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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00132

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 3, 06 juin 2024, 23/00132


Décision du 06 Juin 2024
Minute n° 24/00140


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 06 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00132 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X3F3

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Maître Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avoca

ts au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Monsieur [U] [C]
[Adresse 2] [Localité 17]
représenté par Maître Jean Claude GUIBERE, avocat au barreau de ...

Décision du 06 Juin 2024
Minute n° 24/00140

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 06 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00132 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X3F3

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D’ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Maître Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Monsieur [U] [C]
[Adresse 2] [Localité 17]
représenté par Maître Jean Claude GUIBERE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Madame [R] [X] [E] épouse [C]
[Adresse 2] [Localité 17]
représentée par Maître Jean Claude GUIBERE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
INTERVENANT :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE D’EVALUATION DOMANIALE représentée par Messieurs [N] [J] et [O] [L], commissaires du gouvernement
[Adresse 9] [Localité 13]

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Rémy BLONDEL, Juge désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Cécile PUECH, Greffière présente lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :
Date de la visite des lieux : 21 novembre 2023
Dates de la première évocation et des débats : 01 février 2024; 14 mars 2024
Date de la mise à disposition : 06 Juin 2024

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [U] [C] et Madame [X] [R] [E] épouse [C], mariés sous le régime légal de la communauté, étaient propriétaires, notamment, du lot n°2414 correspondant à un emplacement de stationnement rattaché au bâtiment 4 de la copropriété du [Adresse 16], situé [Adresse 1] à [Localité 17], sur les parcelles cadastrées section AS n° [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] et AT n° [Cadastre 11] et [Cadastre 12].

Par décret n° 2015-99 du 28 janvier 2015, l’opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du [Adresse 14], comprenant les copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19], a été déclarée d’intérêt national et sa mise en oeuvre a été confiée à l’Etablissement public foncier d’Ile-de-France (EPFIF).

Aux termes d’un arrêté préfectoral n° 2019-2388 en date du 6 septembre 2019, l’acquisition des immeubles nécessaires à la réalisation du projet ZAC du “[Adresse 14]” sur la commune de [Localité 17] a été déclarée d’utilité publique au bénéfice de l’EPFIF.

Par un arrêté préfectoral n° 2023-0389, en date du 21 février 2023, les parcelles situées à l’intérieur de la DUP ont été déclarées cessibles au profit de l’EPFIF.

Une ordonnance d’expropriation, emportant transfert de propriété, a été rendue le 29 juin 2023 au profit de l’EPFIF, par le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny.

Par une requête reçue le 26 juin 2023 par le greffe, accompagnée du Mémoire valant offres, l’EPFIF a saisi la juridiction de l’expropriation du tribunal judiciaire de BOBIGNY aux fins de fixation de la valeur du bien des consorts [E]- [C].

Par une ordonnance rendue le 21 septembre 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport sur les lieux et l’audition des parties au 21 novembre 2023, ainsi que l’audience au 1er février 2024.

Dans ses dernières écritures intitulées Mémoire récapitulatif et en réplique reçues le 14 mars 2024 par le greffe de la juridiction, faisant suite à son Mémoire valant offres, l’EPFIF sollicite le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de BOBIGNY pour la fixation de la valeur du bien des consorts [E]- [C], de la manière suivante:

- A titre principal, un montant total d’indemnité de dépossession de 4.224 €, comme suit :
. Indemnité principale de 3.520 €
. Frais de remploi de 704 €
. Dépréciation du surplus : Néant

- A titre subsidiaire, un montant total d’indemnité de dépossession de 7.024 €, comme suit :
. Indemnité principale de 3.520 €
. Frais de remploi de 704 €
. Dépréciation du surplus : 2.800 €

Dans ses dernières écritures intitulées Mémoire reçues le 14 mars 2024 par le greffe, les consorts [E]-[C] demandent au juge de l’expropriation de :

- fixer l’indemnité à revenir aux consorts [E]-[C] pour dépossession du lot de copropriété n° 2414 d’un montant total de 15.224 €, décomposée de la manière suivante :
.Indemnité principale de 3.520 € ;
.Frais de remploi de 704 € ;
.Indemnité pour dépréciation du surplus : 11.000 €, correspondant à 10% de 110.000€

En outre, les consorts [E] - [C] sollicitent du juge de l’expropriation de :
- condamner l’EPFIF à verser aux consorts [E]-[C] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l’EPFIF aux dépens de l’instance.

