Décision du 12 Juin 2024
Minute n° 24/153
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS
JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS
du 12 Juin 2024
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Rôle n° N° RG 23/00202 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YCNN
Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS
DEMANDEUR :
EPFIF-ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ÎLE DE FRANCE
[Adresse 8]
représentée par Maître Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEUR :
Monsieur [V] [E]
[Adresse 5]
représenté par Me Abdoulaye CISSE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
INTERVENANT :
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - PÔLE D’ÉVALUATION DOMANIALE
[Adresse 13]
[Adresse 13]
représentée par Messieurs [K] [Z] et [B] [P], commissaires du Gouvernement
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris
Maxime-Aurélien JOURDE, Greffier des services judiciaires présent lors de la mise à disposition
PROCÉDURE :
Date de la visite des lieux :14 novembre 2023
Date de la première évocation et des débats : 23 janvier 2024 ; 05 mars 2024 ; 30 avril 2024
Date de mise à disposition : 12 juin 2024
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [V] [E] était propriétaire des lots n° 843, 1014 et 2340 dans le bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23], situé [Adresse 5].
La copropriété du [Localité 23] est édifiée sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 16], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 17].
Le lot n° 843 est un appartement de type F3, d’une superficie de 56 m². Le lot n°1014 est une cave et le lot n°2340 est un emplacement de stationnement. Pour une description plus précise des lieux, il conviendra de se reporter au procès-verbal du 14 novembre 2023, annexé à la présente décision.
Par décret n° 2015-99 du 28 janvier 2015, l’Opération de Requalification des COpropriétés Dégradées du quartier dit du [Localité 19] (ORCOD), comprenant les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25], a été déclarée d’Intérêt National (ORCOD IN) et sa mise en oeuvre a été confiée à l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France (EPFIF).
La copropriété du [Localité 23] est située dans le périmètre de la ZAC dite du [Localité 19] qui a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP) par arrêté préfectoral n° 2019-2388, en date du 06 septembre 2019.
Par un arrêté préfectoral n° 2022-0432, en date du 18 février 2022, les lots situés dans le bâtiment 3 de la copropriété du [Localité 23] ont été déclarés cessibles au profit de l’EPFIF.
Une ordonnance d’expropriation, emportant transfert de propriété, a été rendue le 29 juin 2023 au profit de l’EPFIF.
L’EPFIF a notifié son Mémoire valant offres d’indemnisation à Monsieur [E].
Par une requête reçue le 28 août 2023 par le greffe, accompagnée du Mémoire valant offres, l’EPFIF a saisi la juridiction de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de fixation de la valeur des biens de Monsieur [E].
En l’absence d’accord entre les parties, et conformément aux dispositions de l’article R.311-9 du code de l’expropriation, la réception de la requête par la juridiction est postérieure d’au moins un mois à la date de réception par Monsieur [E] des offres de l’EPFIF.
L’EPFIF a notifié à Monsieur [E] la saisine de la juridiction de l’expropriation par actes d’huissier en date du 04 septembre 2023, délivré à personne.
Par une ordonnance rendue le 14 septembre 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport sur les lieux et l’audition des parties au 14 novembre 2023, ainsi que l’audience au 23 janvier 2024.
L’EPFIF a notifié cette décision à Monsieur [E] par acte d’huissier en date du 10 octobre 2023, délivré à personne. La date de réception par l’exproprié lui a laissé :
- un délai de six semaines au moins entre la date de réception du mémoire de l’EPFIF et celle du transport, conformément aux dispositions de l’article R.311-14 du code de l’expropriation ;
- et un délai au moins égal à quinze jours entre la date de la notification de l’ordonnance de transport sur les lieux et la date de la visite elle-même, conformément aux dispositions de l’article R.311-15, 4ème alinéa, du code de l’expropriation.
Monsieur [E] était absent mais représenté par Maître Franck LEVY substituant Maître Abdoulaye CISSE lors du transport sur les lieux du 14 novembre 2023.
Dans ses dernières écritures, intitulées “mémoire récapitulatif et en réplique”, datées du 5 mars 2024, l’EPFIF demande au tribunal de fixer la valeur des biens de Monsieur [E] à un montant de 35.557,60 € en cas d’acceptation d’un relogement ou à un montant de 41.656 € en cas de non acceptation d’un relogement, de la manière suivante :
En cas d’acceptation d’un relogement
- Indemnité principale : 31.416 €, valeur de l’appartement cave, parking et parties communes générales intégrées après abattement de 15 % pour relogement (56 m² x 660€) x 0,85 ;
- Indemnité de remploi : 4.141,60 € ;
- Frais de déménagement : DONNER ACTE à l’EPFIF de la prise en charge des frais de déménagement des expropriés
En cas de non acceptation d’un relogement
- Indemnité principale : 36.960 € valeur de l’appartement cave, parking et parties communes générales intégrées (56 m² x 660 €) ;
- Indemnité de remploi : 4.696 €.
Dans ses dernières écritures, datées du 03 octobre 2023, reçues le 14 novembre 2023 et produites avant le transport sur les lieux, le commissaire du Gouvernement évalue la valeur des biens de Monsieur [E] à un montant de 58 596 € en valeur libre ou à un montant de 50 280 € en valeur occupée, de la manière suivante :
En valeur libre
- Indemnité principale : 52.360 €, valeur de l’appartement cave et parking intégrés (56m² x 935 €) ;
- Indemnité de remploi : 6.236 € ;
En valeur occupée
- Indemnité principale : 44.800 €, valeur de l’appartement cave et parking intégrés (56m² x 800 €) ;
- Indemnité de remploi : 5.480 € ;
Aux termes de son mémoire reçu le 05 mars 2024, Monsieur [E] demande au juge de l’expropriation de :
“FIXER à la somme de 82 250,40 € euros l’indemnité totale de dépossession due par l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France dans le cadre de l’expropriation des lots 843, 1014 et 2340 de la copropriété du bâtiment 4 du [Localité 23] située au [Adresse 5] se décomposant comme suit :
indemnité principale 73 864 euros,
indemnité de remploi 8 386,40 euros,
DIRE et JUGER que l’établissement Public Foncier d’Ile de France doit verser à Monsieur [E] la somme de 2 000 € au titre des frais de déménagement ;
LIMITER la prise en compte éventuelle du relogement de Monsieur [E] à la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article R 423-9 du code de l’expropriation,
DIRE que cette somme sera payable selon le mécanisme de la compensation,
En toute hypothèse :
CONDAMNER l’EPFIF à verser à Monsieur [E] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER l’EPFIF aux dépens de l’instance.”
En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures transmises pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
À l’audience du 23 janvier 2024, l’affaire a été renvoyée, conformément au calendrier de procédure contradictoirement arrêté entre les parties, à l’audience du 05 mars 2024. puis à l’audience du 30 avril 2024.
À cette dernière audience les parties comparantes ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions de l’article R.311-20, 1er alinéa, du code de l’expropriation.
L'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de fixation de l’indemnité de dépossession
Aux termes des articles L.311-5 et L. 321-1 du code de l’expropriation, à défaut d’accord des parties sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l'expropriation et couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Selon l'article L. 321-3 du code de l' expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
L’indemnité réparatrice allouée à l’exproprié doit lui permettre de se retrouver en même et semblable état et de se procurer un bien identique, similaire ou équivalent à celui dont il est dépossédé par l’opération d’expropriation, soit un bien présentant les mêmes caractéristiques (lieu, année de construction, composition, état d’entretien…) sous réserve, de fait, des biens disponibles sur le marché immobilier.
Plus précisément, le préjudice matériel subi du fait de l’opération d’expropriation est généralement équivalent à la valeur vénale du bien dont l’exproprié est privé. Celle-ci n’est pas nécessairement égale au coût de remplacement du bien, et ce principalement lorsque aucun bien similaire à celui dont l’exproprié est dépossédé n’est offert sur le marché immobilier local ou n’est susceptible d’être acquis par un particulier.
