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12/06/2024 | FRANCE | N°21/12437

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 21, 12 juin 2024, 21/12437


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUIN 2024



Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 21/12437 - N° Portalis DB3S-W-B7F-V4CL
N° de MINUTE : 24/00313



S.A. ALLIANZ IARD (victime : [G] [I]) - prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]/FRANC
représentée par Maître Julie VERDON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0577

DEMANDEUR

C/

ONIAM
Tour ALTAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier SAUMON

, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0082

DÉFENDEUR


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, statuant en qualité...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 12 JUIN 2024

Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 21/12437 - N° Portalis DB3S-W-B7F-V4CL
N° de MINUTE : 24/00313

S.A. ALLIANZ IARD (victime : [G] [I]) - prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]/FRANC
représentée par Maître Julie VERDON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0577

DEMANDEUR

C/

ONIAM
Tour ALTAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier SAUMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0082

DÉFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier.

DÉBATS

Audience publique du 10 Avril 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur Maximin SANSON, Vice-Président, assisté de Monsieur Maxime-Aurelien JOURDE, greffier.

****************

Monsieur [I] [G], porteur d’une hémophilie de type A, a reçu des produits sanguins dans les suites d’une intervention pour hémopéritoine consécutif à une hémorragie intra vésiculaire réalisée le 28 avril 1985 au sein du CHU de [Localité 5].
Le 14 décembre 2004, il a découvert sa contamination par le virus de l’hépatite C (ci-après VHC).
Imputant sa contamination par le VHC aux transfusions, Monsieur [I] [G] a saisi l’Office National d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM, ci-après) d’une demande d’indemnisation de ses préjudices dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 1221-14 du code de la santé publique.
L’enquête transfusionnelle diligentée par l’Etablissement français du sang (ci-après EFS) a permis d’établir que Monsieur [I] [G] avait reçu des cryoprécipités entre le 26 avril et le 11 mai 1985 provenant du CTS de [Localité 5], sans toutefois identifier les donneurs à l’origine de ces produits, de sorte que leur innocuité n’a pas pu être démontrée.
Par une décision amiable du 4 juillet 2018, l’ONIAM a reconnu l’origine transfusionnelle de la contamination par le VHC de Monsieur [I] [G] et l’a indemnisé par la somme de 13.483 euros aux termes d’un protocole d’indemnisation transactionnelle régularisé le 6 juillet 2018.
Le 20 septembre 2018, l’ONIAM a émis à l’encontre de la société ALLIANZ IARD, pris en sa qualité d’assureur du CTS de [Localité 5], un ordre à recouvrer valant titre exécutoire n°2018-1586 d’un montant de 13.483 euros.
Par requête introductive d’instance du 23 avril 2019, la société ALLIANZ IARD a saisi le tribunal administratif de Montreuil d’une demande d’annulation du titre exécutoire n°2018-1586.
Par ordonnance de renvoi en date du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a transmis la requête de l’assureur au tribunal administratif de Caen, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative.
Par un jugement en date du 29 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen s’est déclaré incompétent au profit de l’ordre judiciaire.
Par assignation en date du 15 décembre 2021, la société ALLIANZ IARD a fait assigner l’ONIAM devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’annulation du titre exécutoire n°2018-1586.
Par conclusions notifiées par RPVA le 28 mars 2023, la société ALLIANZ IARD sollicite du tribunal de :