Dans ses écritures intitulées Conclusion du commissaire du Gouvernement datées du 3 octobre 2023 produites avant transport, le commissaire du Gouvernement propose une indemnité de dépossession de 4.224 €, décomposée de la manière suivante :
- indemnité principale : 3.520 € ;
- indemnité de remploi : 704 €.

En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures transmises pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L'audience, initialement prévue le 1er février 2024, a été renvoyée au 14 mars 2024. A cette dernière date, les parties comparantes ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions du 1er alinéa de l’article R.311-20 du code de l’expropriation.

L'affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la demande de fixation de l’indemnité de dépossession

Aux termes des articles L.311-5 et L. 321-1 du code de l’expropriation, à défaut d’accord des parties sur le montant des indemnités, celles-ci sont fixées par le juge de l'expropriation et couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Selon l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

L’indemnité réparatrice allouée à l’exproprié doit lui permettre de se retrouver en même et semblable état et de se procurer un bien identique, similaire ou équivalent à celui dont il est dépossédé par l’opération d’expropriation, soit un bien présentant les mêmes caractéristiques (lieu, année de construction, composition, état d’entretien…) sous réserve, de fait, des biens disponibles sur le marché immobilier.

Plus précisément, le préjudice matériel subi du fait de l’opération d’expropriation est généralement équivalent à la valeur vénale du bien dont l’exproprié est privé. Celle-ci n’est pas nécessairement égale au coût de remplacement du bien, et ce principalement lorsque aucun bien similaire à celui dont l’exproprié est dépossédé n’est offert sur le marché immobilier local ou n’est susceptible d’être acquis par un particulier.

Sur les éléments préalables à la détermination des indemnités

Sur les dates à retenir

Le juge de l’expropriation doit déterminer les dates suivantes et les prendre en considération lors de l’évaluation de la valeur vénale du bien exproprié :

* Date pour apprécier la consistance des biens : selon les dispositions de l’article L.322-1 du code de l’expropriation, le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété. Lorsque l’ordonnance d’expropriation n’est pas intervenue au jour du jugement de première instance, la consistance des biens s’apprécie à la date du dit jugement. La consistance d’un bien correspond principalement aux éléments qui le composent et à ses caractéristiques (état d’entretien, de très mauvais à très bon ; situation d’occupation, libre ou occupé ; ...) ;

* Date de référence pour déterminer les règles d’urbanisme et l’usage effectif des biens : elle se situe, en principe, un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique, conformément à l’article L.322-2 du code de l’expropriation ; toutefois, aux termes des articles L.213-6 et L.213-4 du code de l’urbanisme, lorsqu'un bien est soumis au droit de préemption urbain et n’est pas situé dans une Zone d’aménagement différée (ZAD), cette date de référence se situe à la date à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant ou révisant le plan local d’urbanisme, et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ;

En application des articles L 213-6 et L 213-4 du code de l’urbanisme, l’acte qui se borne à modifier le périmètre d’une zone d’un PLU sans affecter ses caractéristiques ne peut être pris comme date de référence au sens des dispositions de l’article L 213-4 du code de l’urbanisme (3ème civ. 13 juin 2019 pourvoi n°18-18.445).

* Date pour apprécier la valeur des biens : selon le 1er alinéa de l’article L.322-2 du code de l’expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, soit à la date du jugement en fixation des indemnités.

En l’espèce, le lot n°2414 doit être évalué selon :

- sa consistance au 29 juin 2023, date de l’ordonnance d’expropriation ;

- les possibilités offertes par les règles d’urbanisme définies par le plan local d’urbanisme (PLU) approuvé le 10 juillet 2012 et modifié le 08 avril 2016.

Bien qu’une autre modification du PLU soit intervenue le 13 novembre 2018, celle-ci n’a pas modifié les caractéristiques de la zone où se situe l’ensemble immobilier, de sorte qu’elle ne peut être retenue comme date de référence.

En conséquence, la date de référence est celle de la dernière modification du PLU délimitant la zone dans laquelle est situé l'ensemble immobilier dont il s'agit, à savoir la modification numéro un du 8 avril 2016.