Sur les éléments préalables à la détermination des indemnités
Sur les dates à retenir
Le juge de l’expropriation doit déterminer les dates suivantes et les prendre en considération lors de l’évaluation de la valeur vénale du bien exproprié :
* Date pour apprécier la consistance des biens : selon les dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. Lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas intervenue au jour du jugement de première instance, la consistance des biens s’apprécie à la date du dit jugement. La consistance d’un bien correspond principalement aux éléments qui le composent et à ses caractéristiques (état d’entretien, de très mauvais à très bon ; situation d’occupation, libre ou occupé ; ...) ;
* Date de référence pour déterminer les règles d’urbanisme et l’usage effectif des biens : elle se situe, en principe, un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique, conformément à l’article L.322-2 du code de l’expropriation ; toutefois, aux termes des articles L.213-6 et L.213-4 du code de l’urbanisme, lorsqu'un bien est soumis au droit de préemption urbain et n’est pas situé dans une Zone d’aménagement différée (ZAD), cette date de référence se situe à la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme, et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ;
En application des articles L. 213-6 et L. 213-4 du code de l’urbanisme, l’acte qui se borne à modifier le périmètre d’une zone d’un PLU sans affecter ses caractéristiques ne peut être pris comme date de référence au sens des dispositions de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme (3ème civ. 13 juin 2019 pourvoi n°18-18.445).
* Date pour apprécier la valeur des biens : selon le 1er alinéa de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du jugement en fixation des indemnités.
En l’espèce, les lots n° 843, 1014 et 2340 doivent être évalués selon :
- leur consistance au 29 juin 2023, date de l’ordonnance d’expropriation ;
- les possibilités offertes par les règles d’urbanisme définies par le plan local d’urbanisme (PLU) approuvé le 10 juillet 2012 et modifié le 08 avril 2016.
Bien qu’une autre modification du PLU soit intervenue le 13 novembre 2018, celle-ci n’a pas modifié les caractéristiques de la zone où se situe l’ensemble immobilier, de sorte qu’elle ne peut être retenue comme date de référence.
En conséquence, la date de référence est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont s'agit, à savoir la modification numéro un du 08 avril 2016.
Les parcelles sont situées en zone UR1 du PLU, correspondant au renouvellement urbain du centre-ville ;
- les valeurs d’échange à la date du présent jugement.
Sur la consistance de l’ensemble immobilier et des biens de la partie défenderesse
Pour une description précise, il conviendra de se reporter au procès-verbal de transport sur les lieux, composé d’une présentation générale et d’un descriptif des biens à évaluer, annexé au présent jugement.
- Sur les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25]
La commune de [Localité 24] est constituée de plusieurs quartiers de grands ensembles édifiés dans les années 1960, selon un plan qui prévoyait une desserte par l’autoroute A 87. Cette voie express n’ayant pas été réalisée, la commune était enclavée n’étant desservie ni par les voies routières majeures de la région parisienne ni par les lignes de RER et de métro. Les bus étaient les seuls transports en commun.
Depuis décembre 2019, une nouvelle branche de la ligne T4 du tramway est en service. Elle relie [Localité 27] à [Localité 28] et dessert [Localité 24]. Elle offre une correspondance avec le RER E à [Localité 20]. La création d’une gare de la future ligne 16, métro express, par la SGP et le GPA est en cours de réalisation.
Les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] sont géographiquement imbriquées, aucune clôture ne sépare la première de la seconde, la numérotation des bâtiments englobe les deux copropriétés et n’est pas propre à chacune d’elle. La copropriété du [Localité 23] est composée de 10 bâtiments, comprenant 873 logements, et celle de [Localité 25] de 8 bâtiments, comprenant 556 logements, étant précisé que l’un des bâtiments (B 18) a d’ores et déjà fait l’objet d’une démolition.
L’EPFIF et le commissaire du Gouvernement exposent les conclusions d’une étude concernant les copropriétés contiguës du [Localité 23] et de [Localité 25] réalisée par la commune de [Localité 24] en 2014. Celles-ci mettent en évidence un contexte social difficile en termes de niveau de vie (60 % des ménages ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté), de taux de chômage (29 %), d’occupation des logements (près de 20 % l’étant par plus d’un ménage et par plus de 4 personnes), de rotation importante tant en ce qui concerne les propriétaires que les locataires.
Le commissaire du Gouvernement indique que les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] sont parmi les copropriétés clichoises les plus en difficultés au plan social et précise qu’elles ont fait l’objet :
- d’un plan de sauvegarde signé le 19 janvier 2010 entre l’Etat, le Département 93 et la commune de [Localité 24] ; il avait pour objectif de résorber les impayés de charges, de réaliser des travaux urgents et des mises aux normes, de lutter contre les marchands de sommeil, d’individualiser les réseaux de fluides des différents bâtiments, de réaliser des travaux de rénovation énergétique ; il a pris fin en 2015 ;
- d’une opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du [Localité 19], selon un décret n° 2015-99 en date du 28 janvier 2015 déclarant ladite opération d’intérêt national (ORCOD IN) ; la mise en oeuvre de l’opération a été confiée à l’EPFIF ;
- d’un nouveau plan de sauvegarde pour une durée de cinq ans, institué par l’arrêté préfectoral n° 2017-2399 du 11 septembre 2017.
L’expropriant et le commissaire du Gouvernement ajoutent que la copropriété fait l’objet d’une administration judiciaire, en raison d’un important arriéré de charges et ils font état du décret n°2021-1005 du 29 juillet 2021, pris sur le fondement de l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, autorisant l’expropriant à prendre possession de manière anticipée des immeubles situés dans le périmètre de l’ORCOD.
- Sur le bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23]
Les biens à évaluer sont situés dans le bâtiment B4, faisant partie de la copropriété du [Localité 23].
Il s’agit d’un immeuble à usage d’habitation, composé :
- d’un sous-sol à usage de caves ;
- d’un rez-de-chaussée ;
- de 10 étages.
Il comprend 175 logements, dont 8 F2, 122 F3 et 45 F4, accessibles par 4 entrées et cages d’escalier nommées A, B, C et D.
- Sur les biens expropriés
Il s’agit :
- du lot n° 843 : un appartement de type F3, situé au 3ème étage de l’escalier C, d’une superficie de 56 m², superficie non contestée par les parties :
. il est composé d’une entrée et d’un couloir qui desservent une cuisine, un WC et une salle de bain ainsi qu’une pièce de vie et deux chambres, l’une d’entre elles étant accessible à partir de la pièce de vie ;
. il est dans un état d’entretien qualifié de :
. mauvais par l’EPFIF, entité expropriante ;
. bon par l’exproprié ;
. moyen par le commissaire du Gouvernement ;
- du lot n°1014, une cave ; elle n’a pas été visitée pour des raisons de sécurité ;
- du lot n°2340, un emplacement de stationnement, extérieur, associé au bâtiment 4, à l’état d’usage et sans aménagement.
L’EPFIF fait valoir à titre principal au visa de l’article L322-2 dernier alinéa du code de l’expropriation et à titre subsidiaire au visa de l’article 1303 du code civil, qu’il a fait réaliser d’importants travaux de rénovation aussi bien des parties communes que des parties privatives, depuis sa prise de possession anticipée, et en particulier la mise en conformité de l’installations électrique, l’état d’entretien de l’appartement ne peut être qualifié que de moyen.
Aux termes de l’article L. 322-2 alinéa 4 du code de l’expropriation, quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.
