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12/06/2024 | FRANCE | N°23/00219

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 1, 12 juin 2024, 23/00219


Décision du 12 Juin 2024
Minute n° 24/154


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 12 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle N° RG 23/00219 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YD3R

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


S.A. SOREQA
[Adresse 7]
représentée par Maître Florence BOURDON, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Monsieur [N] [W]
[Adresse 8]
repr

ésenté par Maître Laurent AKANSEL, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT :
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - PÔLE D’ÉVALUATION DOMA...

Décision du 12 Juin 2024
Minute n° 24/154

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 12 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle N° RG 23/00219 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YD3R

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

S.A. SOREQA
[Adresse 7]
représentée par Maître Florence BOURDON, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Monsieur [N] [W]
[Adresse 8]
représenté par Maître Laurent AKANSEL, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT :
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - PÔLE D’ÉVALUATION DOMANIALE
[Adresse 6]
[Localité 9]
représentée par Monsieur [C] [S], commissaire du Gouvernement
COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Maxime-Aurélien JOURDE, Greffier des services judiciaires présent lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 07 février 2024
Date de la première évocation et des débats : 27 mars 2024 ; 24 avril 2024
Date de mise à disposition : 12 juin 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [N] [W] était propriétaire des lots n°5 et 19 au sein de l’immeuble en copropriété situé [Adresse 8] à [Localité 11] et édifié sur la parcelle cadastrée section AQ n°[Cadastre 5].

Le lot n° 5 est un appartement d’une superficie de 52,54 m² et le lot n°19 une cave. Pour une description plus précise des lieux, il conviendra de se reporter au procès-verbal du 07 février 2024, annexé à la présente décision.

Le bien est situé dans le périmètre du projet d’aménagement du secteur [Adresse 10] à [Localité 11] qui a fait l’objet :
- d’une déclaration d’utilité publique (DUP), selon l’arrêté préfectoral n°2023-1064 , en date du 02 mai 2023 ;
- d’une déclaration de cessibilité, selon l’arrêté préfectoral n° 2023-1955, en date du 10 juillet 2023 ;
- d’une ordonnance d’expropriation, en date du 25 janvier 2024, emportant transfert de propriété au profit de la SA SOREQA ;

La SA SOREQA a notifié son Mémoire valant offres d’indemnisation à Monsieur [W] par acte d’huissier en date du 17 mai 2023, délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile.

Par une requête reçue le 08 septembre 2023 par le greffe, accompagnée du Mémoire valant offres, la SA SOREQA a saisi la juridiction de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation de la valeur des biens de Monsieur [W].

En l’absence d’accord entre les parties, et conformément aux dispositions de l’article R.311-9 du code de l’expropriation, la réception de la requête par la juridiction est postérieure d’au moins un mois à la date de réception par Monsieur [W] des offres de la SA SOREQA.

La SA SOREQA a notifié à Monsieur [W] la saisine de la juridiction de l’expropriation par acte d’huissier en date du 08 septembre 2023, délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile.

Par une ordonnance rendue le 07 décembre 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport sur les lieux et l’audition des parties au 07 février 2024.

La SA SOREQA a notifié cette décision à Monsieur [W] par acte d’huissier en date du 22 décembre 2023, délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile. La date de réception par la partie exproprié lui a laissé :

- un délai de six semaines au moins entre la date de réception du mémoire de la SA SOREQA et celle du transport, conformément aux dispositions de l’article R.311-14 du code de l’expropriation ;

- et un délai au moins égal à quinze jours entre la date de la notification de l’ordonnance de transport sur les lieux et la date de la visite elle-même, conformément aux dispositions de l’article R.311-15, 4ème alinéa, du code de l’expropriation.

Monsieur [W] était présent lors du transport sur les lieux du 07 février 2024.