Les parcelles sont situées en zone UR1 du PLU, correspondant au renouvellement urbain du centre-ville ;

- les valeurs d’échange à la date du présent jugement.

Sur la consistance de l’ensemble immobilier et du bien de la partie expropriée

Sur les copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19]

La commune de [Localité 17] est constituée de plusieurs quartiers de grands ensembles édifiés dans les années 1960, selon un plan qui prévoyait une desserte par l’autoroute A 87. Cette voie expresse n’ayant pas été réalisée, la commune était enclavée, n’étant desservie ni par les voies routières majeures de la région parisienne ni par les lignes de RER et de métro. Les bus étaient les seuls transports en commun.

Depuis décembre 2019, une nouvelle branche de la ligne T 4 du tramway est en service. Elle relie [Localité 20] à [Localité 21] et dessert [Localité 17]. Elle offre une correspondance avec le RER E à [Localité 15]. La création d’une gare de la future ligne 16, métro express, par la SGP et le GPA est en cours de réalisation.

La copropriété du [Adresse 16] a été édifiée en 1966 et est composée de 10 bâtiments, soit 873 logements.

L’EPFIF et le commissaire du Gouvernement exposent les conclusions d’une étude concernant les copropriétés contiguës du [Adresse 16] et de [Adresse 19] réalisée par la commune de [Localité 17] en 2014. Celles-ci mettent en évidence un contexte social difficile en termes de niveau de vie (60 % des ménages ayant un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté et 85% des ménages ayant des revenus inférieurs au PLAI), de taux de chômage (29 %), d’occupation des logements (près de 20 % l’étant par plus d’un ménage et par plus de 4 personnes), de rotation importante tant en ce qui concerne les propriétaires que les locataires.

Le commissaire du Gouvernement précise que les copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19] ont fait l’objet :

- d’un plan de sauvegarde signé le 19 janvier 2010 entre l’Etat, le Département 93 et la commune de [Localité 17], qui avait pour objectif de résorber les impayés de charges, de réaliser des travaux urgents et des mises aux normes, de lutter contre les marchands de sommeil, d’individualiser les réseaux de fluides des différents bâtiments, de réaliser des travaux de rénovation énergétique ; il a pris fin en 2015 ;

- d’une opération de requalification des copropriétés dégradées du quartier dit du [Adresse 14], selon un décret n° 2015-99 en date du 28 janvier 2015 déclarant ladite opération d’intérêt national ; la mise en oeuvre de l’opération a été confiée à l’EPFIF ;

- d’un nouveau plan de sauvegarde pour une durée de cinq ans, institué par l’arrêté préfectoral n° 2017-2399 du 11 septembre 2017.

Il ajoute que la copropriété fait l’objet d’une administration judiciaire, en raison d’un important arriéré de charges.

Sur le bien exproprié

Les consorts [E]-[C] étaient propriétaires du lot n°2414, correspondant à un emplacement de stationnement extérieur portant le n°467 et rattaché au bâtiment 4 au sein de la copropriété du [Adresse 16].

Les emplacement de stationnement sont situés à l’avant du bâtiment 4 de la copropriété, [Adresse 1] à [Localité 17] ; ils sont à ciel ouvert et ne bénéficient d’aucun aménagement particulier.

Ils sont accessibles depuis [Adresse 18] par une voie goudronnée en forme de U et dans un état général d’usage, le revêtement de sol étant dégradé par endroits.

Les emplacements de stationnement se situent en bataille tout autour et au centre de ce U, séparés par un terre plein central gazonné, arboré et jonché par endroits de quelques détritus.

Le marquage au sol et la numérotation des emplacements sont à peine visibles, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer la localisation de chaque emplacement de stationnement.

Sur la situation locative

Les parties évaluent l’emplacement de stationnement en valeur libre.

Le bien est libre de toute occupation et sera évalué comme tel.

Sur la méthode d'évaluation

L’EPFIF et le commissaire du Gouvernement emploient de manière concordante la méthode d’évaluation par comparaison.