En l’occurrence, l’EPFIF ne verse aux débats aucun document permettant d’établir la consistance, le montant et la date de réalisation des travaux qu’elle évoque, toutefois elle indique dans son dernier mémoire qu’ils ont été effectués après sa prise de possession anticipée du bâtiment B4 selon arrêté n°2023-0650 du Préfet de [Localité 31] en date du 11 avril 2023.
Dès lors, ces travaux n’ont pas été réalisés dans les trois années précédant l’enquête publique, laquelle s’agissant du bâtiment B4 a été prescrite par un arrêté n°2021-2884 du 21 octobre 2021 et s’est déroulée du 22 novembre 2021 au 17 décembre 2021 et par voie de conséquence, l’alinéa 4 de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation n’est pas applicable en l’espèce.
Selon l’article 1303 du code civil, en dehors des cas de gestion d’affaire et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement.
Aux termes de l’article 1303-1 du même code, l’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale.
En l’espèce, les travaux de sécurisation et de rénovation invoqués par l’EPFIF relèvent de ses obligations légales en sa qualité de possesseur et de propriétaire des biens à la suite d’une part, de sa prise de possession anticipée du bâtiment B4 selon arrêté n°2023-0650 du Préfet de [Localité 31] en date du 11 avril 2023 et d’autre part, du transfert de propriété selon ordonnance d’expropriation portant transfert de propriété du 29 juin 2023.
Dans ces conditions, l’appauvrissement de l’EPFIF, si tant est qu’il soit avéré, ce qui n’est pas le cas en l’absence de production de tout document, est justifié et par suite il ne peut y avoir enrichissement sans cause de Monsieur [E] au titre de ces travaux.
En conséquence, conformément aux constatations effectuées aux termes du procès-verbal de transport sur les lieux du 07 novembre 2023, l’état d’entretien du lot n°843 peut être qualifié de moyen à mauvais notamment au regard de la tapisserie murale ancienne et abîmée, des fenêtres en bois simple vitrage dans tout l’appartement ainsi que de l’encombrement de l’appartement par de très nombreux meubles anciens et tapis.
Sur la situation locative
L’EPFIF évalue les biens selon une alternative en fonction de la renonciation de Monsieur [E] à son droit au relogement ou de son acceptation d’une offre de relogement.
Le commissaire du Gouvernement, qui a rédigé ses dernières conclusions antérieurement au transport sur les lieux, évalue les biens selon une alternative en fonction de l’état d’occupation des biens, en valeur libre et en valeur occupée.
Monsieur [E] fait valoir au visa des articles L. 411-1 du code de la construction et de l’habitation, L. 423-1 et R. 423-9 du code de l’expropriation et de l’avis rendu le 16 novembre 2023 par la Cour de Cassation, que le propriétaire-occupant n’est pas dans la même situation qu’un propriétaire bailleur et que le bien occupé par son propriétaire ne souffre d’aucun des facteurs de moins-value, de sorte que leur bien doit être évalué en valeur libre.
Conformément aux dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, les biens sont évalués selon leur consistance au jour de l’ordonnance d’expropriation, soit le 29 juin 2023.
Aux termes d’un avis rendu le 16 novembre 2023 (pourvoi n°23-70.011), la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a retenu que “le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié et sa situation n'est pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire”, de sorte que le bien occupé par son propriétaire doit être évalué en valeur libre.
En l’espèce, lors de la visite des lieux le 14 novembre 2023, les biens appartenant à Monsieur [E] étaient occupés par ce dernier.
Aucune des parties ne faisant état d’une modification de l’état d’occupation de l’appartement entre le 29 juin 2023 et le 14 novembre 2023, les biens sont évalués en valeur libre et seront comparés à des cessions de biens libres.
Sur la méthode d'évaluation
Aux termes de leurs mémoires respectifs, les parties s’accordent sur l’utilisation de la méthode d’évaluation par comparaison, cave et parking intégrés.
Cette méthode, adaptée aux circonstances de l’espèce et consistant à comparer les biens à évaluer à des cessions de biens équivalents qui ont eu lieu dans la période récente sur le marché immobilier local, sera adoptée.
L’évaluation se fera millièmes de copropriété associés aux biens à évaluer intégrés.
Sur l’indemnité principale
L’indemnité principale de dépossession correspond à la valeur vénale de l’appartement, de la cave et de l’emplacement de stationnement extérieur ainsi qu’aux tantièmes des parties communes de la copropriété associés à ces lots.
La valeur des biens dont Monsieur [E] est dépossédé sera déterminée par comparaison entre, d’une part, la consistance des biens présentés à titre de termes de comparaison et leurs valeurs d’échange et, d’autre part, les caractéristiques des biens à évaluer.
Sur les termes de référence proposés par les parties
- Termes de comparaison cités par l’EPFIF (tableaux 1, 2, 3, 4, 5 et 6 annexés) (DEM signifie EPFIF)
En application de l’article L. 322-8 du code de l’expropriation, sous réserve de l'article L. 322-9, le juge tient compte, des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.
En l’occurrence, l’EPFIF ne produit aucun document permettant d’établir que des accords seraient intervenus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portant sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou avec les deux tiers au moins des propriétaires et portant sur la moitié au moins des superficies concernées.
Dès lors, les dispositions de l’article L. 322-8 du code de l’expropriation ne s’appliquent pas en l’espèce et par voie de conséquence, les cessions de biens situées dans la copropriété du [Localité 23] produites à titre de termes de comparaison ne seront pas prises pour base de la détermination de la valeur des lots n°843, 1014 et 2340, mais seront prises en compte au même titre que les autres termes de comparaison versés aux débats.
L’EPFIF produit aux débats 111 termes de comparaison correspondant à :
- des ventes réalisées entre 2017 et 2022 d’appartements comprenant principalement comme accessoires une cave et un parking et situés dans les bâtiments B3, B4 et B10 de la copropriété du [Localité 23] à [Localité 24], comme les biens à évaluer, en :
mauvais état (DEM n° 1 à 7 - tableau 1 ; DEM n°110 et 111 - tableau 6),
état moyen (DEM n° 8 à 21 - tableau 2 ; DEM n°89 à 109 - tableau 6),
bon état (DEM n° 22 à 29 - tableau 3 ; DEM n°64 à 88 - tableau 6 ),
très bon état (DEM n° 30 et 31 - tableau 4 ; DEM n°61 à 63 - tableau 6),
étant précisé que les termes DEM n° 26, 28 et 29, 43, 45, 47, 56, 62, 65, 67, 70, 78, 84, 85, 86, 87, 89, 90, 91, 93, 97, 98, 99, 101, 102, 103, 104, 105, 106 et 109 n’ont pas d’emplacement de stationnement et que le terme DEM n° 3 n’a pas de cave ;
L’établissement public est l’unique acquéreur des cessions qu’il présente à titre de termes de comparaison.
L’EPFIF, en l’espèce, offre une valeur de 660 €/m², avant abattement de 15 % pour relogement, le logement appartenant à la partie défenderesse étant un F3, libre et dans un état d’entretien qualifié de mauvais par l’entité expropriante.
Monsieur [E] critique les termes de comparaison proposés par l’EPFIF en ce que d’une part ils sont anciens et d’autres part ils ne sont pas représentatifs des prix réellement pratiqués, car provenant d’un marché captif où seul l’EPFIF est acquéreur, appliquant un prix forfaitaire selon des critères opaques et qui n’a pas évolué de puis plusieurs années.
Le commissaire du Gouvernement ne formule aucune critique à l’égard des termes proposés par l’EPFIF soulignant que les dernières cessions amiables font apparaître un prix en augmentation de 10 % au sein de la copropriété du [Localité 23].
