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12/07/2024 | FRANCE | N°23/01194

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Serv. contentieux social, 12 juillet 2024, 23/01194


Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01194 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5KE
Jugement du 12 JUILLET 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUILLET 2024


Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01194 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5KE
N° de MINUTE : 24/01527

DEMANDEUR

S.A. [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Bruno LASSERI de la SELEURL LL Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1946



DEFENDEUR

CPAM DE LA

HAUTE CORSE
[Adresse 2]
[Localité 5]
dispensée de comparution



COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 17 Juin 2024.

Mada...

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01194 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5KE
Jugement du 12 JUILLET 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUILLET 2024

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01194 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5KE
N° de MINUTE : 24/01527

DEMANDEUR

S.A. [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Bruno LASSERI de la SELEURL LL Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D1946

DEFENDEUR

CPAM DE LA HAUTE CORSE
[Adresse 2]
[Localité 5]
dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 17 Juin 2024.

Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Monsieur Bruno BROSSARD et Monsieur Georges BENOLIEL, assesseurs, et de Madame Dominique RELAV, Greffier.

Lors du délibéré :

Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Bruno BROSSARD, Assesseur salarié
Assesseur : Georges BENOLIEL, Assesseur non salarié

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Dominique RELAV, Greffier.

Transmis par RPVA à : Maître Bruno LASSERI de la SELEURL LL Avocats

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01194 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X5KE
Jugement du 12 JUILLET 2024

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] [P], salarié de la société [4], en qualité d’agent traitement avion à l’aéroport de [Localité 5], a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 10 mars 2019.

La déclaration d’accident du travail établie le 12 mars 2019 par l’employeur et adressée à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Haute-Corse est ainsi rédigée :
“- Activité de la victime lors de l’accident : le salarié terminait le ménage de l’avion
- Nature de l’accident : le salarié déclare qu’il s’est approché du tracma ménage par l’arrière droit quand celui-ci aurait démarré et aurait roulé sur le pied droit
- Objet dont le contact a blessé la victime : roue avant droite tracma
- Siège des lésions : pied droit
- Nature des lésions : douleur”

Le certificat médical initial établi le 10 mars 2019 constate : “écrasement de l’avant pied droit par un véhicule. Contusion, oedème, impotence marquée, bilan radio normal. Décharge partielle, antalgie” et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 24 mars 2019.

L’accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Un certificat médical final a été établi le 11 septembre 2019.
185 jours d’arrêts sont inscrits sur le compte employeur au titre de ce sinistre.

Par lettre du 22 octobre 2019, reçue le lendemain, la CPAM a notifié à l’employeur la décision relative au taux d’incapacité permanente fixé à 0 % à compter du 12 septembre 2019 en “l’absence d’anomalie clinique imputable à l’AT”.

Par lettre de son conseil du 3 avril 2023, la société [4] a saisi la commission médicale de recours amiable (CMRA) de la caisse afin de contester l’opposabilité et l’imputabilité de l’ensemble des prestations servies laquelle a déclaré son recours irrecevable par lettre du 17 avril 2023.

Par requête reçue le 21 juin 2023 au greffe, la société [4] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de se voir déclarer inopposable l’ensemble des arrêts et soins prescrits au titre de ce sinistre.

A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée à l’audience du 11 décembre 2023. Elle a fait l’objet de deux renvois. Elle a été appelée et retenue à l’audience du 17 juin 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

Par conclusions récapitulatives et responsives déposées et soutenues oralement à l’audience, la société [4], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
- dire son recours recevable,
- lui déclarer inopposables l’ensemble des arrêts et soins prescrits au salarié après le 7 avril 2019,
- à titre subsidiaire, ordonner une mesure d’instruction pour déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l’accident et fixer la durée des arrêts en relation directe avec ces lésions.

Elle fait valoir que l’objet du litige est la contestation de la durée des arrêts et soins et que l’employeur est fondé à présenter cette contestation sans être tenu par des délais particuliers.
Au fond, elle se fonde sur les observations du docteur [Z] qui relève que les certificats de prolongation ne font pas état de soins actifs et qu’au-delà du 7 avril 2019, les arrêts ne sont pas justifiés.