Les consorts [E] - [C] contestent une évaluation selon cette méthode. Ils expliquent qu’en reprenant par définition des jugements antérieurs, la méthode d’évaluation dite par comparaison avec des cessions de biens de même nature tente à comprimer les prix vers le bas. Ils estiment que le commissaire du Gouvernement le reconnaît en proposant une augmentation de l’offre de l’autorité expropriante.

Toutefois, en l’espèce, les consorts [E]-[C] ne proposent pas d’autres méthodes d’évaluation du bien à la place de la méthode dite par comparaison.

Par conséquent, la méthode consistant à comparer les biens à évaluer à des cessions de biens équivalents qui ont eu lieu dans la période récente sur le marché immobilier local, sera adoptée pour être adaptée à l’espèce.

L’évaluation de l’emplacement de stationnement se fera en intégrant les parties communes.

Sur l’indemnité principale

L’indemnité principale de dépossession correspond à la valeur vénale de l’emplacement de stationnement extérieur et des tantièmes des parties communes de la copropriété, associés à ce lot.

La valeur du bien dont les consorts [E]-[C] est dépossédé sera déterminée par comparaison entre, d’une part, la consistance des biens présentés à titre de termes de comparaison et leurs valeurs d’échange et, d’autre part, les caractéristiques des biens à évaluer

Sur les termes de référence proposés par les parties

- Termes de comparaison produits par l’EPFIF (tableaux 1, 2, 3, 4, 5 , 6, 7, 8 et 9 annexés)
(DEM signifie EPFIF)

En application de l’article L 322-8 du code de l’expropriation, sous réserve de l'article L 322-9, le juge tient compte, des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

En l’espèce, l’EPFIF ne produit aucun document permettant d’établir que des accords seraient intervenus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portant sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou avec les deux tiers au moins des propriétaires et portant sur la moitié au moins des superficies concernées.

Dès lors, les dispositions de l’article L 322-8 du code de l’expropriation ne s’appliquent pas. Les cessions de biens situées dans la copropriété du [Adresse 16] produites à titre de termes de comparaison ne seront pas prises pour base de la détermination de la valeur du lot n°2419 mais seront prises en compte au même titre que les autres termes de comparaison versés aux débats.

L’EPFIF produit aux débats 147 termes de comparaison correspondant à :

- 111 ventes à l’EPFIF réalisées entre 2017 et 2022 d’appartements comprenant principalement comme accessoires une cave et un emplacement de stationnement et situés dans les bâtiments B3, B4 et B10 de la copropriété du [Adresse 16] à [Localité 17], en :
.mauvais état (DEM n° 1 à 7 - tableau 1 ; DEM n°110 et 111 - tableau 6) ;
.état moyen (DEM n° 8 à 21 - tableau 2 ; DEM n°89 à 109 - tableau 6) ;
.bon état (DEM n° 22 à 29 - tableau 3 ; DEM n°64 à 88 - tableau 6 ) ;
.très bon état (DEM n° 30 et 31 - tableau 4 ; DEM n°61 à 63 - tableau 6),

- 19 cessions de parking extérieurs sur les copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19] entre 2019 et 2021 dont la valeur moyenne est de 3.200€ / l’emplacement de stationnement (DEM n° 112 à 129 - tableau 7, annexé à la présente décision)

-18 jugements rendus par le tribunal judiciaire de Bobigny en 2016 dans le cadre de la procédure d’expropriation d’emplacements de stationnement extérieurs dépendant des copropriétés du [Adresse 16] ainsi que de [Adresse 19] à [Localité 17].La moyenne de ces 18 termes dont la valeur moyenne est de 3.200€ / l’emplacement de stationnement. (DEM n° 130 à 147 - tableau 8, annexé à la présente décision)

L’EPFIF mentionne par ailleurs les termes de comparaison relatifs à des emplacements de stationnement produits par le commissaire du Gouvernement dont la valeur moyenne est de 3.413,13 € / l’emplacement de stationnement. (DEM n° 148 à 150 - tableau 9, annexé à la présente décision)

L’EPFIF offre, en l’espèce, une valeur de 3.520 € qui est supérieure aux moyennes ci-dessus.

Les consorts [E]-[C] et le Commissaire du Gouvernement ne formulent aucune critique à l’égard des termes proposés par l’EPFIF.