En l’espèce, pour déterminer la valeur des biens de Monsieur [E] :
Parmi les 111 références citées par l’EPFIF, ne sont pas retenus :
- les termes de comparaison DEM n° 3, 4, 5, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 23, 24, 30, 34, 40, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 110 et 111, parce qu’ils ont été échangés, ou leurs valeurs ont été fixées alors que les biens étaient occupés et qu’ils ont été en conséquence, moins valorisés que ne devront l’être les biens à évaluer, qui sont libres d’occupation ;
- les termes de comparaison DEM n°1, 2, 8, 9, 10, 18, 25, 26 et 30, parce qu’ils ne présentent pas de références de publication suffisamment précises ;
- les termes de comparaison DEM 36, 37, 58 et 59, parce qu’il n’est ni indiqué, ni justifié de ce que les biens en question étaient libres de toute occupation ou au contraire occupés ;
En revanche, parmi les 111 références citées par l’EPFIF, les 39 termes de comparaison suivants sont retenus, car ils portent sur des biens similaires à ceux à évaluer : DEM n° 6, 7, 19, 20, 21, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 35, 38, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 60, 63, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 105, 106, 107, 108, 109 .
Ces 39 termes sont donc retenus selon les moyennes suivantes :
Etat d’entretien
Terme de référence
Valeur moyenne occupée
Mauvais état d’entretien
Cessions
600 €/m²,
moyenne des termes DEM n° 6 et 7
Etat d’entretien mauvais à moyen
Cessions
/
Etat d’entretien moyen
Cessions
850 €/m²,
moyenne des termes DEM n° 19, 20, 21, 41, 45, 105, 106, 107, 108, 109
Etat d’entretien moyen à bon
Cessions
/
Bon état d’entretien
Cessions
1050 €/m²,
moyenne des termes DEM n° 27, 28, 29, 32, 33, 38, 39, 43, 44, 60, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88
Très bon état d’entretien
Cessions
1250€/m²,
valeur du terme DEM n° 31, 35, 42 et 63
- Termes de comparaison cités par le commissaire du Gouvernement (tableaux 7, 8, 9, 10, 11, et 12 annexés) (CG signifie commissaire du Gouvernement)
Le commissaire du Gouvernement cite 66 termes de comparaison, précisant avoir affiné sa recherche à la période allant de 2020 à 2022 et l’avoir étendue aux bâtiments, 3, 4, 11 et 12 des copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25], de même type que le bâtiment B4 (R+10 ou R+11).
- 28 termes de comparaison (tableau 7) correspondant à des ventes réalisées entre 2020 et 2022, comprenant trois lots, soit un appartement, une cave et un emplacement de stationnement selon les observations non contestées du commissaire du Gouvernement, situés :
. soit dans le bâtiment 4, comme les biens à évaluer ;
. soit dans les bâtiments 3, 11 et 12 de la même copropriété du [Localité 23] et de la copropriété voisine de [Localité 25] à [Localité 24] ;
étant précisé que ces quatre bâtiments ont une configuration identique et que l’EPFIF est l’unique acquéreur des cessions présentées ;
- 30 termes de comparaison (tableaux 8, 9, 10 et 11) correspondant à des ventes d’appartements et de leurs accessoires (cellier, cave, emplacement de stationnement) situés dans des copropriétés proches de celles du [Localité 23] et de [Localité 25], dans le périmètre de la ZAC dite du [Localité 19], à savoir La Résidence [32], la Résidence [29], La Résidence [26] et la Résidence [33] ;
- 8 termes de comparaison correspondant à des cessions de parkings extérieurs sur les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] (tableau 12).
Le commissaire du Gouvernement fait également état des valeurs retenues par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny dans les jugements de 2021-2022 relatifs à la procédure d’expropriation du bâtiment 10 de la copropriété de [Localité 25] de la façon suivante:
Etat
Mauvais
Mauvais-Moyen
Moyen
Moyen-Bon
Bon
Très bon
Libre
660 €/m²
825 €/m²
935 €/m²
1.050 €/m²
1.260 €/m²
1.375 €/m²
Occupé
560 €/m²
715 €/m²
800 €/m²
880 €/m²
1.000 €/m²
1.170 €/m²
Il fait remarquer que :
- les copropriétés voisines ne sont pas dans un état comparable à celui des copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25], qui se trouvent dans un état de dégradation bien plus prononcé ; il estime que ces copropriétés sont aujourd’hui dans une situation financière stable et pérenne grâce aux travaux de rénovation, de suivi et d’accompagnement mis en place ; il précise, en conséquence, ne pas retenir ces termes pour la détermination de la valeur du logement en cause;
- les dernières cessions amiables dans les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] font apparaître un prix en augmentation de 10 %, augmentation également retenue par le juge de l’expropriation dans ses décisions rendues en 2021 et 2022.
Le commissaire du Gouvernement, reprenant cette majoration de 10 % observée dans les évaluations récentes, propose les valeurs suivantes :
Appartement
avec cave et parking
Mauvais état d’entretien
Etat d’entretien moyen
Bon état d’entretien
Très bon état d’entretien
Valeur libre
660 €/m²
935 €/m²
1.155 €/m²
1.375 €/m²
Valeur occupée
560 €/m²
800 €/m²
985 €/m²
1.165 /m²
Le commissaire du Gouvernement retient en l’espèce, une valeur de 1375 €/m², le logement appartenant à la partie défenderesse étant un F3, libre, avec cave et emplacement de stationnement et dans un état d’entretien qu’il qualifie de très bon après transport.
L’EPFIF ne présente pas d’observations quant aux termes de comparaison produits par le Commissaire du Gouvernement.
Monsieur [E] estime que les termes de comparaison proposés par le Commissaire du Gouvernement relatifs à des ventes de biens situés dans les copropriétés voisines doivent être retenus, car bien que leur état d’entretien général ne soit pas comparable, elles se situent dans le même environnement.
En l’espèce, pour déterminer la valeur des biens de Monsieur [E] les termes sont analysés en fonction de leur localisation :
En ce qui concerne les termes de comparaison consistant en des ventes d’appartement avec cave et emplacement de stationnement dans les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] (tableau 7)
Parmi les 28 références citées par le commissaire du Gouvernement concernant des ventes de F3 et F4 dans les bâtiments 3, 4, 11 et 12 du [Localité 23] et de [Localité 25], les 20 termes de comparaison suivants ne sont pas retenus parce qu’ils ont été échangés alors que les biens étaient occupés et qu’ils ont été, en conséquence, moins valorisés que ne devront l’être les biens à évaluer, libre d’occupation ; il s’agit des 8 appartements F3 et F4 vendus occupés (CG n° 1, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 15, 16, 18, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28).
Parmi les 28 références citées par le commissaire du Gouvernement concernant des ventes de F3 et F4 dans les bâtiments 3, 4, 11 et 12 du [Localité 23] et de [Localité 25], les 8 termes de comparaison suivants sont retenus pour servir la comparaison avec les biens à évaluer car ils correspondent à la vente d’appartements similaires à celui à évaluer ; il s’agit des 8 appartements F3 et F4 vendus libre d’occupation (CG n° 2, 5, 6, 11, 14, 17, 19 et 20).
Il convient de préciser que les termes CG n° 2, 5, 6, 11 sont également proposés par l’EPFIF (DEM n° 25, 27, 7 et 18 ).
En ce qui concerne les termes de comparaison consistant en des ventes d’appartements, avec accessoires, situés dans les copropriétés voisines de celles du [Localité 23] et de [Localité 25] (tableaux 7, 8, 9, 10, et 11)
Le commissaire du Gouvernement verse aussi aux débats 30 termes de comparaison correspondant à des cessions d’appartement avec accessoires (cave ou cellier, voire emplacement de stationnement), situés à [Localité 24] dans des copropriétés voisines de celles de [Localité 25] et du [Localité 23].
