TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 09 JUILLET 2024
Chambre 7/Section 2
AFFAIRE: N° RG 21/08261 - N° Portalis DB3S-W-B7F-VMVK
N° de MINUTE : 24/00471
Monsieur [R] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Clarisse DEGERT-RIBEIRO,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D 0796
DEMANDEUR
C/
Madame [Y] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Sophie HAGEGE,
avocat au barreau de PARIS,
vestiaire : D2014
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Camille FLAMANT, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 23 Avril 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Christelle HILPERT, Première Vice-Présidente assistée de Madame Camille FLAMANT, greffier.
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 20 juillet 2021, Monsieur [R] [U] a fait assigner Madame [Y] [F] devant le tribunal judiciaire de Bobigny, auquel il est demandé, au visa notamment des articles 1134, 1382, 1103, 1240, 1892, 1902 et 1904 du code civil :
* de condamner Madame [Y] [F] à lui payer :
1°) la somme principale de 15.588,56 euros en remboursement d’un prêt d’argent accordé en 2015, majorée des intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 11 juin 2021 jusqu’à parfait paiement,
2°) la somme principale de 1.801 euros en remboursement d’un prêt d’argent accordé en 2017,
3°) la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
4°) la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* de dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
* de condamner Madame [Y] [F] aux entiers dépens.
Le 15 octobre 2021, Madame [Y] [F] a constitué avocat en la personne de Me Sophie Hagege, de sorte qu’il sera statué par décision contradictoire.
Par ordonnance en date du 22 février 2022, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir soulevée par Madame [Y] [F] tirée de la prescription de l’action de Monsieur [R] [U] à son encontre. Par décision en date du 12 avril 2022, le juge de la mise en état a ordonné une mesure de médiation judiciaire, laquelle n’a pas permis, malgré son renouvellement pour une nouvelle durée de 3 mois, de mettre fin au litige opposant Monsieur [R] [U] à Madame [Y] [F].
Par conclusions en réponse au fond en date du 17 avril 2023, Madame [Y] [F] a demandé au tribunal de céans :
* de constater qu’elle a soldé le premier prêt consenti à hauteur de la somme de 10.000 euros,
* de constater qu’elle a remboursé la somme totale de 15.515,87 euros jusqu’à ce jour,
* de la condamner à régler la somme de 7.490,51 euros correspondant au second prêt consenti également à hauteur de 10.000 euros,
en conséquence,
* de lui accorder un délai de paiement pour le paiement de sa dette,
* de reporter la paiement de sa dette à deux années,
* d’ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal,
* d’ordonner que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital,
en tout état de cause,
* de condamner Monsieur [R] [U] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* de débouter Monsieur [R] [U] de toutes ses Monsieur [R] [U] andes plus amples ou contraires.
Par ordonnance en date du 19 décembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté les fins de non recevoir soulevées par Monsieur [R] [U] à l’encontre des “demandes reconventionnelles” formulées par Madame [Y] [F] dans ses conclusions du 17 avril 2023, le juge de la mise en état considérant que l’intéressée formulait des moyens de défense au fond dans ses conclusions et non des demandes reconventionnelles.
Madame [Y] [F] n’a pas conclu au fond postérieurement à ses conclusions du 17 avril 2023.
Par conclusions au fond notifiées par RPVA le 19 janvier 2024, Monsieur [R] [U] a maintenu l’intégralité de ses moyens et demandes, sauf à demander la somme de 3600 euros au titre des frais irrépétibles.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024, fixant l’affaire à l’audience du 23 avril 2024.
À l’issue de cette audience, la décision a été mise en délibéré au 9 juillet 2024, étant précisé qu’en application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens respectifs.
MOTIFS
Sur les demandes des parties relatives aux deux prêts de 10.000 euros contractés par Madame [Y] [F] auprès de Monsieur [R] [U]
Il résulte de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, il n’est pas contesté par Madame [Y] [F] et résulte des extraits de compte de Monsieur [R] [U], ainsi que d’un échange de mail entre les intéressés, que ce dernier lui a prêté la somme de 20.000 euros, virée sur son compte bancaire suivant deux versements de 10.000 euros en date des 7 mai et 15 mai 2015, afin de permettre à la défenderesse de contracter un prêt pour l’achat d’un appartement ( pièces 1 et 3 de Monsieur [R] [U] ).
Il résulte par ailleurs des échanges de SMS entre les intéressés, ainsi que des attestations concordantes de témoins versées aux débats, notamment celles de Mme [I] [F], soeur de Madame [Y] [F] , et celles des collègues de travail des intéressés, que Monsieur [R] [U] a été hébergé gracieusement et à titre amical pendant plusieurs mois par Madame [Y] [F] entre 2015 et 2016, compte tenu de ses difficultés financières. La comparaison des extraits de compte bancaire des parties, versés aux débats, permet d’établir de nombreux flux financiers entre ces derniers, dont la cause ne peut pas être établie.