A titre principal,
- DECLARER l’ONIAM irrecevable à émettre le titre exécutoire n°1586 d’un montant de 13.483 euros à son encontre,
Par conséquent,
- ANNULER le titre exécutoire n°1586 d’un montant de 13.483 euros émis par l’ONIAM à son encontre,
- ORDONNER la décharge de la somme de 13.483 euros à son profit,
- DECLARER l’ONIAM irrecevable en ses demandes de condamnation formées à son encontre ou, à tout le moins, les JUGER mal fondées,
- DEBOUTER l’ONIAM de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre,
A titre subsidiaire,
- JUGER que le titre exécutoire n°1586 d’un montant de 13.483 euros émis par l’ONIAM est entaché d’irrégularités de forme et de fond,
- JUGER que l’ONIAM ne démontre pas l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible à son égard,
- JUGER que l’ONIAM ne démontre pas la responsabilité d’un de ses assurés dans la survenue de la contamination de Monsieur [I] [G] par le VHC,
- JUGER que l’ONIAM ne démontre pas le bienfondé et le quantum de la créance alléguée,
Par conséquent,
- ANNULER le titre exécutoire n°1586 d’un montant de 13.483 euros émis par l’ONIAM à son encontre,
- ORDONNER la décharge à son profit de la somme de 13.483 euros,
- DECLARER l’ONIAM irrecevable en ses demandes de condamnation formées à son encontre ou, à tout le moins, les JUGER mal fondées,
- DEBOUTER l’ONIAM de l’ensemble de ses demandes formées à son encontre,
En tout hypothèse,
- RATTACHER le sinistre à une année précise d’assurance,
- DEBOUTER l’ONIAM de toute demande excédant le solde disponible du plafond de garantie pour l’année considérée,
- DEBOUTER l’ONIAM de sa demande reconventionnelle formée au titre des intérêts au taux légal ou, à défaut, FIXER le point de départ des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
- CONDAMNER l’ONIAM à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître Julie VERDON.
Au soutien de ses prétentions, la société ALLIANZ IARD fait tout d’abord valoir que l’émission d’un titre exécutoire par l’ONIAM suppose, aux termes de l’article L 1221-14 alinéa 7 du code de la santé publique, que l’ONIAM démontre préalablement qu’il a bien indemnisé la victime de la transfusion sanguine. Or, en ne fournissant aucune preuve du paiement réalisé et en se contentant de produire le protocole d’indemnisation transactionnelle ainsi qu’une attestation de paiement, l’ONIAM ne fait que se constituer à lui-même une preuve, le paiement initial n’étant donc pas prouvé et l’ordre à recouvrer devant donc être annulé.
La concluante expose que ses prétentions et ses moyens doivent être examinés dans l'ordre choisi par elle et non, comme le propose l'ONIAM, dans l'ordre retenu par le Conseil d’Etat.
La société ALLIANZ IARD fait valoir que le titre exécutoire ne mentionne pas précisément l'identité de l'émetteur du titre et ne comporte pas de signature. Elle reproche encore à l’ONIAM d’avoir omis d'indiquer les bases de liquidation de la créance réclamée. Elle ajoute que le fait d’avoir annexé au titre litigieux le protocole transactionnel conclu avec Monsieur [I] [G] ne permet pas de remplir cette obligation. Elle précise que la liquidation du préjudice se fonde sur l’état de santé de la victime constaté médicalement, alors qu’aucune pièce médicale, ni rapport d’expertise n’ont été communiqués.
Elle reproche également à l’ONIAM de ne pas établir le bien-fondé son titre, l’ONIAM ne démontrant pas la responsabilité du CTS de [Localité 5] dans la survenue de la contamination de Monsieur [I] [G] par le VHC puisqu’il n’est pas prouvé que sa contamination a eu une origine transfusionnelle, de même qu’il n’est ni démontré que le CTS de [Localité 5] lui aurait fourni des produits sanguins, ni démontré que la contamination serait survenue au temps d’un contrat d’assurance souscrit auprès de la demanderesse.
La société ALLIANZ IARD reproche encore à l’ONIAM de ne produire aucune pièce qui permettrait d’apprécier l’étendue des préjudices subis par Monsieur [I] [G].
A titre plus subsidiaire, elle fait observer que le litige dont est saisi le tribunal doit être rattaché à une année précise d’assurance et qu'elle ne saurait être tenue au-delà des limites de ses engagements contractuels, faisant valoir un plafond de garantie fixé à 457.347, 05 euros.

Enfin, la société ALLIANZ IARD sollicite que le point de départ des intérêts se situe à la date du jugement à intervenir, en vertu des dispositions de l’article 1231-7 du code civil.
Par conclusions notifiées par RPVA le 12 juin 2023, l’ONIAM sollicite du tribunal de :
A titre principal :
- DIRE ET JUGER qu’il est compétent pour émettre des titres exécutoires suite à l’indemnisation d’une victime de contamination par le VHC d’origine transfusionnelle sur le fondement de l’article 67 IV de la loi du 17 décembre 2008 et de l’article L. 1221-14 du code de la santé publique ;
- DIRE ET JUGER que la créance, objet du titre n°2018-1586 est bien fondée ;
- DIRE ET JUGER que le titre n°2018-1586 qu’il a émis est régulier en la forme ;
En conséquence :
- DEBOUTER la société ALLIANZ IARD de l’ensemble de ses demandes et notamment celle en annulation du titre n°2018-1586 ;
A titre subsidiaire :
- DIRE ET JUGER qu’il est parfaitement fondé à solliciter la somme de 13.483 euros en remboursement des sommes versées à la suite de la contamination de Monsieur [I] [G] par le VHC ;
En conséquence :
- CONDAMNER à titre reconventionnel la société ALLIANZ IARD à lui régler la somme de 13.483 euros en remboursement des sommes versées à la suite de la contamination de Monsieur [I] [G] par le VHC ;