Ces 30 références sont exposées comme suit selon les caractéristiques exposées par le commissaire du Gouvernement et les valeurs moyennes calculées par la juridiction :
Résidences
à
Clichy-sous-Bois
Année de construction
et
caractéristiques de l’immeuble
Caractéristiques des biens
***
Termes étudiés
valeur unitaire
moyenne
libre
*
valeur unitaire
moyenne
occupée
**
[32]
[Adresse 21]
1958
288 logements
5 immeubles de
4 étages chacun
appartement
cellier
parking
CG n° 29 à 39
2.077 €/m²
1.766 €/m²
[29]
[Adresse 15] et [Adresse 21]
1958
192 logements
4 immeubles de
4 étages chacun
appartement
cellier
CG n° 40 à 48
1.825 €/m²
1.551 €/m²
[26]
[Adresse 22]
1961
380 logements
4 immeuble de
4 étages chacun
appartement
cave
CG n° 49 à 57
2.043 €/m²
1.737 €/m²
[33]
[Adresse 3]
1963
168 logements
1 immeuble de
10 étages
appartement
cave
parking
CG n° 58
2.089 €/m²
1.776 €/m²
Moyenne générale
1.991 €/m²
1.692 €/m²
Moyenne des logements avec parking
2.078 €/m²
1.766 €/m²
Moyenne des logements sans parking
1.934 €/m²
1.644 €/m²
* En l’absence de précision, il convient de considérer que les valeurs exposées par le commissaire du Gouvernement s’entendent libres de toute occupation, s’agissant de biens d’habitation.
** Dans le cadre de la présente procédure d’expropriation, l’EPFIF offre une valeur de 15 % inférieure lorsque les appartements sont occupés par un tiers (locataire), étant précisé qu’il s’agit du quantum de l’abattement affecté à la valeur libre de manière constante par la présente juridiction, pour tenir compte de la moins-value sur le marché immobilier générée par une situation d’occupation titrée.
*** Dans le cadre de cette étude, et en l’absence de précision quant à l’état d’entretien des appartements cédés, il y a lieu de considérer qu’il s’agit d’appartements dans des états d’entretien de moyen à bon ; il apparaît en effet au regard des termes de comparaison consistant en des ventes d’appartement au [Localité 23] produits par le commissaire du Gouvernement que les logements vendus en mauvais état et en très bon état sont rares.
Il convient de préciser :
- qu’aucun terme de comparaison n’est produit en ce qui concerne la résidence des [Localité 30], située [Adresse 14], pourtant également située à proximité de la présente copropriété, faute de cession récente ;
- que seul un terme de comparaison est produit en ce qui concerne la résidence [33] (terme CG n°58) ; cette unique vente ne peut donc être considérée comme représentative de la valeur des logements de cette résidence.
Ces 30 termes de comparaison, bien que situés dans des copropriétés autres que celle du [Localité 23] ou de [Localité 25], correspondent à la vente de biens d’une composition similaire à celle des biens à évaluer.
Toutefois, les quatre résidences [32], [29], [26] et [33], bien que situées également dans le périmètre de l’ORCOD et de la ZAC du [Localité 19], présentent un meilleur état d’entretien que le bâtiment 4 du [Localité 23] ; il est à cet égard observé :
- que, selon les conclusions du commissaire du Gouvernement, si les copropriétés de trois de ces résidences ([32], [29] et [33]) sont soumises à un plan de sauvegarde, à l’instar des copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25], ce n’est pas le cas de la résidence [26], qui fait l’objet d’un Programme Opérationnel de Prévention et d’Accompagnement des Copropriétés visant un soutien des copropriétaires pour prévenir des dégradations ; il n’est pas fait état pour ces quatre copropriétés de problématiques financières comparables à celles évoquées pour les copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] ;
- que ces résidences présentent un meilleur état d’entretien que le bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23], comme il est possible de le constater sur les photographies produites par le commissaire du Gouvernement.
Il est, en outre, relevé que ces résidences appartiennent à des copropriétés de plus petites dimensions (comptant entre 168 et 380 logements) que celle du [Localité 23] (qui compte 873 logements), alors que l’importance du nombre de copropriétaires du [Localité 23] est identifiée comme facteur majeur de difficulté ; il est aussi souligné que ces résidences sont, à l’exception de la résidence [33], composées de bâtiments de plus petites tailles, ne présentant que quatre étages, étant observé que le commissaire du Gouvernement ne retient, pour son évaluation, que les ventes portant sur des grands bâtiments des copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25], à l’exclusion de celles portant sur les petits bâtiments de ces copropriétés.
À l’inverse, le bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23], placée sous administration provisoire depuis 2005, a fait l’objet :
- de deux plans de sauvegarde successifs, en 2010 et 2017, qui n’ont pas permis le nécessaire redressement de la copropriété et la réhabilitation des bâtiments ;
- d’un arrêté municipal en date du 03 septembre 2018 portant sur les équipements communs de la copropriété du [Localité 23] ;
- d’un décret du 29 juillet 2021, en cours de mise en oeuvre, déclarant l’extrême urgence de la procédure d’expropriation, laquelle suppose des risques sérieux pour la sécurité des occupants, selon les termes du 2ème alinéa de l’article L.522-1 du code de l’expropriation ;
- de la pose d’un filet de protection au niveau des pignons, comme remarqué par les personnes présentes lors du transport, étant précisé que les pignons du bâtiment 18, édifié dans le cadre du même programme de construction, se sont écartés des murs des façades et que l’immeuble a fait l’objet d’une évacuation de tous ses occupants en urgence avant d’être démoli.
Par ailleurs, il est précisé dans le procès-verbal de transport annexé au présent jugement que les façades sont dans un état médiocre.
Dans ces conditions, il est avéré que le bâtiment dans lequel sont situés les biens à évaluer est dans un mauvais état d’entretien, ce qui constitue nécessairement un facteur majeur de dépréciation par rapport aux termes de comparaison situés dans des copropriétés voisines, d’une meilleure consistance.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, aucun des termes des références portant sur les appartements situés dans les Résidences Notre-Dame-des-Anges, [26], [32] et [33], ne sera retenu.
