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12/07/2024 | FRANCE | N°23/01293

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Serv. contentieux social, 12 juillet 2024, 23/01293


Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01293 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X65A
Jugement du 12 JUILLET 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUILLET 2024


Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01293 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X65A
N° de MINUTE : 24/01509

DEMANDEUR

S.A.S. LA SOCIETE [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me EMMANUEL DECHANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2597



DEFENDEUR

URSSAF ILE DE FRANCE

Département des Contentieux Amiables et Judiciaires (D126)
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Monsieur [S] [G]


COMPOSITION DU TRIBUNA...

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01293 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X65A
Jugement du 12 JUILLET 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUILLET 2024

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01293 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X65A
N° de MINUTE : 24/01509

DEMANDEUR

S.A.S. LA SOCIETE [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me EMMANUEL DECHANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2597

DEFENDEUR

URSSAF ILE DE FRANCE
Département des Contentieux Amiables et Judiciaires (D126)
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Monsieur [S] [G]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 17 Juin 2024.

Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Monsieur Bruno BROSSARD et Monsieur Georges BENOLIEL, assesseurs, et de Madame Dominique RELAV, Greffier.

Lors du délibéré :

Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Bruno BROSSARD, Assesseur salarié
Assesseur : Georges BENOLIEL, Assesseur non salarié

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Dominique RELAV, Greffier.

Transmis par RPVA à : Me EMMANUEL DECHANCE

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01293 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X65A
Jugement du 12 JUILLET 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre recommandée du 1er février 2023, distribuée le 6 février 2023, l’URSSAF Ile-de-France a mis en demeure la S.A.S. [5], compte n° [XXXXXXXXXX02], d’avoir à payer la somme de 606 873 euros, correspondant à 558 795 euros de cotisations et 48 078 euros de majorations de retard, pour la période de février à mai 2020 puis septembre 2020 à avril 2021.

Par lettre du 24 mars 2023, la S.A.S. [5] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester cette mise en demeure, laquelle a, par décision du 19 avril 2023, notifiée par lettre du 9 mai 2023, rejeté sa contestation.

Par requête reçue le 13 juillet 2023 au greffe, la S.A.S. [5] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de contester cette mise en demeure.

A défaut de conciliation, l’affaire a été appelée à l’audience du 20 novembre 2023, elle a été renvoyée à deux reprises. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 17 juin 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

Par conclusions récapitulatives et responsives déposées et soutenues oralement à cette audience, la S.A.S. [5], représentée par son conseil, demande au tribunal d’annuler la mise en demeure, la décision de la commission de recours amiable ainsi que les redressements qui lui ont été notifiés, et de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile.
Elle ajoute oralement qu’elle s’oppose à l’exécution provisoire de la décision dans la mesure où la société est actuellement en redressement.

A l’appui de ses demandes, elle se prévaut de la nullité de la mise en demeure en ce que la mention “régime général” pour préciser la nature des sommes réclamées n’est pas conforme aux dispositions législatives, réglementaires et jurisprudentielles en vigueur, la distinction cotisations de sécurité sociale / versement destiné au financement des services de mobilité (anciennement versement de transport) constituant une exigence minimale.
Elle ajoute que les montants réclamés ne sont pas compréhensibles par rapport aux déclarations et versements effectués par la société. Elle fait valoir que les explications de l’URSSAF relatives à l’annulation des exonérations Covid ne permettent pas, à la seule lecture de la mise en demeure de comprendre les sommes réclamées. Elle souligne en particulier que les cotisations de janvier et février 2021 auraient été réclamées en deux temps sans pour autant que les précisions nécessaires figurent sur la mise en demeure.
A titre subsidiaire, elle soutient que les exonérations Covid étaient justifiées compte tenu de son secteur d’activité et pour les mois de février à mai 2020, d’une part, de janvier à avril 2021, d’autre part, au regard de la baisse de son chiffre d’affaires et que par conséquent, la mise en demeure n’est pas justifiée.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF Ile-de-France, régulièrement représentée, demande au tribunal de :
- dire régulière la mise en demeure du 1er février 2023,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 19 avril 2023,
- condamner la société [5] au paiement des cotisations appelées au titre des mois de février 2020 à avril 2021 pour un montant total de 606 873 euros, soit 558 795 euros de cotisations et 48 078 euros de majorations de retard,
- débouter la société de l’ensemble de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 1500 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la mise en demeure est régulière, dans la mesure où elle comporte la mention “régime général” qui suffit à renseigner le cotisant, le montant et la période. Elle ajoute que la mise en demeure n’a pas à comporter les éléments de calcul.