En toute hypothèse :
- CONDAMNER à titre reconventionnel la société ALLIANZ IARD aux intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2020. Ces intérêts seront capitalisés le 23 avril 2019 ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;
- CONDAMNER la société ALLIANZ IARD à lui régler la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, et à titre liminaire, l'ONIAM fait valoir qu'il est compétent pour émettre des titres exécutoires, ainsi que l'a rappelé le Conseil d’État dans un avis du 9 mai 2019, la haute instance administrative précisant que, en cas de contestation formelle d'un titre, le juge doit d'abord procéder à l'examen prioritaire du bien-fondé de la créance.

S’agissant des moyens d’illégalité interne soulevés, l’ONIAM rappelle le contexte de la loi du 17 décembre 2008 qui lui a confié l’indemnisation des préjudices résultant des contaminations par le VHC, loi qui a créé une présomption au profit de la victime de l’origine transfusionnelle de la contamination, la jurisprudence ayant ajouté que, lorsque la victime ne peut pas justifier de l’origine de l’ensemble des produits sanguins mais qu’elle peut démontrer qu’une partie de ces produits a été fournie par un CTS identifié, il appartient alors à ce dernier de démontrer qu’il n’était pas à l’origine de la contamination. L’ONIAM rappelle également que la loi du 17 décembre 2012 a prévu que la transaction intervenue entre l’ONIAM et une victime d’une transfusion est opposable à l’assureur de la structure reprise par l’établissement français du sang, l’objectif de cette dernière réforme étant de contraindre l’assureur du CTS à garantir l’ONIAM des sommes versées par lui, l’assureur ne pouvant échapper à cette obligation qu’en rapportant la preuve de l’absence de responsabilité de son assuré. L’ONIAM fait également valoir que la Cour de cassation a rendu un arrêt de principe le 20 septembre 2017 dans lequel elle décide que la garantie des assureurs est due à l’ONIAM lorsque l’origine transfusionnelle d’une contamination est admise, que l’établissement de transfusion sanguine qu’ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n’était pas contaminé n’a pu être rapportée. Enfin, l’ONIAM expose que l’article L 1221-14 du code de la santé publique a été réformé par une loi du 14 décembre 2020, qui a posé que les assureurs des établissements ayant fourni des produits sanguins susceptibles d’être à l’origine de contaminations par le VHC étaient solidairement tenus de garantir l’ONIAM et les tiers payeurs. En conclusion, l’ONIAM expose que la garantie de l’assureur d’un CTS est due à la triple condition que l’origine transfusionnelle de la contamination soit admise, que la preuve de l’indemnisation préalable de la victime par l’ONIAM soit établie et enfin, que la preuve soit rapportée qu’un CTS est fournisseur d’au moins un produit administré à la victime et que ce CTS ne soit pas en mesure de rapporter la preuve que son produit n’était pas contaminé.

Il soutient en l’espèce que la preuve de l’origine transfusionnelle de la contamination par le VHC de Monsieur [I] [G] est rapportée, puisque l’enquête de l’EFS précise que des cryoprécipités lui ont été administrés au décours de sa prise en charge en chirurgie digestive soit entre le 26 avril et le 11 mai 1985. Il rappelle que cette même enquête n’a pas permis de démontrer l’innocuité des produits sanguins. L’ONIAM affirme par ailleurs que Monsieur [I] [G] ne présentait pas d’autres facteurs de risque de contamination au moment de ses transfusions. S'agissant de l'absence d'expertise médicale, l'ONIAM rappelle que cet acte n'est pas obligatoire, la seule exigence du texte étant de démontrer que la probabilité d'une origine transfusionnelle est plus élevée que d'autres causes possibles de contamination, et fait observer que l’absence de rapport d’expertise ne peut permettre à la société ALLIANZ IARD de se soustraire à ses obligations assurantielles.