Dans ses dernières écritures datées du 11 mars 2024 et reçues le 15 mars 2024, la SA SOREQA demande au juge de l’expropriation de fixer la valeur des biens de Monsieur [W] sous forme alternative, c’est à dire à un montant de 156 152 € en valeur libre et 125 834 € en valeur occupée, de la manière suivante :

En valeur libre
- Indemnité principale : 141 048 €, valeur de l’appartement, cave et parties communes générales intégrées (52,54 m² x 2 700 €) ;
- Indemnité de remploi : 15.104 €.

En valeur occupée
- Indemnité principale : 113 486 €, valeur de l’appartement, cave et parties communes générales intégrées après abattement de 20 % pour occupation (52,54 m² x 2 700 €) x 0,80 ;
- Indemnité de remploi : 12 348 €.

Dans ses dernières conclusions, intitulées “conclusions récapitulatives n°1", datées du 04 mars 2024 et reçues le 24 avril 2024 par le greffe de l’expropriation, produites après transport sur les lieux, le commissaire du Gouvernement évalue la valeur des biens de Monsieur [W] à un montant de 168 200 € en valeur libre ou à un montant de 143 450 € en valeur occupée, de la manière suivante:

En valeur libre
- Indemnité principale : 152 000 €, valeur de l’appartement, cave et parties communes intégrées (52,54 m² x 2900 €)  ;
- Indemnité de remploi : 16 200 € ;

En valeur occupée
- Indemnité principale : 129 500 €, valeur de l’appartement, cave et parties communes intégrées (52,54 m² x 2 465 €) ;
- Indemnité de remploi : 13 950 €.

Monsieur [W] a constitué avocat, mais n’a fait parvenir aucun mémoire à la juridiction de l’expropriation.

En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures transmises pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L’audience du 03 avril 2024 a été déplacée à l’audience du 27 mars 204 où l’affaire a été renvoyée à l’audience du 24 avril 2024

À cette dernière audience, les parties comparantes ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions de l’article R.311-20, 1er alinéa, du code de l’expropriation.

L’affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de fixation de l’indemnité de dépossession

Aux termes des articles L. 311-5 et L. 321-1 du code de l’expropriation, à défaut d’accord des parties sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l'expropriation et couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Selon l'article L. 321-3 du code de l' expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

L’indemnité réparatrice allouée à l’exproprié doit lui permettre de se retrouver en même et semblable état et de se procurer un bien identique, similaire ou équivalent à celui dont il est dépossédé par l’opération d’expropriation, soit un bien présentant les mêmes caractéristiques (lieu, année de construction, composition, état d’entretien…) sous réserve, de fait, des biens disponibles sur le marché immobilier.

Plus précisément, le préjudice matériel subi du fait de l’opération d’expropriation est généralement équivalent à la valeur vénale du bien dont l’exproprié est privé. Celle-ci n’est pas nécessairement égale au coût de remplacement du bien, et ce principalement lorsque aucun bien similaire à celui dont l’exproprié est dépossédé n’est offert sur le marché immobilier local ou n’est susceptible d’être acquis par un particulier.

Sur les éléments préalables à la détermination des indemnités

Sur les dates à retenir

Le juge de l’expropriation doit déterminer les dates suivantes et les prendre en considération lors de l’évaluation de la valeur vénale du bien exproprié :

* Date pour apprécier la consistance des biens : selon les dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. Lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas intervenue au jour du jugement de première instance, la consistance des biens s’apprécie à la date du dit jugement. La consistance d’un bien correspond principalement aux éléments qui le composent et à ses caractéristiques (état d’entretien, de très mauvais à très bon ; situation d’occupation, libre ou occupé ; ...) ;

* Date de référence pour déterminer les règles d’urbanisme et l’usage effectif des biens : elle se situe, en principe, un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique, conformément à l’article L.322-2 du code de l’expropriation ; toutefois, aux termes des articles L.213-6 et L.213-4 du code de l’urbanisme, lorsqu'un bien est soumis au droit de préemption urbain et n’est pas situé dans une Zone d’aménagement différée (ZAD), cette date de référence se situe à la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme, et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ;

En application des articles L. 213-6 et L. 213-4 du code de l’urbanisme, l’acte qui se borne à modifier le périmètre d’une zone d’un PLU sans affecter ses caractéristiques ne peut être pris comme date de référence au sens des dispositions de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme (3ème civ. 13 juin 2019 pourvoi n°18-18.445).

