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12/07/2024 | FRANCE | N°23/01742

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Serv. contentieux social, 12 juillet 2024, 23/01742


Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01742 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFTA
Jugement du 12 JUILLET 2024


JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUILLET 2024


Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01742 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFTA
N° de MINUTE : 24/01506

DEMANDEUR

Monsieur [N] [O]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Manon BOURDOT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 141

DEFENDEUR

CCAS DE LA RATP
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me ISABEL

LE TOKPA LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2181


COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 17 Juin 2024....

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01742 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFTA
Jugement du 12 JUILLET 2024

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUILLET 2024

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01742 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFTA
N° de MINUTE : 24/01506

DEMANDEUR

Monsieur [N] [O]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Manon BOURDOT, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 141

DEFENDEUR

CCAS DE LA RATP
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me ISABELLE TOKPA LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2181

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 17 Juin 2024.

Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Monsieur Bruno BROSSARD et Monsieur Georges BENOLIEL, assesseurs, et de Madame Dominique RELAV, Greffier.

Lors du délibéré :

Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Bruno BROSSARD, Assesseur salarié
Assesseur : Georges BENOLIEL, Assesseur non salarié

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Dominique RELAV, Greffier.

Transmis par RPVA à : Me Manon BOURDOT, Me ISABELLE TOKPA LAGACHE

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01742 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFTA
Jugement du 12 JUILLET 2024
FAITS ET PROCÉDURE

M. [N] [O], agent statutaire de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) depuis le 23 juillet 2018, en qualité de machiniste receveur, a déclaré avoir été victime d’un accident de travail le 8 octobre 2022.

Selon la déclaration d’accident du travail complétée le 8 octobre 2022 par le responsable des ressources humaines du centre bus des [Localité 9], l’agent s’est fait agresser et menacer par un voyageur.

Le certificat médical initial établi le jour même par le docteur [E] constate : “anxiété, sd dépressif suite à agression” et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 12 octobre 2022.

Par lettre du 8 novembre 2022, la caisse de coordination aux assurances sociales (CCAS) de la RATP a informé M. [O] de la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les accidents du travail.

L’arrêt de travail de M. [O] au titre de cet accident a été régulièrement prolongé.

Par lettre du 11 juillet 2023, la CCAS de la RATP a informé M. [O] que le médecin conseil estime que les lésions directement imputables à l’accident du 8 octobre 2022 permettent une reprise de travail le 18 juillet 2023.

Par lettre du même jour, reçue le 18 juillet, M. [N] [O] a saisi la commission de recours amiable statuant en matière médicale d’une contestation de cette décision.

Par lettre du 7 août 2023, reçue le 9 août, la commission de recours amiable statuant en matière médicale a accusé réception du recours et informé M. [O] des délais de la procédure.

Par requête reçue le 26 septembre 2023 au greffe, M. [N] [O] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny en contestation de la décision de reprise.

Par lettre du 3 novembre 2023, reçue le 8 novembre, la CCAS a transmis à l’assuré la décision de la commission de recours amiable statuant en matière médicale, confirmant les termes de la décision contestée.

A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée à l’audience du 4 mars 2024, date à laquelle elle a fait l’objet d’un renvoi à la demande de la CCAS, celle-ci venant d’être destinataire des conclusions de l’assuré. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 17 juin 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

Avant toute défense au fond, la CCAS de la RATP a soulevé l’irrecevabilité du recours formé par M. [O].

Elle fait valoir que le recours contentieux est prématuré dans la mesure où le demandeur a saisi le tribunal avant la naissance d’une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable alors même qu’il a été informé des délais de recours dans l’accusé de réception adressé par celle-ci.