En ce qui concerne le prêt de 20.000 euros, dont le remboursement ne peut pas être scindé en deux comme le demande Madame [Y] [F] , cette dernière rapporte la preuve d’avoir partiellement remboursé cette somme, selon différents versements.
Tout d’abord, trois versements clairement destinés à Monsieur [R] [U] apparaissent sur ses extraits de compte bancaire, à savoir un versement de 3000 euros le 12 mai 2016, un versement de 911,44 euros le 12 mai 2016 et un versement de 500 euros le 19 août 2016, pour un total de 4.411,44 euros (pièce 16 de Madame [Y] [F] ).
Par ailleurs, Madame [Y] [F] rapporte la preuve d’avoir réglé, en accord avec Monsieur [R] [U] , la somme de 2700 euros au bailleur de ce dernier, Monsieur [M] [G], suivant virement effectué le 10 mai 2016, qui apparait sur son extrait de compte bancaire, et qui fait suite à un échange de SMS entre les intéressés du 9 mai 2016 dans lequel Monsieur [R] [U] lui transmet le relevé de compte de son bailleur (pièces 4 et 16 de Madame [Y] [F]).
Il résulte par ailleurs d’un échange de mails entre les parties en date du 13 juin 2019 que Monsieur [R] [U] reconnaît que Madame [Y] [F] lui a remboursé à cette date la somme de 9500 euros au titre du prêt de 20.000 euros (pièce 9 de Madame [Y] [F] ) et lui réclame la somme de 10.500 euros, qui correspond approximativement à la somme de 10.527,56 euros qui est demandée à Madame [Y] [F] dans le cadre de la mise en demeure adressée par le conseil de Monsieur [R] [U] par LRAR reçue le 12 juin 2021, toujours au titre du remboursement du prêt de 20.000 euros.
Madame [Y] [F] ne rapporte cependant pas la preuve que les autres sommes qu’elle identifie dans ses conclusions comme ayant été dépensées pour le compte de Monsieur [R] [U], et qui ont été débitées sur son compte bancaire entre 2016 et 2017 pour payer des dépenses courantes, des billets de train ou d’avion, ou pour endosser des chèques, étaient en réalité affectées au remboursement du prêt contracté auprès de ce dernier.
Il résulte de ces éléments que Madame [Y] [F] rapporte la preuve d’avoir remboursé la somme de 9.500 euros au titre du prêt de 20.000 euros et reste devoir la somme de 10.500 euros.
Elle sera condamnée à régler cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2021, date de notification de la mise en demeure.
Sur la demande de remboursement formulée par Monsieur [R] [U] au titre d’un prêt de 1.801 euros qu’il aurait accordé à Madame [Y] [F] en 2017
S’il résulte effectivement du relevé de compte bancaire de Monsieur [R] [U] en date du 9 mai 2017 que celui-ci a fait un virement de 1251 euros le 14 avril 2017 et un virement de 550 euros le 13 juin 2017 à Madame [Y] [F], aucun élément du dossier ne permet de corroborer sa version selon laquelle il s’agirait d’un prêt contracté par Madame [Y] [F], ce que cette dernière conteste fermement.
La preuve du prêt n’étant pas rapportée, Monsieur [R] [U] sera débouté de sa demande en paiement.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive
Il résulte des dispositions de l’article 1231-6 du code civil que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. L’article 1231-6 du code civil dispose encore que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
L'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive suppose que soient caractérisés l'existence d'un abus dans l'exercice du droit de résister ainsi que d'un préjudice subi en conséquence de cet abus.
En l’espèce, la totalité des sommes alléguées par Monsieur [R] [U] n’étant pas dues, le comportement de Madame [Y] [F] ne peut être constitutif d’une résistance abusive. Monsieur [R] [U] sera par conséquent débouté de sa demande de ce chef.
Sur la demande de délais de paiement
Il résulte de l’article 1343-5 du code civil que :
- Le juge peut, compte-tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
- Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal ou que les paiement s’imputeront d’abord sur le capital.
- Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
- La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
- Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
- Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
En l’espèce, Madame [Y] [F] a perçu un revenu net fiscal de 44.563 euros en 2021 pour deux parts. Elle fait état de crédits à la consommation qu’elle ne justifie pas et ne transmet pas le montant de charges incompressibles. Au regard de ces éléments et de l’ancienneté de la dette, elle sera déboutée de sa demande de délais de paiament.
Sur les demandes relatives aux frais du procès
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l’espèce, il convient de condamner Madame [Y] [F] , partie succombante, aux entiers dépens.
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
En l’espèce, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [R] [U] l’intégralité de ses frais irrépétibles. Il convient par conséquent de condamner Madame [Y] [F] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande sur le même fondement.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable aux assignations délivrées à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
En l’espèce, n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
Condamne Madame [Y] [F] à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 10.500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2021 et ce jusqu’à parfait paiement,
Condamne Madame [Y] [F] aux dépens,
Condamne Madame [Y] [F] à payer à Monsieur [R] [U] la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
Déboute pour le surplus.
Le présent jugement ayant été signé par le Président et le Greffier.
Le Greffier Le Président
Camille FLAMANT Christelle HILPERT