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02/07/2024 | FRANCE | N°23/08613

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 7/section 3, 02 juillet 2024, 23/08613


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 JUILLET 2024

Chambre 7/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/08613 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YDAR
N° de MINUTE : 24/00436

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Alain CIEOL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 03

DEMANDEUR

C/

LA DIRECTION NATIONALE D’INTERVENTIONS DOMANIALES, ès qualité de curateur de la succession vacante de Monsieur [R], [V] [T], décédé le [Date décès 2] 2021
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[Localité 5]

dispensée du ministère d’avocat en application des dispositions de l’article R.2331-1...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 JUILLET 2024

Chambre 7/Section 3
AFFAIRE: N° RG 23/08613 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YDAR
N° de MINUTE : 24/00436

S.A. CREDIT LOGEMENT
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Alain CIEOL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB 03

DEMANDEUR

C/

LA DIRECTION NATIONALE D’INTERVENTIONS DOMANIALES, ès qualité de curateur de la succession vacante de Monsieur [R], [V] [T], décédé le [Date décès 2] 2021
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]

dispensée du ministère d’avocat en application des dispositions de l’article R.2331-10 du Code général de la propriété des personnes publiques

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-Présidente, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.

DÉBATS

Audience publique du 14 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-Présidente, assistée de Madame Corinne BARBIEUX, faisant fonction de greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La société Crédit Logement s’est portée caution pour deux prêts immobiliers de 142 900 et 76 300 euros consentis les 12 juin 2007 puis 23 janvier 2018 par la société Société générale à M. [R] [T], respectivement remboursables en 300 et 240 mois.

A la suite d’impayés, la société Crédit Logement a versé à la Société générale le solde de chacun des deux prêts, soit les sommes de :
-Pour le prêt n°M07045355901 de 142 900 euros : 2 898,85 euros le 6 avril 2021 et 42 982,43 euros le 2 mars 2023 ;
-Pour le prêt n°M17103270101 de 76 300 euros : 2 045,66 euros le 6 avril 2021 et 67 027,04 euros le 2 mars 2023.

M. [R] [T] est décédé le [Date décès 2] 2021. Personne ne s’étant présenté pour recueillir sa succession, la Direction nationale d’interventions domaniales (ci-après la DNID) a été nommée curateur à sa succession déclarée vacante par ordonnance du 25 août 2023 rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny.

Par acte extrajudiciaire en date du 5 septembre 2023, la société Crédit logement a fait assigner la DNID, en sa qualité de curateur à la succession vacante de M. [R] [T], devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’obtenir sa condamnation pécuniaire sur le fondement de son recours personnel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA pour l’audience du 23 janvier 2024, la société Crédit logement demande au tribunal de condamner M. [R] [T], représenté par la DNID, à lui payer, sur le fondement de l’article 2305 du Code civil les sommes de :
-Pour le prêt n° M07045355901 : 46 190,38 euros, arrêtée au 6 juin 2023, outre les intérêts au taux légal depuis la date de règlement par la société Crédit logement et jusqu’à parfait paiement ;
-Pour le prêt n° M17103270101 : 69 481,17 euros, arrêtée au 6 juin 2023, outre les intérêts au taux légal depuis la date de règlement par la société Crédit logement et jusqu’à parfait paiement ;
- 1.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 2305 alinéa 3 du Code civil;
- 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle sollicite également le débouté des prétentions adverses, l’exécution provisoire du jugement à intervenir et la condamnation du défendeur aux dépens, dont distraction au profit de son avocat.

La DNID , ès qualité de curateur de la succession de M. [R] [T], régulièrement assignée, a établi un mémoire daté du 11 décembre 2023 et réceptionné par le tribunal le 15 décembre 2023. Elle n'a pas comparu à l'audience.
Dans son mémoire du 11 décembre 2023, la DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], dispensée du ministère d’avocat en application de l’article R 2331-10 du code général de la propriété des personnes publiques, demande au tribunal de débouter la société Crédit logement de ses demandes et de dire en tout état de cause qu’elle ne saurait être tenue au paiement des dettes de la succession que dans la limite et jusqu’à concurrence des actifs successoraux.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures dans les conditions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2024.

A l’issue de l’audience de plaidoiries du 14 mai 2024, la décision a été mise en délibéré au 2 juillet 2024.