L'ONIAM démontre également avoir indemnisé Monsieur [I] [G] par la fourniture de l'attestation de son paiement établie par son comptable public.

Enfin, en ce qui concerne l'imputabilité de la fourniture des produits suspects à Monsieur [I] [G], l'ONIAM expose que cette preuve est rapportée par le moyen de l'enquête transfusionnelle de l'EFS qui établit que l'ensemble des produits lui ayant été administrés ont été fournis par le CTS de [Localité 5], lequel était bien assuré par la société PFA, dont les droits et obligations ont été repris par la société ALLIANZ IARD, au titre de la police d’assurance n°9011 B 3781294.

L’office soutient que la société ALLIANZ IARD n’apporte aucun élément permettant de conclure que son plafond de garantie serait atteint.

S'agissant des bases de liquidation de la créance, il expose que le titre émis était bien accompagné de la décision qu’il a rendue en faveur d’une contamination transfusionnelle par le VHC ainsi que du protocole d'accord transactionnel d’un montant de 13.483 euros correspondant à l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent et des souffrances endurées.

S'agissant de la signature du titre attaqué, l'ONIAM expose que l’absence de signature sur l’avis de sommes à payer n'est pas une condition essentielle de sa validité conformément aux dispositions de l’article L 212-1 du code des relations entre le public et l’administration. Il fait valoir que bien qu’il ne revête aucune signature, l’avis de sommes à payer comporte le prénom, le nom ainsi que la qualité de son ordonnateur, en la personne de Monsieur [B] [D], directeur de l’ONIAM. Il ajoute que ces mêmes informations sont portées sur le titre litigieux et que la signature qui y est apposée l’est dans le cadre d’une délégation de signature et non de compétence.

A titre subsidiaire, et dans un souci de bonne administration de la justice, l'ONIAM demande au tribunal de condamner la demanderesse à lui payer le total de son titre exécutoire si celui-ci venait à être annulé pour cause d'irrégularité formelle sans que la décharge du titre exécutoire ne soit prononcée.

Enfin, l'ONIAM fait savoir qu'il convient de faire remonter les intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2019, date de l’assignation par la société ALLIANZ IARD, avec anatocisme judiciaire.

Par courrier en date du 25 octobre 2023, la Caisse de la Mutualité Sociale Agricole des Côtes Normandes a indiqué ne pas entendre intervenir à la présente instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 10 avril 2024.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 12 juin 2024, les parties étant avisées de la mise à disposition au greffe de la décision.

DISCUSSION

Sur la question de l'ordre d'examen des moyens de la société ALLIANZ IARD

La société ALLIANZ IARD présente ses demandes dans l'ordre suivant : une question relative à la recevabilité, des moyens relatifs aux irrégularités de forme du titre émis et des moyens relatifs à son bien-fondé.

La contestation judiciaire d'actes émis par des personnes publiques a souvent pour conséquence d'hybrider les matières civile et administrative, avec une forme de porosité entre les catégories et les raisonnements propres à chaque ordre juridictionnel. La question qui se pose consiste à savoir s'il faut examiner les questions dans l'ordre choisi par la demanderesse ou s'il faut suivre l'ordre inverse, comme le font les juridictions administratives et comme le propose le défendeur.

Conformément aux articles 4 et 5 du code de procédure civile, il convient de respecter l'ordre choisi par la demanderesse pour examiner ses prétentions et ses moyens. Si les juridictions administratives ont leurs propres méthodes qui visent une forme d'économie de moyens, les juridictions judiciaires civiles accordent plus d'importance au fait que le procès est avant tout la chose des parties et qu'il n'appartient donc pas au juge de favoriser l'effet utile de la décision administrative litigieuse en bouleversant l'ordre des prétentions et des moyens, choisi par la demanderesse.

En conséquence, le tribunal examinera les demandes dans l'ordre choisi par la société ALLIANZ IARD.