Par conclusions n° 2 déposées et soutenues oralement à l’audience, M. [N] [O], présent et assisté par son conseil, demande au tribunal de :
à titre principal,

- annuler la décision de la CCAS du 11 juillet 2023 fixant la reprise du travail au 18 juillet 2023,
- ordonner à la CCAS de régulariser la situation au titre du maintien de salaire pour accident du travail pour la période du 18 juillet au 18 octobre 2023,
à titre subsidiaire, ordonner une expertise médicale pour dire si l’état de santé de l’assuré lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 18 juillet 2023,
- condamner la caisse à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que le recours est recevable dès lors qu’il a bien introduit un recours préalable. Il soutient que quand bien même son recours contentieux aurait été introduit prématurément, le tribunal doit le déclarer recevable dans la mesure où à la date où il statue une décision expresse ou explicite, se prononçant sur le recours préalable, est intervenue.
Au soutien de son argumentation, il cite la jurisprudence administrative ainsi qu’un arrêt de la cour d’appel de Nancy du 10 mai 2023.
Au fond, il fait valoir que la décision de reprise n’est pas justifiée alors que trois médecins différents (médecin traitant, médecin du travail et psychiatre) ont retenu que son arrêt était médicalement justifié.

Au fond, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la CCAS de la RATP, représentée par son conseil, demande au tribunal de :
- débouter M. [O] de toutes ses demandes,
- confirmer la décision de reprise,
- condamner M. [O] à lui payer la somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle qu’une reprise d’activité peut être prescrite avant la consolidation et que la reprise ne se fait pas forcément sur le poste de l’agent mais sur un poste jugé compatible avec son état selon l’avis du médecin du travail lors de la visite de reprise.
Elle souligne que la date de reprise a été fixée par le médecin conseil et confirmé par la commission de recours amiable statuant en matière médicale composée de deux autres médecins. Elle indique que les éléments apportés au soutien de son recours par M. [O] ne permettent pas de remettre en cause ces avis. Elle ajoute que le jour de la visite de reprise, le 18 juillet 2023, le médecin du travail a signé un avis d’aptitude.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux écritures de celles-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

En application de l’article 1er du décret n°2004-174 du 23 février 2004 relatif au régime de sécurité sociale du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, dans sa version applicable au litige, “les agents du cadre permanent de la Régie autonome des transports parisiens, soumis au statut du personnel et au règlement des retraites, bénéficient dans le cas de maladie, maternité, invalidité, accident du travail et maladie professionnelle, vieillesse, décès, de prestations au moins égales à celles qui résultent de la législation fixant le régime général de la sécurité sociale.”

En application de l’article 2 de ce décret, les agents du cadre permanent de la RATP sont affiliés au régime spécial de sécurité sociale de la RATP.

En application du d) de l’article 3 du même décret, les prestations accidents du travail et maladies professionnelles sont servies aux assurés par le régime spécial de sécurité sociale de la Régie autonome des transports parisiens.

En application des dispositions des articles 4, 5, 7 et 8 du même décret, la caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports parisiens est chargée de la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des agents. Cette caisse dispose de statuts et d’un règlement intérieur.

En application de l’article 8 bis du même décret, “Les contestations d'ordre médical formées dans les matières mentionnées aux 1°, 4° et 5° de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale sont soumis à une commission statuant en matière médicale instituée au sein de la caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie autonome des transports parisiens.
Cette commission est saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation, conformément aux dispositions de l'article R. 142-1-A du même code. [...]”

Aux termes de l’article L. 142-4 du code de sécurité sociale dans rédaction applicable au litige “les recours contentieux formés dans les matières mentionnées aux articles L. 142-1, à l'exception du 7°, et L. 142-3 sont précédés d'un recours préalable, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. [...]”

Aux termes du III de l’article R. 142-1-A, I du même code, “S'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.”

Aux termes de l’article R. 142-10-1 du même code, “Le tribunal est saisi par requête remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec avis de réception.
La forclusion tirée de l'expiration du délai de recours ne peut être opposée au demandeur ayant contesté une décision implicite de rejet au seul motif de l'absence de saisine du tribunal contestant la décision explicite de rejet intervenue en cours d'instance. [...]”

Aux termes de l’article R. 711-20 du même code, “Le chapitre 2 du titre IV du livre 1er s'applique, sous réserve des dispositions de l'article R. 711-21 , aux contestations concernant les régimes spéciaux de sécurité sociale mentionnés aux articles R. 711-1 et R. 711-24 [...]”

