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27/06/2024 | FRANCE | N°23/00237

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 3, 27 juin 2024, 23/00237


Décision du 27 Juin 2024
Minute n° 24/00175


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 27 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00237 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YIHL

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


S.A. SOREQA (SOCIETE DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Florence BOURDON, avocat au barre

au de PARIS
DÉFENDEUR :
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Maître Laurent AKANSEL, avocat au barreau de PARIS
INTERVEN...

Décision du 27 Juin 2024
Minute n° 24/00175

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 27 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00237 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YIHL

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

S.A. SOREQA (SOCIETE DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS)
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Florence BOURDON, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Maître Laurent AKANSEL, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE D’EVALUATION DOMANIALE représentée par Monsieur [L] [D], commissaire du Gouvernement
[Adresse 2]

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Rémy BLONDEL, Juge, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Cécile PUECH, Greffière présente lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 29 février 2024
Date de la première évocation et des débats : 16 mai 2024
Date de la mise à disposition : 27 Juin 2024

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [R] [Y] était propriétaire des lots n°1 et n°37 dépendant de l’immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 6], sur la parcelle cadastrée section AQ n° [Cadastre 1], d’une superficie de 437 m².

Le lot n°1 correspond à une boutique avec une arrière-boutique dans laquelle s’exerce une activité commerciale de vente et de retoucherie. Le lot n° 37 est une cave. Pour une description plus précise des lieux, il conviendra de se reporter au procès-verbal du 29 février 2024, annexé à la présente décision.

Par un traité de concession d’aménagement du 26 novembre 2018 portant sur le traitement multisites d’habitat indigne, la Société de requalification des quartiers anciens (SOREQA) a été missionnée par l’établissement public territorial de Plaine Commune en vue de procéder au traitement de l’habitat insalubre ou indigne sur notamment le secteur [Adresse 8] dans lequel se situe l’immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6].

Ce projet de requalification du secteur [Adresse 8] à [Localité 6] a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP), selon l’arrêté préfectoral n° 2023-1064 en date du 2 mai 2023.

Une ordonnance d’expropriation, emportant transfert de propriété au profit de la SOREQA, a été rendue le 25 janvier 2024.

La SOREQA a notifié ses offres d’indemnisation à Monsieur [R] [Y], par acte de commissaire de justice délivré le 19 juin 2023, remis à l’étude.

Par une requête datée du 9 octobre 2023 et reçue le 12 octobre 2023 par le greffe, la SOREQA a saisi la juridiction de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation de la valeur du bien de Monsieur [R] [Y].

La SOREQA a notifié son mémoire saisissant la juridiction à Monsieur [R] [Y], par acte de commissaire de justice délivré le 12 octobre 2023, remis à l’étude.

Par une ordonnance rendue le 29 décembre 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport sur les lieux et l’audition des parties au 29 février 2024.

La SOREQA a notifié cette décision à Monsieur [R] [Y], par acte de commissaire de justice délivré le 17 janvier 2024 à Monsieur [R] [Y], remis à étude.

L’audience du 16 mai 2024 a été fixée lors du transport judiciaire sur les lieux.

Dans ses dernières écritures intitulées “Mémoire récapitulatif” et datées du 13 mai 2024, la SOREQA demande au juge de l’expropriation de :

- fixer l’indemnité totale de dépossession foncière en valeur occupée des lots 1 et 37 dépendant de l’immeuble situé [Adresse 5] due par la SOREQA à Monsieur [Y] à la somme de 151.744 euros se décomposant comme suit :

* Indemnité principale à 137.040 euros ( 57,10 m² X 3.000 euros X 0,8)
* Indemnité de remploi à 14.704 euros

Dans ses conclusions datées du 12 février 2024, le commissaire du Gouvernement propose une indemnité totale de dépossession de 214.620 euros, décomposée de la manière suivante :
* Indemnité principale à 194.200 euros ( 57,10 m² X 3.400 euros)
* Indemnité de remploi à 20.420 euros
* Indemnité pour perte de revenus locatifs ( 6 mois de loyer)

Monsieur [R] [Y] a constitué avocat mais n’a pas déposé d’écritures et n’était ni représenté ni présent à l’audience.

En vertu de l’article 455 du Code de procédure civile, il est fait référence aux écritures transmises pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

A l’audience du 16 mai 2024, les parties comparantes ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions de l’article R.311-20, 1er alinéa, du code de l’expropriation.

L'affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la demande de fixation de l’indemnité de dépossession

Aux termes des articles L.311-5 et L. 321-1 du code de l’expropriation, à défaut d’accord des parties sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l'expropriation et couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Selon l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

L’indemnité réparatrice allouée à l’exproprié doit lui permettre de se retrouver en même et semblable état et de se procurer un bien identique, similaire ou équivalent à celui dont il est dépossédé par l’opération d’expropriation, soit un bien présentant les mêmes caractéristiques (lieu, année de construction, composition, état d’entretien…) sous réserve, de fait, des biens disponibles sur le marché immobilier.

Plus précisément, le préjudice matériel subi du fait de l’opération d’expropriation est généralement équivalent à la valeur vénale du bien dont l’exproprié est privé. Celle-ci n’est pas nécessairement égale au coût de remplacement du bien, et ce principalement lorsque aucun bien similaire à celui dont l’exproprié est dépossédé n’est offert sur le marché immobilier local ou n’est susceptible d’être acquis par un particulier.