* Date pour apprécier la valeur des biens : selon le 1er alinéa de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du jugement en fixation des indemnités.

En l’espèce, les lots n° 5 et 19 doivent être évalués selon :

- leur consistance au 25 janvier 2024, date de l’ordonnance d’expropriation ;
- les possibilités offertes par les règles d’urbanisme définies par le plan local d’urbanisme intercommunal de Plaine Commune (PLi) exécutoire le 31 mars 2020, selon conclusions non contestées sur ce point du commissaire du Gouvernement ;

La SA SOREQA retient la date du 29 mars 2022 relative à la modification n°1 du PLUi, sans expliquer ni justifier en quoi cette modification affecte les caractéristiques de la zone où se situe les biens objets de la présente procédure, de sorte que la date de référence retenue sera celle du 31 mars 2020.

La parcelle est située en zone UMh du PLU, correspondant à une zone mixte semi-dense.

- les valeurs d’échange à la date du présent jugement.

Sur la consistance des biens

Pour une description précise, il conviendra de se reporter au procès-verbal de transport sur les lieux, composé d’une présentation générale et d’un descriptif des biens à évaluer, annexé au présent jugement.

Il s’agit :

- du lot n°5, qui correspond à un appartement de trois pièces situé au 1er ème étage du bâtiment B d’une superficie de 52,54 m², superficie non contestée par les parties ;

l’appartement est composé d’une entrée avec placard, d’une salle de bain avec wc, d’une cuisine, d’un salon et de deux chambres en enfilade dont l’une est aveugle ; l’intégralité de l’appartement était au jour du transport particulièrement encombré par des cartons et des sacs ;

- du lot n° 19, une cave au sous-sol ; elle n’a pas été visitée à la fois en raison de l’inaccessibilité du sous-sol et pour des raisons d’hygiène et de sécurité, l’accès aux caves étant rendu impossible par un amoncellement de déchets et de détritus ainsi que par la présence de nuisibles ;

L’état d’entretien des biens est qualifié de très mauvais, par la partie expropriante.

Le commissaire du Gouvernement indique que l’immeuble est vétuste et non entretenu, frappé d’un arrêté préfectoral d’insalubrité des parties communes en date du 15 juin 2021.

Monsieur [W] n’a fait parvenir aucune observation.

En l’espèce, un état d’entretien moyen à mauvais est retenu par la juridiction pour l’évaluation du bien à l’occasion de la présente procédure d’expropriation, au regard des constatations effectuées lors du transport sur les lieux du 07 février 2024 et en particulier l’état de dégradation avancé des parties communes alors que l’appartement est en bon état à l’exception d’une part, d’un encombrement général et d’autre part, de la cuisine dont le plafond est dégradé, le placo arraché laissant apparaître la dalle du-dessus.

Sur la situation locative

La SA SOREQA demande dans ses dernières conclusions que l’appartement soit évalué sous forme alternative en valeur libre et en valeur occupée.

Le commissaire du Gouvernement, qui a rédigé ses conclusions postérieurement au transport sur les lieux, évalue les biens selon une alternative en valeur libre et en valeur occupée.

Monsieur [W] n’a fait valoir aucune observation sur ce point.

Les biens sont évalués selon leur consistance au jour de l’ordonnance d’expropriation, soit le 25 janvier 2024.