Aux termes de l’article R. 711-21 du code de la sécurité sociale, “I-Le recours préalable formé dans les matières mentionnées à l'article L. 142-4, à l'exception des contestations d'ordre médical, est soumis [à une commission de recours amiable] [...].
II.-En ce qui concerne les contestations d'ordre médical, le recours préalable formé dans les matières mentionnées au 1° de l'article L. 142-1 à l'encontre des décisions de l'organisme prises sur avis du médecin conseil est soumis à :
1° La commission statuant en matière médicale instituée à cet effet par le régime spécial ;
[...]
Lorsque la commission médicale de recours amiable désignée est celle mentionnée à l'article R. 142-8, elle est soumise aux règles prévues aux articles R. 142-8-1 à R. 142-8-8.
Dans les autres cas, la commission est composée d'un médecin figurant sur les listes dressées en application de l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971, spécialiste ou compétent pour le litige d'ordre médical considéré, et d'au moins un praticien-conseil. [...].

L'assuré ou l'employeur présente sa contestation par demande écrite à laquelle est jointe une copie de la décision contestée. Cette demande est adressée par tout moyen donnant date certaine à sa réception au secrétariat de la commission.
L'avis de commission s'impose à l'organisme de prise en charge qui notifie sa décision à l'intéressé.
L'absence de décision de l'organisme dans le délai de quatre mois à compter de l'introduction du recours préalable vaut rejet de la demande.
Les règles relatives au fonctionnement de la commission, à son secrétariat, aux règles d'examen clinique et médical et de prise en charge des honoraires et frais de déplacement dus aux médecins sont précisées par les dispositions spécifiques au régime spécial pour la commission mentionnée au 1° du présent II et sont prévues dans la convention lorsqu'en application du 2° du présent II, la commission désignée est celle instituée auprès d'un autre régime spécial. La convention prévoit les conditions d'information des assurés et employeurs des régimes spéciaux sur la délégation opérée. [...]”

En l’espèce, par lettre recommandée du 11 juillet 2023, l’assuré a saisi la commission de recours amiable statuant en matière médicale de la CCAS de la RATP d’une contestation de la décision relative à sa date de reprise du travail.
Par lettre du 7 août 2023, reçue le 9 août, la commission a accusé réception de son recours et l’a informé qu’en l’absence de réponse dans le délai de quatre mois, il pouvait considérer son recours comme implicitement rejeté.
Sans attendre ce délai de quatre mois, l’assuré a saisi le tribunal d’un recours contentieux par requête reçue le 26 septembre 2023.

Il résulte des dispositions précitées, d’une part, que la contestation devant le tribunal d’une décision d’un organisme de sécurité sociale est obligatoirement précédée d’un recours préalable. D’autre part, dans le cadre d’une contestation d’une décision de la CCAS de la RATP prise sur avis de son médecin conseil, l’avis de la commission de recours amiable statuant en matière médicale s'impose à l'organisme de prise en charge. La décision prise dans la suite de l’avis rendu par la commission se substitue à la décision initiale.
Enfin, si le demandeur a saisi le tribunal d’un recours sur rejet implicite, il n’est pas tenu de saisir à nouveau le tribunal si la décision explicite de rejet lui est notifiée postérieurement à sa saisine.

En l’espèce, l’assuré a saisi la commission de recours amiable par lettre du 11 juillet 2023. Il est constant que la saisine du tribunal est intervenue avant la naissance d’une décision implicite ou explicite de rejet de la commission et ce, alors même que celle-ci avait informé des délais de recours l’assuré par lettre du 7 août 2023, accusant réception du recours. Par ailleurs, le demandeur n’a pas saisi d’une nouvelle requête le tribunal après notification de la décision de rejet de la commission par lettre recommandée reçue le 8 novembre 2023.

Il résulte de ce qui précède que dans la mesure où l’assuré a bien exercé un recours préalable avant de saisir le tribunal, la circonstance que son recours contentieux ait été présenté de façon prématurée, avant décision de la commission de recours amiable statuant en matière médicale, ne permet pas au tribunal de le rejeter comme irrecevable dès lors qu’à la date à laquelle il statue, une décision expresse de la commission est intervenue.

