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04/06/2024 | FRANCE | N°23/01640

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 23 / proxi fond, 04 juin 2024, 23/01640


TRIBUNAL DE PROXIMITE
D’AUBERVILLIERS
Square Stalingrad
93300 AUBERVILLIERS

Téléphone : 01 48 33 76 38

@ : civil.tprx-aubervilliers@justice.fr




REFERENCES : N° RG 23/01640 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YIYI

Minute : 457/24







S.A. BNP PARIBAS
Représentant : Me [G], avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 255



C/


Monsieur [M] [J]










Copie exécutoire délivrée à :

Me Guillaume METZ

Copie certifiée conforme délivrée à :


Monsieur [M] [J]

Le


JUGEMENT






Jugement rendu et mis à disposition au greffe du tribunal de proximité d’Aubervilliers en date du 04 Juin 2024;

par Madame Manon SURCIN, juge placée statuant en...

TRIBUNAL DE PROXIMITE
D’AUBERVILLIERS
Square Stalingrad
93300 AUBERVILLIERS

Téléphone : 01 48 33 76 38

@ : civil.tprx-aubervilliers@justice.fr

REFERENCES : N° RG 23/01640 - N° Portalis DB3S-W-B7H-YIYI

Minute : 457/24

S.A. BNP PARIBAS
Représentant : Me [G], avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 255

C/

Monsieur [M] [J]

Copie exécutoire délivrée à :

Me Guillaume METZ

Copie certifiée conforme délivrée à :

Monsieur [M] [J]

Le

JUGEMENT

Jugement rendu et mis à disposition au greffe du tribunal de proximité d’Aubervilliers en date du 04 Juin 2024;

par Madame Manon SURCIN, juge placée statuant en qualité de juge des contentieux de la protection assistée de Madame Gabrielle DERNY, greffière ;

Après débats à l'audience publique du 02 Avril 2024 tenue sous la présidence de Madame Manon SURCIN, juge des contentieux de la protection, assistée de Madame Gabrielle DERNY, greffière ;

ENTRE DEMANDEUR(S) :

S.A. BNP PARIBAS, dont le siège social se situe 16 Boulevard des Italiens - 75009 PARIS
représentée par Me Guillaume METZ, avocat au barreau de VERSAILLES

D'UNE PART

ET DÉFENDEUR(S) :

Monsieur [M] [J], demeurant 70 rue du Moutier - 93300 AUBERVILLIERS
non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 4 décembre 2020, la SA BNP PARIBAS a consenti à M. [M] [J] un prêt personnel d’un montant de 11000 euros, remboursable par 60 mensualités de 205,87 euros, hors assurance au taux nominal conventionnel de 4,66%.

Par courrier recommandé en date du 8 mai 2022, la SA BNP PARIBAS a mis en demeure M. [M] [J] de s’acquitter des échéances impayées.

Par courrier recommandé en date du 30 mai 2022, la SA BNP PARIBAS a notifié au défendeur la déchéance du terme.

Par acte de commissaire de justice du 28 septembre 2023, la SA BNP PARIBAS a fait citer M. [M] [J] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal de Proximité d'Aubervilliers aux fins de, avec exécution provisoire de droit :
DATA crédit testÿFeuille1
- à titre principal, constater la déchéance du terme du contrat de crédit,
- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit ,
- en tout état de cause, condamner M. [M] [J] au paiement de la somme de 9450,64 euros outre intérêts au taux de 4,66% à compter du 30 mai 2022, comprenant 651,07 euros à titre d'indemnité représentant 8 % du capital restant dû,
- 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

L’affaire a été retenue à l’audience du 2 avril 2024.

A l'audience, la SA BNP PARIBAS maintient toutes ses demandes.

M. [M] [J], cité selon procès-verbal de recherches en les formes prévues par l'article 659 du code de procédure civile, ne comparaît pas.

A cette audience, le juge a soulevé d’office l’éventuelle irrecevabilité des demandes en paiement au regard de la forclusion éventuellement acquise, de la régularité de la déchéance du terme considérée et des moyens relatifs aux irrégularités de la convention sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts.

L'affaire a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et il n’est fait droit à la demande que dans la mesure où elle apparaît régulière, recevable et bien fondée.