MOTIVATION

Aux termes de l’article 37 de l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigeur le 1er janvier 2022. Les cautionnements conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public. Les dispositions des articles 2302 à 2304 du Code civil sont applicables dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Sur la créance de la société Crédit logement

Aux termes de l’article 2305 du Code civil, dans sa version applicable au litige, la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.

Pour démontrer sa créance, la société Crédit logement verse aux débats :
- le contrat de prêt M07045355901 accepté le 12 juin 2007 par lequel la Société générale accorde à M. [R] [T] et à Mme [O] [B] un prêt immobilier d’un montant de 142 900 euros pour une durée de 25 ans et le cautionnement solidaire consenti par la société Crédit logement pour la totalité du prêt ;
- le contrat de prêt M17103270101 accepté le 23 janvier 2018 par lequel la Société générale accorde à M. [R] [T] un prêt immobilier d’un montant de 76 300 euros pour une durée de 20 ans et le cautionnement solidaire consenti par la société Crédit logement pour la totalité du prêt.

Selon quittances subrogatives des 6 avril 2021 et 2 mars 2023, la société Crédit logement justifie par ailleurs avoir réglé, en sa qualité de caution, à la banque les sommes de :
- 2 898,85 euros et 42 982,43 euros au titre du prêt M07045355901 accepté le 12 juin 2007 ;
- 2 045,66 euros et 67 027,04 euros au titre du prêt M17103270101 accepté le 23 janvier 2018;
en lieu et place de M. [T].

Par la présente action, la société Crédit logement expose entendre exercer son recours personnel à l’encontre de la DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T]. Ce droit propre, qui naît à l’instant du paiement fait par la caution, soit en l’espèce aux 6 avril 2021 et 2 mars 2023, est indépendant du droit du créancier contre le débiteur garanti.

De jurisprudence constante, le débiteur ne peut utilement opposer à la caution exerçant ce recours personnel les exceptions tirées de la conclusion ou de l’exécution du contrat de prêt qu’il pourrait opposer au créancier préincipal et l’article 2308 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 15 septembre 2021, encadre les cas dans lesquels le débiteur peut s’opposer utilement au recours de la caution à son égard.

La DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], ne peut dès lors pas valablement invoquer l’éventuelle irrégularité de la déchéance du terme prononcée par le banquier, comme l’éventuelle absence de ce prononcé, pour échapper à ses obligations envers la société Crédit logement et doit démontrer, vis à vis de la société de caution, la réunion des trois conditions prévues par l’article 2308 ancien du Code civil.

Cet article prive ainsi la caution qui a payé de ses recours contre le débiteur principal dans deux hypothèses :
– “lorsqu'elle ne l'a point averti du paiement par elle fait” et s'il a payé une seconde fois (C. civ., art. 2308, al. 1er) ;
– si elle a payé sans être poursuivie et sans en avoir averti le débiteur, alors que celui-ci avait “des moyens pour faire déclarer la dette éteinte”(C. civ., art. 2308, al. 2).

En l’espèce, le débiteur principal n’a pas payé une seconde fois, de sorte que seul l’alinéa deux pourrait être utilement invoqué.

Les trois conditions posées par ce second alinéa (l’absence d’avertissement du débiteur, le paiement sans poursuite, et la preuve par le débiteur de ce qu’il possédait un moyen de faire déclarer la dette éteinte) sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une quelconque d’entre elles suffit à faire échec à son application.

Pour échapper à son obligation au paiement envers la société Crédit logement, la DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], doit donc démontrer la réunion des trois conditions prévues par l’article 2308 ancien du Code civil.

Or, s’agissant de l’existence d’un moyen de faire déclarer la dette éteinte, l’irrégularité de la déchéance du terme tout comme son éventuelle absence, en l’espèce invoquée par la défenderesse, affectent l’exigibilité de la dette mais ne permettent pas de faire déclarer celle-ci éteinte au sens de l’article 2308 alinéa 2 ancien du Code civil.
La DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], ne produit aucune pièce de nature à démontrer de ce qu’elle aurait eu des moyens de faire déclarer la dette éteinte, de sorte que la condition exigée par ledit article n’est pas remplie.