En l'espèce, pour déterminer la valeur du bien des consorts [E] :

- Parmi les 147 références citées par l’EPFIF, les 111 termes de comparaison concernant les ventes à l’EPFIF réalisées entre 2017 et 2022 d’appartements comprenant principalement comme accessoires une cave et un emplacement de stationnement et situés dans les bâtiments B3, B4 et B10 de la copropriété du [Adresse 16] à [Localité 17] ne sont pas retenus, car ils sont tous relatifs à des ventes d’appartements avec leurs accessoires (cave et emplacement de stationnement), de sorte que la consistance et les caractéristiques du bien ne sont pas équivalentes.

- Parmi les 147 références citées par l’EPFIF relatifs à des emplacements de stationnement, seuls les termes de comparaison DEM n° 112 à 129, d’une valeur de 3.200 € par emplacement de stationnement, seront retenus pour servir la comparaison, s’agissant de ventes récentes de biens comparables au bien à évaluer. Les termes de référence DEM n°130 à 147 seront écartés s’agissant de décisions judiciaires anciennes, datant du 27 septembre 2016.

Il convient de souligner que les termes DEM n°112/CG n°2, DEM n°116/CG n°3, DEM n°117/CG n°4, DEM n°125/CG n°5, DEM n°124/CG n°6, DEM n°129/CG n°7, DEM n°148/CG n°10, DEM n°149/CG n°11 et DEM n°150/CG n°12 sont respectivement identiques.

- Termes de comparaison cités par le commissaire du Gouvernement (tableaux 10, 11 et 12 annexés)

(CG signifie commissaire du Gouvernement)

Le commissaire du Gouvernement cite 12 termes de comparaison :

- 7 termes de comparaison (CG n° 1 à 7 – Tableau n°10, annexé à la présente décision), correspondant à des cessions récentes et amiables de parkings extérieurs au sein des copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19], dont la valeur moyenne est de 3.200 €/l’emplacement de stationnement ; étant observé que le terme de comparaison CG n°7 est relatif à la vente de deux places de stationnement ;

- 2 termes de comparaison (CG n° 8 et 9 – Tableau n°11, annexé à la présente décision), correspondant à cessions récentes et amiables d’emplacement de stationnement au sein de copropriétés voisines, dont la valeur moyenne est de 4.500 €/l’emplacement de stationnement ;

- 3 termes de comparaison (CG n°10 à 12 – Tableau n°12, annexé à la présente décision), correspondant à des jugements rendus par le juge de l’expropriation de Bobigny et fixant la valeur d’emplacements de stationnement situés dans les copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19], dont la valeur moyenne est de 3.413,33 €/l’emplacement de stationnement ;

Le commissaire du Gouvernement retient une valeur de 3.520 € pour un emplacement de stationnement, correspond à la valeur retenue au titre des jugements 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny ou la valeur convenue dans les cessions amiables 2020/2021 majorés de 10%, prenant ainsi en compte l’augmentation des prix depuis les dernières cessions amiables.

L’EPFIF prend acte de ce qu’en dépit de l’absence d’évolution du marché sur la période 2016/2021, la valeur unitaire des emplacements de stationnement a fait l’objet d’une actualisation qui a été retenue par le commissaire du Gouvernement.

Les consorts [E] - [C] ne formulent aucune critique à l’égard des termes proposés par le commissaire du gouvernement.

En l’espèce, pour déterminer la valeur du bien des consorts [E]- [C] :

- Les termes CG n° 1 à 7, échangés entre 2020 et 2021 à une valeur unitaire de 3.200€/l’emplacement de stationnement, ne sont pas retenus s’agissant d’une valeur non actualisée.

- Les termes CG n°8 et 9, échangés en 2021 et 2022 à une valeur moyenne de 4.500€/l’emplacement de stationnement situés dans des copropriétés voisines sont retenus, car il s’agit de biens similaires situés à proximité immédiate des copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19].

- Les termes CG n°10, 11 et 12, échangés en 2021 et 2022 à une valeur moyenne de 3.413,33 €/l’emplacement de stationnement, sont également retenus, car ils correspondent à des biens similaires et situés au sein de la même copropriété.