- Termes de comparaison versés par Monsieur [E]
(DEF = Défendeur à la présente procédure)
Monsieur [E] ne cite aucun terme de comparaison, il fait état des valeurs moyennes retenues par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny s’agissant de cessions réalisées dans les copropriétés voisines à l’occasion de la procédure d’expropriation du bâtiment B10 de la copropriété du [Localité 23] :
Résidences
autres que celles du [Localité 23] et de [Localité 25] également situées à [Localité 24]
Année de construction
et
composition des biens
Nombre de logements
et
caractéristique de l’immeuble
Valeurs moyennes des appartements F3 et F4 retenus
valeur unitaire
moyenne
euros/m² en valeur libre
*
valeur unitaire
moyenne
euros/m² en valeur occupée
**
[32]
[Adresse 21]
1958
appartement
cellier
parking
288
5 barres d’immeuble de
4 étages chacun
F3
CG n°66, 68, 69, 71, 73, 74 et 75 : 1.711 €/m²
F4
DEM n°72 : 1.371 €/m²
1.668,62 €/m²
1.418,32 €/m²
[29]
[Adresse 15] et [Adresse 21]
1958
appartement
cellier
192
4 barres d’immeuble de
4 étages chacun
F4
CG n°76, 77, 81 et 82 : 1.737,5 €/m²
F3
CG n°80 : 2.186 €/m²
1.827,20 €/m²
1.553,20€/m²
[26]
[Adresse 22]
1961
appartement
cave
380
4 barres d’immeuble de
4 étages chacun
F4
CG n°85 et 89 : 1.6615,5€/m²
F3
CG n°83, 84, 86, 87 et 88 : 1.781,20 €/m²
1.733,85 €/m²
1.473,77€/m²
[33]
[Adresse 3]
1963
appartement
cave
parking
168
1 barre d’immeuble de
10 étages
F4
CG n°94 : 1.119€/m²
F3
CG n°90, 91, 92 et 93 : 1.784,6 €/m²
1.251 €/m²
1.063,35 €/m²
du Parc
[Adresse 18]
1975
appartement
cave
parking
131
4 bâtiments dont 2 en forme de L de 6 à 8 étages disposant de 3 accès
F4
CG n°100 : 1.561 €/m²
F3/4
CG n°95, 96, 97, 98 et 99 : 1.784,6 €/m²
1.747,33 €/m²
1.485,23 €/m²
Il se prévaut également des valeurs moyennes retenues par le par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny s’agissant de cessions réalisées dans les copropriétés voisines à l’occasion de la procédure d’expropriation du bâtiment B3 de la copropriété du [Localité 23] :
Résidences
à
Clichy-sous-Bois
Année de construction
et
caractéristiques de l’immeuble
Caractéristiques des biens
***
Termes étudiés
valeur unitaire
moyenne
libre
*
valeur unitaire
moyenne
occupée
**
[32]
[Adresse 21]
1958
288 logements
5 immeubles de
4 étages chacun
appartement
cellier
parking
CG n° 29 à 39
2.077 €/m²
1.766 €/m²
[29]
[Adresse 15] et [Adresse 21]
1958
192 logements
4 immeubles de
4 étages chacun
appartement
cellier
CG n° 40 à 48
1.825 €/m²
1.551 €/m²
[26]
[Adresse 22]
1961
380 logements
4 immeuble de
4 étages chacun
appartement
cave
CG n° 49 à 57
2.043 €/m²
1.737 €/m²
[33]
[Adresse 3]
1963
168 logements
1 immeuble de
10 étages
appartement
cave
parking
CG n° 58
2.089 €/m²
1.776 €/m²
Moyenne générale
1.991 €/m²
1.692 €/m²
Moyenne des logements avec parking
2.078 €/m²
1.766 €/m²
Moyenne des logements sans parking
1.934 €/m²
1.644 €/m²
Monsieur [E] fait enfin état des valeurs retenues par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny dans les jugements relatifs à la procédure d’expropriation des bâtiments B 10 et B 3 de la copropriété du [Localité 23] de la façon suivante :
Etat
Mauvais
Mauvais-Moyen
Moyen
Moyen-Bon
Bon
Très bon
Libre
660 €/m²
825 €/m²
935 €/m²
1.050 €/m²
1.260 €/m²
1.375 €/m²
Occupé
560 €/m²
715 €/m²
800 €/m²
880 €/m²
1.000 €/m²
1.170 €/m²
Monsieur [E] retient :
- la somme de 935 €/m² en valeur libre conformément aux décisions du juge de l’expropriation relativement au bâtiment B3 ;
- la somme de 1462 €/m² correspondant au prix de vente le plus élevé au sein de la Résidence [33] après abattement de 30 % ; correspondant au prix de vente le plus élevé au sein des copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25] ;
- la somme de 1199 €/m² correspondant à la moyenne des deux précédentes ;
- la somme de 1319 €/m² après application d’une augmentation de 10 % justifiée par la hausse globale des prix sur l’ORCOD (1199 x 1,1).
Le commissaire du Gouvernement n’a fait valoir aucune critique sur ces termes.
L’EPFIF fait valoir au visa des articles R. 311-12 et R. 311-22 du code de l’expropriation que l’exproprié ne produit pas les actes de vente correspondant aux termes de référence dont il se prévaut, de sorte qu’ils ne peuvent être retenus.
Elle souligne en outre que ces termes de référence sont issus de la plateforme PATRIM dont la fiabilité n’est pas établie.
Elle soutient également que :
- les termes de comparaison relatifs aux bâtiment R+10 situés [Adresse 1], [Adresse 2], [Adresse 4], ne peuvent être pris en compte faute de justifier du prix hors frais de remploi et hors frais accessoires ;
- les termes de comparaisons relatifs aux bâtiments situés [Adresse 6] et [Adresse 7] ne peuvent être retenus, car ils concernent des bâtiments R+4 donc des appartements qui sont mieux valorisés que ceux situés dans des bâtiments R+10 ;
- les termes de comparaison relatifs à des biens situés dans des copropriétés voisines de celle du [Localité 23] ne peuvent être pris en compte, car ils sont relatifs à des biens situés dans des copropriétés en meilleur état que le [Localité 23].
En l’espèce, Monsieur [E] ne produit aucun terme de comparaison en tant que tel.
Il sera toutefois rappelé, comme il a déjà été expliqué pour les termes de comparaison proposés par le Commissaire du Gouvernement, qu’aucun terme ou valeur moyenne de prix/m² concernant les copropriétés voisines du [Localité 23] et de [Localité 25] ne sera retenu, car elles sont dans un bien meilleur état d’entretien, y compris financier, de sorte qu’elles ne sont pas comparables.
sur le calcul de l’indemnité principale
Au regard des développements précédents, les termes de comparaison produits par les parties et retenus par la juridiction pour déterminer la valeur des présents biens, libres, sont les suivants :
Parties
Mauvais
état
état mauvais
à moyen
état moyen
état moyen à bon
Bon état
Très bon état
EPFIF
Cessions - Bâtiments 3, 4 et 10 de la Copropriété du [Localité 23]
600 €/m²,
moyenne des termes DEM n° 6 et 7
850 €/m²,
moyenne des termes DEM n° 19, 20, 21, 41, 45, 105, 106, 107, 108, 109
1050 €/m²,
moyenne des termes DEM n° 27, 28, 29, 32, 33, 38, 39, 43, 44, 60, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88
1250 €/m²,
valeur du terme DEM n° 31, 35, 42 et 63
Cessions - Copropriétés du [Localité 23] et de [Localité 25]
CG
660 €/m²
moyenne des termes CG n°6, 20
850 €/m²
moyenne des termes CG n°11, 14
1.150 €/m²
moyenne des termes CG n°2, 5, 17 et 19
/
En l’espèce, pour évaluer les biens expropriés, il sera tenu compte :
- des valeurs offertes par l’EPFIF et proposées par le commissaire du Gouvernement, supérieures, selon l’état d’entretien de l’appartement, aux valeurs mises en évidence par les termes de comparaison, à savoir :
- pour le commissaire du Gouvernement :
Appartement
avec cave et parking
Mauvais état d’entretien
Etat d’entretien moyen
Bon état d’entretien
Très bon état d’entretien
Valeur libre
660 €/m²
935 €/m²
1.155 €/m²
1.375 €/m²
Valeur occupée
560 €/m²
800 €/m²
985 €/m²
1.165 /m²
- pour l’EPFIF : 660 €/m² en valeur libre, avant abattement de 15 % pour relogement, pour l’appartement avec la cave etl’emplacement de stationnement ; l’état d’entretien de l’appartement étant qualifié de mauvais par l’expropriant ;
- des valeurs fixées en 2021 et 2022 par la présente juridiction lors de la fixation des indemnités de biens composés d’un appartement, d’une cave et d’un emplacement de stationnement et situés dans les bâtiments 3, 4 et 10 de la copropriété, telles qu’exposées par le commissaire du Gouvernement, à savoir:
Etat
Mauvais
Mauvais-Moyen
Moyen
Moyen-Bon
Bon
Très bon
Libre
660 €/m²
825 €/m²
935 €/m²
1.050 €/m²
1.260 €/m²
1.375 €/m²
Occupé
560 €/m²
715 €/m²
800 €/m²
880 €/m²
1.000 €/m²
1.170 €/m²
- d’une plus value liée à l’existence d’un emplacement de stationnement ;
Ainsi, dans le cadre de l’opération d’expropriation du bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23], pour l’évaluation des appartements de type F3 ou F4 libres, il convient de retenir les valeurs suivantes, selon l’état d’entretien de l’appartement :
- 700 €/m², lorsque l’appartement est dans un mauvais état d’entretien ;
- 865 €/m², lorsque l’appartement est dans un état d’entretien de mauvais à moyen ;
- 975 €/m², lorsque l’appartement est dans un état d’entretien moyen ;
- 1.090 €/m², lorsque l’appartement est dans un état d’entretien de moyen à bon ;
- 1.195 €/m², lorsque l’appartement est dans un bon état d’entretien ;
- 1.415 €/m² et plus, lorsque l’appartement est dans un très bon état d’entretien et bien équipé.