Sur les éléments préalables à la détermination des indemnités

Sur les dates à retenir

Le juge de l’expropriation doit déterminer les dates suivantes et les prendre en considération lors de l’évaluation de la valeur vénale du bien exproprié :

* Date pour apprécier la consistance des biens : selon les dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. Lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas intervenue au jour du jugement de première instance, la consistance des biens s’apprécie à la date du dit jugement. La consistance d’un bien correspond principalement aux éléments qui le composent et à ses caractéristiques (état d’entretien, de très mauvais à très bon ; situation d’occupation, libre ou occupé ; ...) ;

* Date de référence pour déterminer les règles d’urbanisme et l’usage effectif des biens : elle se situe, en principe, un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique, conformément à l’article L.322-2 du code de l’expropriation ; toutefois, aux termes des articles L.213-6 et L.213-4 du code de l’urbanisme, lorsqu'un bien est soumis au droit de préemption urbain et n’est pas situé dans une Zone d’aménagement différée (ZAD), cette date de référence se situe à la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme, et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ;

En application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme, l’acte qui se borne à modifier le périmètre d’une zone d’un PLU sans affecter ses caractéristiques ne peut être pris comme date de référence au sens des dispositions de l’article L 213-4 du code de l’urbanisme.

* Date pour apprécier la valeur des biens : selon le 1er alinéa de l’article L.322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du jugement en fixation des indemnités.

En l’espèce, les lots n°1 et n°37 doivent être évalués selon :

- leur consistance au 25 janvier 2024, date de l’ordonnance d’expropriation ;

- les possibilités offertes par les règles d’urbanisme définies par le plan local d’urbanisme (PLU) intercommunal de PLAINE COMMUNE approuvé le 25 février 2020 et modifié le 29 mars 2022. La dernière procédure a été approuvée le 18 septembre 2023.

-les parcelles sont situées en zone UM h du PLUi ;

-les valeurs d’échange à la date du présent jugement.

Sur la consistance de l’immeuble et du bien de la partie expropriée

Il convient de se reporter au procès-verbal de transport sur les lieux annexé à la présente décision.

Monsieur [Y] était propriétaire des lots n°1 et n° 37, correspondant respectivement à une boutique avec arrière-boutique et à une cave. Les biens expropriés dépendent du bâtiment A de l’immeuble situé au [Adresse 5] à [Localité 6]. L’immeuble date de 1938 et a été construit en R+3 sous le régime de la copropriété.

Depuis le 15 juin 2021, les parties communes de l’immeuble ont fait l’objet d’un arrêt préfectoral relatif au danger imminent pour la santé ou la sécurité physique des personnes concernant la présence de sources de plomb accessibles.
L’immeuble situé au [Adresse 5] à [Localité 6] se trouve en centre-ville, dans un quartier mixte composé principalement d’immeubles d’habitation et de commerces.
L’[Adresse 7] est une voie commerçante et animée, à double sens de circulation.

Les biens sont desservis par la station La Courneuve - 8 mai 1945, sur la ligne de métro 7 (5 minutes à pied) et par le tramway 1.

La boutique, en rez-de-chaussée sur l’[Adresse 7], est exploitée sous l’enseigne “ G&H”. Elle accueille une activité commerciale de vente de vêtement de travail et de retoucherie. Elle est composé de plusieurs petites pièces en enfilade et comprend une arrière-boutique.

Globalement, la boutique est dans un état d’usage.

Sur la situation locative

La SOREQA demande à ce que le bien soit évalué en valeur occupée car lors du transport sur les lieux, il a pu être constaté l’occupation du local commercial par la société G&H qui exerce une activité de vente d’uniformes-tenues de travail.

Monsieur [R] [Y] n’a pas déposé de mémoire.

En l’espèce, d’après le procès-verbal du transport judiciaire sur les lieux en date du 29 février 2024, la boutique de Monsieur [R] [Y] est occupée par la société G&H qui exerce une activité commerciale de vente.

Par conséquent, le bien est occupé et sera évalué comme tel.

Sur la détermination des indemnités

Aux termes de l’article R 311-22 du code code de l’expropriation, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.

Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R 311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié.

Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose. 

En application de ces textes, le principe de la réparation intégrale du préjudice est limité par l’interdiction qui est faite au juge de modifier l’objet du litige, lequel ne peut être déterminé par le Commissaire du Gouvernement lorsque son évaluation est supérieure à celle de l’expropriant comme de l’exproprié.

En l’espèce, en l’absence de mémoire de Monsieur [R] [Y], le juge de l’expropriation ne peut fixer le montant de l’indemnité à un chiffre supérieur aux offres de la SOREQA ou aux conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose un montant supérieur, soit en l’espèce la somme de 214.620 euros.

En conséquence, il y a lieu, conformément à l’offre de la SOREQA, de fixer l’indemnité totale de dépossession foncière est fixée à la somme de 151.744 €, se décomposant comme suit :

- 137.040 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 14.704 €, au titre de l’indemnité de remploi.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article L 312-1 du code de l’expropriation, la SOREQA sera condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

En l’espèce, il n’y a pas lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 29 février 2024;

FIXE l’indemnité due par la Société de requalification des quartiers anciens à Monsieur [R] [Y] au titre de la dépossession des lots n°1 et n°37 dépendant de l’immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 6], à la somme de 151.744 € (cent cinquante et un mille sept cent quarante-quatre euros), en valeur occupée, se décomposant de la manière suivante :

- 137.040 € au titre de l’indemnité principale ;
- 14.704 € au titre de l’indemnité de remploi ;

CONDAMNE la Société de requalification des quartiers anciens aux dépens ;

Cécile PUECH

Greffier
Rémy BLONDEL

Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 3
Numéro d'arrêt : 23/00237
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;23.00237 ?
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