Dans ces conditions, les conditions cumulatives de l’article 2308 alinéa 2 du Code civil n’apparaissent pas réunies, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions posées par ce texte, et aucun motif ne justifie de déchoir la société Crédit logement du droit à exercer son recours personnel contre la succession du débiteur principal.

Au vu des quatre quittances produites actualisées par les décomptes de créances du 6 juin 2023, la société Crédit logement justifie avoir réglé les sommes de :
- 46 190,38 euros, dont 45 881,28 euros en principal, 297,10 euros d’intérêts et 12 euros d’accessoires au titre du prêt M07045355901 ;
- 69 481,17 euros, dont 69 072,70 euros en principal et 408,47 euros d’intérêts au titre du prêt M17103270101.

La somme de 12 euros comptabilisée par la société Crédit logement au titre des “frais de procédure” n’est pas étayée et doit à ce titre être rejetée.

La DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], n’apporte aucun élément au tribunal de nature à contester valablement le surplus de ces décomptes.

Dans ces conditions, la DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], est condamnée à payer à la société Crédit logement les sommes de :
- 46 178,38 euros, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 45 881,28 euros à compter du 6 juin 2023 et jusqu’à complet paiement au titre du prêt M07045355901 ;
- 69 481,17 euros, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 69 072,70 euros à compter du 6 juin 2023 et jusqu’à complet paiement au titre du prêt M17103270101 ;
dans la limite et jusqu’à concurrence des actifs successoraux.

Le décompte produit intégrant les intérêts jusqu’au 5 juin 2023, la demande de la société Crédit logement visant à les faire courir à compter de la date du règlement sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts

Selon l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

La société Crédit logement n'apporte pas à l'appui de sa demande de dommages et intérêts la preuve d'un préjudice distinct du retard apporté au paiement de la créance, déjà indemnisé par l’octroi d’intérêts au taux légal.

Il y a donc lieu de la débouter de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], est condamnée aux dépens.
S’agissant d’une instance sans représentation obligatoire pour toutes les parties, il n’y a pas lieu, sur le fondement de l’article R 2331-10 du code général de la propriété des personnes publiques, de faire application de l’article 699 du code de procédure civile. Cette demande est dès lors rejetée.

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il est équitable de condamner la DNID, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], à payer à la société Crédit logement la somme de 800 euros de ses frais irrépétibles.

Les articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 810-4 du code civil, en sa qualité de curateur à la succession vacante de M. [R] [T], la DNID ne peut être tenue d'acquitter les dettes de la succession que jusqu'à concurrence de l'actif qu'elle détient.

Les demandes plus amples ou contraires, non justifiées, sont rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition ;

Déboute la Direction Nationale d’Interventions Domaniales, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], de ses prétentions ;

Condamne la Direction Nationale d’Interventions Domaniales, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], à payer à la société Crédit logement, dans la limite et jusqu’à concurrence des actifs successoraux, les sommes de :

- 46 178,38 euros, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 45 881,28 euros à compter du 6 juin 2023 et jusqu’à complet paiement au titre du prêt M07045355901 ;

- 69 481,17 euros, outre les intérêts au taux légal sur la somme de 69 072,70 euros à compter du 6 juin 2023 et jusqu’à complet paiement au titre du prêt M17103270101;

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société Crédit logement ;

Condamne la Direction Nationale d’Interventions Domaniales, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], à payer les dépens de l’instance, tels que limitativement détaillés à l’article 695 du Code de procédure civile ;

Rejette la demande formée au titre de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Condamne la Direction Nationale d’Interventions Domaniales, en sa qualité de curateur à la succession déclarée vacante de M. [R] [T], à payer à la société Crédit logement la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que l’entier jugement est exécutoire de droit à titre provisoire ;

Rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 810-4 du code civil, en sa qualité de curateur à la succession vacante de M. [R] [T], la Direction Nationale d’Interventions Domaniales ne peut être tenue d'acquitter les dettes de la succession que jusqu'à concurrence de l'actif qu'elle détient ;

Rejette comme non justifié les demandes plus amples ou contraires.

Le présent jugement ayant été signé par le président et le greffier

Le Greffier Le Président
Corinne BARBIEUX Marjolaine GUIBERT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 7/section 3
Numéro d'arrêt : 23/08613
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;23.08613 ?
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