Il convient donc de rejeter la fin de non recevoir présentée par la CCAS et de juger que le recours est recevable.

Sur la contestation de la décision de reprise et la demande de désignation d’un expert

Aux termes de l’article 76 du statut du personnel de la RATP approuvé suivant décision du 26 octobre 2020 portant approbation des modifications du statut du personnel de la RATP adoptées par délibération du conseil d’administration de la RATP en date du 31 janvier 2020, publiée au bulletin officiel du ministère de la transition écologique du 7 novembre 2020, “les agents du cadre permanent en activité de service sont assurés par le régime particulier d’assurance de la RATP contre les risques de maladie, les charges de maternité, les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles conformément aux dispositions du présent Titre.
La Caisse de coordination aux assurances sociales des agents et anciens agents du cadre permanent de la Régie autonome des transports parisiens, désignée ci-après CCAS, assure le service des prestations pour risques maladie, maternité, accident du travail et maladies professionnelles.
Le Conseil de prévoyance est spécialement chargé de veiller à l’application des dispositions du Titre VI du Statut du personnel, et notamment l’article 87, concernant le régime spécial de sécurité sociale des agents du cadre permanent de la RATP.”

Aux termes de l’article 91 de ce statut, “en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle reconnu(e), les agents en activité ou placés dans l'une des positions visées à l'article 79 sont assurés par la CCAS dans le cadre des dispositions légales.
Ils bénéficient, jusqu'à guérison ou consolidation, ou, par suite d'aggravation, en cas de rechute dûment reconnue, du plein salaire visé à l'article 80.”

Aux termes de l’article 40 du règlement intérieur de la CCAS, “les agents en activité du cadre permanent bénéficient des dispositions du Chapitre 2 du Titre VI du Statut du personnel et notamment des articles 80, 81, 82, 83, 84 et 86”.

Aux termes de l’article 84 de ce règlement, “Conformément à l’article 91 du Statut du Personnel, les agents du cadre permanent victimes d’un accident du travail ou de trajet perçoivent, pendant toute la période d’incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d’aggravation dûment constatée, l’intégralité de leur rémunération statutaire mensuelle ainsi que les primes, indemnités ou allocations attachées à l’emploi et versées en cas d’indisponibilité primée. [...]”

Aux termes de l’article 51 de ce règlement, pendant la période d’arrêt de travail, “l’agent peut également être invité à se présenter à la Caisse :
- lors d’une consultation effectuée par un médecin conseil de la Caisse,
- lors d’une convocation des services administratifs de la Caisse.
Le médecin conseil peut procéder, conformément aux dispositions légales, à une évaluation de l’intérêt thérapeutique des soins dispensés à un assuré.
Conformément aux dispositions légales19, le médecin conseil peut à son initiative ou à celle du médecin traitant, saisir le médecin du travail pour avis sur la capacité de l’assuré, en arrêt de travail de plus de 3 mois, à reprendre son travail.
La Commission médicale, en charge du suivi des agents en arrêt de travail depuis plus de 3 mois,
donne son avis sur la saisine du médecin du travail par le médecin conseil.”

Aux termes de l’article 56 de ce règlement, “la reprise peut s’effectuer dans l’emploi statutaire, ou dans un autre poste, selon l’avis du médecin du travail.
L’agent reprenant son emploi statutaire conserve tous les avantages de la situation de présence, notamment sa pleine rémunération calculée d’après celle prévue pour les agents assurant le même service à temps plein.
L’agent reprenant une activité à temps partiel pour motif thérapeutique dans un autre emploi bénéficie des mêmes dispositions, à l’exception des primes qui sont celles de l’emploi d’utilisation.”

Aux termes de l’article 105 du règlement intérieur, “les dispositions légales prévues en matière de contrôle médical et administratif, en matière d’enquêtes et expertises sont applicables”.

En application des dispositions des articles L. 315-1 et L. 315-2 du code de la sécurité sociale, le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, d’une part, les avis rendus par le service du contrôle médical portant sur les éléments définis au I de l'article L. 315-1 s'imposent à l'organisme de prise en charge, d’autre part.