Au regard, d’une part, des valeurs déterminées ci-dessus et, d’autre part, des caractéristiques des biens à évaluer, notamment de leur état d’entretien qui est qualifié de mauvais à moyen après visite, la valeur vénale du bien appartenant à Monsieur [E] est estimé à la somme de 48.440 € (865 €/m² x 56 m²), en valeur libre.
Sur l’abattement pour relogement
L’opération d’expropriation réalise, dans la présente hypothèse d’un propriétaire occupant lui-même son bien, à la fois une dépossession du bien immobilier lui appartenant et une privation de son lieu de résidence.
L’entité expropriante doit aux propriétaires exproprié occupant eux-même leur bien :
- des indemnités en réparation du préjudice de dépossession couvrant l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation, en application des dispositions de l’article L.321-1 du code de l’expropriation ;
- en sus, deux propositions de relogement :
. l’article L.423-1 du code de l’expropriation institue un droit de priorité, notamment en qualité de locataire dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré ou dans un local dont le loyer n’excède pas celui d’un local construit en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré de même consistance (...) ;
. l’article L..314-2 du code de l’urbanisme organise les modalités de ce droit au relogement, obligeant l’entité expropriante à faire à chaque occupant au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant à la fois aux normes d’habitation définies par application du troisième alinéa de l’article L.322-1 du code de la construction et de l’habitation et aux conditions prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (...).
Le propriétaire-occupant exproprié a le choix d’accepter l’une de ces offres ou de renoncer à être relogé par l’expropriant.
L’article R.423-9 du code de l’expropriation permet au juge de tenir compte d’un relogement du propriétaire-occupant par l’expropriant, lors de la fixation des indemnités de dépossession, dans les termes suivants : Il ne peut être offert un local de relogement à un propriétaire exproprié qui occupe tout ou partie de son immeuble que si cette offre a été acceptée par ce propriétaire avant la fixation des indemnités d’expropriation, afin de permettre au juge et, le cas échéant, à la cour d’appel, de tenir compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités d’expropriation.
En application de ces textes, aux termes d’un avis rendu le 16 novembre 2023 (pourvoi n°23-70.011), la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a retenu que :
“1. Le propriétaire-occupant, qui accepte d'être relogé, bénéficie d'une réparation en nature d'une partie du préjudice résultant de l'expropriation, devant être prise en compte lors de la fixation des indemnités, en application de l'article R. 423-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
2. Le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié et sa situation n'est pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire.
3. La prise en compte du relogement lors de la fixation des indemnités, déterminée au regard de l'avantage procuré à l'exproprié et non du coût de ce relogement pour l'expropriant, ne donne pas naissance à une créance de l'expropriant sur l'exproprié.
4. Les modalités de prise en compte de ce relogement lors de la fixation des indemnités relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.”.
En l’espèce, lors du transport sur les lieux il a été constaté que Monsieur [E] occupait lui-même l’appartement correspondant au lot n°843.
Aux termes de ses dernières écritures, Monsieur [E] ne précise pas s’il entend renoncer à son droit à relogement ou accepter l’une des offres de l’expropriant.
Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à une évaluation de l’indemnité principale de dépossession sous une forme alternative, en valeur libre sans abattement pour relogement et en valeur libre avec abattement pour relogement selon que Monsieur [E] renoncera ou acceptera une offre de relogement par l’expropriant.
- Sur la nature du droit au relogement
Aux termes de l’avis du 16 novembre 2023 (pourvoi n°23-70.011), susmentionné, la Cour de Cassation dit que le propriétaire-occupant qui accepte d’être relogé bénéficie d’une réparation en nature d’une partie du préjudice qu’il subi du fait de l’expropriation.
Moniseur [E] le conteste. Il fait valoir en se prévalant d’un jugement rendu par la présente juridiction le 21 décembre 2023, qu’il ne verse pas aux débats, que le relogement n’est pas une indemnisation en nature, car :
- l’expropriant ne peut en l’espèce offrir un local équivalent en vertu de l’article L. 322-12 du code de l’expropriation ;
- l’offre de relogement ne permet pas la reconstitution d’un patrimoine équivalent ;
- ils ne sont pas replacés dans la même situation d’occupation antérieur passant du statut de propriétaire à locataire ;
- l’obligation légale étant de proposer deux offres de relogement et celles-ci étant soumises à l’acceptation de l’exproprié ;
- ce relogement n’est pas semblable à celui d’un locataire évincé ;
- ce relogement participe au droit au logement à valeur constitutionnelle et non à la réparation d’un préjudice principal ou accessoire.
Toutefois, si l’article L 322-12 alinéa 2 et 4 du code de l’expropriation n’est applicable qu’aux commerçants, artisan ou à l’industriel évincé, en l’occurence, le droit au relogement de Monsieur [E] ne ressort pas de ce texte.
En outre, l’offre de relogement n’a pas pour but de permettre la reconstitution d’un patrimoine équivalent, mais d’assurer un lieu de vie à l’exproprié, c’est pourquoi la Cour de Cassation précise que le droit au relogement répare partiellement le préjudice subi du fait de l’expropriation.
Par ailleurs, le fait que l’exproprié ne soit pas replacé immédiatement dans la même situation d’occupation antérieure passant du statut de propriétaire à locataire, est sans emport sur la nature de la réparation étant à nouveau rappelé que le relogement du propriétaire-occupant ne répare que partiellement le préjudice subi du fait de l’expropriation. À cet égard, une fois, l’indemnité de dépossession fixée et payée, il sera loisible à l’expropriés de repasser du statut de locataire à celui de propriétaire-occupant en acquérant un nouveau bien.
De plus, le fait que l’obligation légale qui pèse sur l’expropriant lui impose d’effectuer deux offres soumises à l’acceptation de l’exproprié, est également sans conséquence sur la nature de la réparation étant rappelé que dans l’hypothèse où finalement l’exproprié n’accepterait aucune des offres de relogement l’abattement pour relogement ne s’appliquera pas.
De même, le fait que le relogement du copropriétaire-occupant ne soit pas semblable à celui d’un locataire évincé est aussi sans emport sur la nature de la réparation puiqu’ainsi que l’indique la Cour de Cassation dans son avis du 16 novembre 2023, “le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié et sa situation n'est pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire”.
Enfin, il n’est pas incompatible que le droit au relogement constitue une réparation en nature d’une partie du préjudice subi par l’exproprié tout en disposant d’une valeur constitutionnelle.
Ainsi, conformément à l’avis de la Cour de Cassation du 16 novembre 2023, le droit au relogement du copropriétaire-occupant est une réparation en nature d’une partie du préjudice subi du fait de l’expropriation.
- sur le calcul de l’abattement pour relogement
L’EPFIF, estime que l’abattement pour relogement doit être évalué à 15 % du montant de l’indemnité principale.
Monsieur [E] considère que cet abattement doit être forfaitement évalué à la somme de 1000 €.
Il a été précédemment établi que la valeur vénale de l’appartement de Monsieur [E] est évaluée à la somme de 46.200 € tenant compte notamment du bon état d’entretien du bien.