Sur la question de la preuve de l’indemnisation préalable de la victime par l’ONIAM
L’article L1221-14 alinéa 7 du code de la santé publique énonce que, « lorsque l’office a indemnisé une victime ou lorsque les tiers payeurs ont pris en charge des prestations mentionnées aux 1 à 3 de l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, ils peuvent directement demander à être garantis des sommes qu’ils ont versées ou des prestations prises en charge par les assureurs des structures reprises par l’Établissement français du sang en vertu du B de l’article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l’homme, de l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l’article 14 de l’ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute ».
La société ALLIANZ IARD reproche à l’ONIAM de ne pas démontrer avoir procédé au règlement des sommes dont le recouvrement est recherché.
Pour démontrer qu’il a respecté cette exigence d’un paiement préalable, l’ONIAM verse aux débats deux attestations de paiement établies le 8 octobre 2020 et qui concernent le paiement de la somme de 7.647 euros et de la somme de 5.836 euros, pour un total de 13.483 euros correspondant au montant du titre litigieux. Ces attestations émanent de l’Agent comptable de l’ONIAM, lequel certifie avoir procédé aux paiements (pièce en défense n° 5).
Si la société ALLIANZ IARD dénie toute crédibilité à ces attestations au motif que l’ONIAM se constituerait ainsi à soi-même des preuves, le tribunal ne retient pas cette objection en ce qu’elle ignore les spécificités de la comptabilité publique, laquelle sépare strictement les fonctions d’ordonnateur et de comptable, ce dernier n’étant pas placé dans la dépendance du premier et étant personnellement et indéfiniment responsable de la sincérité des opérations de paiement auxquelles il procède. Cette séparation fait qu’il est inexact de prétendre que l’ONIAM, pris en sa qualité d’ordonnateur, se serait constitué à soi-même une preuve puisque c’est le comptable public qui a constitué cette preuve.
Au total, le tribunal juge que l’ONIAM démontre bien avoir indemnisé Monsieur [I] [G] à hauteur de 13.483 euros.
En conséquence, la société ALLIANZ IARD sera déboutée de sa demande fondée sur l’absence de preuve de l’indemnisation préalable de Monsieur [I] [G].
Sur la question des irrégularités de forme du titre émis
i. Sur la question de la signature du titre émis
L’article L.212-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.
Il est admis qu’un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer en l’espèce une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.
Il est également constant qu’en matière de titres exécutoires visant au recouvrement des créances des établissements publics administratifs, le titre de recette individuel ou l’extrait du titre de recettes collectif doit mentionner les nom, prénoms et qualité de l’auteur de la décision, et que l’autorité administrative doit pouvoir justifier, en cas de contestation, du fait que le bordereau du titre de recettes comporte la signature de cet auteur.
En l’espèce, la société ALLIANZ IARD expose qu’aucune signature ne figure sur l’avis de sommes à payer fourni en pièce en demande n° 1, outre qu’il n’est pas indiqué qui serait l’auteur du titre exécutoire émis, seuls les noms de l’ordonnateur et du comptable public étant indiqués.
Quant à l'ONIAM, il ne conteste pas que l'avis de sommes à payer reçu par la société ALLIANZ IARD n'a pas été signé, mais qu’il mentionne de manière exacte le nom de l’auteur de l’acte en faisant figurer le nom de Monsieur [B] [D], et qu’il respecte ainsi les formes imposées par l’article L.211-1 du code des relations entre le public et l’administration. L’office ajoute que ce même nom de l’auteur de l’acte est porté sur le titre litigieux et que la signature qui y est apposée l’est dans le cadre d’une délégation de signature et non de compétence.

Le tribunal observe cependant que ce titre exécutoire signé n’est pas versé aux débats. En l’espèce, la seule pièce communiquée est l’avis des sommes à payer valant titre exécutoire n°2018-1586 qui mentionne en qualité d’ordonnateur : « le Directeur de l’ONIAM Monsieur [B] [D] » et de comptable : « Madame [S] [V] ». Cet ampliatif n’est revêtu d’aucune signature.

Sur ce, le tribunal ne peut que regretter que l’ONIAM ne produise pas aux débats l’ordre à recouvrer signé qu’il vise aux termes de ses conclusions.
Par suite, les moyens tirés de l’absence de signature du titre, d’identification de son auteur et de l’absence de signature doivent être accueillis.
Dès lors, il y a lieu d'annuler le titre n°2018-1586 émis par l'ONIAM, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres irrégularités formelles éventuelles du titre litigieux.
En revanche, s'agissant de la demande de décharge émanant de la société ALLIANZ IARD, le tribunal ne peut l'examiner que plus tard dans la décision, lorsque sera examiné le bien-fondé du titre, eu égard à l'ordre de présentation retenu pour formuler les demandes.
Sur le bien-fondé du titre de paiement