En l’espèce, M. [O] a été victime d’un accident du travail le 8 octobre 2022. L’arrêt de travail a été régulièrement prolongé. Il a été convoqué le 11 juillet 2023 par le médecin conseil de la caisse lequel a estimé que les lésions directement imputables à l’accident permettaient une reprise de travail dès le 18 juillet 2023.

L’avis du praticien conseil indique que l’agression dont a été victime l’assuré le 8 octobre 2022 a entrainé des troubles anxieux. Il indique : “il a bénéficié d’un suivi par un psychiatre qui lui prescrit [liste de quatre médicaments], traitement pris très irrégulièrement. Il dit faire du jardinage et s’occuper de ses enfants âgés de 8 et 11 ans, présenter des angoisses et des troubles du sommeil et avoir perdu 4 kg. On constate une bonne présentation, une bonne élocution et l’absence de signe de dépression.” Il conclut : “à 9 mois du fait accidentel et au vu de ces éléments, le médecin fixe la reprise du travail le 18.07.2023 à un poste adapté afin d’éviter une désinsertion socio-professionnelle.”

Pour statuer la commission de recours amiable médicale a pris connaissance du dossier détenu par le service médical comprenant notamment le rapport précité, la contestation du demandeur et ses observations envoyées le 28 juillet 2023. Elle retient : “les éléments cliniques rapportés par le médecin conseil indiquent une absence de signes patents de dépression, le tableau est compatible avec une reprise de travail adaptée.” Elle conclut : “compte tenu des éléments fournis par la médecin conseil de la CCAS de la RATP et des éléments fournis par l’assuré, la CRAM considère que la reprise du travail adaptée est justifiée au 18/07/2023”.

Au soutien de sa contestation, le demandeur soutient que ces avis sont remis en cause par les avis rendus par son médecin traitant, son psychiatre et le médecin du travail.
Il produit :
- l’avis d’aptitude délivré par le médecin du travail le 18 juillet 2023 qui précise : “contre indication médicale temporaire au travail ce jour. Consultation du médecin traitant souhaitable”,
- un certificat du docteur [U], psychiatre, du 16 octobre 2023, indiquant que le patient est suivi pour dépression suite agression par usager, qu’il est un peu mieux mais reste fragile psychologiquement. Il recommande une reprise à mi-temps thérapeutique et d’éviter au maximum les contacts avec le public,
- un certificat du docteur [V] établi le 5 décembre 2023 indiquant que l’état de santé de M. [O] ne lui permettait pas de reprendre le travail le 18/07/2023,
- un certificat du docteur [U], établi le 9 décembre 2023 indiquant que : “le 18/07/2023 le patient était sous traitement antidépresseur + anxiolytique + hypnotique [...] la reprise de sa fonction de chauffeur de bus n’est pas compatible avec ce traitement. Une diminution progressive du traitement a été faite puis il se retrouve juste un anxiolytique le soir à partir du 19/10/2023, reprise du travail acceptée par médecin du travail. Donc du 18/07/2023 au 18/10/2023, sa prolongation d’arrêt de travail est justifiée.”,

Contrairement à ce que soutient la CCAS, les éléments médicaux produits par le demandeur tendent à remettre en cause l’avis du médecin conseil. D’une part, le médecin du travail relève une contre indication temporaire au travail le jour de la visite de reprise, le 18 juillet 2023, d’autre part, le médecin traitant atteste que l’état de santé du patient ne lui permettait pas de reprendre le travail le 18 juillet.

En application de l’article R. 142-16 du code de la sécurité sociale, la juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction.

Au regard de ce qui précède, le tribunal estime qu’un doute existe quant à la capacité de l’assuré à reprendre une activité professionnelle quelconque le 18 juillet 2023. Il convient d’ordonner une expertise médicale sur ce point.

Sur les conditions de l’expertise

Aux termes de l’article L. 142-10 du code de la sécurité sociale, “pour les contestations mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article L. 142-1 , le praticien-conseil ou l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, transmet à l'expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction compétente, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision. [...]”

Aux termes de l’article L. 142-11 du même code, “les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes dans le cadre des contentieux mentionnés aux 1°et 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article L. 142-1 sont pris en charge par l'organisme mentionné à l'article L. 221-1.”