En l’espèce, calculer l’abattement pour relogement en pourcentage de la valeur vénale du bien exproprié, est contraire à l’avis de la Cour de Cassation du 16 novembre 2023 selon lequel l’occupation de leur bien par les propriétaires expropriés ne constitue pas une moins value sur la valeur vénale du bien, mais la réparation en nature d’une partie du préjudice subi, à savoir non pas la perte patrimoniale, mais la privation du lieu de résidence.
Calculer l’abattement pour relogment en pourcentage de la valeur vénale du bien revient à continuer d’appliquer un abattement pour occupation alors que la Cour de Cassation l’a expressément exclut en expliquant que “(...) le relogement du propriétaire-occupant ne constitue pas une moins-value affectant la valeur vénale du bien exproprié, dans la mesure où sur le marché libre, le bien occupé par son propriétaire ne subit pas de moins-value en raison de cette occupation, dès lors qu’il sera libéré à l’occasion du transfert de propriété. La situation de ce propriétaire n’est donc pas assimilable à celle du propriétaire dont le bien est occupé par un locataire.”.
Ainsi, conformément à l’avis de la Cour de Cassation du 16 novembre 2023, il y a lieu de déterminer l’abattement pour relogement en prenant comme base de calcul non la valeur vénale du bien, mais l’avantage procuré à l’exproprié, c’est-à-dire le fait d’être déchargé de l’aléa de la recherche d’un nouveau domicile et la possibilité de jouir d’un bien décent, aux normes, adapté à ses besoins personnels et familiaux ainsi qu’à ses moyens financiers et géographiqement à proximité de ses centres d’intérêt.
À cet égard, il y a lieu de souligner que l’avantage procuré à l’exproprié est d’autant plus important que sa famille est nombreuse et composée d’un ou plusieurs membres présentant des besoins particuliers, les logements de grandes surfaces à loyer modéré et adaptés aux personnes à mobilité réduite étant les plus difficiles à obtenir.
En l’occurence, ni l’EPFIF, ni Monsieur [E] n’ont fait parvenir d’élément quant à la composition de sa famille et à ses besoins de manière générale relativement à son logement, de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’un relogement dans un appartement de taille et de situation équivalente à celui dont il est privé est de nature à répondre à ses besoins.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’avantage procuré à Monsieur [E] en cas d’acceptation d’une offre de relogement par l’EPFIF, peut être évalué à la somme de 2000 € soit l’équivalent de deux mois de loyer pour un appartement similaire à celui dont il est privé, étant précisé qu’il est généralement sollicité deux mois de loyers à titre de dépôt de garantie.
Aux termes de son avis du 16 novembre 2023, la Cour de Cassation a également expressément exclut que l’abattement pour relogement constitue une créance de l’exproprié sur l’expropriant, ce qui fait obstacle à tout mécanisme de compensation.
En conséquence, l’indemnité principale de dépossession est évaluée :
- dans l’hypothèse où Monsieur [E] renoncerait à son droit au relogement, à la somme de 46.200 € en valeur libre ;
- dans l’hypothèse où Monsieur [E] accepterait l’une des offre de relogement de l’expropriant, à la somme de 44.200 € (46.200 € - 2000 €) en valeur libre.
Sur l’indemnité de remploi
Aux termes de l'article R.322-5 du code de l'expropriation, l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l’indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l’indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l’acquisition de biens de remplacement.
En l’espèce, ils ont pour base le montant de l’indemnité principale, à savoir :
- dans l’hypothèse où Monsieur [E] renoncerait à son droit au relogement, la somme de 48.440 €.
et ils sont liquidés comme suit :
20% sur 5.000 € = 1.000 €
15% sur 10.000 € = 1.500 €
10% sur 33.440 € = 3.344 €
Total : 5.844 €
- dans l’hypothèse où Monsieur [E] accepterait l’une des offres de relogement de l’EPFIF, la somme de 46.440 €.
et ils sont liquidés comme suit :
20% sur 5.000 € = 1.000 €
15% sur 10.000 € = 1.500 €
10% sur 31.440 € = 3.144 €
Total : 5.644 €
Sur les frais de déménagement
Monsieur [E] sollicite de ce chef la somme de 2000 €, sans produire de justificatifs.
L’EPFIF sollicite le rejet de cette demande au motif que Monsieur [E] ne produit aucun devis au soutien de leur demande. Il offre, en cas de relogement de la partie expropriée, de prendre en charge leur déménagement dans le cadre du marché public qu’il a conclu pour le déménagement des personnes qu’il était chargé de reloger.
En l’espèce, Monsieur [E] va nécessairement devoir vider son appartement en raison de l'expropriation dont il fait l'objet, qu’il renonce à son droit à relogement ou qu’il accepte l’une des offres de relogement de l’EPFIF, de sorte qu’une indemnité de déménagement est due.
En l’absence de devis et compte tenu de ce que le procès-verbal de transport sur les lieux fait état d’un encombrement important de l’appartement, il convient de fixer l’indemnité pour frais de déménagement à la somme de 3.500 €.
Sur l’indemnité totale de dépossession
L’indemnité totale de dépossession foncière, est fixée :
- dans l’hypothèse où Monsieur [E] renoncerait à son droit au relogement, à la somme de 57.784 €, se décomposant comme suit :
- 48.440 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 5.844 €, au titre de l’indemnité de remploi ;
- 3.500 €, au titre des frais de déménagement.
- dans l’hypothèse où Monsieur [E] accepterait l’une des offres de relogement de l’EPFIF, à la somme de 55.584 € se décomposant comme suit :
- 46.440 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 5.644 €, au titre de l’indemnité de remploi ;
- 3.500 €, au titre des frais de déménagement.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
Conformément aux dispositions de l’article L 312-1 du code de l’expropriation, l’EPFIF sera condamnée aux dépens.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.
En l'espèce, l’équité commande de condamner l’EPFIF, partie tenue aux dépens, à verser à Monsieur [E] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 14 novembre 2023 ;
- les termes de comparaison produits par l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France (tableaux 1, 2, 3, 4, 5 et 6) ;
- les termes de comparaison versés par le commissaire du Gouvernement (tableaux 7, 8, 9, 10, 11 et 12) ;
Dans l’hypothèse où Monsieur [V] [E] renoncerait à son droit à relogement :
FIXE l’indemnité due par l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France à Monsieur [V] [E] au titre de la dépossession des lots n°843 (appartement), 1014 (cave) et 2340 (emplacement de stationnement) du bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23] [Adresse 5] à la somme 57.784 € (cinquante-sept mille sept-cent-quatre-vingt-quatre euros), en valeur libre, se décomposant comme suit :
- 48.440 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 5.844 €, au titre de l’indemnité de remploi ;
- 3.500 €, au titre des frais de déménagement ;
Dans l’hypothèse Monsieur [V] [E] accepterait l’une des offre de relogement de l’EPFIF :
FIXE l’indemnité due par l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France à Monsieur [V] [E] au titre de la dépossession des lots n°843 (appartement), 1014 (cave) et 2340 (emplacement de stationnement) du bâtiment 4 de la copropriété du [Localité 23] [Adresse 5] à la somme de 55.584 € (cinquante-cinq mille cinq cent quatre-vingt-quatre euros), en valeur libre, se décomposant comme suit :
- 46.440 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 5.644 €, au titre de l’indemnité de remploi ;
- 3.500 €, au titre des frais de déménagement ;
En toute hypothèse :
CONDAMNE l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France aux dépens ;
CONDAMNE l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France à payer à Monsieur [V] [E] la somme de 3000 € (trois mille euros) en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Maxime-Aurélien JOURDE
Greffier
Charlotte THIBAUD
Vice-Présidente