L'article L1221-14 du code de la santé publique, dans sa version applicable aux litiges en cours au 1er juin 2010, énonce que les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4.
Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination, notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.
L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17.
La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante.
La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.
La transaction intervenue entre l'office et la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article est opposable à l'assureur, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction du procès éventuellement contenue dans les contrats d'assurance applicables, ou, le cas échéant, au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. L'office et l’Établissement français du sang peuvent en outre obtenir le remboursement des frais d'expertise. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit leur reste acquis.
L'action subrogatoire prévue à l'article L. 3122-4 ne peut être exercée par l'office si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré, sauf si la contamination trouve son origine dans une violation ou un manquement mentionnés à l'article L. 1223-5.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

Le tribunal rappelle que, afin de faciliter l’indemnisation des victimes souvent confrontées à une impossibilité d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre les produits sanguins qu’elles avaient pu recevoir et la contamination par le virus de l’hépatite C dont elles étaient atteintes, la Cour de cassation a affirmé, dès le 9 mai 2001, que lorsqu'une personne démontrait, d'une part, que la contamination virale dont elle était atteinte était survenue à la suite de transfusions sanguines, d'autre part, qu'elle ne présentait aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartenait au centre de transfusion sanguine dont la responsabilité était recherchée, de prouver que les produits sanguins qu'il avait fournis étaient exempts de tout vice. La Cour régulatrice a ainsi estimé qu’encourait une cassation l'arrêt qui rejetait la demande d'indemnisation des préjudices nés d'une contamination par le virus de l'hépatite C au motif que la preuve n'est pas rapportée que les produits administrés à la victime pendant la période probable de contamination provenaient exclusivement du centre de transfusion sanguine dont la responsabilité était recherchée, alors que les juges d'appel constataient que la contamination était d'origine transfusionnelle, et que, durant la période présumée de contamination, certains des produits sanguins administrés à la victime, à l'encontre de laquelle il n'était pas allégué qu'elle présentât des modes de contamination qui lui fussent propres, avaient été fournis par ce centre de sorte qu'il appartenait à ce dernier de rapporter la preuve de leur innocuité.

Le tribunal rappelle également que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a instauré un dispositif d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections médicaux fondé sur la solidarité nationale. Les contaminations par le virus de l’hépatite C survenues antérieurement à la date d’entrée en vigueur de cette disposition ont été exclues de ce dispositif mais le législateur a créé un régime de preuve spécifique. L’article 102 énonce ainsi : “en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable”.

La Cour de cassation a ainsi prononcé au visa de l’article 102 plusieurs annulations d’arrêts rendus avant la loi du 4 mars 2002 et frappés de pourvoi à cette date. Elle a notamment relevé que devaient être annulés par application de l’article 102, rendu applicable aux instances n’ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, les arrêts qui, pour débouter des personnes contaminées par le virus de l’hépatite C de leurs demandes d’indemnisation, retenaient qu’il appartenait à la personne de rapporter la preuve de l’imputabilité de sa contamination avec la transfusion subie.

Dans le cas d'espèce, l'ONIAM s'appuie sur les pièces suivantes :
Le certificat médical établi par le Docteur [L] le 10 mai 1985 (pièce n° 3 en demande) ;Le dossier médical de Monsieur [I] [G] (pièce n°4 en défense) ;L’enquête transfusionnelle diligentée par l’EFS (pièce n°2 en demande). A l'opposé, la société ALLIANZ IARD adresse à l'ONIAM plusieurs griefs.

Le premier de ces griefs tient à l'absence de preuve de la matérialité des transfusions alléguées par l'ONIAM au motif que le certificat médical établi par le Docteur [L] ne précise pas si Monsieur [I] [G] a effectivement bénéficié de transfusions sanguines, que le carnet d’hémophile est vierge de toute indication quant à l’existence de transfusions et que l’enquête diligentée par l’EFS concluant à la transfusion de cryoprécipités en 1985 n’est corroborée par aucune pièce médicale. Au surplus, et dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait la preuve de la matérialité des transfusions reçues en 1985, la demanderesse fait valoir que la simple démonstration de la matérialité de ces transfusions ne permettrait pas de se prononcer sur la probabilité de ce mode de contamination possible par rapport à d'autres facteurs de risque.