- Termes de comparaison versés par les consorts [E] - [C]
(DEF = Défendeur à la présente procédure)

Les consorts [E]- [C] ne versent pas aux débats de termes de comparaison de cessions d’emplacement de stationnement. Ils produisent toutefois une étude de marché faite par le prestataire Efficity pour estimer la valeur d’un parking situé à [Localité 17].

L’EPFIF et le commissaire du Gouvernement ne présentent pas d’observation quant à cette étude.

En l’espèce, pour déterminer la valeur du bien des consorts [E]-[C] :
l’étude de marché pour estimer la valeur d’un parking situé à [Localité 17] ne sera pas retenue car elle ne présente aucune cession de biens comparables à une emplacement de stationnement.

Ainsi, pour déterminer le montant de l’indemnité principale revenant aux consorts [E] - [C] au titre de la dépossession de l’emplacement de stationnement extérieur leur appartenant, sont retenus les termes de comparaison suivants :

- les termes DEM n°112 à 129, d’une valeur de 3.200 € par emplacement de stationnement, s’agissant de ventes récentes de biens comparables au bien à évaluer ;

- les termes CG n°8 et 9, d’une valeur moyenne de 4.500 € par emplacement de stationnement, s’agissant de ventes relatives à des emplacements de stationnement extérieurs, libres d’occupation et situés dans une copropriété voisine de celles du [Adresse 16] et de [Adresse 19] ;

- les termes CG n° 10, 11 et 12, d’une valeur moyenne de 3.413,33 € par emplacement de stationnement, s’agissant de jugements relatifs à des emplacements de stationnement extérieur, libres d’occupation, et situés dans les copropriétés du [Adresse 16] et de [Adresse 19] ;

Etant observé que les termes DEM n°112/CG n°2, DEM n°116/CG n°3, DEM n°117/CG n°4, DEM n°125/CG n°5, DEM n°124/CG n°6, DEM n°129/CG n°7, DEM n°148/CG n°10, DEM n°149/CG n°11 et DEM n°150/CG n°12 sont respectivement identiques.

S’agissant des 23 termes de référence ainsi retenus, il convient de souligner :
- que la valeur moyenne de ces 23 termes est de 3.340 € /l’emplacement de stationnement, soit une valeur inférieure à celle proposée par l’EPFIF et le commissaire du Gouvernement

- qu’il est produit aux débats des cessions portant sur des emplacements de stationnement situés dans des copropriétés voisines ; ( CG n°8 et 9)

- qu’il est constaté une première évolution de valeur depuis janvier 2021, date des décisions judiciaires versées par le demandeur et le commissaire du Gouvernement comme terme de comparaison (DEM n°148 à 150 et CG n°10 à 12), après une période sans évolution entre septembre 2016 et janvier 2021.

Au vu de ces éléments, et afin de garantir une cohérence dans l’évaluation des biens expropriés dans le cadre de l’opération en cause, la valeur de l’emplacement de stationnement devra être supérieure à la valeur dégagée par les termes de comparaison retenus.

Toutefois, il y a lieu de tenir compte des facteurs de moins-value suivants :

- la situation du bien au sein d’une copropriété en grande difficulté financière et matérielle ;

- le fait que l’emplacement de stationnement exproprié n’est pas dans un état conforme au standard habituel, se trouvant sur une voie accessible à tous et n’étant pas démarqué au sol.

Au regard, d’une part, des valeurs déterminées ci-dessus, des observations formulées et des caractéristiques du bien à évaluer, il convient de fixer la valeur de l’emplacement de stationnement de la copropriété du [Adresse 16] à la somme de 3.520 €.

Sur l’indemnité de remploi

Aux termes de l'article R.322-5 du code de l'expropriation, l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l’indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l’indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l’acquisition de biens de remplacement.

En l’espèce, ils ont pour base le montant de l’indemnité principale, à savoir 3.520 euros.

Ils sont liquidés comme suit :

20% sur 3.520 euros = 704 euros

Sur l’indemnité pour dépréciation du surplus

En ce qui concerne le commissaire du Gouvernement

Le commissaire du gouvernement ne formule aucune critique.