Lors de la visite des lieux le 7 février 2024, les biens appartenant à Monsieur [W] étaient occupés par un tiers. Aucune des parties ne faisant état d’une modification de l’état d’occupation de l’appartement entre ces deux dates, les biens sont évalués en valeur occupée.

Ainsi, les biens seront comparés à des cessions de biens occupés.

Sur la méthode d'évaluation

Aux termes de leurs mémoires respectifs, les parties s’accordent sur l’utilisation de la méthode d’évaluation par comparaison, cave et parties communes intégrées.

Cette méthode, adaptée aux circonstances de l’espèce et consistant à comparer les biens à évaluer à des cessions de biens équivalents qui ont eu lieu dans la période récente sur le marché immobilier local, sera adoptée.

L’évaluation se fera millièmes de copropriété associés aux biens à évaluer intégrés.

Sur l’indemnité principale

L’indemnité principale de dépossession correspond à la valeur vénale de l’appartement et de la cave ainsi qu’aux tantièmes des parties communes de la copropriété associés à ce lot.

La valeur des biens dont Monsieur [W] est dépossédé sera déterminée par comparaison entre, d’une part, la consistance des biens présentés à titre de termes de comparaison et leurs valeurs d’échange et, d’autre part, les caractéristiques des biens à évaluer.

Sur les termes de référence proposés par les parties

- Termes de comparaison cités par la SA SOREQA
(DEM signifie SA SOREQA)

La SA SOREQA produit les termes de référence suivants :

- terme DEM n°1 : le jugement rendu le 12 janvier 2023 par la Chambre des expropriations près le tribunal judiciaire de Bobigny (RG n°22/00039) fixant la valeur unitaire à la somme de 2 600 €/m² en valeur occupé relativement à un appartement de 32 m² et une cave dans l’immeuble en copropriété situé [Adresse 1] à [Localité 11] ;

- terme DEM n°2 : le jugement rendu le 12 janvier 2023 par la Chambre des expropriations près le tribunal judiciaire de Bobigny (RG n°22/00041) fixant la valeur unitaire à la somme de 2 300 €/m² en valeur occupé relativement à un appartement de 29 m² et une cave dans l’immeuble en copropriété situé [Adresse 1] à [Localité 11] ;

- terme DEM n°3 : le jugement rendu le 14 septembre 2021 par la Chambre des expropriations près le tribunal judiciaire de Bobigny (RG n°20/00296) fixant la valeur unitaire à la somme de 2 750 €/m² en valeur libre relativement à un appartement de 39 m² et une cave dans l’immeuble en copropriété situé [Adresse 8] à [Localité 11] ;

- terme DEM n°4 : la vente selon acte authentique en date du 15 mai 2023 d’un appartement de 46,42 m² et d’une cave dans l’immeuble en copropriété situé [Adresse 8] à [Localité 11] moyennant le prix de 134 650 €, soit 2091 €/m² ;

La moyenne de ces 4 termes est de 2637, 75 €/m².

La SA SOREQA propose de retenir une valeur moyenne arrondie de 2700 €/m² en valeur libre soit une valeur moyenne de 2160 €/m² en valeur occupée après abattement de 20 % pour occupation.

Le commissaire du Gouvernement estime que les termes DEM n°1 et 2 doivent être écartés, car ils sont relatifs à des biens d’une superficie respective de 32 m² et 29 m², donc senseiblement inférieure par rapport à la superficie du bien à évaluer qui est de 52,54 m², de sorte qu’ils ne sont pas comparables.

Monsieur [W] n’a formulé aucune critiques sur ces termes.

En l’espèce, pour déterminer la valeur des biens de Monsieur [W] :

- les termes de comparaison DEM n°3 et 4 ne sont pas retenus, parce qu’ils ont été échangés, ou leurs valeurs ont été fixées, alors que les biens étaient libres de toute occupation et qu’ils ont été, en conséquence, plus valorisés que ne devra l’être le bien à évaluer, occupés par un tiers ;

- les termes DEM n°1 et 2, sont retenus, selon une valeur arrondie de 2450€/m², car ils portent sur des biens similaires à ceux à évaluer en ce qu’ils sont situés dans le même quartier, dans une copropriété dégradée et sont de superficies équivalentes.