Bien que le tribunal ne puisse que regretter l’absence d’expertise médicale, le recours à une expertise médicale ne revêt pas de caractère obligatoire. Comme le fait justement valoir l’ONIAM, la preuve de ce que la victime a reçu des produits sanguins et présente une contamination peut être rapportée par tout moyen, y compris par des présomptions, préalablement à l’application de la présomption d’imputabilité posée par l’article 102. En outre, la matière de la contamination par le VHC est essentiellement une affaire de probabilités puisque de nombreuses contaminations ont eu lieu à un moment où le VHC n'était pas connu du corps médical et n'était donc pas dépisté, les archives étant donc parcellaires tant en raison de cette ignorance première qu'en raison de l'écoulement du temps entre ces transfusions en grand nombre, la découverte du VHC et la découverte, souvent fortuite, de leur contamination par le VHC par de nombreuses personnes.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [I] [G] a bien reçu, à l’occasion de son hospitalisation en chirurgie digestive entre le 26 avril 1985 et le 11 mai 1985, des cryoprécipités le 28 avril 1985. La matérialité de ces transfusions est confirmée par l’enquête transfusionnelle de l’EFS en date du 8 avril 2016 qui indique que : « des cryoprécipités ont été administrés entre le 26 avril et le 11 mai 1985 » ainsi que par le dossier médical de Monsieur [I] [G], lequel contient un certificat du Docteur [T] [U] en date du 2 janvier 2016 qui mentionne qu’au cours de son hospitalisation, Monsieur [I] [G] a reçu : « à plusieurs reprises et notamment lors de ces interventions des facteurs de la coagulation et des transfusions sanguines en raison d’une hémophilie A avec un facteur VIII compris entre 8 et 15% ».

De plus, il est établi que les produits administrés provenaient du CTS de [Localité 5], l’enquête concluant que : « des cryoprécipités ont été administrés entre le 26 avril et le 11 mai 1985. Ces cryoprécipités ont été fournis par le Centre de Transfusion Sanguine de [Localité 5] ».
S’agissant de l’origine transfusionnelle de la contamination, il est établi que la contamination de Monsieur [I] [G] par le VHC a été découverte en 2004 lors d’un bilan avant transfusion de facteurs de coagulation pour un hématome (pièce en défense n°4). Si la société ALLIANZ IARD souligne d’autres causes potentielles de contamination, elle n’en établit pas pour autant l’innocuité des produits transfusés et ne fait pas non plus état d’éléments propres aux modalités d’intervention des soins permettant d’établir une telle contamination par le VHC.
Au demeurant, le dossier médical de Monsieur [G] permet d’écarter d’autres facteurs de risques telle que sa consommation de tabac et d’alcool. A cet égard, son dossier médical a permis de relevé chez celui-ci : « un surpoids avec un IMC à 28,7 kg/m2 », l’absence « de diabète, ni de dyslipidémie » (document n°4 en défense).

Dans le cadre de la présente instance, il revient à la société ALLIANZ IARD de démontrer, conformément aux dispositions de l’article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de B, que cette transfusion n’est pas à l’origine de la contamination.

Force est de constater que la société ALLIANZ IARD ne rapporte pas cette preuve.

En conséquence, le tribunal retient que l'ONIAM démontre que l'origine transfusionnelle de la contamination de Monsieur [I] [G] est la plus probable et permet de faire jouer le mécanisme probatoire aménagé prévu par la loi du 4 mars 2002.

Par ailleurs, il est justifié que le CTS de [Localité 5] était assuré par la société PFA, dont les droits et obligations ont été repris par la société ALLIANZ IARD au titre du numéro de police n°9011 B 3781294, ce qu’au demeurant ne conteste pas l’assureur en demande.

Dès lors, il convient de débouter la société ALLIANZ IARD de ses demandes faites au titre de l'absence de bien-fondé du titre n°2018-1586.
Enfin, le tribunal constate que la société ALLIANZ IARD ne conteste pas avoir été l'assureur du CTS de Caen pour les transfusions réalisées en 1985, ni que son plafond de garantie serait atteint, de sorte que c'est bien à elle de répondre des conséquences dommageables de la contamination de Monsieur [I] [G].
Sur la demande faite à titre reconventionnel par l'ONIAM

L'article L1142-15 énonce que, en cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur.
Dans ce cas, les dispositions de l'article L. 1142-14, relatives notamment à l'offre d'indemnisation et au paiement des indemnités, s'appliquent à l'office, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.
L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur.
Sauf dans le cas où le délai de validité de la couverture d'assurance garantie par les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 251-2 du code des assurances est expiré, l'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise.
En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue.
Lorsque l'office transige avec la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article, cette transaction est opposable à l'assureur ou, le cas échéant, au responsable des dommages sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime lui reste acquis.