Tribunal judiciaire de Bobigny
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Affaire : N° RG 23/01293 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X65A
Jugement du 12 JUILLET 2024

Elle indique que les sommes sont justifiées et font suite à l’annulation des exonérations Covid appliquées à tort par la société, annulation dont elle a été informée par lettre du 25 juin 2021. Elle précise que les régularisations pour les mois de février à décembre 2020 ont été effectuées sur les DSN de septembre 2020 et mars 2021. Pour les mois de janvier à avril 2021, les montants dus pour ces périodes ont été réclamés par deux mises en demeure, celle objet du présent recours et une seconde mise en demeure du 9 juin 2023.
Elle rappelle que les sommes réclamées ne se limitent pas au versement mobilité mais concerne l’ensemble des cotisations et contributions dues au titre du régime général, y compris le versement mobilité.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions de celles-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article L.244-2 du code de la sécurité sociale, “toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l'employeur ou le travailleur indépendant.
Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.”

Aux termes de l’article R. 244-1 du même code, “l'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. [...]”

La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

En l’espèce, la mise en demeure du 1er février 2023 adressée à la S.A.S. [5] indique qu’elle a été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu’au 27 janvier 2023.
Elle mentionne :
- le motif du recouvrement, “absence de versement”,
- la nature des sommes dues : “régime général incluses contributions d’assurance chômage, cotisations AGS”,
- les montants détaillés par mois avec la distinction entre les cotisations, pénalités, majorations, versements et total à payer,
- une mention précisant que “le montant des cotisations et contributions tient compte, le cas échéant de l’aide au paiement dont vous avez bénéficié (mesures exceptionnelles crise sanitaire [suivent les textes de référence]”.

La société soutient que les montants ne sont pas justifiés.
Il résulte des pièces produites et des explications de l’URSSAF que les sommes réclamées dans cette mise en demeure au titre des mois de février à mai 2020, d’une part, septembre à décembre 2020, d’autre part, correspondent à l’annulation des mesures d’exonération Covid dont a bénéficié la société.

L’URSSAF justifie des montants réclamés en produisant l’historique du compte de la société laquelle a modifié ses télédéclarations au titre de l’exonération Covid pour les mois de février à mai 2020, le 14 octobre 2020 et pour les mois de septembre à décembre 2020, le 9 avril 2021.
L’URSSAF produit la lettre du 25 juin 2021 par laquelle elle a informé la société du fait qu’elle ne pouvait prétendre aux mesures d’exonération et l’a invitée à régulariser ses déclarations.
En ce qui concerne les sommes réclamées au titre des mois de janvier à avril 2021, l’URSSAF explique que les cotisations n’ont pas été réglées et qu’elles ont été réclamées, pour partie dans la mise en demeure objet du présent litige et pour partie dans une autre mise en demeure du 9 juin 2023.
Si les explications de l’URSSAF permettent de comprendre les montants réclamés dans la mise en demeure, en revanche les seules mentions de la mise en demeure du 1er février 2023 ne le permettaient pas.
En effet, alors que le motif du recouvrement est “absence de versement”, seule une partie des cotisations des mois de janvier à avril 2021 est réclamée sans qu’aucune précision ne soit apportée. Par ailleurs, il n’est fait aucune référence à la lettre du 25 juin 2021 par laquelle l’URSSAF a informé la société de son inéligibilité aux mesures d’exonération Covid, la mention figurant sous le tableau en page 2 indiquant au contraire que le montant tient compte de l’aide au paiement.

Il résulte de ce qui précède que la mise en demeure du 1er février 2023 ne répond pas aux exigences de l’article R. 244-1 du code de la sécurité sociale. Il sera fait droit à la demande d’annulation présentée par la société.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, l’URSSAF qui succombe supportera les dépens.

Sa demande au titre de l’article 700 du même code ne peut qu’être rejetée.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société [5] sur le même fondement.

L’exécution provisoire sera ordonnée sur le fondement de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Annule la mise en demeure émise le 1er février 2023 par le directeur de l’URSSAF d’Ile-de-France à l’encontre de la S.A.S. [5] pour le numéro de compte [XXXXXXXXXX02] pour un montant de 606 873 euros au titre des mois de février 2020 à avril 2021 ;

Met les dépens à la charge de l’URSSAF Ile-de-France ;

Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification ;

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

La Greffière La Présidente

Dominique Relav Pauline Jolivet


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Serv. contentieux social
Numéro d'arrêt : 23/01293
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;23.01293 ?
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