- Termes de comparaison cités par le commissaire du Gouvernement
(CG signifie commissaire du Gouvernement)

Le commissaire du Gouvernement cite 8 termes de comparaison :

Date Vente/jugement
+
Références publication
Adresse
Situation
Surface
prix
prix/m²
CG n°1
28/12/2021
2021P26474
[Adresse 4]
[Localité 11]
Libre
56,21m²
167 000 €
3 817 €
CG n°2
29/03/2023
2023P8474
[Adresse 2]
[Localité 11]
Libre
46,05m²
147 500 €
3 203€
CG n°3
22/12/20222
2022P36545
[Adresse 3]
[Localité 11]
Libre
23,32m²
190 000 €
3 787 €
CG n°4
15/05/2023
2023P11604
[Adresse 8]
[Localité 11]
occupé par le vendeur
46,42m²
134 600 €
2 900 €
CG n°5
03/05/2023
2023P10607
[Adresse 8]
[Localité 11]
occupé par le vendeur
42,60m²
145 000 €
3 404 €
CG n°6
16/03/2022
2022P08487
[Adresse 8]
[Localité 11]
libre
41,95m²
167 800 €
4 000 €
CG n°7
20/10/2022
2022P30112
[Adresse 8]
[Localité 11]
squatté
39 m²
92 525 €
2 475 €
CG n°8
30/01/2024
2024P2756
[Adresse 8]
[Localité 11]
occupé
48 m²
119 000 €
2 479 €

La moyenne arrondie de ces 8 termes de référence est de 3 258€/m².

Le commissaire du Gouvernement retient la valeur moyenne de 2900 €/m² en valeur libre et de 2465 €/m² en valeur occupée.

Ni la SA SOREQA, ni Monsieur [W] ne font valoir de critique sur les termes de comparaison ainsi proposés par le Commissaire du Gouvernement.

En l’espèce, pour déterminer la valeur des biens de Monsieur [W] :

- les termes de comparaison CG n°1, 2, 3, 4, 5 et 6 ne sont pas retenus, parce qu’ils ont été échangés, ou leurs valeurs ont été fixées, alors que les biens étaient libres de toute occupation et qu’ils ont été, en conséquence, plus valorisés que ne devra l’être le bien à évaluer, occupés par un tiers ; à cet égard il y a lieu de préciser que conformément à l’avis rendu le 16 novembre 2023 (pourvoi n°23-70011), la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a retenu que “le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié et sa situation n'est pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire”, de sorte que le bien occupé par son propriétaire doit être évalué en valeur libre ;

- les termes de comparaison CG n°7 et 8 sont retenus, selon une valeur arrondie de 2477 €/m², car ils portent sur des biens similaires à ceux à évaluer en ce qu’ils sont situés dans la même copropriété dégradée et sont de superficies relativement équivalentes.

- Termes de comparaison versés par Monsieur [W]
(DEF = Défendeur à la présente procédure)

Monsieur [W] n’a versé aucun terme de comparaison aux débats;

Sur le calcul de l’indemnité principale

Au regard des développements précédents, les termes de comparaison produits par les parties et retenus par la juridiction pour déterminer la valeur des présents biens, occupés, sont les suivants :

- les termes de comparaisons DEM n°1 et 2, selon une valeur arrondie de 2450 €/m² ;
- les termes du commissaire du Gouvernement n°7 et 8 selon une moyenne de 2477 €/m² ;

La moyenne arrondie de ces références est la suivante :
(2600 € + 2300 € + 2475 + 2479) /4 = 2463 €/m²

Au regard, des caractéristiques du bien à évaluer, notamment de l’état particulièrement dégradé des parties commune (- 10%) mais également de sa bonne localisation dans une rue commerçante très bien desservie par les transports en commun (+10 %), il convient de fixer la valeur du mètre carré pour l’évaluation du bien de Monsieur [W] à la somme de 2463 €/m².