Si l'ONIAM n'est pas recevable à solliciter judiciairement la condamnation d'un assureur lorsque, préalablement à cette sollicitation, il a émis un titre exécutoire concernant la même créance, cette irrecevabilité ne s'oppose pas à ce qu'il sollicite, à titre subsidiaire, une demande reconventionnelle de condamnation de cet assureur, dans l'hypothèse où le titre serait annulé.

Or, le titre litigieux ayant été annulé pour un motif tiré de son irrégularité formelle, et la preuve du bien-fondé du titre ayant été par ailleurs rapportée, il y a lieu de condamner la société ALLIANZ IARD à payer à l'ONIAM la somme de 13.483 euros.

Sur les demandes accessoires

L'ONIAM sollicite « en toute hypothèse » de condamner la société ALLIANZ IARD à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme objet du titre exécutoire, soit la somme de 13.483 euros, et ce à compter du 23 avril 2019, date de la saisine par la société ALLIANZ IARD devant le tribunal administratif de Montreuil, avec application de l'anatocisme judiciaire.

L'article 1231-6 du code civil prévoit que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
 
L’article 1231-7 du même code indique dans son premier alinéa qu’en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
 
Il est admis que l’absence de liquidité de la créance, résultant notamment de la voir fixée par le juge, est indifférente à l’application de l’article 1231-6 du code civil en cas de créance exigible.
 
Il est constant que ne procède pas à une double indemnisation du préjudice la cour d'appel qui actualise l'indemnité due par l'assureur à la date du paiement effectif et condamne cet assureur au paiement des intérêts moratoires à compter de la demande en paiement, dès lors que l'actualisation compense la dépréciation monétaire entre le jour où la créance est évaluée et le jour du paiement, tandis que les intérêts moratoires indemnisent seulement le retard dans le paiement.
 
Il est habituellement retenu que l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil permet au juge de fixer le point de départ des intérêts à une date antérieure au prononcé du jugement, et spécialement à compter du jour de la demande en justice.
 
L'article 2733-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le prévoit.
 
Il est constant que les seules conditions de l’anatocisme sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu’il s’agisse d’intérêts dus pour une année entière.
 
En l'espèce, le titre litigieux ayant été annulé par le tribunal, il y a lieu de n’assortir le montant des condamnations de l’intérêt au taux légal qu’à compter de la présente décision.

Les conditions de l’anatocisme des intérêts ne sont pas encore réunies mais pourront l’être à l’issue du délai d’un an : il convient donc de le prévoir.
 
Par conséquent, il est ordonné que la somme de 13.483 euros afférente à l'indemnisation de Monsieur [I] [G] porte intérêts au taux légal à compter du présent jugement, avec capitalisation annuelle.

Il convient de condamner la société ALLIANZ IARD aux entiers dépens de la présente procédure.

Il convient également de condamner la société ALLIANZ IARD à payer à l'ONIAM la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

ANNULE le titre exécutoire n°2018-1586 émis par l'ONIAM ;

JUGE cependant que la créance dont le recouvrement était poursuivi par le moyen du titre exécutoire n°2018-1586 est bien-fondé ;

CONDAMNE à titre reconventionnel la société ALLIANZ IARD à verser à l’ONIAM la somme de 13.483 euros en remboursement des sommes versées à la suite de la contamination de Monsieur [I] [G] par le VHC ;

ORDONNE que la somme de 13.483 euros figurant sur le titre exécutoire n°2018-1586 émis par l’ONIAM et afférent à l’indemnisation de Monsieur [I] [G] porte intérêts au taux légal à compter du présent jugement, avec capitalisation annuelle ;
CONDAMNE la société ALLIANZ IARD aux entiers dépens de la présente procédure ;

CONDAMNE la société ALLIANZ IARD à verser à l’ONIAM la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Maxime-Aurélien JOURDEMaximin SANSON

GreffierVice-Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 21
Numéro d'arrêt : 21/12437
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;21.12437 ?
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