Par courriel du 4 juin 2024, la CPAM de Haute-Corse a sollicité une dispense de comparution et le bénéfice de ses conclusions n° 2, reçues le 11 juin 2024 et adressées également à la société demanderesse. Elle demande au tribunal de :
à titre liminaire,
- déclarer irrecevable le recours de la société pour forclusion,

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Jugement du 12 JUILLET 2024

à titre principal,
- dire que la prise en charge de l’accident du 10 mars 2019 est opposable à la société,
- dire que l’ensemble des arrêts et soins rattachés à l’accident du 10 mars 2019 sont opposables à la société,
- la débouter de l’ensemble de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire,
- ordonner une expertise médicale sur pièces.

Elle fait valoir que la dernière décision au titre de ce sinistre est la notification de rente reçue par l’employeur le 23 octobre 2019. Elle fait valoir que la société n’est plus recevable à contester l’opposabilité des arrêts et soins car elle est hors délai.
Au fond, elle se prévaut de la présomption d’imputabilité qui s’applique et soutient que l’employeur ne justifie d’aucun élément permettant de la renverser.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions de celle-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification du jugement

Aux termes de l'article 446-1 du code de procédure civile, “lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui”.

Aux termes de l’article R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale, “la procédure est orale. Toute partie peut, en cours d'instance, exposer ses moyens par lettre adressée au juge, à condition de justifier que la partie adverse en a eu connaissance avant l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui.”

En l'espèce, par courriel du 4 juin 2024, la CPAM de Haute-Corse a sollicité une dispense de comparution à l'audience. Elle justifie en avoir informé la partie adverse et lui avoir communiqué ses conclusions et pièces.

Dans ces conditions, le jugement rendu en premier ressort sera contradictoire.

Sur la recevabilité du recours

Aux termes de l’article L. 142-4 du code de la sécurité sociale, les recours contentieux formés en matière de contentieux de la sécurité sociale doivent être précédés d'un recours administratif préalable.

Aux termes du III de l’article R. 142-1-A-III du code de la sécurité sociale, “s'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.”

En l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le délai de recours de deux mois, prévu par les dispositions précitées de l'article R. 142-1-A, ouvert à l'assuré victime ou à son employeur pour contester la décision d'un organisme de sécurité sociale relative à la prise en charge d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou de ses conséquences ne court pas.

La commission de recours amiable doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation, la forclusion ne pouvant être opposée à ces derniers que si la notification porte mention de ce délai.

En l’espèce, la société [4] ne conteste ni la décision de prise en charge de l’arrêt de travail ni la notification de rente, décision qui ont lui ont été notifiées.
Elle a saisi la commission médicale de recours amiable d’une contestation relative à la prise en charge des arrêts de prolongation prescrits au salarié au titre de l’accident du 10 mars 2019 par lettre du 3 avril 2023.

En l’absence de notification spécifique de la prise en charge des arrêts de prolongation, la commission médicale de recours amiable (CMRA) ne pouvait se prévaloir de l’expiration du délai imparti à l’employeur pour contester ces prises en charge.

Par suite, c’est à tort que par décision du 17 avril 2023 la commission a déclaré le recours de l’employeur irrecevable.
La date de notification de cette décision n’est pas établie par les pièces de la procédure.

Le tribunal a été saisi par requête reçue le 21 juin 2023, son recours doit être déclaré recevable.

Sur la demande d’inopposabilité des arrêts et soins postérieurs au 7 avril 2019

En application de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail s’attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu de travail, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit, s’étend sauf preuve contraire à toute la durée d’incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs. Cette présomption peut être combattue par le recours à une mesure d'expertise qui ne peut être ordonnée que si l'employeur qui la sollicite apporte au soutien de sa demande des éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause distincte de l'accident du travail et qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses. La simple absence de continuité des symptômes et soins est insuffisante pour écarter la présomption d’imputabilité à l’accident du travail des soins et arrêts.