En conséquence, l’indemnité principale de dépossession est évaluée à la somme de 129.406,02€ (52,54 m² x 2463 €) en valeur occupée, arrondie à la somme de 129.406 €.

Sur l’indemnité de remploi

Aux termes de l'article R.322-5 du code de l'expropriation, l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l’indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l’indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l’acquisition de biens de remplacement.

En l’espèce, ils ont pour base le montant de l’indemnité principale, à savoir 129.406 €.

Ils sont liquidés comme suit :

20% sur 5.000 € = 1.000 €
15% sur 10.000 € = 1.500 €
10% sur 114.406 € = 11.440,06 €
Total : 13.940,06 €

Sur l’indemnité totale de dépossession

L’indemnité totale de dépossession foncière, est égale à la somme de 143.346,60 €, soit :
- 129.406 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 13.940,06 €, au titre de l’indemnité de remploi ;

Toutefois, selon les articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

L’article L. 321-1 du code de l’expropriation prévoit que “les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation”.

Aux termes de l’article R. 311-22 du code code de l’expropriation, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant.
Si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R 311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres, s'il s'agit de l'exproprié.
Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose. 

En application de ces textes, le principe de la réparation intégrale du préjudice est limité par l’interdiction qui est faite au juge de modifier l’objet du litige, lequel ne peut être déterminé par le commissaire du Gouvernement lorsque son évaluation est supérieure à celle de l’expropriant comme de l’exproprié (3ème civ. 17 juillet 1973 pourvoi n°72-70.198 ; 3ème civ. 25 janvier 2018 pourvoi n°16-28.028 et 3ème civ. 23 septembre 2020 pourvoi n°19-20.633).

En l’occurence, Monsieur [W], qui a pourtant constitué avocat, n’a formulé aucune prétention et en particulier aucune demande de fixation de l’indemnité de dépossession de son bien tandis que le commissaire du Gouvernement a effecuté une évaluation supérieure à l’offre de l’expropriant.

Ainsi, en dépit de l’évaluation de l’indemnité de dépossession à la somme de 143.346,60 € telle qu’elle résulte des éléments à la disposition du juge de l’expropriation, ce dernier ne peut statuer ultra petita, c’est-à-dire au delà de la somme proposée par la SA SOREQA, de sorte que l’indemnité totale de dépossession foncière est fixée à la somme de 125.834 € en valeur occupée, se décomposant comme suit :
- 113.486 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 12.348 € au titre de l’indemnité de remploi.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, la SA SOREQA sera condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

En l’espèce, Monsieur [W] n’a formulé aucune demande sur ce fondement et ni la SA SOREQA, ni le commissaire du Gouvernement n’ont fait de proposition à ce titre, de sorte que le juge de l’expropriation ne se prononcera pas sur les frais irrépétibles

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 07 février 2024 ;

FIXE l’indemnité due par la SA SOREQA à Monsieur [N] [W] au titre de la dépossession des lots n°5 (appartement) et 19 (cave) au sein de l’immeuble en copropriété situé [Adresse 8] à [Localité 11], édifié sur la parcelle cadastrée section AQ n°[Cadastre 5], à la somme de 125.834 € (cent-vingt-cinq mille huit-cent trente-quatre euros), en valeur occupée, se décomposant comme suit :
- 113.486 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 12.348 € au titre de l’indemnité de remploi ;

CONDAMNE la SA SOREQA aux dépens ;

Maxime-Aurélien JOURDE

Greffier
Charlotte THIBAUD

Vice-Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 1
Numéro d'arrêt : 23/00219
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;23.00219 ?
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