Le crédit litigieux est soumis aux dispositions des articles L.311-1 et suivants du Code de la Consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur le 1er mai 2011 de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde.
En vertu de l’article R.632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.
Sur la recevabilité de l’action
Sur la forclusion
L'article R.312-35 du code de la consommation dispose qu'à peine de forclusion, les actions en paiement engagées devant le tribunal judiciaire à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance.
Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé.
En l'espèce, il ressort de la vérification des relevés de compte et du dossier fournis en demande que la créance n’est pas affectée par la forclusion. L’action en paiement est donc recevable.
Sur la déchéance du terme
Conformément à l’article 1225 du code civil, la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
Si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Cette règle est d’application générale pour tout prêt de somme d’argent, dont les prêts à la consommation.
En l’espèce, les stipulations contractuelles ne font pas référence à la nécessité d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, mais elles ne l’excluent pas expressément.
Or, la SA BNP PARIBAS justifie avoir adressé à M. [M] [J] une mise en demeure préalable à la déchéance du terme par courrier recommandé avec accusé de réception.
Il convient donc de constater l’acquisition de la déchéance du terme.
Sur la demande en paiement
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels et frais
Par application de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier (FICP) prévu à l'article L.751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L.751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L.511-6 ou au 1 du I de l'article L.511-7 du code monétaire et financier.

Il incombe au créancier qui réclame l'exécution d'un contrat d'en établir la régularité au regard des textes d'ordre public sur la consommation, et donc de prouver qu'il a bien procédé à la vérification de la solvabilité en exigeant les pièces justificatives nécessaires.

De simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives.

L’article L. 341-2 du même code prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l'espèce, le prêteur justifie avoir consulté le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) et produit la fiche d'évaluation sommaire prévue par l’article L.312-17 du code de la consommation, fiche qui ne fait, comme le précise cet article, que contribuer à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur.

Cependant, en ne produisant aucune pièce justificative complémentaire relative à la situation financière de l’emprunteur, le prêteur ne justifie pas avoir vérifié la solvabilité de ce dernier avant la conclusion du contrat à partir d'un nombre suffisant d'informations.

Compte tenu de l’historique des paiements et du nombre de mensualités impayées, ce manquement justifie le prononcé d’une déchéance totale du droit aux intérêts.

La SA BNP PARIBAS sera en conséquence intégralement déchue de son droit aux intérêts contractuels à compter de la date de conclusion du contrat.

Sur la déchéance du droit aux intérêts légaux

Bien que déchu de son droit aux intérêts, le prêteur est fondé, en vertu de l’article 1231-7 du code civil, à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt légal étant majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.

Cependant, la Cour de Justice a édicté le principe selon lequel “le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre initiative, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci” (CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, Simmenthal).

Or, l’article 23 de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédits aux consommateurs dispose que les Etats membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées, et que les sanctions soient “effectives, proportionnées et dissuasives”.

Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12, LCL / [V] [S]) a jugé que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal si “les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations”.

La Cour de Justice a ainsi ajouté que, “si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif”, et qu’il appartient à la juridiction saisie “de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation”.

En l’espèce, il résulte des pièces produites que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci aurait pu bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêt pas de caractère effectif et dissuasif.

Dès lors, afin d’assurer le respect de la directive précitée, et du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient de ne pas faire application de l’article 1231-7 du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, en prévoyant que la somme restant due en capital ne portera pas intérêt, fût ce au taux légal.

Sur le montant de la créance principale

Compte tenu des développements précédents, il sera déduit du montant total des financements octroyés, soit en l’espèce 11000 euros, le montant des versements effectués depuis l’origine tels qu’ils figurent dans le décompte produit par la SA BNP PARIBAS, soit la somme de 3181,42 euros.

Dès lors, il convient en conséquence de condamner M. [M] [J] au paiement de la somme de 7818,58 euros.

Sur la clause pénale

Il résulte de l’article 1231-5 du code civil que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

En l’espèce, la somme réclamée au titre de la clause pénale apparaît manifestement excessive compte tenu, d'une part, de l’intérêt que l’exécution partielle du contrat a déjà procuré au créancier et, d’autre part, du partage de responsabilité entre les parties concernant le préjudice généré par le retard de paiement, l’établissement de crédit ayant fait preuve de négligence lors de l’accomplissement des formalités nécessaires à la souscription du crédit.

Il y a donc lieu d’en réduire le montant à 0 euros de rejeter les demandes de la SA BNP PARIBAS au paiement de celle-ci.

Sur les mesures de fin de jugement

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

M. [M] [J], en tant que partie perdante, supportera les dépens.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il résulte des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

Compte tenu du déséquilibre des situations économiques respectives des parties, il convient de débouter la SA BNP PARIBAS de sa demande fondée sur l’application de l’article précité.

Sur l'exécution provisoire

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l’espèce, compte tenu de la nature du litige et en l’absence de dispositions légales contraires, l’exécution provisoire est de droit

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

CONDAMNE M. [M] [J] à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 7818,58 euros, à l'exclusion de l'application du taux d'intérêt légal,

DEBOUTE la SA BNP PARIBAS de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [M] [J] aux dépens de l'instance,

RAPPELLE que le bénéfice de l’exécution provisoire est de droit.

LA GREFFIERELA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 23 / proxi fond
Numéro d'arrêt : 23/01640
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;23.01640 ?
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