En l’espèce, le certificat médical initial établi le 10 mars 2019 est assorti d’un arrêt de travail.
Par conséquent, la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite de l’accident du travail s’applique jusqu’à la consolidation, intervenue le 11 septembre 2019 par le médecin traitant.

La CPAM produit l’ensemble des certificats médicaux de prolongation qui ont été transmis au médecin conseil de la société.

Le docteur [Z] désigné par la société [4] pour recevoir les pièces médicales a établi une note le 9 décembre 2023 ainsi rédigée :
“M. [P] a présenté un traumatisme de l'avant pied droit par un mécanisme d'écrasement avec constatation initiale d'une impotence fonctionnelle, d'un œdème, sans lésion osseuse décelée lors des examens radiologiques.
Ces constatations ont justifiées la mise en décharge du membre inférieur droit et un traitement antalgique.
Par la suite, la prise en charge a été faite par le médecin traitant, constatant le 22 mars 2019, la persistance d'une symptomatologie douloureuse justifiant la prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 7 avril 2019.

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Jugement du 12 JUILLET 2024

Les certificats ultérieurs font uniquement référence au mécanisme accidentel initial sans description clinique justifiant les prescriptions d'arrêt de travail et ne faisant pas état de soins actifs.
L'état de santé a été considéré comme consolidé avec des séquelles le 11 septembre 2019.
Cependant, le médecin conseil, lors d'un examen non daté, indique qu'il n'y avait pas d'anomalies clinique imputable à l'accident du travail, témoignant ainsi que les séquelles mentionnées par le médecin traitant étaient en rapport avec une pathologie indépendante de l'accident déclaré.
Dès lors, alors qu'il ne nous est communiqué aucun contrôle du médecin-conseil justifiant les prescriptions d'arrêt de travail délivrés au titre de l'accident déclaré, on peut s'interroger sur la justification de ces prescriptions d'arrêt de travail, alors qu'il n'est fait état d'aucune complication évolutive documentée et que les certificats médicaux ne font état d'aucune description clinique d'aucun soin actif.
La description du mécanisme accidentel et des constatations médicales initiales sont évocatrices d'une simple contusion des tissus mous du pied, sans trouble vasculaire ou neurologique associé justifiant des prescriptions d'arrêt de travail jusqu'à disparition de l’oedème accompagnant cette contusion et disparition de la symptomatologie douloureuse, soit en l'espèce jusqu'au 7 avril 2019.
Au-delà de cette date, compte tenu des éléments communiqués, il n'existe aucun élément médical permettant de considérer que les prescriptions d'arrêt de travail étaient justifiées au titre de l'accident déclaré.”

Le docteur [Z] ne caractérise ni un état antérieur indépendant ni de cause étrangère à l’accident ayant justifié la prolongation des arrêts. Si le médecin conseil a estimé qu’il n’y avait pas, à la date de consolidation, de séquelles indemnisables en l’absence d’anomalie clinique imputable à l’accident, cela ne permet nullement de retenir que les arrêts qui ont précédé la consolidation étaient dus à un état antérieur.
De même, les observations du docteur [Z] sur la rédaction des certificats de prolongation ne permettent pas de caractériser l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou une cause postérieure totalement étrangère auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail à compter du 7 avril 2019.

La société [4] ne parvenant pas à renverser la présomption d’imputabilité, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande, sans qu’il soit besoin de recourir à une mesure d’expertise, le tribunal étant suffisamment informé.

Sur les mesures accessoires

La société [4], partie perdante, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à verser la somme de 1000 euros à la CPAM de Haute-Corse en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire sera ordonnée en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit que le recours de la société [4] est recevable ;

Déboute la société [4] de l’ensemble de ses demandes ;

Met les dépens à la charge de la société [4] ;

Condamne la société [4] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de Haute Corse la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel à l'encontre de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d'un mois à compter de sa notification.

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Dominique RELAV Pauline JOLIVET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Serv. contentieux social
Numéro d'arrêt : 23/01194
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;23.01194 ?
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