Il convient en conséquence de rappeler que les frais d'expertise seront pris en charge par la Caisse Nationale d'assurance maladie.

Compte tenu de la mission confiée à l'expert, le montant prévisible de sa rémunération est fixé à 800 euros. Il n'y a pas lieu à consignation dès lors que les dispositions du code de la sécurité sociale précitées désignent l'organisme devant prendre en charge la rémunération.

Sur les mesures accessoires

Les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront réservés.

L'exécution provisoire sera ordonnée en application de l'article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

Ordonne avant dire droit une expertise médicale ;

Désigne à cet effet :

Docteur [W] [X], psychiatre
demeurant [Adresse 2]
Tél: [XXXXXXXX01]

Dit que l'expert doit retourner sans délai au service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny, dès réception de la mission, le coupon réponse par lequel il déclare accepter ou non ladite mission ;

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01742 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YFTA
Jugement du 12 JUILLET 2024
Donne mission à l'expert de :
Se faire communiquer et prendre connaissance de tous documents utiles à sa mission, notamment l'entier dossier médical de M. [O] constitué par le service médical de la caisse, lequel doit comprendre l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision, le rapport de la commission de recours amiable statuant en matière médicale, ou encore les documents transmis par le médecin traitant de l'assurée, Examiner M. [N] [O],Entendre tout sachant et notamment, en tant que de besoin, les praticiens ayant soigné l'intéressée,Dire si l’état de santé de celui-ci permettait la reprise d’un travail quelconque à la date du 18 juillet 2023,En cas de réponse négative, dire si l’arrêt de travail était en lien avec l’accident du 8 octobre 2022,Faire toutes observations utiles pour la résolution du présent litige.
Rappelle que les frais résultant de l’expertise sont pris en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie en application de l’article L. 142-11 du code de la sécurité sociale ;

Fixe le montant prévisible de la rémunération de l’expert à 800 euros ;

Dit qu'il appartient aux parties de communiquer à l'expert toutes pièces qu’il jugera utile pour répondre à la mission ;

Dit que l’organisme de sécurité sociale doit transmettre à l'expert l'ensemble des éléments ayant fondé sa décision conformément aux dispositions de l’article R. 142-16-3 du code de la sécurité sociale ;

Rappelle que le tribunal tirera toutes conséquences du refus par l'une des parties de communiquer à l'expert les pièces utiles au bon déroulement de l'expertise ;

Rappelle aux parties qu'elles doivent se communiquer spontanément la copie des pièces qu'elles entendent remettre à l'expert afin de respecter le principe du contradictoire ;

Rappelle que le demandeur doit répondre aux convocations de l'expert; qu'à défaut de se présenter, sans motif légitime et/ou sans avoir informé l'expert, celui-ci est autorisé à déposer son rapport après convocation restée infructueuse voire à dresser un procès-verbal de carence ;

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix pour remplir sa mission ;

Désigne le magistrat coordinateur du pôle social pour suivre les opérations d'expertise ;

Dit que l'expert devra de ses constatations et conclusions dresser un rapport qu’il adressera au greffe du service du contentieux social du présent tribunal dans le délai de quatre mois à compter du présent jugement et au plus tard le 30 novembre 2024 ;

Dit que le greffe transmettra copie du rapport au service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie ainsi qu'au demandeur ;

Renvoie l’affaire à l’audience du lundi 13 janvier 2025, à 9 heures, en salle G,

Service du Contentieux Social du tribunal judiciaire de Bobigny
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 6]

Dit que la notification du présent jugement par lettre recommandée avec accusé de réception vaut convocation des parties à l’audience de renvoi ;

Dit que les parties devront s’adresser dès notification du rapport d’expertise leurs conclusions sur le fond et leurs pièces pour être en état de plaider à l’audience de renvoi précitée ;

Réserve les autres demandes et les dépens ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

La greffière La présidente
Dominique Relav Pauline Jolivet


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Serv. contentieux social
Numéro d'arrêt : 23/01742
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Expertise

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;23.01742 ?
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