En ce qui concerne les consorts [E]-[C]

Les consorts [E] -[C] font état :

- d’un avis de valeur en date du 9 novembre 2023 concernant leur appartement de 3 pièces à [Localité 17], d’une superficie de 59m² fixant une valeur entre 100.000 € et 110.000 € ;
- d’une estimation immobilière de la valeur d’un emplacement de parking à [Localité 17] à une somme comprise entre 11.000 € et 12.000 € d’après une étude de marché faite par le prestation Efficity en date du 13 novembre 2023.
- d’un jugement rendu en date du 10 septembre 2019 par le juge de l’expropriation de Bobigny dans lequel une indemnité de dépréciation du surplus consécutive à la dépossession de l’emplacement de stationnement a été fixée à 10% de la somme de 110.000 €, soit 11.000 €.

Les consorts [E] -[C] demandent alors une indemnité pour dépréciation du surplus d’un montant de 11.000 € après application d’un coefficient de 10% basé sur le montant estimé de la valeur de leur appartement avec cave et emplacement de stationnement intégrés de 110.000 €.

En ce qui concerne l’EPFIF

A titre principal, l’EPFIF sollicite le rejet de la demande de dépréciation du surplus.
A titre subsidaire, il souhaite contester le quantum de l’indemnité sollicitée, qu’il s’agisse de la valeur estimée du logement que du taux de calcul.
Il précise qu’une estimation immobilière ne peut servir de référence exploitable car dans le cadre d’une estimation par comparaison, seules peuvent être prises en considération les décisions judiciaires définitives et les mutations effectives.
L’EPFIF souligne qu’en absence de visite, pour l’évaluation des logements, la valeur toujours retenue correspond à un état moyen.
Dès lors, il retient comme valeur unitaire 1.100 € parce qu’elle est conforme à celle des logements “ état moyen”, soit une valeur du logement de 56.000 € ( 1.100 € x 56 m²). En outre, il propose au juge de faire application d’un coefficient de 5% en conformité avec celui retenu par la Cour d’Appel de Paris.

En l’espèce, sur le principe d’une indemnité pour dépréciation du surplus, le lot n°2414, en tant qu’emplacement de stationnement, constitue l’accessoire de l’appartement de type F3 avec cave et parking intégrés des consorts [E] - [C]. S’agissant d’un élément de commodité dans une copropriété située dans une commune mal desservie par les transports en commun et au regard des problématiques de sécurité rencontrées dans cette partie de la Seine-Saint-Denis, il est nécessaire de posséder un emplacement de stationnement.

Dès lors, une indemnité pour dépréciation du surplus apparaît justifiée.

Toutefois, aucun terme de référence concernant des cessions réalisées portant sur des appartements avec cave et parking intégré similaires à celui des expropriés n’étant produit, le juge de l’expropriation n’est pas en mesure de fixer le quantum.

Il convient donc de rejeter la demande en fixation de l’indemnité pour le surplus.

Sur l’indemnité totale de dépossession

L’indemnité totale de dépossession foncière à verser par l’EPFIF est en conséquence évaluée à la somme de 4.224 €, soit :

- 3.520 € au titre de l’indemnité principale ;
- 704 € au titre de l’indemnité de remploi ;

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Conformément aux dispositions de l’article L 312-1 du code de l’expropriation, l’EPFIF sera condamnée aux dépens.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

En l'espèce, l’équité commande de condamner l’EPFIF, partie tenue aux dépens, à verser aux consorts [E]-[C] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 21 novembre 2023 ;

- les termes de comparaison produits par l’Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France  ;

- les termes de comparaison versés par le commissaire du Gouvernement ;

FIXE l’indemnité due par l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France aux consorts [E]-[C] au titre de la dépossession du lot n°2414 (emplacement de stationnement) du bâtiment 4 de la copropriété du [Adresse 16] [Adresse 1] à [Localité 17] à la somme de 4.224 € (quatre mille deux cent vingt-quatre euros ), en valeur libre, se décomposant comme suit :
- 3.520 €, au titre de l’indemnité principale ;
- 704 €, au titre de l’indemnité de remploi ;

CONDAMNE l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France aux dépens ;

CONDAMNE l’Etablissement Public Foncier d’Île-de-France à payer aux consorts [E]-[C] la somme de 3.000 € (trois mille euros) en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

Cécile PUECH

Greffier
Rémy BLONDEL

Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 3
Numéro d'arrêt : 23/00132
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;23.00132 ?
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