de constater que la demande au titre de préjudice moral s'appuie sur « la gravité des désordres » et « le préjudice lié à l'occupation d'un local d'habitation insalubre et dangereux » et se confond de ce fait avec le préjudice déjà examiné au titre du trouble de jouissance.
Aucun élément sur un préjudice autre n'est allégué ni justifié.
Par suite, la demande au titre du préjudice moral sera également rejetée.
Sur la résistance abusive
Monsieur [D] [A] soutient avoir tenté à de nombreuses reprises d'entrer en contact avec la SARL BECAP STARVIA pour parvenir à un accord amiable afin de pouvoir être relogé dans des conditions décentes.
Il verse un courrier en date du 23 août 2016 antérieur à toute expertise et procédure judiciaire, ainsi qu'à l'arrêté n°18-0156 HI RDP MM en date du 19 juillet 2018. Or, il n'est pas démontré qu'à cette date, la SARL BECAP STARVIA avait connaissance des troubles affectant le logement. La date objective d'apparition du désordre lié à la concentration de trichloroétyhlène a été fixée au 10 juillet 2017 (rapport du Laboratoire central de la préfecture de police). Au demeurant, ce courrier évoque des problèmes d'infiltration de la toiture, de chauffage et de porte qui ne ressortent d'aucune des pièces versées et n'ont pas été évoquées par le demandeur en dehors de cet unique courrier.
Monsieur [D] [A] produit par ailleurs un courrier de son conseil adressé au gérant de la SARL BECAP STARVIA en date du 18 janvier 2024. Ce courrier constitue une réponse à une correspondance de la SARL BECAP STARVIA en date du 15 janvier 2024 et non une mise en demeure indépendante. La SARM BECAP STARVIA y a donné suite par courriel du 1er février 2024 et courrier du 1er mars 2024 contenant notamment des propositions de relogement, et n'est ainsi pas restée silencieuse ni inactive.
Ces courriers n'évoquent en outre que le point du relogement et non les demandes indemnitaires de Monsieur [D] [A], formées pour la première fois dans le cadre de la présente instance.
Si la SARL BECAP STARVIA n'a effectivement pas adressé de propositions de relogement entre l'arrêté préfectoral du mois de juillet 2018 et le mois de janvier 2024 soit durant cinq ans, elle justifie de recherches de logements en février et août 2018, et avoir informé l'autorité administrative de ses difficultés à trouver un relogement pour ses locataires. Il a déjà été observé que depuis le mois de novembre 2019, l'Agence régionale de santé (ARS) a été saisie afin de s'y substituer et de prendre en charge le relogement. Les pièces produites par les parties ne permettent pas de connaître les suites données à ce dossier par les autorités administratives, le juge judiciaire n'étant en tout état de cause pas compétent pour examiner d'éventuelles fautes ou carences de leur part. Au surplus, Monsieur [D] [A] ne justifie pas non plus avoir contacté l'ARS, la mairie de [Localité 5] ou la préfecture de Seine-Saint-Denis pour connaître l'avancée de leurs démarches.
Il n'est donc pas justifié que Monsieur [D] [A] a tenté des démarches amiables refusées par la SARL BECAP STARVIA ni qu'il a été contraint d'agir en justice du fait d'une résistance abusive de la défenderesse. Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la SARL BECAP STARVIA au paiement des dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
Au regard de la solution donnée au litige, la SARL BECAP STARVIA sera condamnée à payer la somme de 800 € à Monsieur [D] [A] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande de ce chef sera rejetée.
En application de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire.
PAR CES MOTIFS :
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par décision contradictoire et publique, par mise à disposition par le greffe et en premier ressort,
CONSTATE la recevabilité de l'action de Monsieur [D] [A] ;
REJETTE la demande en paiement de Monsieur [D] [A] de la somme de 2 784 € au titre des frais de réinstallation ;
CONDAMNE la SARL BECAP STARVIA à verser à Monsieur [D] [A] la somme de
10 000 € à titre de dommages et intérêts pour réparation du trouble de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
REJETTE les demandes en paiement de Monsieur [D] [A] de dommages-intérêts au titre des préjudices physiques, moraux et d'une résistance abusive ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la SARL BECAP STARVIA à verser à Monsieur [D] [A] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande en paiement de la SARL BECAP STARVIA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL BECAP STARVIA au paiement des entiers dépens de l’instance ;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire ;
DIT que copie de la présente décision sera communiquée par les soins du greffe au représentant de l'État dans le département, en application de l'article 20-1 alinéa 3 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
LA GREFFIÈRE LA JUGE